L`économie belge en terrain inconnu

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Focus on the Belgian economy
Economic Research
L’économie belge en
terrain inconnu !
Philippe Ledent
Economic Research, ING Belgique
Bruxelles (32) 2 547 31 61
[email protected]
Avril 2009
•
•
La crise économique qui frappe l’économie mondiale est
certainement la plus grave depuis la seconde guerre mondiale. Le
dernier trimestre de 2008 s’est par ailleurs soldé en Belgique par une
contraction record de l’activité de pas moins de 1,7%.
Les premières statistiques disponibles pour cette année montrent
une dégradation supplémentaire de la situation économique.
•
La récession mondiale et les pertes de part de marché à
l’exportation au cours des dernières années affecteront le
commerce extérieur belge, dont la contribution nette à la croissance
sera négative en 2009, tout comme au cours des deux années
précédentes.
•
Malgré une hausse du pouvoir d’achat des ménages cette année, la
demande intérieure ne sera pas en mesure de compenser les
mauvaises performances du commerce extérieur. Privilégiant la
hausse de leur taux d’épargne, les ménages contracteront leurs
dépenses de consommation de l’ordre de 0,7% en 2009. De leur côté,
faisant face à des capacités excédentaires et à une demande en
baisse, les entreprises réduiront leurs investissements de 5,8%.
•
•
•
Seules les dépenses publiques amortiront le choc, mais au prix d’un
retour de l’effet boule de neige sur la dette publique dès cette
année. En l’absence de réformes structurelles, on ne peut que
confirmer les scénarios alarmistes du Conseil supérieur des
Finances.
Compte tenu de la faible activité, l’emploi devrait se contracter de
plus de 65.000 unités cette année, et le taux de chômage harmonisé
pourrait atteindre 8.0% en moyenne en 2009.
Les seuls points positifs dans ce tableau sombre sont d’une part
l’évolution des prix qui devrait écarter pour le moment un scénario
de déflation en Belgique. L’inflation sera néanmoins très contenue
en 2009, de l’ordre de 0,6%. D’autre part une lente reprise devrait
s’amorcer en 2010, grâce aux effets positifs des plans de relance au
niveau mondial. Le marché du travail souffrira néanmoins encore des
effets de la crise. Au total, la croissance en Belgique sera limitée à
0,2% l’année prochaine.
http://www.ingwholesalebanking.com
Bloomberg: ING <GO>
Prévisions pour l’économie belge
2008
2009
PIB (1)
1,1
-2,7
Emploi (1)
1,6
-0,6
Taux de chômage (2)
7,1
8,0
Inflation (3)
4,5
0,6
(1) Moyenne annuelle - YoY
(2) Moyenne annuelle -Définition Eurostat (harmonisé)
(3) Indice des prix à la consommation
Les indicateurs avancés de l’OCDE
s’écrasent…
12
10
8
6
4
2
0
-2
-4
-6
-8
-10
jan-05
jul-05
jan-06
Eurozone
j ul-06
jan-07
jul-07
United States
jan-08
jul-08
Belgium
Source: Thomson Financial Datastream
Focus on the Belgian economy
2
On l’a suffisamment répété, la crise qui touche l’économie mondiale est tout à fait exceptionnelle. La
combinaison d’une crise financière et d’une crise économique plongent les économies dans une
récession d’ampleur inconnue depuis la seconde guerre mondiale. La Belgique, petite économie très
ouverte, tant sur le plan commercial que financier, n’échappe évidemment pas aux problèmes de
l’économie mondiale. Bien que le choc soit d’une ampleur inédite, nous restons cependant convaincus
que l’économie mondiale, et belge en particulier, ne devrait pas entrer en dépression.
1. Les six derniers mois ont été éprouvants.
L’économie belge, qui n’avait pas encore connu de contraction de son activité jusqu’en septembre, a
subi un atterrissage brutal au dernier trimestre (contraction de 1,7% QoQ), à l’image de la chute de
l’indicateur de confiance des entrepreneurs belge (Graphique 1). Cette baisse est due principalement à
une contribution négative du commerce extérieur (-1,1 point de pourcentage) et des stocks (-0,4 point).
On notera cependant que la consommation s’est également réduite de 0,4% QoQ au dernier trimestre de
2008, de même que les investissements des entreprises et des ménages (voir tableau 1).
