[LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 Chap. 4 L’AFRIQUE ET LE CAMEROUN DANS LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE - Montrer le rôle joué par l’Afrique et le Cameroun dans la guerre ; Faire ressortir l’influence de la guerre sur l’évolution politique de l’Afrique et du Cameroun. INTRODUCTION En 1939, date du début de la Seconde Guerre Mondiale, l’Afrique est sous l’emprise quasitotale des forces alliées. En effet, les colonies jadis appartenant à l’Allemagne et à l’Empire ottoman, ont été placées sous mandat de la S.D.N. et leurs administrations confiées à la France et à la Grande-Bretagne. L’Italie, en ce moment, était dans le camp des vainqueurs de la Première Guerre Mondiale. Seulement, déçue par les accords de paix signés entre 1919 et 1922 et frappée durement par la crise économique de 1929, elle finit par se rapprocher de l’Allemagne en signant le 22 mai 1939 le « pacte d’acier », alliance défensive et offensive. Ainsi, lorsque débute la guerre mondiale en 1939, l’Axe est présente sur le sol africain à travers les colonies italiennes de Somalie (constituée en 1905), de Libye (créée en 1934), l’Ethiopie (constituée en 1936) et l’Erythrée (devenue colonie en 1890). Celles-ci forment, exception faite de la Libye, l’Afrique-Orientale italienne. A première vue donc, il était plus probable que l’Afrique fût épargnée par cette nouvelle guerre. Il en n’en fut rien pour au moins deux raisons : la première tient à la présence des forces de l’Axe sur le sol africain, à proximité des forces britanniques d’Egypte-une confrontation était donc inévitable. La seconde résulte de la défaite française contre l’Allemagne en 1940, l’armistice qui s’en suivit avec pour corollaire l’établissement à Vichy d’un gouvernement de collaboration ; cette conjonction de faits a fondé l’appel du 18 juin 1940 destiné entre autres aux gouverneurs des colonies pour les inviter à rejeter l’armistice. Ainsi, l’Afrique a-t-elle pris activement part à la guerre et celle-ci n’a pas manqué de faire évoluer son statut politique. I- L’AFRIQUE : CONVOITISE ET THEATRE D’ORGANISATION (OU PLAQUE TOURNANTE) DE LA RESISTANCE FRANCAISE L’Afrique a été le ferment de la résistance de la France à l’occupation allemande. De fait, l’acte de résistance naît en Angleterre, autour du général de Gaulle, sous-secrétaire d’Etat à la guerre, envoyé en mission auprès du Premier ministre Churchill par Paul Reynaud. Le général de Gaulle rentre en France le 16 juin 1940 pour apprendre la démission du gouvernement auquel il appartenait, l’arrivée au pouvoir du maréchal Pétain et la demande d’armistice. Il repart aussitôt pour Londres où, grâce à Churchill, il peut lancer le 18 juin, à la radio britannique, un appel à la résistance. En fait, cet appel s’adresse aux chefs militaires et aux gouverneurs des colonies pour les inviter à rejeter l’armistice et à rejoindre Londres où se SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 trouvent des troupes françaises rapatriées de Dunkerque. Mais, contrairement aux espoirs du général de Gaulle et de Churchill, aucun des grands chefs de l’Empire, aucun homme politique de premier plan ne répond à l’appel du 18 juin. Dès lors, Churchill accepte de reconnaitre le général de Gaulle comme chef des français qui combattent les allemands. Mais, celui-ci n’a guère d’audience ni d’indépendance. La plupart des soldats français qui se trouvent en Angleterre refusent de se rallier et demandent à être rapatriés en France. D’autre part, il n’a d’existence que grâce aux britanniques qui l’accueillent sur leur territoire, lui donnent accès à la B.B.C. et financent ses activités. Néanmoins, la « France libre », nom officiel du mouvement gaulliste, place à sa tête un Comité National Français qui se dote d’organes gouvernementaux, enregistre le ralliement de certaines colonies d’Afrique Equatoriale à, la suite du Tchad que le gouverneur Félix Eboué entraine derrière le général de Gaulle, et, grâce au ralliement1 de petits contingents coloniaux, telle l’unité du colonel