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encore une possibilité de faire revivre la Raison même plus puissamment.
Un autre enjeu consiste dans le fait de montrer que la querelle autour des
éléments « irrationnels » qui s’infiltrent dans la pensée post-moderne peut
être plus éclairée si on réussit à expliquer la portée phénoménologique de la
logique et vice versa. L’« irrationnel » fait justement partie de la logique
comme dimension phénoménologique et non mystique.
II – La présente recherche prend en charge de prouver que Heidegger
permet de repenser la logique de façon à ce qu’on peut :
– traduire ce que nous croyons être seulement un discours
philosophique du penser, dicible, au mieux, poétiquement – le traduire en
une logique qui lui convient. Nous nous croyons généralement avec
Heidegger en train de faire de la poésie ou un quelconque discours
dépourvu de rapport à la logique lorsqu’on lit par exemple : « une parole
qui, selon son sens, est σημαντική, ne devient άποφαντική que parce que le
dé-couvrir, άληθεύειη ou bien le dissimuler, ψεύδεσθαι, est présent en
elle »1 ; « L’étant que nous rencontrons immédiatement, celui auquel nous
avons affaire, a la constitution ontologique de l’instrument (Zeug) »2 ; « la
phrase parle là où il n’y a pas de mots, dans l’intervalle qu’ils laissent et que
les doubles points désignent ».3 Nous procédons ici à un discours beaucoup
plus musical, poétique et herméneutique que logique et scientifique et nous
établissons une limite entre ces deux genres de discours. On ne voit pas
facilement comment introduire dans la logique le fait que « la parole, avant
d’être sens, est un découvrir ou un dissimuler », que « l’étant que nous
entendons n’est pas un objet là-devant, mais une série de renvois » et que
« les mots parlent là où ils ne sont pas, dans l’intervalle qu’ils laissent ».
Cependant, Heidegger lui-même montre sensiblement par analyse
phénoménologique que la proposition est un voir et un penser qui vont
ensemble, un voir de la chose même en tant que telle et un penser
dévoilant ; puis la proposition vise, quand elle se prononce, l’être lui-même
bien qu’elle exprime l’étant ; elle est enfin composée d’un dire explicite et
d’un non-dire qui est à son tour un dire, mais sans mots, obligatoirement
1 Platon: Le sophiste, trad., J.-F. Courtine, P. David, D. Pradelle, P. Quesne, Gallimard, 2001, p. 174.
2Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie, trad., Jean-François Courtine, Gallimard, 1985,
p. 350.
3Qu’appelle-t-on penser ?, Trad., Aloys Becker et Gérard Granel, P.U.F., 1973, p. 177.