Focus on the Belgian economy Economic Research L’économie belge en terrain inconnu ! Philippe Ledent Economic Research, ING Belgique Bruxelles (32) 2 547 31 61 [email protected] Avril 2009 • • La crise économique qui frappe l’économie mondiale est certainement la plus grave depuis la seconde guerre mondiale. Le dernier trimestre de 2008 s’est par ailleurs soldé en Belgique par une contraction record de l’activité de pas moins de 1,7%. Les premières statistiques disponibles pour cette année montrent une dégradation supplémentaire de la situation économique. • La récession mondiale et les pertes de part de marché à l’exportation au cours des dernières années affecteront le commerce extérieur belge, dont la contribution nette à la croissance sera négative en 2009, tout comme au cours des deux années précédentes. • Malgré une hausse du pouvoir d’achat des ménages cette année, la demande intérieure ne sera pas en mesure de compenser les mauvaises performances du commerce extérieur. Privilégiant la hausse de leur taux d’épargne, les ménages contracteront leurs dépenses de consommation de l’ordre de 0,7% en 2009. De leur côté, faisant face à des capacités excédentaires et à une demande en baisse, les entreprises réduiront leurs investissements de 5,8%. • • • Seules les dépenses publiques amortiront le choc, mais au prix d’un retour de l’effet boule de neige sur la dette publique dès cette année. En l’absence de réformes structurelles, on ne peut que confirmer les scénarios alarmistes du Conseil supérieur des Finances. Compte tenu de la faible activité, l’emploi devrait se contracter de plus de 65.000 unités cette année, et le taux de chômage harmonisé pourrait atteindre 8.0% en moyenne en 2009. Les seuls points positifs dans ce tableau sombre sont d’une part l’évolution des prix qui devrait écarter pour le moment un scénario de déflation en Belgique. L’inflation sera néanmoins très contenue en 2009, de l’ordre de 0,6%. D’autre part une lente reprise devrait s’amorcer en 2010, grâce aux effets positifs des plans de relance au niveau mondial. Le marché du travail souffrira néanmoins encore des effets de la crise. Au total, la croissance en Belgique sera limitée à 0,2% l’année prochaine. http://www.ingwholesalebanking.com Bloomberg: ING <GO> Prévisions pour l’économie belge 2008 2009 PIB (1) 1,1 -2,7 Emploi (1) 1,6 -0,6 Taux de chômage (2) 7,1 8,0 Inflation (3) 4,5 0,6 (1) Moyenne annuelle - YoY (2) Moyenne annuelle -Définition Eurostat (harmonisé) (3) Indice des prix à la consommation Les indicateurs avancés de l’OCDE s’écrasent… 12 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 -8 -10 jan-05 jul-05 jan-06 Eurozone j ul-06 jan-07 jul-07 United States jan-08 jul-08 Belgium Source: Thomson Financial Datastream Focus on the Belgian economy 2 On l’a suffisamment répété, la crise qui touche l’économie mondiale est tout à fait exceptionnelle. La combinaison d’une crise financière et d’une crise économique plongent les économies dans une récession d’ampleur inconnue depuis la seconde guerre mondiale. La Belgique, petite économie très ouverte, tant sur le plan commercial que financier, n’échappe évidemment pas aux problèmes de l’économie mondiale. Bien que le choc soit d’une ampleur inédite, nous restons cependant convaincus que l’économie mondiale, et belge en particulier, ne devrait pas entrer en dépression. 1. Les six derniers mois ont été éprouvants. L’économie belge, qui n’avait pas encore connu de contraction de son activité jusqu’en septembre, a subi un atterrissage brutal au dernier trimestre (contraction de 1,7% QoQ), à l’image de la chute de l’indicateur de confiance des entrepreneurs belge (Graphique 1). Cette baisse est due principalement à une contribution négative du commerce extérieur (-1,1 point de pourcentage) et des stocks (-0,4 point). On notera cependant que la consommation s’est également réduite de 0,4% QoQ au dernier trimestre de 2008, de même que les investissements des entreprises et des ménages (voir tableau 1). Gr 1 La croissance belge est largement passée dans le rouge 3.5% 10 3.0% 5 2.5% 0 2.0% -5 1.5% Tableau 1. Croissance du PIB et de ses principales composantes (QoQ, en %) 2008 Q2 2008 Q3 2008 Q4 Consommation privée 0,1 0,0 -0,4 Consommation publique 0,4 0,4 1,0 FBCF 1,1 -0,6 -0,6 1,5 -1,0 -0,4 Demande intérieure (hors stock) 0,4 -0,1 -0,4 Exportations nettes (1) -0,3 -0,6 -1,0 PIB 0,3 0,1 -1,7 -10 1.0% -15 0.5% -20 0.0% dont entreprises -25 -0.5% -30 -1.0% -35 -1.5% 04 05 06 Cr oissance PIB (YoY - lhs) Source: ICN et Belgostat 07 08 09 Courbe synthétique BNB (rhs) (1) contribution à la croissance Source: ICN En tout début d’année 2009, de nouveaux éléments ont par ailleurs encore dégradé le contexte économique mondial : - D’une part, une nouvelle vague a frappé le monde financier lors de la publication des comptes trimestriels des institutions financières pour le quatrième trimestre de 2008. Les dépréciations d’actifs ont dégradé les bilans de nombreuses entreprises, ce qui a nécessité de nouvelles interventions des autorités. Parallèlement, la réappréciation globale des risques freine l’accès au crédit et rend les marchés financiers nerveux. - D’autres part, les pays d’Europe de l’Est, dont les devises ont été mises sous pression, semblent du moins pour certains d’entre eux, particulièrement fragiles face à la crise économique et financière. Ceci n’est pas anodin compte tenu du fait que ces pays représentent des partenaires commerciaux de choix pour les pays de la zone Euro. Ce ne sont pas moins de 25% des exportations hors zone euro qui leur sont destinées, ce qui représente quand même 3 à 4 % du PIB de la zone euro. Par ailleurs, l’exposition de banques européennes dans ces pays pourrait fournir un canal de contagion vers les pays de la zone euro. D’une manière générale, la plus grande fragilité affichée par les pays émergents constitue un risque pour le contexte économique mondial. - Enfin, les incertitudes quant à la capacité des plans de relance à produire les effets escomptés se sont encore renforcées. Certes, les interventions sont à la mesure de la crise, mais elles posent Focus on the Belgian economy 3 aussi autant de nouveaux défis pour les états : augmentation drastique des ratios d’endettement, tension sur la cohésion de la zone euro, capacité à faire face au vieillissement de la population,… Ces éléments nous ont poussés à réviser nos perspectives de croissance pour l’économie belge à la baisse. La récession sera certainement plus profonde que prévu initialement, mais surtout, la reprise ne devrait pas intervenir avant l’année prochaine, bien que le rythme de contraction devrait ralentir fortement à partir du troisième trimestre. Cette révision de notre scénario se fonde sur deux éléments fondamentaux, exposés dans les deux sections suivantes : d’une part, le commerce international souffre particulièrement de la crise actuelle. Or l’économie belge est fortement tributaire de celui-ci. D’autre part, la demande intérieure n’offrira pas un moteur suffisant à la croissance économique. 2. Commerce extérieur : la plus grande crainte La Belgique est caractérisée par un degré d’ouverture particulièrement élevé. Les échanges commerciaux fondent donc une bonne part de notre activité. Or le ralentissement mondial provoque une contraction très nette des échanges mondiaux. Certes, la grande majorité de nos exportations partent en direction des pays de la zone euro (75% environs dans le cas du commerce de marchandises) et de nos voisins en particulier (50% vers l’Allemagne, la France et les Pays-Bas). Ceci ne représente pas une protection : les perspectives économiques de ces marchés sont pessimistes, notamment parce que le commerce extérieur de ces pays (auquel nous participons indirectement) ne contribuera plus à la croissance. C’est particulièrement le cas des exportations allemandes, auquelles nos exportation sont fortement liées (graphique 2). On a pu également observer au cours des dernières années une dégradation des parts de marchés à l’exportation de l’économie belge, ce qui devrait encore renforcer les effets de la crise économique sur nos exportations. Gr 2 Les exportations belges sont fortement liées aux exportations allemandes Gr 3 Les carnets de commandes à l’exportation se vident 3 35% 30% 2 25% 1 20% 15% 0 10% -1 5% 0% -2 -5% -3 -10% 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 Belgique: Exportations de biens (YoY) 08 -4 04 Allemagne: exportations de biens (YoY) Source: Thomson Financial Datastream 05 06 07 08 09 Carnet de commandes à l'export. (m cr) Source: Belgostat Ces perspectives sont confirmées dans les enquêtes de conjoncture de la BNB (graphique 3). Dans le secteur industriel, l’appréciation du carnet de commandes à