Gr 1 La croissance belge est largement passée
dans le rouge
3.5%
10
3.0%
5
2.5%
0
2.0%
-5
1.5%
Tableau 1. Croissance du PIB et de ses principales
composantes (QoQ, en %)
2008 Q2
2008 Q3
2008 Q4
Consommation privée
0,1
0,0
-0,4
Consommation publique
0,4
0,4
1,0
FBCF
1,1
-0,6
-0,6
1,5
-1,0
-0,4
Demande intérieure (hors stock)
0,4
-0,1
-0,4
Exportations nettes (1)
-0,3
-0,6
-1,0
PIB
0,3
0,1
-1,7
-10
1.0%
-15
0.5%
-20
0.0%
dont entreprises
-25
-0.5%
-30
-1.0%
-35
-1.5%
04
05
06
Cr oissance PIB (YoY - lhs)
Source: ICN et Belgostat
07
08
09
Courbe synthétique BNB (rhs)
(1) contribution à la croissance
Source: ICN
En tout début d’année 2009, de nouveaux éléments ont par ailleurs encore dégradé le contexte
économique mondial :
-
D’une part, une nouvelle vague a frappé le monde financier lors de la publication des comptes
trimestriels des institutions financières pour le quatrième trimestre de 2008. Les dépréciations
d’actifs ont dégradé les bilans de nombreuses entreprises, ce qui a nécessité de nouvelles
interventions des autorités. Parallèlement, la réappréciation globale des risques freine l’accès au
crédit et rend les marchés financiers nerveux.
-
D’autres part, les pays d’Europe de l’Est, dont les devises ont été mises sous pression, semblent du
moins pour certains d’entre eux, particulièrement fragiles face à la crise économique et financière.
Ceci n’est pas anodin compte tenu du fait que ces pays représentent des partenaires commerciaux
de choix pour les pays de la zone Euro. Ce ne sont pas moins de 25% des exportations hors zone
euro qui leur sont destinées, ce qui représente quand même 3 à 4 % du PIB de la zone euro. Par
ailleurs, l’exposition de banques européennes dans ces pays pourrait fournir un canal de contagion
vers les pays de la zone euro. D’une manière générale, la plus grande fragilité affichée par les pays
émergents constitue un risque pour le contexte économique mondial.
-
Enfin, les incertitudes quant à la capacité des plans de relance à produire les effets escomptés se
sont encore renforcées. Certes, les interventions sont à la mesure de la crise, mais elles posent
Focus on the Belgian economy
3
aussi autant de nouveaux défis pour les états : augmentation drastique des ratios d’endettement,
tension sur la cohésion de la zone euro, capacité à faire face au vieillissement de la population,…
Ces éléments nous ont poussés à réviser nos perspectives de croissance pour l’économie belge à la
baisse. La récession sera certainement plus profonde que prévu initialement, mais surtout, la reprise ne
devrait pas intervenir avant l’année prochaine, bien que le rythme de contraction devrait ralentir
fortement à partir du troisième trimestre. Cette révision de notre scénario se fonde sur deux éléments
fondamentaux, exposés dans les deux sections suivantes : d’une part, le commerce international souffre
particulièrement de la crise actuelle. Or l’économie belge est fortement tributaire de celui-ci. D’autre part,
la demande intérieure n’offrira pas un moteur suffisant à la croissance économique.
2. Commerce extérieur : la plus grande crainte
La Belgique est caractérisée par un degré d’ouverture particulièrement élevé. Les échanges
commerciaux fondent donc une bonne part de notre activité. Or le ralentissement mondial provoque une
contraction très nette des échanges mondiaux. Certes, la grande majorité de nos exportations partent en
direction des pays de la zone euro (75% environs dans le cas du commerce de marchandises) et de nos
voisins en particulier (50% vers l’Allemagne, la France et les Pays-Bas). Ceci ne représente pas une
protection : les perspectives économiques de ces marchés sont pessimistes, notamment parce que le
commerce extérieur de ces pays (auquel nous participons indirectement) ne contribuera plus à la
croissance. C’est particulièrement le cas des exportations allemandes, auquelles nos exportation sont
fortement liées (graphique 2).
On a pu également observer au cours des dernières années une dégradation des parts de marchés à
l’exportation de l’économie belge, ce qui devrait encore renforcer les effets de la crise économique sur
nos exportations.