Leclerc2, réussit à équiper une petite armée qui prend le nom de Forces Françaises Libres (étéautomne 1940)3. Sous le commandement du général Koenig, des éléments de cette armée s’illustreront aux côtés des britanniques en juin 1942, à la bataille de Bir Hakeim, en Libye. Mais le Comité National Français n’est pas reconnu par les Alliés comme un gouvernement et il n’a longtemps aucune relation avec les résistants de l’intérieur qui sont nés en dehors de lui. Le général de Gaulle s’efforce alors d’entrer en contact avec ces mouvements de résistance, de les organiser et de leur faire admettre son autorité. Il envoie en France l’ancien préfet Jean Moulin ; à l’instigation de celui-ci, quelques-uns des chefs des mouvements de résistance se rendent à Londres pour rencontrer le général de Gaulle dont ils se méfient car ils voient en lui un officier d’extrême-droite et doutent de ses sentiments républicains (avril 1942). Le général les rassure sur ses conceptions démocratiques en promettant de « rendre la parole au peuple » dès la libération. Les dirigeants des mouvements, y compris les communistes du Front National, acceptent alors le principe d’une allégeance au général de Gaulle. Celui-ci renvoie en France Jean moulin, avec le titre de délégué général, et le charge d’unifier et d’organiser la résistance, ce qu’il réussit à faire en zone sud et zone nord. Ainsi unifiée et organisée, la Résistance va, outre son action militaire, donner naissance à un contre-pouvoir qui, face à Vichy, sera celui de la « France Combattante », nouveau nom du mouvement gaulliste après le ralliement de la résistance intérieure. Considérant qu’elle n’a pas été désignée par un vote populaire qui lui donnerait une estampille démocratique, les Alliés refusent de voir dans la France Combattante un pouvoir politique légal. Il en résulte d’innombrables conflits entre le général de Gaulle, qui exige d’être reconnu comme le seul dépositaire de la légitimité française, et les anglo-américains, en particulier sur le problème de l’administration des territoires coloniaux occupés par les anglais : Syrie et Liban en 1941, Madagascar en 1942… EN 1942, les Forces Françaises Libres s’emparent de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la grande fureur des américains qui avaient 1 Ainsi que le ralliement des gouverneurs du Moyen-Congo et de l’Oubangui-Chari (du 26 au 30 août 1940). Qui se trouve au Cameroun. 3 En revanche, Dakar repousse un débarquement anglo-gaulliste. 2 SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 négocié le maintien en place de l’administration nommée par Vichy. Aussi, lorsqu’ils débarquent en Afrique du Nord, en novembre 1942, les américains écartent les prétentions du général de Gaulle et préfèrent installer au pouvoir l’amiral Darlan, ancien chef du gouvernement de Vichy, puis, après son assassinat en décembre 1942, le général Giraud qui laisse en place les lois de Vichy et gouverne avec les fidèles du maréchal Pétain. Après avoir vainement tenté de subordonner de Gaulle à Giraud, les américains finissent par accepter, en mai 1943, que les deux généraux constituent à Alger un Comité Français de Libération Nationale (C.F.L.N.) dont ils deviennent coprésidents. Mais, en quelques mois, le général de Gaulle, plus politique, prend le pas sur le général Giraud qui abandonne la coprésidence du C.F.L.N. pour conserver le commandement en chef de l’armée, puis s’incline lorsque de Gaulle le démet de cette fonction. Ces difficultés avec les Alliés poussent le général de Gaulle à affirmer son caractère représentatif en formant un véritable contre-pouvoir étatique de la Résistance. En mai 1943, Jean Moulin, délégué national du général de Gaulle, crée en France le Conseil National de la Résistance qui comprend les dirigeants des principaux mouvements notamment. Le C.N.R porte Jean Moulin à sa présidence, annule les lois de Vichy et reconnait de Gaulle comme chef politique de la Résistance. Après sa mort des suites de torture, Jean Moulin est remplacé par un résistant de l’intérieur, le