l’exportation, qui s’était pourtant bien maintenu jusqu’à la mi-2008, atteint à présent un niveau particulièrement faible et inférieur au précédent record de 1993. Par conséquent, les exportations qui ont encore augmenté de 2,2% en 2008 (après une augmentation de 3,9% en 2007), principalement en raison des bons chiffres du début de l’année passée, devraient se replier de 8,3% cette année. Sachant par ailleurs que les importations, fortement liées à l’évolution des exportations elles-mêmes, mais aussi à l’évolution de la demande intérieure (voir infra), devraient se contracter de 7,2% cette année, la contribution nette du commerce extérieur s’avèrera aussi négative Focus on the Belgian economy 4 cette année, tout comme l’année dernière. En 2010, à la faveur d’une timide reprise de la croissance mondiale grâce aux plans de relance implémentés dans l’ensemble de l’économie mondiale, les exportations pourraient retrouver une croissance positive, de l’ordre de 0,5%. La contribution nette du commerce extérieur devrait en profiter et s’avérer légèrement positive. 3. La demande intérieure vacille…et une contraction de l’activité est inévitable Toute compensation au manque d’activité lié au commerce international devrait donc venir de la demande intérieure. A première vue, la consommation des ménages aurait pu soutenir la demande intérieure, grâce aux mesures prises par le gouvernement dans le cadre du plan de relance, à la baisse des prix des matières premières et à l’indexation automatique des salaires suite à la poussée d’inflation en 2008. Il n’en sera pourtant rien, en raison de plusieurs éléments ayant un impact très négatif sur la consommation : - Tout d’abord, l’évolution du marché de l’emploi sera très défavorable, ce qui ralentit la progression du revenu disponible des ménages (voir ci-dessous). - De plus, bien que l’effet richesse lié à l’évolution du patrimoine immobilier et financier des ménages soit moins important dans les pays européens qu’aux Etats-Unis, l’ampleur de la débacle des marchés financiers (estimée à 150 milliards d’euros pour les épargnants belges par la BNB) devrait avoir un impact plus important que par le passé. - Enfin, le moral des ménages demeure très mauvais (graphique 4). Les craintes des consommateurs se focalisent notamment sur le marché de l’emploi. Or on sait que les incertitudes quant à l’avenir pousse les ménages à renforce leur épargne de précaution. La hausse attendue du revenu disponible des ménages qui devrait atteindre 2,0% compte tenu des hausses de salaires décidées dans le cadre de l’AIP et les indexations passées des salaires devrait donc se traduire par une hausse du taux d’épargne et non par une hausse des dépenses de consommation. Par conséquent, nous nous attendons à une contraction de la consommation des ménages de 0,7% cette année. Par contre, après avoir atteint un minimum de 12,9% en 2008, le taux d’épargne devrait se relever à 14,2% (graphique 5). En 2010, la situation devrait évoluer différemment. L’impact de la crise sur le marché de l’emploi continuera de se faire sentir, alors que l’indexation des salaires sera plus faible compte tenu de la faiblesse de l’inflation prévue cette année. Par contre, les premiers éléments de reprises devraient être tangibles, si bien que le moral des consommateurs se relèvera peu à peu, stimulant quelque peu la consommation. Elle devrait progresser de 0,3%, au prix d’une nouvelle baisse du taux d’épargne (13,5%). Focus on the Belgian economy Gr 4 Le moral des ménages est au plus bas… 4 5 Gr 5 …ce qui les incitera à augmenter leur taux d’épargne 17% 3 16% 2 15% 1 0 14% -1 13% -2 -3 12% -4 04 05 06 Situation économique future Capacité futue d'épargne Source: Belgostat 07 08 Chômage futur 09 11% 10% 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Source: INC et Belgostat. Calculs et prévision : ING Les mêmes éléments pèseront sur l’investissement en logement des ménages, qui devrait également connaître une contraction, du moins cette année. L’évolution des permis de bâtir, qui est un bon indicateur avancé des mises en chantier, confirme par ailleurs une activité moindre dans le secteur de la construction (graphique 6). Cela dit, rappelons que ce secteur a été privilégié dans la confection du plan de relance décidé en décembre dernier. La réduction de la TVA sur 50 000 euros du coût de la construction devrait