Gr 2 Les exportations belges sont
fortement liées aux exportations allemandes
Gr 3 Les carnets de commandes
à l’exportation se vident
3
35%
30%
2
25%
1
20%
15%
0
10%
-1
5%
0%
-2
-5%
-3
-10%
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
06
07
Belgique: Exportations de biens (YoY)
08
-4
04
Allemagne: exportations de biens (YoY)
Source: Thomson Financial Datastream
05
06
07
08
09
Carnet de commandes à l'export. (m cr)
Source: Belgostat
Ces perspectives sont confirmées dans les enquêtes de conjoncture de la BNB (graphique 3). Dans le
secteur industriel, l’appréciation du carnet de commandes à l’exportation, qui s’était pourtant bien
maintenu jusqu’à la mi-2008, atteint à présent un niveau particulièrement faible et inférieur au précédent
record de 1993.
Par conséquent, les exportations qui ont encore augmenté de 2,2% en 2008 (après une augmentation
de 3,9% en 2007), principalement en raison des bons chiffres du début de l’année passée, devraient se
replier de 8,3% cette année. Sachant par ailleurs que les importations, fortement liées à l’évolution des
exportations elles-mêmes, mais aussi à l’évolution de la demande intérieure (voir infra), devraient se
contracter de 7,2% cette année, la contribution nette du commerce extérieur s’avèrera aussi négative
Focus on the Belgian economy
4
cette année, tout comme l’année dernière. En 2010, à la faveur d’une timide reprise de la croissance
mondiale grâce aux plans de relance implémentés dans l’ensemble de l’économie mondiale, les
exportations pourraient retrouver une croissance positive, de l’ordre de 0,5%. La contribution nette du
commerce extérieur devrait en profiter et s’avérer légèrement positive.
3. La demande intérieure vacille…et une contraction de l’activité est inévitable
Toute compensation au manque d’activité lié au commerce international devrait donc venir de la
demande intérieure. A première vue, la consommation des ménages aurait pu soutenir la demande
intérieure, grâce aux mesures prises par le gouvernement dans le cadre du plan de relance, à la baisse
des prix des matières premières et à l’indexation automatique des salaires suite à la poussée d’inflation
en 2008. Il n’en sera pourtant rien, en raison de plusieurs éléments ayant un impact très négatif sur la
consommation :
-
Tout d’abord, l’évolution du marché de l’emploi sera très défavorable, ce qui ralentit la progression
du revenu disponible des ménages (voir ci-dessous).
-
De plus, bien que l’effet richesse lié à l’évolution du patrimoine immobilier et financier des ménages
soit moins important dans les pays européens qu’aux Etats-Unis, l’ampleur de la débacle des
marchés financiers (estimée à 150 milliards d’euros pour les épargnants belges par la BNB) devrait
avoir un impact plus important que par le passé.
-
Enfin, le moral des ménages demeure très mauvais (graphique 4). Les craintes des consommateurs
se focalisent notamment sur le marché de l’emploi. Or on sait que les incertitudes quant à l’avenir
pousse les ménages à renforce leur épargne de précaution. La hausse attendue du revenu
disponible des ménages qui devrait atteindre 2,0% compte tenu des hausses de salaires décidées
dans le cadre de l’AIP et les indexations passées des salaires devrait donc se traduire par une
hausse du taux d’épargne et non par une hausse des dépenses de consommation.
Par conséquent, nous nous attendons à une contraction de la consommation des ménages de 0,7%
cette année. Par contre, après avoir atteint un minimum de 12,9% en 2008, le taux d’épargne devrait se
relever à 14,2% (graphique 5). En 2010, la situation devrait évoluer différemment. L’impact de la crise
sur le marché de l’emploi continuera de se faire sentir, alors que l’indexation des salaires sera plus faible
compte tenu de la faiblesse de l’inflation prévue cette année. Par contre, les premiers éléments de
reprises devraient être tangibles, si bien que le moral des consommateurs se relèvera peu à peu,
stimulant quelque peu la consommation. Elle devrait progresser de 0,3%, au prix d’une nouvelle baisse
du taux d’épargne (13,5%).