démocrate-chrétien Georges Bidault. A Alger, est formée une Assemblée Consultative comprenant, aux côtés de résistants de l’intérieur, d’anciens parlementaires et des représentants du parti communiste. Quant au C.F.L.N., il est élargi de manière à accueillir des représentants de ces divers groupes. Dès le printemps 1944, le pouvoir de la Résistance est donc prêt à se substituer à celui de Vichy. Il comprend un gouvernement, le C.F.L.N. qui, en juin 1944, prend le nom de Gouvernement Provisoire de la République Française (G.P.R.F.), disposant de délégués civils et militaires en métropole et appuyé sur deux organes représentatifs, le C.N.R. en France, l’Assemblée Consultative à Alger. L’Afrique a donc été le lieu d’organisation et d’unification de la Résistance française contre l’occupant allemand. Entre temps, elle était aussi le théâtre d’opérations militaires. II- L’AFRIQUE ET LE CAMEROUN: TERRAIN D’OPERATIONS MILITAIRES ET PARTICIPATION A L’EFFORT DE GUERRE C’est surtout le pourtour de la Méditerranée qui fut l’objet d’affrontements militaires entre les belligérants. Churchill y voit, contrairement à Hitler pour qui c’est un terrain secondaire d’opérations, la possibilité de créer un front capable d’alléger le fardeau de son pays. Mais les invites du Premier ministre britannique au gouvernement de Vichy en faveur de l’entrée ou du maintien de l’empire français dans la guerre restent lettre morte. L’objectif de l’Axe est de couper aux anglais l’accès aux puits pétroliers et à la route de Suez. Une première offensive italienne en Egypte à la mi-septembre 1940 fait reculer les Britanniques de 100 km. A partir du mois de décembre, ceux-ci reprennent l’avantage, et SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 quand le front se stabilise en février 1941, les anglais occupent la moitié du territoire libyen, après avoir fait 130 000 prisonniers. Pour secourir Mussolini, Hitler envoie en Libye le général Rommel et une division cuirassée (l’Afrika Korps). L’Afrika Korps débarque en Libye et, en deux semaines, refoule les Britanniques sur la frontière égyptienne où le front est fixé en avril4. Au printemps 1942, Rommel a réalisé son avancée maximum en Egypte en portant ses troupes à 60 km d’Alexandrie que la flotte britannique doit évacuer. Mais, ses lignes de ravitaillement s’étirent sur 1600 km de désert, et les navires de l’Axe sont durement éprouvés par l’aviation et la marine britanniques opérant à partir de Gibraltar et de Malte : un tiers des transports destinés à Rommel est coulé durant l’été et l’automne, au moment où les forces britanniques d’Egypte reçoivent des renforts substantiels et du matériel américain. A la fin de 1942, un renversement de tendance s’amorce sur tous les fronts au profit des Alliés. A la fin octobre 1942, le général anglais Montgomery lance l’offensive : le 23 octobre, il rencontre Rommel devant El Alamein, en Egypte. Après douze jours de durs combats- les attaques ne peuvent être menées que de front-, Montgomery parvient à percer les « jardins du diable » de son puissant adversaire, ligne défensive semée de mines et de barbelés, tenue en permanence sous le feu de l’ennemi. Il a perdu 13 000 hommes, mais la déroute de l’Axe est totale : sa retraite vers l’Ouest s’achève six mois plus tard par la capitulation de Tunis (13 mai 1943). Mais, c’est le débarquement américain au Maroc et en Algérie qui assure le succès définitif aux Alliés. Depuis juillet 1941, Staline demande l’ouverture d’un front à l’Ouest pour soulager la résistance soviétique. Roosevelt et Churchill sont en désaccord à ce sujet. Le premier songe à un débarquement rapide sur les côtes françaises tandis que son homologue britannique préconise une attaque combinée en Norvège et en Afrique du Nord, pour prendre l’Europe en tenailles. Craignant un échec, il est surtout moins pressé d’agir que le président Roosevelt. L’impatience des soviétiques triomphe toutefois de ses lenteurs, mais c’est son projet africain qui est retenu. Le 8 novembre 1942, 100 000 hommes, essentiellement des