éviter que l’activité ne recule trop, du moins temporairement. Il faudra par contre que l’efficacité de cette mesure se confirme dans le temps. Nous prévoyons une contraction de l’investissement en logement des ménages de 3,2% cette année. En 2010, la situation économique nous semble encore trop fragile pour anticiper une nette reprise de ce poste de la demande. En conséquence, l’investissement devrait encore reculer de 1,0%. L’investissement des entreprises subira une correction beaucoup plus forte dans les deux prochaines années. Rappelons d’abord que le taux d’investissement (calculé comme le rapport entre l’investissement productif et le PIB) a atteint des sommets au cours des dernières années : il est passé de 12% en 2004 à plus de 15% en 2008. Pour cette année, les entreprises devraient nettement réduire leurs investissements. En effet, les perspectives de demandes sont au plus bas, et ce dans tous les secteurs de l’économie. Par ailleurs, dans le secteur industriel, le taux d’utilisation des capacités de production s’est fortement réduit : alors qu’il atteignait encore 82,5% il y a 6 mois, il n’est plus que de 75,4% en février. De plus, dans le cadre d’une réappréciation globale du risque, les conditions de financement pour les entreprises vont rester relativement tendue. On notera à ce sujet qu’il n’est pour le moment pas question d’un credit crunch au niveau belge. Les dernières enquêtes MIR montrent toujours une progression de plus de 15% sur un an en février des montants octroyés aux entreprises. Et même si en rythme mensuel, l’octroi de crédit est en baisse, une récente étude menée par la Banque nationale montre que la raison en est tant une diminution de l’offre de crédit qu’une diminution de la demande. Il faut donc davantage parler d’une sélection plus stricte des projets d’investissements, mais non d’un arrêt du crédit ! La faiblesse actuelle des prix de l’énergie devrait également jouer un rôle négatif sur le taux d’investissement des entreprises: les investissements permettant l’économie d’énergie ou l’avènement d’énergie alternatives devraient être posposés. C’est pourquoi nous anticipons une baisse des investissements de 5,8% cette année et de 1,7% en 2010, ce qui devrait ramener le taux d’investissement à 14% à l’horizon de 2010. Focus on the Belgian economy Gr 6 Le nombre de permis de bâtir stagne en fin d’année 2008…et les mises en chantier fléchissent 6 6 Gr 7 Les taux d’investissements ont atteint leur sommets en 2008 16% 6.0% 5.8% 5.5 15% 5.6% 5.4% 5 14% 5.2% 4.5 5.0% 13% 4.8% 4 12% 4.6% 4.4% 3.5 11% 4.2% 3 4.0% 04 05 06 07 08 09 10% 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 Permis de bâtir (.000 - m m5) Taux d'i nvestissem ent en logement (% PIB - lhs) Bâtiments commencés (.000 - mm5) Taux d'i nvestissem ent des entreprises (% PIB - rhs) Source: Thomson Financial Datastream Source: ICN et Belgostat, calculs: ING Enfin, les dépenses et les investissements du gouvernement apporteront une contribution non négligeable à la croissance au cours de cette année et l’année prochaine. La concrétisation du plan de relance, dont une part est consacrée aux investissements en infrastructure, devrait soutenir leur croissance dès 2009. Néanmoins, compte tenu de la dégradation des finances publiques, nous pensons qu’il sera difficile pour le gouvernement de prendre de nouvelles mesures de relance sans compresser d’autres dépenses. C’est pourquoi dès 2010, la croissance des dépenses gouvernementales, qui atteindra 2,0% en 2009, reviendra à 1,2% en 2010. Les investissements publics devraient subir une évolution similaire. Encadré 1. Et voilà que revient l’effet boule de neige ! A l’heure de décider si de nouvelles mesures de relance peuvent être prises par le gouvernement, on ne peut que rappeler 1 les mêmes principes que nous avions évoqué dans une précédente publication . D’une part, l’impact de toute mesure prise en Belgique est limité par l’ouverture de l’économie. Un plaidoyer pour un plan de relance global au niveau européen serait plus efficace et moins coûteux pour les finances publiques belges que toute mesure qui pourrait être prise unilatéralement. Coordination reste le maître mot ! D’autre part, compte tenu de la dégradation des finances publiques belges, il est impératif que les plans de relance s’accompagnent de mesures structurelles visant le rééquilibrage