la marche dans les pathologies cardio-vasculaires

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LA MARCHE DANS
LES PATHOLOGIES CARDIO-VASCULAIRES
Pr J-M. CASILLAS 1
1 : Pr J-M. CASILLAS - Service de réadaptation du CRU de DIJON
23 rue Gaffarel – 21034 DIJON Cédex
LA MARCHE DANS
LES PATHOLOGIES CARDIO-VASCULAIRES
La fatigue est un maître symptôme au cours des maladies cardio-vasculaires. La marche,
modèle de l'activité endurante humaine, est très souvent limitée dans ses deux paramètres de
vitesse et de distance. Le mécanisme causal est essentiellement l'existence d'une défaillance du
métabolisme oxydatif musculaire. L'adaptation habituelle se fait par un ralentissement de la
vitesse de déambulation avec pour corollaire une dégradation de l'efficience bioénergétique. Les
altérations bioénergétiques sont bien mises en évidence par la mesure durant la marche de la V02
au cours de l'artériopathie des membres inférieurs ou bien au cours des cardiomyopathies
notamment d'origine ischémique. La spectroscopie RMN du phosphore 31 permet désormais une
évaluation non invasive du métabolisme énergétique musculaire au cours de l'effort. Elle a
confirmé l'importance de cette dégradation métabolique notamment au cours de l'artériopathie
des membres inférieurs et de l'insuffisance cardiaque.
L'évaluation situationnelle repose essentiellement sur les tests de marche standardisés
Le test des 6 mn est une évaluation clinique de l'endurance musculaire. Le but pour le patient
est de couvrir le maximum de distance en 6 mn sur un parcours plat balisé. Le patient est
encouragé toutes les 30 s, les 2ème et 4ème mn lui sont signalées, les causes d'arrêt son notées. Il
s'agit d'un test validé, très bien corrélé avec la gravité d'une éventuelle insuffisance cardiaque. Il
existe notamment de bonnes corrélations entre la distance de marche et le pic de V02, ainsi que
la classification de la NYHA (New-York Heart Association) : par exemple la classe II de la
NYHA correspond à 562 m, la classe III à 402 m. Par ailleurs, ce test des 6 mn représente un
facteur pronostic indépendant de morbi-mortalité dans l'insuffisance cardiaque, comparable à la
fraction d'éjection. Il représente un marqueur des capacités fonctionnelles et de l'efficacité de la
réadaptation. Il s'est avéré particulièrement utile dans les essais thérapeutiques. Pour GUYATT
GH, ce test serait mieux corrélé avec les symptômes et le statut fonctionnel que le test d'effort.
Le test des 6 mn à une reproductibilité identique à celui d'un test d'effort, même s'il existe des
troubles du rythme. Il a été proposé comme une alternative aux tests maximaux répétés chez
l'insuffisant cardiaque sévère. Des corrélations satisfaisantes ont été montrées entre le test des 6
mn et un test d'effort maximal, avec une bonne reproductibilité alors de la mesure de la V02. Par
ailleurs, le test des 6 mn représente un bon indicateur de l'adaptation aux contraintes
environnementales ; ainsi il existe une bonne autonomie de sécurité en milieu urbain lorsqu'un
sujet est capable d' effectuer au moins 322 m en 6 mn ce qui correspond à une vitesse de
54 m/mn. Il semble par ailleurs que de proposer une durée prolongée à ce test n'apporte pas
d'information plus importante, c'est le cas notamment d'un test des 12 mn. Ce test des 6 mn
explore essentiellement les capacités endurantes et donc le métabolisme oxydatif musculaire.
L'évaluation des capacités sous maximales est par ailleurs intéressante en pratique courante
notamment pour orienter le programme de reconditionnement. C'est ainsi qu'a été proposé le test
des 200 m qui consiste à faire parcourir au patient 200 m en un temps minimum sans courir, avec
des encouragements verbaux toutes les 30 s. Ce test s'est avéré lui aussi reproductible avec de
bonnes corrélations négatives entre le temps mis pour parcourir les 200 m, la V02 max, la
puissance maximum développée au cours d'un test d'effort sur bicyclette ergométrique, la
distance parcourue au cours d'un test des 6 mn. La fréquence cardiaque atteinte au cours de ce
test des 200 m correspond à 90 % de la fréquence cardiaque atteinte au cours d'un test d'effort
maximal (80 % pour le test des 6 mn). Pour la V02 atteinte au cours du test des 200 m, elle
correspond à 80 % du pic de V02 alors que pour le test des 6 mn, elle correspond à 65 % de ce
pic de V02. Il s'agit donc bien d'une évaluation objective des capacités sous maximales. Il n'y a
pas de manifestation d'intolérance cardio-circulatoire à ce type de test. Il est par ailleurs amélioré
de façon significative par les techniques de reconditionnement. Il représente un test situationnel,
ne nécessitant pas d'habituation préalable, sans recours à un plateau technique important. Il s'agit
donc d'une évaluation fonctionnelle aisée à mettre en oeuvre, permettant d'ajuster les
programmes de reconditionnement et de préparer la réinsertion.
Les tests de marche standardisés au cours des affections cardio-vasculaires représentent une
modalité fiable et reproductible d'évaluation de l'aptitude à l'effort en pratique courante. Ils sont
très complémentaires des investigations paracliniques (coronarographie, Holter, scintigraphie
myocardique, échographie de stress…). Ces tests de marche viennent en complément des tests
d'effort classiques développés sur bicyclette ergométrique, sur tapis roulant, sur ergomètres à
membres supérieurs. Ils peuvent parfois se substituer à eux, notamment en cas de
déconditionnement majeur. Ils apportent par ailleurs une information affinée par rapport à la
classification de la NYHA.
Leur indication habituelle est l'insuffisance cardiaque essentiellement au cours de cardiopathie
ischémique. Rappelons dans cette situation l'absence de corrélation directe entre la dyspnée et la
fraction d'éjection qu'elle soit évaluée de façon coronarographique ou scintigraphique.
L'évaluation de la marche a bien sûr une indication de choix au cours de l’artériopathie des
membres inférieurs (AMI). Il existe très souvent chez ces patients une cardiopathie ischémique,
masquée par la claudication artérielle. Le test de marche à vitesse libre paraît le plus indiqué :
mesure de la distance de marche parcourue avant survenue de la claudication, à vitesse
spontanément choisie par le patient. Cette vitesse doit être également évaluée (parcours plat
balisé) car elle est un bon marqueur de la gravité de l'atteinte et surtout de l'efficacité de ces
techniques de reconditionnement (amélioration habituellement de plus de 100 % des capacités
fonctionnelles).
Au total les tests de marche apparaissent particulièrement intéressants au cours des maladies
cardio-vasculaires. Leur mise en œuvre sous contrôle du kinésithérapeute doit être
particulièrement rigoureuse : respect des règles inhérentes à chaque type de test, mesure
objective de la distance de marche liée à la claudication ou simplement à la gêne douloureuse,
évaluation des causes exactes d'arrêt, observation des signes cliniques d'accompagnement
(dyspnée, fréquence cardiaque, adaptation tensionnelle ... ). Cette évaluation clinique simple est
un excellent témoin des capacités d'adaptation à l'effort des patients, et représente un marqueur
intéressant de son évaluation sous l'effet des techniques de réentraînement.
Pr J-M. CASILLAS
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