américains, sous le commandement du général Eisenhower, prennent pied en Algérie et au Maroc, malgré la résistance des troupes françaises de Vichy. Un long imbroglio politique commence entre les Alliés et l’autorité française en Afrique du Nord. D’abord confiée à l’amiral Darlan, dauphin de Pétain, elle échoit au général Giraud après l’assassinat du premier en décembre, puis au général de Gaulle qui s’impose peu à peu dans le C.F.L.N. fondé en juin 1943. Entre-temps, les troupes germano-italiennes ont été contraintes à la reddition dans leur réduit tunisien. L’Italie du sud est désormais à portée des bombardements alliés. En marge du conflit mondial, l’Afrique noire n’en participe pas moins localement à l’effort de guerre. Dès août 1940, sous l’impulsion du gouverneur Félix Eboué, le Tchad adhère à la 4 Au même moment, un coup d’Etat anti-anglais éclate en Irak et les allemands obtiennent de Vichy l’usage des ports et aérodromes syriens. Les anglais occupent alors l’Irak et, avec l’aide des français Libres, la Syrie et le Liban. A l’été 1941, le Moyen-Orient se ferme aux initiatives de l’Axe. SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 cause de la France Libre, prélude au ralliement de toute l’A.E.F. entre septembre et novembre 1940. En effet, le 27 août 1940, le colonel Leclerc débarque à Douala pour rallier les troupes de l’Afrique Equatoriale Française. En mars 1941, une contre-offensive britannique, en Somalie et en Erythrée, entraîne la libération de l’Ethiopie et le retour du Négus au pouvoir. De plus, les contingents levés en Afrique du Nord, mais aussi au Sénégal, participent aux victoires alliées en Italie (Cassino) et en France. Winston Churchill, le premier ministre britannique, demanda de l’aide aux colonies. 146 000 soldats furent alors envoyés d’Afrique occidentale anglaise pour soutenir cette guerre. On appela cette armée « Forces Combattantes de l’Afrique Occidentale5 ». De nombreux camerounais en firent partie. Ils combattirent en Ethiopie, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. L’Afrique a aussi fourni des produits stratégiques : caoutchouc et métaux rares (l’uranium de la première bombe atomique venait du Katanga). Le Nigeria et le Cameroun établirent un fonds de solidarité destiné à gagner la guerre. Il permit à la Grande-Bretagne d’avoir de l’argent et des vivres. On récolta du caoutchouc pour fabriquer des pneus et diverses choses dont les armées avaient besoin. Les ports et les aéroports africains furent utilisés par l’armée anglo-américaine. L’intégration de l’Afrique Noire dans l’économie de guerre européenne se solde par d’importantes mutations économiques et sociales. Une demande accrue de matières premières et de produits alimentaires par les métropoles accélère le processus d’urbanisation (Dakar passe de 53 000 à 132 000 habitants, Léopoldville de 27 000 à 110 000). Les liens tribaux s’en trouvent détendus tandis que les contacts se multiplient avec les Européens, transformant les mentalités des masses noires des villes, capables désormais de s’organiser pour défendre leurs intérêts. En Afrique francophone, le syndicalisme noir, quoique calqué – quant à son idéologie, sa pratique et ses structures – sur les organisations métropolitaines, n’en joue pas moins un rôle non négligeable dans la promotion de comportements nouveaux. Mais, c’est surtout sur le terrain politique que la guerre a occasionné des mutations profondes. III- IMPACT POLITIQUE DE LA GUERRE SUR LES TERRITOIRES AFRICAINS : REVENDICATIONS INDEPENDANTISTES En Afrique noire comme en Afrique du Nord, la guerre compte surtout pour ses conséquences à court terme. Les grandes conférences internationales, notamment celle de l’Atlantique où une Charte proclame le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », précipitent une évolution mentale qui conduit rapidement à la revendication de l’indépendance. D’autant que l’O.N.U., née des alliances de la guerre, propose un modèle aux africains en instaurant, pour les anciennes colonies allemandes (Togo, Cameroun, Tanganyika, Sud-Ouest africain), le système de tutelle. Et le point XI de sa Charte introduit la notion de « self-government » (gouvernement autonome). 