des finances publiques. Le dernier rapport du Conseil Supérieur de Finances (CSF) est encore venu rappeler très récemment l’importance de ce principe, et la gravité de la situation. Notre exercice de prévision se limitant au court terme alors que le rapport du CSF porte sur un horizon de 2050, les projections ne sont pas entièrment comparables. Elles arrivent cependant globalement au même constat. Concernant nos projections, et compte tenu de nos hypothèses de croissance : - L’effet boule de neige sur la dette publique est inévitable à partir de 2009. Pour rappel, l’effet boule de neige peut se définir comme une croissance endogène (« automatique ») du rapport entre la dette et le PIB. En effet, compte tenu des hypothèses de croissance du PIB et de taux d’intérêt (et donc de charge dintérêt), on peut calculer quel est le solde primaire (recettes moins dépenses de l’Etat AVANT paiement de la charge d’intérêt) « nécessaire » à une stabilisation du taux d’endettement. Si le solde primaire effectif est inférieur au solde primaire « nécessaire », le seul fait de payer la charge d’intérêt augmente le ratio d’endettement, et l’effet boule de neige est enclenché. En 2009, le solde primaire nécessaire à stabiliser la dette serait de 5,5% du PIB. Effectivement, il ne sera que de 0,9%. 1 Voir le Focus on the Belgian Economy : « Le casse-tête des finances publiques ». Focus on the Belgian economy 7 - Par la suite, la continuité de l’effet boule de neige dépend de différents paramètres. Si l’on considère que le retour à une croissance proche du potentiel n’est pas attendu avant 2011, il sera très difficile de corriger le tir d’ici-là. Le solde primaire effectif devrait donc rester inférieur au solde nécessaire, et le ratio d’endettement devrait continuer à progresser. Par la suite, une croissance supérieure soulagera les efforts à entreprendre, mais une réforme structurelle des dépenses est inévitable. En l’absence d’une telle réforme, toutes les simulatons fournissent une trajectoire explosive de la dette! En conclusion, compte tenu de l’évolution défavorable du commerce extérieur et du manque de vigueur de la demande intérieure, les perspectives de croissance pour l’économie belge ne sont pas bonnes. Après un dernier trimestre 2008 désastreux, la croissance du PIB devrait encore s’avérer négative au cours des trois premiers trimestres de cette année. Au mieux peut-on envisager une stabilisation de l’activité en fin d’année. Au total, la croissance s’établirait à -2,7% en 2009. L’année 2010 restera en demi teinte. Alors que la contribution du commerce extérieur à la croissance retrouvera un signe positif, la croissance sera encore handicapée par une reprise encore trop timide de la demande intérieure, comme cela a été expliqué ci-dessus. 4. En conséquence, l’emploi souffrira et l’inflation restera au point mort ! Au cours du dernier trimestre de 2008, l’emploi a encore progressé très modestement de quelques 2.000 unités, alors que l’économie belge « créait » encore plus de 20.000 emplois nets au premier trimestre de 2008. Compte tenu du retard que l’on observe entre la dynamique de l’activité et celle de l’emploi (de l’ordre de 6 à 9 mois), le ralentissement des créations nettes devrait laisser la place à une contraction nette de l’emploi, que l’on observait déjà dans le secteur industriel en fin d’année 2008. La forte dégradation des perpectives d’emplois dans les différents secteurs de l’économie le confirme (graphique 8) ; de même que les derniers résultats de l’enquête Manpower sur les intentions d’embauche. On y apprend que la prévision nette d’emploi2 s’est réduite de 4,0% en perspective du deuxième trimestre de 2009. Enfin, l’indice Federgon mesurant l’activité dans le secteur de l’intérim s’inscrit en repli de 22% sur un an en février 2009. Or l’activité dans ce secteur est un bon indicateur de la santé du marché de l’emploi. L’évolution récente du nombre de demandeurs d’emplois va dans le même sens. En mars, La Belgique comptait plus de 536.000 demandeurs d’emploi inoccupés (DEI), soit 43.700 de plus qu’un an auparavant (graphique 9). On notera que toutes les Régions du royaume subissent la même évolution, même si, comme lors des précents ralentissements de l’économie, la Flandre subit le cycle de manière plus dynamique : le nombre de DEI y a déjà augmenté de plus de 18% sur un an en mars, alors