Focus on the Belgian economy
Gr 4
Le moral des ménages est au plus bas…
4
5
Gr 5 …ce qui les incitera à augmenter leur taux
d’épargne
17%
3
16%
2
15%
1
0
14%
-1
13%
-2
-3
12%
-4
04
05
06
Situation économique future
Capacité futue d'épargne
Source: Belgostat
07
08
Chômage futur
09
11%
10%
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Source: INC et Belgostat. Calculs et prévision : ING
Les mêmes éléments pèseront sur l’investissement en logement des ménages, qui devrait également
connaître une contraction, du moins cette année. L’évolution des permis de bâtir, qui est un bon
indicateur avancé des mises en chantier, confirme par ailleurs une activité moindre dans le secteur de la
construction (graphique 6). Cela dit, rappelons que ce secteur a été privilégié dans la confection du plan
de relance décidé en décembre dernier. La réduction de la TVA sur 50 000 euros du coût de la
construction devrait éviter que l’activité ne recule trop, du moins temporairement. Il faudra par contre que
l’efficacité de cette mesure se confirme dans le temps. Nous prévoyons une contraction de
l’investissement en logement des ménages de 3,2% cette année. En 2010, la situation économique nous
semble encore trop fragile pour anticiper une nette reprise de ce poste de la demande. En conséquence,
l’investissement devrait encore reculer de 1,0%.
L’investissement des entreprises subira une correction beaucoup plus forte dans les deux prochaines
années. Rappelons d’abord que le taux d’investissement (calculé comme le rapport entre
l’investissement productif et le PIB) a atteint des sommets au cours des dernières années : il est passé
de 12% en 2004 à plus de 15% en 2008. Pour cette année, les entreprises devraient nettement réduire
leurs investissements. En effet, les perspectives de demandes sont au plus bas, et ce dans tous les
secteurs de l’économie. Par ailleurs, dans le secteur industriel, le taux d’utilisation des capacités de
production s’est fortement réduit : alors qu’il atteignait encore 82,5% il y a 6 mois, il n’est plus que de
75,4% en février. De plus, dans le cadre d’une réappréciation globale du risque, les conditions de
financement pour les entreprises vont rester relativement tendue. On notera à ce sujet qu’il n’est pour le
moment pas question d’un credit crunch au niveau belge. Les dernières enquêtes MIR montrent toujours
une progression de plus de 15% sur un an en février des montants octroyés aux entreprises. Et même si
en rythme mensuel, l’octroi de crédit est en baisse, une récente étude menée par la Banque nationale
montre que la raison en est tant une diminution de l’offre de crédit qu’une diminution de la demande. Il
faut donc davantage parler d’une sélection plus stricte des projets d’investissements, mais non d’un arrêt
du crédit ! La faiblesse actuelle des prix de l’énergie devrait également jouer un rôle négatif sur le taux
d’investissement des entreprises: les investissements permettant l’économie d’énergie ou l’avènement
d’énergie alternatives devraient être posposés. C’est pourquoi nous anticipons une baisse des
investissements de 5,8% cette année et de 1,7% en 2010, ce qui devrait ramener le taux
d’investissement à 14% à l’horizon de 2010.
Focus on the Belgian economy
Gr 6 Le nombre de permis de bâtir stagne en fin
d’année 2008…et les mises en chantier
fléchissent
6
6
Gr 7 Les taux d’investissements ont atteint leur
sommets en 2008
16%
6.0%
5.8%
5.5
15%
5.6%
5.4%
5
14%
5.2%
4.5
5.0%
13%
4.8%
4
12%
4.6%
4.4%
3.5
11%
4.2%
3
4.0%
04
05
06
07
08
09
10%
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
Permis de bâtir (.000 - m m5)
Taux d'i nvestissem ent en logement (% PIB - lhs)
Bâtiments commencés (.000 - mm5)
Taux d'i nvestissem ent des entreprises (% PIB - rhs)
Source: Thomson Financial Datastream
Source: ICN et Belgostat, calculs: ING
Enfin, les dépenses et les investissements du gouvernement apporteront une contribution non
négligeable à la croissance au cours de cette année et l’année prochaine. La concrétisation du plan de
relance, dont une part est consacrée aux investissements en infrastructure, devrait soutenir leur
croissance dès 2009. Néanmoins, compte tenu de la dégradation des finances publiques, nous pensons
qu’il sera difficile pour le gouvernement de prendre de nouvelles mesures de relance sans compresser
d’autres dépenses. C’est pourquoi dès 2010, la croissance des dépenses gouvernementales, qui
atteindra 2,0% en 2009, reviendra à 1,2% en 2010. Les investissements publics devraient subir une
évolution similaire.
Encadré 1. Et voilà que revient l’effet boule de neige !