5 BWAFF : British West African Fighting Forces. SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 A- La réactivation du nationalisme en Afrique du Nord du fait de la Seconde Guerre Mondiale En Afrique du nord, la guerre réactive les mouvements nationalistes. En effet, l’imbroglio politique, issu de la collaboration et de la résistance, les incertitudes de l’autorité française, renforcées par le débarquement américain de novembre 1942, incitent les chefs locaux à reprendre une part de la souveraineté perdue. D’autant que les autorités coloniales refusent toute concession, malgré les données nouvelles de la guerre. En Algérie, rappelons qu’en 1931, l’Association des Ulémas répand l’idée que les algériens constituent une nation ayant en propre sa race, sa langue, sa religion. Les Ulémas considèrent les français comme des étrangers et rejettent la politique d’assimilation. Plus laïc, le Parti Populaire Algérien, animé par Messali Hadj, réclame une indépendance6 « avec le concours de la France ». La faillite de la politique d’assimilation, les conséquences de la guerre, aboutissent en 19437 à l’unification des différents courants nationalistes autour du « Manifeste du peuple algérien ». Dépouillé de toute référence religieuse, il réclame, dans un langage très ferme, la constitution d’un Etat algérien autonome et démocratique8. Les autorités françaises rejetant ce manifeste, les élus musulmans refusent de siéger dans les Assemblées. Le général de Gaulle, dans un discours prononcé à Constantine (fin 1943), annonce des reformes qui entreront rapidement en application, mais qui sont jugées insuffisantes : Ferhat Abbas, modéré, prend contact avec les extrémistes, Messali Hadj et les oulémas, qui repoussent le fédéralisme français pour se tourner vers les Etats arabes. Le 8 mai 1945 – jour de la célébration de la fin de la guerre mondiale- les premières émeutes éclatent en Kabylie. Au Maroc, la première revendication d’indépendance, mais sans rupture avec la France, est formulée au début de 1943 au Maroc espagnol ; le président des Etats-Unis, Roosevelt, promet son appui au Sultan Mohammed Ben Youssef9. En effet, le mouvement des « Jeunes Marocains », se met derrière lui pour réclamer les libertés démocratiques et l’égalité entre Français et Marocains. Le parti de l’indépendance (Istiqlal) est créé fin 1943. En janvier 1944, il demande la fin du protectorat et l’établissement d’une monarchie constitutionnelle. Ces différents mouvements se heurtent, pendant et après la guerre, aux intransigeances françaises. 6 Dès 1942. 31 mars. 8 Lire l’extrait de ce manifeste dans Histoire du 20e siècle, 1939-1953 tome 2 : La guerre et la reconstruction, Hatier, pp. 267-268 9 Il faut dire que de 1912 à 1925, le Résident général Lyautey s’est efforcé de faire du Maroc un Etat moderne sans rompre avec la tradition respectable : il restaure le prestige du Sultan, maintient les éléments traditionnels d’une société islamique en même temps qu’il ouvre des routes, lance des chemins de fer, aménage des ports, des mines, multiplie écoles et dispensaires ; sous son impulsion le pays se développe « à l’américaine ». Mais après son départ sa politique se fige. La France parait se contredire aux yeux des jeunes lettrés, souvent formés dans les écoles françaises, qui revendiquent liberté et indépendance. Un « plan de réformes marocaines » de 1934 suscite des espoirs, comme l’arrivée en 1936 de Pierre Viénot, favorable aux réformes. En 1937 les idées nationalistes ont fait assez dz progrès pour que des manifestations éclatent dans les villes : les meneurs y sont arrêtés et les campagnes y sont indifférentes. 