que la hausse n’est que de 6,5% à Bruxelles et de 3,4% en Wallonie. Enfin, on sait que le nombre de chômeurs temporaires, liés à la situation économique, n’a cessé d’augmenter, parfois drastiquement, au cours des derniers mois. La progression sur un an atteint même un record de 86% en février 2009. Dans une deuxième phase, lorsque les entreprises sont confrontées à un ralentissement prolongé de l’économie, il est très probable qu’une part de ces chômeurs temporaires subissent les plans de restructuration, ce qui se traduira par des pertes d’emplois supplémentaires. N’oublions enfin pas que nous prévoyons un nombre record de faillites pour cette année, ce qui se traduira également par quelques 35 000 pertes d’emplois3. 2 La prévision nette d’emploi (PNE) est mesurée comme la différence entre le pourcentage d’entreprises projetant d’augmenter leur embauche au cours du deuxième trimestre de cette année et le pourcentage d’entreprises projetant de la diminuer 3 Voir le précédent numéro de Focus on the Belgian economy, intitulé : « 10.000 faillites en Belgique, peut-on encore l’éviter ? » Focus on the Belgian economy Gr 8 Les perspectives d’embauches s’écroulent. 2 1 8 Gr 9 Le chômage repart à la hausse alors que le nombre de chômeurs temporaire explose 70% 9 60% 8.5 50% 8 40% 0 -1 -2 30% 7.5 20% 7 10% 6.5 0% 6 -10% -3 5.5 -20% -30% -4 5 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 -5 05 06 07 08 09 Job seekers (YoY - lhs) T emporary unemploym ent (3M YoY - lhs) Industrie (mcr) constr uction (mcr) Source: BNB Services (m cr) U nem ploym ent rate (rhs) Source: Thomson Financial Datastream, ONEM La crise économique et financière fait également craindre dans de nombreux pays que le spectre de la déflation ne refasse surface. Qu’en est-il réellement, et en Belgique en particulier ? L’inflation des prix à la consommation, qui a atteint 5,9% en juillet 2008 s’est constamment repliée depuis sous l’influence de la baisse des prix pétroliers. En mars, l’inflation atteignait à peine 0,6%. La contribution des prix de l’énergie (carburants, gaz et mazout de chauffage) à l’inflation générale atteint -1,6 point de pourcentage, alors que la contribution de l’inflation sous-jacente est de 2,0 points. Ce contraste montre que l’économie belge est loin d’une situation de déflation, qui est définie comme une baisse généralisée des prix. On remarquera d’ailleurs que parmi les composantes de l’inflation sous-jacente, le prix des services progressent sur un an de 3,1% en mars, portant leur contribution à l’inflation sous-jacente à 1,1 point de pourcentage. Dans ce cas précis, il faudrait plutôt parler de pressions inflationnistes. On peut d’ailleurs y voir une conséquence des fortes indexations des salaires intervenues au cours des derniers mois. Dans les prochains mois, l’inflation générale devrait poursuivre sa décrue, toujours sous l’influence des prix pétroliers (on se souviendra que les prix avait régulièrement augmenté jusqu’en juillet 2008). L’inflation devrait rester négative pendant plusieurs mois. Pour l’ensemble de l’année, nous prévoyons une inflation de 0,6%, ce qui ne devrait pas entraîner de dépassement de l’indice pivot, et donc de déclenchement de l’indexation des salaires. En 2010, l’inflation resterait contenue, de l’ordre de 1.3% sur l’ensemble de l’année, en raison de la reprise très lente de l’économie. 5. En guise de conclusion… On l’aura compris, la situation de l’économie belge n’est pas des plus brillantes. Compte tenu de l’ensemble des données disponibles actuellement, elle traversera même probablement la plus grave crise depuis la seconde guerre mondiale, tant en profondeur (perte d’activité) qu’en durée de la crise (graphique 10). Le scénario présenté ci-dessus doit être considéré comme le plus probable selon notre analyse. Il n’empêche qu’il demeure de nombreuses zones d’incertitude (certainement dans la période actuelle), une série de risques qui, s’ils devaient se matérialiser, nous amènerait à réviser notre scénario dans les prochains mois, à la hausse comme à la baisse. Actuellement, les risques orientés du côté négatif dominent toujours : - Il semble que les prix des produits pétroliers aient atteint leur plancher. Si de nouvelles tensions sur les marchés de matières premières devaient se manifester dès les premiers signes de reprise, elles compromettraient celle-ci en