A l’heure de décider si de nouvelles mesures de relance peuvent être prises par le gouvernement, on ne peut que rappeler
1
les mêmes principes que nous avions évoqué dans une précédente publication . D’une part, l’impact de toute mesure prise
en Belgique est limité par l’ouverture de l’économie. Un plaidoyer pour un plan de relance global au niveau européen serait
plus efficace et moins coûteux pour les finances publiques belges que toute mesure qui pourrait être prise unilatéralement.
Coordination reste le maître mot ! D’autre part, compte tenu de la dégradation des finances publiques belges, il est impératif
que les plans de relance s’accompagnent de mesures structurelles visant le rééquilibrage des finances publiques. Le dernier
rapport du Conseil Supérieur de Finances (CSF) est encore venu rappeler très récemment l’importance de ce principe, et la
gravité de la situation. Notre exercice de prévision se limitant au court terme alors que le rapport du CSF porte sur un
horizon de 2050, les projections ne sont pas entièrment comparables. Elles arrivent cependant globalement au même
constat. Concernant nos projections, et compte tenu de nos hypothèses de croissance :
- L’effet boule de neige sur la dette publique est inévitable à partir de 2009. Pour rappel, l’effet boule de neige peut se définir
comme une croissance endogène (« automatique ») du rapport entre la dette et le PIB. En effet, compte tenu des
hypothèses de croissance du PIB et de taux d’intérêt (et donc de charge dintérêt), on peut calculer quel est le solde
primaire (recettes moins dépenses de l’Etat AVANT paiement de la charge d’intérêt) « nécessaire » à une stabilisation du
taux d’endettement. Si le solde primaire effectif est inférieur au solde primaire « nécessaire », le seul fait de payer la
charge d’intérêt augmente le ratio d’endettement, et l’effet boule de neige est enclenché. En 2009, le solde primaire
nécessaire à stabiliser la dette serait de 5,5% du PIB. Effectivement, il ne sera que de 0,9%.
1
Voir le Focus on the Belgian Economy : « Le casse-tête des finances publiques ».
Focus on the Belgian economy
7
- Par la suite, la continuité de l’effet boule de neige dépend de différents paramètres. Si l’on considère que le retour à une
croissance proche du potentiel n’est pas attendu avant 2011, il sera très difficile de corriger le tir d’ici-là. Le solde primaire
effectif devrait donc rester inférieur au solde nécessaire, et le ratio d’endettement devrait continuer à progresser. Par la
suite, une croissance supérieure soulagera les efforts à entreprendre, mais une réforme structurelle des dépenses est
inévitable. En l’absence d’une telle réforme, toutes les simulatons fournissent une trajectoire explosive de la dette!
En conclusion, compte tenu de l’évolution défavorable du commerce extérieur et du manque de vigueur
de la demande intérieure, les perspectives de croissance pour l’économie belge ne sont pas bonnes.
Après un dernier trimestre 2008 désastreux, la croissance du PIB devrait encore s’avérer négative au
cours des trois premiers trimestres de cette année. Au mieux peut-on envisager une stabilisation de
l’activité en fin d’année. Au total, la croissance s’établirait à -2,7% en 2009. L’année 2010 restera en
demi teinte. Alors que la contribution du commerce extérieur à la croissance retrouvera un signe positif,
la croissance sera encore handicapée par une reprise encore trop timide de la demande intérieure,
comme cela a été expliqué ci-dessus.
4. En conséquence, l’emploi souffrira et l’inflation restera au point mort !
Au cours du dernier trimestre de 2008, l’emploi a encore progressé très modestement de quelques 2.000
unités, alors que l’économie belge « créait » encore plus de 20.000 emplois nets au premier trimestre de
2008. Compte tenu du retard que l’on observe entre la dynamique de l’activité et celle de l’emploi (de
l’ordre de 6 à 9 mois), le ralentissement des créations nettes devrait laisser la place à une contraction
nette de l’emploi, que l’on observait déjà dans le secteur industriel en fin d’année 2008. La forte
dégradation des perpectives d’emplois dans les différents secteurs de l’économie le confirme (graphique
8) ; de même que les derniers résultats de l’enquête Manpower sur les intentions d’embauche. On y
apprend que la prévision nette d’emploi2 s’est réduite de 4,0% en perspective du deuxième trimestre de
2009. Enfin, l’indice Federgon mesurant l’activité dans le secteur de l’intérim s’inscrit en repli de 22% sur
un an en février 2009. Or l’activité dans ce secteur est un bon indicateur de la santé du marché de
l’emploi.