7 SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 En Tunisie, la vitalité nationaliste est animée par des réformateurs laïcistes, tel Bourguiba 10, pour qui le combat libérateur passe par la modernisation du pays. Après une phase panarabe, le Destour (« Constitution »), parti traditionnaliste, s’oriente vers la lutte politique et institutionnelle. A partir de 1934, le Néo-Destour, animé par Bourguiba, s’inspire davantage de la tradition révolutionnaire française que de l’idéal panislamique. Il revendique le suffrage universel et une indépendance par étapes. Le résident général ne répond pas à un projet de réformes que lui soumet le nouveau bey Mohamed el-Moncef en août 1942. Le bey constitue alors un gouvernement nationaliste modéré. Emprisonné par les Français, Bourguiba est libéré par les Allemands. Rentré à Tunis, il se déclare prêt à collaborer avec l’Axe en échange de la reconnaissance de l’indépendance tunisienne. Mais quand les Français entrent à Tunis, Moncef est destitué sous prétexte de collaboration avec l’ennemi et les pouvoirs du Résident général sont renforcés. B- Essor des nationalismes en Afrique Noire Partout en Afrique Noire, des comportements nouveaux sont promus soit par les syndicats (Afrique francophone), soit par les partis politiques (Afrique anglophone). Partout, des élites nouvelles se constituent, combinant traditionalisme et volonté d’assimilation : elles souhaitent voir créer, dans leur pays, des institutions démocratiques sur le modèle occidental. Aussi la guerre révèle-t-elle des « hommes nouveaux » : Nkrumah en Côté de l’Or, Senghor au Sénégal, Houphouët-Boigny en Côte-d’Ivoire…, dont la pensée et l’action aboutissent à une transformation des rapports entre Africains et Européens. Elle contraint les puissances coloniales à reconsidérer leurs rapports avec leurs empires. 1- En Afrique Noire francophone Dans les colonies françaises d’Afrique Noire, l’immobilisme rend plus difficile l’émergence de courants revendicatifs. La plupart des élites formées au contact de l’Occident préfèrent rester en métropole et rechignent à prendre la tête d’une opposition politique. Seules quelques personnalités, tel le Sénégalais L. S. Senghor, à la fois pétries de culture européenne et influencées par le courant africaniste, affirment peu à peu, l’originalité de la civilisation africaine. 10 A la fin de la première guerre mondiale le « Parti tunisien » revendique à nouveau une « Constitution » ou « Destour » (1920), ce qui est assez bien accueilli par les parlementaires français. Mais les maladresses des nationalistes de Tunis font tout échouer. La reprise des revendications politiques, accompagnée d’agitation populaire à Tunis, Bizerte et Sfax n’aboutissent qu’à des décrets répressifs des libertés politiques et de presse pris par le Résident général (1924). En 1928, deux hommes dynamiques prennent la direction du « Destour » : le Dr Materi et Habib Bourguiba, qui ont fait leurs études en France et qui en 1930 lancent un nouveau journal, « La voix du Tunisien », ce qui élargit l’audience du parti. En 1934 au congrès de Ksar Hellal, le « destour » devient le « Néo-Destour » laique et son journal prend le titre de « EL Amal » = « l’Action ». Sa campagne de revendication est si violente et si populaire que le Résident général exile ses dirigeants dans le sud. En 1937, la création d’une « Banque du peuple tunisien », une offensive de Bourguiba, des affrontements sanglants et l’interdiction des deux « Destour » aboutissent à un durcissement de la politique française et à l’emprisonnement de Bourguiba. Le contexte international avec la tension croissante due aux revendications de l’Italie qui convoite la Tunisie après avoir conquis l’Ethiopie n’était pas propice à un examen réfléchi des aspirations tunisiennes. SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 De son côté le Dr Houphouët-Boigny fonde en 1945 le P.D.C.I. pour l’émancipation dans le cadre français. En 1946, sous l’impulsion de son fondateur et de l’administrateur Gabriel d’Arboussier, ce mouvement s’élargit en R.D.A. qui se développe au Moyen-Congo, en Haute-Volta, au Tchad et qui tient son premier congrès à Bamako en 1946. La conférence de Brazzaville (30 janvier 1944), réunissant autour des dirigeants de la France Libre les gouverneurs de l’Afrique Noire française, propose l’émancipation, mais à l’intérieur du « bloc français »11. 