DIMENSION BIOENERGETIQUE DE LA MARCHE Pr. J-M. CASILLAS 1 1 : Pr. J-M. CASILLAS, service de Réadaptation du CHU de DIJON 23, rue Gaffarel - 21034 DIJON Cédex DIMENSION BIOENERGETIQUE DE LA MARCHE La production d'ATP au niveau de la cellule musculaire squelettique représente un élément fondamental de la limitation de l'activité de marche. Pour que la marche soit suffisamment prolongée, compatible avec un niveau d'autonomie de déplacement correct, il faut que le métabolisme aérobie musculaire permette un approvisionnement régulier en substrats énergétiques phosphorés. En effet, les filières anaérobies qu'elles soient alactiques ou lactiques, n'interviennent que dans les stades initiaux de l'activité de marche. Les mécanismes d'adaptation sont complexes, très intriqués, faisant appel bien sûr aux conditions du métabolisme musculaire, mais également à l'adaptation micro-circulatoire, et bien sûr aux facteurs centraux hémodynamiques et ventilatoires. En pathologie, c'est bien souvent la défaillance métabolique de la cellule musculaire qui est à l'origine de la limitation fonctionnelle au cours de la marche venant ralentir sa vitesse ou bien l'interrompre. La méthode de mesure de référence de la dépense énergétique au cours de la marche reste la V02 : elle nécessite la mesure du débit expiratoire (VE) ainsi que la quantification de la fraction utilisée d'oxygène (Fu02) permettant de calculer la valeur de V02 par le produit : VE x Fu02 x 0,8. Cette technique largement utilisée, bien standardisée est désormais simplifiée par la miniaturisation des systèmes de mesure, permettant l'utilisation d'appareils embarqués. D'autres méthodes d'évaluation indirecte de la bioénergétique de la marche sont proposées ; elles cherchent à alléger les protocoles d'exploration et reposent essentiellement sur des méthodes de mesure de la vitesse, des processus d'accélération, des déplacements du centre de gravité : index du coût physiologique de la marche, énergie cinétique, énergie potentielle, accélérométrie... La vitesse de marche est un élément clinique fondamental d'évaluation, trop souvent négligé. Chez l'adulte sain, cette vitesse se situe en moyenne à 80 m/mn avec une cadence de pas très stable, se situant à environ 110 pas/mn. Il existe une relation linéaire entre la V02 et la vitesse de marche. Si on rapporte cette V02 au mètre parcouru, ce qui est le témoin d'un rendement énergétique, il existe alors une relation hyperbolique entre cette dépense énergétique et la vitesse de marche, la meilleure efficience se situant pour une vitesse de déplacement de 80 m/mn. La consommation d'oxygène se situe alors en moyenne à 12 ml/kg/mn. Si cette V02 est rapportée au mètre parcouru, elle est alors en moyenne de 0,15 ml/kg/m. Cette dépense énergétique augmente en cas de ralentissement ou d'accélération de la vitesse de marche. L'existence d'une déclivité ou des modifications de la nature du sol, augmentent cette dépense énergétique. En pathologie, les altérations de la bioénergétique musculaire à l'origine de diminution des capacités de marche sont multiples. Il peut s'agir directement d'insuffisance métabolique : myopathies, myasthénies, déconditionnement... Souvent une insuffisance de perfusion vasculaire et des troubles micro-circulatoires sont intriqués à l'inefficacité métabolique au sein de l'unité muscle vaisseau : insuffisance cardiaque, artériopathie des membres inférieurs... Parfois ce sera une déficience qui sera à l'origine d'une augmentation de la dépense énergétique : amputation majeure de membres inférieurs, paraplégie, dégradation articulaire atteignant le genou ou la hanche... Cette surdépense énergétique peut atteindre les capacités maximales d'adaptation à l'effort du patient, notamment en cas de pathologie préexistante (insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire). Un exemple des plus habituels est le patient présentant une amputation majeure des membres inférieurs d'origine artérielle dont la surdépense énergétique de la marche appareillée se trouve confrontée (surtout en cas d'amputation au-dessus du genou) à la limitation fréquente de ces capacités d'adaptation à l'effort liée à une cardiopathie ischémique. La réadaptation doit prendre en compte ces différents aspects en essayant de diminuer d'une part la dépense énergétique (notamment qualité de l'appareillage chez l'amputé) et surtout en augmentant les capacités d'adaptation à l'effort en faisant appel aux techniques de reconditionnement qui doivent être forcément individualisées compte tenu de la grande hétérogénéité des tableaux cliniques. Pr. J-M. CASILLAS