L’évolution récente du nombre de demandeurs d’emplois va dans le même sens. En mars, La Belgique
comptait plus de 536.000 demandeurs d’emploi inoccupés (DEI), soit 43.700 de plus qu’un an
auparavant (graphique 9). On notera que toutes les Régions du royaume subissent la même évolution,
même si, comme lors des précents ralentissements de l’économie, la Flandre subit le cycle de manière
plus dynamique : le nombre de DEI y a déjà augmenté de plus de 18% sur un an en mars, alors que la
hausse n’est que de 6,5% à Bruxelles et de 3,4% en Wallonie.
Enfin, on sait que le nombre de chômeurs temporaires, liés à la situation économique, n’a cessé
d’augmenter, parfois drastiquement, au cours des derniers mois. La progression sur un an atteint même
un record de 86% en février 2009. Dans une deuxième phase, lorsque les entreprises sont confrontées à
un ralentissement prolongé de l’économie, il est très probable qu’une part de ces chômeurs temporaires
subissent les plans de restructuration, ce qui se traduira par des pertes d’emplois supplémentaires.
N’oublions enfin pas que nous prévoyons un nombre record de faillites pour cette année, ce qui se
traduira également par quelques 35 000 pertes d’emplois3.
2
La prévision nette d’emploi (PNE) est mesurée comme la différence entre le pourcentage
d’entreprises projetant d’augmenter leur embauche au cours du deuxième trimestre de
cette année et le pourcentage d’entreprises projetant de la diminuer
3
Voir le précédent numéro de Focus on the Belgian economy, intitulé : « 10.000 faillites en
Belgique, peut-on encore l’éviter ? »
Focus on the Belgian economy
Gr 8
Les perspectives d’embauches s’écroulent.
2
1
8
Gr 9 Le chômage repart à la hausse alors que le
nombre de chômeurs temporaire explose
70%
9
60%
8.5
50%
8
40%
0
-1
-2
30%
7.5
20%
7
10%
6.5
0%
6
-10%
-3
5.5
-20%
-30%
-4
5
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
-5
05
06
07
08
09
Job seekers (YoY - lhs)
T emporary unemploym ent (3M YoY - lhs)
Industrie (mcr)
constr uction (mcr)
Source: BNB
Services (m cr)
U nem ploym ent rate (rhs)
Source: Thomson Financial Datastream, ONEM
La crise économique et financière fait également craindre dans de nombreux pays que le spectre de la
déflation ne refasse surface. Qu’en est-il réellement, et en Belgique en particulier ? L’inflation des prix à
la consommation, qui a atteint 5,9% en juillet 2008 s’est constamment repliée depuis sous l’influence de
la baisse des prix pétroliers. En mars, l’inflation atteignait à peine 0,6%. La contribution des prix de
l’énergie (carburants, gaz et mazout de chauffage) à l’inflation générale atteint -1,6 point de pourcentage,
alors que la contribution de l’inflation sous-jacente est de 2,0 points. Ce contraste montre que l’économie
belge est loin d’une situation de déflation, qui est définie comme une baisse généralisée des prix. On
remarquera d’ailleurs que parmi les composantes de l’inflation sous-jacente, le prix des services
progressent sur un an de 3,1% en mars, portant leur contribution à l’inflation sous-jacente à 1,1 point de
pourcentage. Dans ce cas précis, il faudrait plutôt parler de pressions inflationnistes. On peut d’ailleurs y
voir une conséquence des fortes indexations des salaires intervenues au cours des derniers mois.
Dans les prochains mois, l’inflation générale devrait poursuivre sa décrue, toujours sous l’influence des
prix pétroliers (on se souviendra que les prix avait régulièrement augmenté jusqu’en juillet 2008).
L’inflation devrait rester négative pendant plusieurs mois. Pour l’ensemble de l’année, nous prévoyons
une inflation de 0,6%, ce qui ne devrait pas entraîner de dépassement de l’indice pivot, et donc de
déclenchement de l’indexation des salaires. En 2010, l’inflation resterait contenue, de l’ordre de 1.3% sur
l’ensemble de l’année, en raison de la reprise très lente de l’économie.