2- En Afrique Noire anglophone En installant très tôt l « Indirect Rule » dans leurs possessions africaines, les Britanniques posent les bases d’une décolonisation « en douceur ». Il est vrai que la Grande-Bretagne s’oblige à nuancer sa politique coloniale en fonction des réalités locales. En Rhodésie, les colons obtiennent une participation à l’administration. Dans les régions d’Afrique occidentale (Nigéria, Gold Coast, Sierra Leone), l’ « Indirect Rule » (l’autonomie indirecte) permet de confier l’exercice de l’autorité aux chefs locaux, gardiens de la tradition. Si cette politique peut, à long terme, constituer un obstacle à l’accès de ces territoires vers une civilisation moderne, elle n’en facilite pas moins l’émergence des nationalismes, nationalismes d’autant plus souples et réfléchis qu’ils n’ont pas eu à transgresser une loi immuable pour voir le jour. Avant même la Seconde Guerre Mondiale, des cadres « nationaux » sont ainsi ébauchés qui préparent l’accès aux indépendances. Durant l’entre-deux-guerres, des mouvements d’émancipation apparaissent au Nigéria : African Student Union, National Nigerian Democratic Party, West African Pilot. En Gold Coast, le Congrès National Ouest-Africain, fondé en 1920, oriente son action sur le terrain économique à opartir de la fin des années 30 : il dénonce les sociétés commerciales européennes, responsables de la baisse catastrophique des prix du cacao. En 1945, les africains sont représentés au Conseil Législatif par neuf membres. Leur influence est limitée, mais une évolution est en marche. Surtout, ces différents mouvements nationalistes se réunissent et s’organisent. Leurs déclarations communes ont pour but de mobiliser l’ensemble des populations concernées. Dans les résolutions du Cinquième Congrès panafricain de Manchester, tenu en 1945, on peut lire notamment : « Nous affirmons le droit de tous les peuples coloniaux à diriger leur destin. […] Les peuples des colonies doivent avoir le droit d’élire leurs propres gouvernements, sans restriction venant des puissances étrangères. […] Le congrès panafricain invite donc les travailleurs des colonies à s’organiser effectivement et à se mettre à l’avant-garde de la lutte contre l’impérialisme. Leurs armes (grève et boycottage) sont invincibles… »12 3- Le Cameroun accède à la tutelle 11 12 Pour citation voir Histoire du 20e siècle, 1939-1953. Tome 2 : La guerre et la reconstruction, Hatier p.259 Voir Histoire du 20e siècle, 1939-1953. Tome 2 : La guerre et la reconstruction, Hatier P.266. SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com [LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET LA BIPOLARISATION DU MONDE] 15 novembre 2013 La Seconde Guerre Mondiale mit fin à la Société Des Nations. L’O.N.U. la remplaça. Dans le cadre des Nations Unies, un conseil fur établi pour s’occuper des pays qui avaient été des territoires sous mandat, comme le Cameroun. Ce conseil fut appelé le conseil de Tutelle. La Grande-Bretagne et la France continuaient d’administrer le Cameroun. Le but de la tutelle était le « self-government » ou l’indépendance. Chaque année, la Grande-Bretagne et la France devaient faire un rapport devant le conseil de tutelle sur l’administration et la mise en valeur du pays, ceci sous l’appréciation de la population. Des fonctionnaires des Nations unies vinrent à plusieurs reprises au Cameroun pour examiner les problèmes qui pouvaient se poser et pour se rendre compte par eux-mêmes de la mise en valeur du pays. CONCLUSION L’apport de l’Afrique dans l’issue de la guerre fut déterminant. Non seulement, elle a servi de base aux opérations militaires visant la libération de l’Europe, mais encore son économie a été mise au service des Alliés. Une telle participation des africains à la guerre ne pouvait qu’aiguiser leurs aspirations à l’autonomie. Entre temps, continuait de se poser le problème du règlement du conflit. SANGO MATHIAS AMOS http://georepere.e-monsite.com