égratignant à nouveau le pouvoir d’achat des ménages. - Les pays émergents s’avèrent plus fragiles dans cette crise qu’on aurait pu le croire. Ils représentent pourtant encore une source de croissance future pour l’économie mondiale, de par leur potentiel de Focus on the Belgian economy 9 croissance mais aussi par leurs réserves accumulées au cours des années précédentes. Si par contre la crise devait s’amplifier dans les pays émergents, et en Europe de l’Est en particulier, cela pourrait avoir un impact négatif supplémentaire sur la croissance des pays européens. - La situation économique des Etats-Unis est désastreuse et reste très déséquilibrée. Les interventions des autorités gonflent par ailleurs à la fois la masse de dollar en circulation ET l’endettement publique. Notre scénario ne considère pas l’éventualité de mouvements de changes important compte tenu de ces développements. Mais il s’agit d’un risque qui doit être envisagé. - Enfin, la sphère financière de l’économie mondiale n’est pas à l’abri de nouveaux troubles. Il va de soit que ceux-ci repousserait le moment de la reprise, compte tenu que le secteur financier est un acteur essentiel de l’économie, dont dépendent aussi les investissements et la consommation des ménages. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune lueur d’espoir ! En dehors d’un mouvement temporaire des stocks qui pourrait modifier le chiffrage de nos prévisions, c’est essentiellement l’impact des mesures et plans de relance qui retient l’attention. Si en plus de leur effet direct sur l’économie, ces mesures devaient redonner la confiance aux consommateurs et aux entreprises, leur impact pourrait être plus important que prévu. De plus, certaines statistiques très récentes en provenance du marché immobilier américain ou des enquêtes de confiance montrent que la situation se dégrade moins qu’il y a quelques mois. Selon notre analyse ces rares éléments sont encore peu significatifs, mais ils pourraient le devenir s’ils se confirmaient dans les prochaines semaines. Il y a donc aussi quelques raisons d’espérer. Faudra-t-il alors accuser les économistes d’un excès de pessimisme ? Non, car c’est précisément le fait d’avoir tiré la sonnette d’alarme qui a déclenché la réaction des autorités porteuses de tant d’espoir aujourd’hui ! Gr 10 La crise actuelle sera certainement la plus forte des trente dernières années Tableau 2. Prévisions pour l’économie belge (taux de croissance annuel, sauf mention contraire) 101 100 99 98 97 96 95 0 1 2 3 4 2008 (p) 5 6 7 1980 8 9 10 11 1992 12 13 14 Consommation privée Consommation publique FBCF dont entreprises Demande intérieure (hors stock) Exportations nettes (1) PIB Population active Emploi Demandeurs d’emplois inoccupés Surplus (+) ou déficit (-) public (2) Prix à la consommation p.m. 2008 (*) 0,8 2,1 4,7 6,9 2,0 -1,2 1,1 0,8 1,6 2009 2010 -0,7 2,0 -4,5 -5,8 -0,9 -1,2 -2,7 0,6 -0,6 0,3 1,2 -1,0 -1,7 0,2 0,1 0,2 0,4 -1,3 -5,2 11,2 11,5 -1,2 -3,4 -4,0 4,5 0,6 1,3 2001 (*) Selon les comptes nationaux détaillés disponibles le 30/03/2009. (1) contribution à la croissance (2) En % du PIB Source: ICN et Belgostat Note : L’axe des abscisses représente le nombre de trimestres suivant la première contraction du PIB lors d’une récession de l’économie belge. Le « profile » de la récession de 2008 correspond aux prévisions ING. Focus on the Belgian economy 10 Disclaimer Les opinions exprimées dans ce rapport sont le reflet exact des opinions personnelles des analystes à propos des titres et des émetteurs cités dans ce document. Aucune tranche de la rémunération des analystes n'a été, n'est ou ne sera directement ou indirectement liée à l'inclusion de recommandations ou opinions spécifiques dans ce rapport. Les analystes qui ont participé à la préparation de cette publication respectent tous les exigences nationales liées à leur profession. Cette publication a été préparée au nom de ING (dans le cas présent ING Groep NV, sis aux Pays-Bas, et certaines de ses filiales et succursales) pour ses clients, uniquement à titre informatif. ING fait partie du Groupe ING (dans le cas présent ING Groep NV et ses sociétés filiales et apparentées). Cette publication ne constitue pas une recommandation de placement ni une offre ou une incitation à acheter ou vendre des instruments financiers. 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