5. En guise de conclusion…
On l’aura compris, la situation de l’économie belge n’est pas des plus brillantes. Compte tenu de
l’ensemble des données disponibles actuellement, elle traversera même probablement la plus grave
crise depuis la seconde guerre mondiale, tant en profondeur (perte d’activité) qu’en durée de la crise
(graphique 10). Le scénario présenté ci-dessus doit être considéré comme le plus probable selon notre
analyse. Il n’empêche qu’il demeure de nombreuses zones d’incertitude (certainement dans la période
actuelle), une série de risques qui, s’ils devaient se matérialiser, nous amènerait à réviser notre scénario
dans les prochains mois, à la hausse comme à la baisse. Actuellement, les risques orientés du côté
négatif dominent toujours :
- Il semble que les prix des produits pétroliers aient atteint leur plancher. Si de nouvelles tensions sur
les marchés de matières premières devaient se manifester dès les premiers signes de reprise, elles
compromettraient celle-ci en égratignant à nouveau le pouvoir d’achat des ménages.
- Les pays émergents s’avèrent plus fragiles dans cette crise qu’on aurait pu le croire. Ils représentent
pourtant encore une source de croissance future pour l’économie mondiale, de par leur potentiel de
Focus on the Belgian economy
9
croissance mais aussi par leurs réserves accumulées au cours des années précédentes. Si par contre
la crise devait s’amplifier dans les pays émergents, et en Europe de l’Est en particulier, cela pourrait
avoir un impact négatif supplémentaire sur la croissance des pays européens.
- La situation économique des Etats-Unis est désastreuse et reste très déséquilibrée. Les interventions
des autorités gonflent par ailleurs à la fois la masse de dollar en circulation ET l’endettement publique.
Notre scénario ne considère pas l’éventualité de mouvements de changes important compte tenu de
ces développements. Mais il s’agit d’un risque qui doit être envisagé.
- Enfin, la sphère financière de l’économie mondiale n’est pas à l’abri de nouveaux troubles. Il va de soit
que ceux-ci repousserait le moment de la reprise, compte tenu que le secteur financier est un acteur
essentiel de l’économie, dont dépendent aussi les investissements et la consommation des ménages.
Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune lueur d’espoir ! En dehors d’un mouvement temporaire des
stocks qui pourrait modifier le chiffrage de nos prévisions, c’est essentiellement l’impact des mesures et
plans de relance qui retient l’attention. Si en plus de leur effet direct sur l’économie, ces mesures
devaient redonner la confiance aux consommateurs et aux entreprises, leur impact pourrait être plus
important que prévu. De plus, certaines statistiques très récentes en provenance du marché immobilier
américain ou des enquêtes de confiance montrent que la situation se dégrade moins qu’il y a quelques
mois. Selon notre analyse ces rares éléments sont encore peu significatifs, mais ils pourraient le devenir
s’ils se confirmaient dans les prochaines semaines. Il y a donc aussi quelques raisons d’espérer.
Faudra-t-il alors accuser les économistes d’un excès de pessimisme ? Non, car c’est précisément le fait
d’avoir tiré la sonnette d’alarme qui a déclenché la réaction des autorités porteuses de tant d’espoir
aujourd’hui !
Gr 10 La crise actuelle sera certainement la plus
forte des trente dernières années
Tableau 2. Prévisions pour l’économie belge (taux
de croissance annuel, sauf mention contraire)
101
100
99
98
97
96
95
0
1
2
3
4
2008 (p)
5
6
7
1980
8
9
10 11
1992
12 13 14
Consommation privée
Consommation publique
FBCF
dont entreprises
Demande intérieure (hors stock)
Exportations nettes (1)
PIB
Population active
Emploi
Demandeurs d’emplois
inoccupés
Surplus (+) ou déficit (-) public
(2)
Prix à la consommation
p.m.
2008 (*)
0,8
2,1
4,7
6,9
2,0
-1,2
1,1
0,8
1,6
2009
2010
-0,7
2,0
-4,5
-5,8
-0,9
-1,2
-2,7
0,6
-0,6
0,3
1,2
-1,0
-1,7
0,2
0,1
0,2
0,4
-1,3
-5,2
11,2
11,5
-1,2
-3,4
-4,0
4,5
0,6
1,3
2001
(*) Selon les comptes nationaux détaillés disponibles le 30/03/2009.
(1) contribution à la croissance
(2) En % du PIB
Source: ICN et Belgostat
Note : L’axe des abscisses représente le nombre de trimestres suivant la
première contraction du PIB lors d’une récession de l’économie belge.
Le « profile » de la récession de 2008 correspond aux prévisions ING.
Focus on the Belgian economy
10
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