LA PSYCHOLOGIE DU TOURISME Etudes Africaines Collection dirigée par Denis Pryen et François Dernières Manga Akoa parutions Jean-Claude K. BROU, Privatisation en Côte d'Ivoire, 2008. Ibrahim S. NJOY A, Chasse au Cameroun, 2008. Jean de Dieu MOLEKA LIAMBI, Promesse de liberté et pratique politique en République démocratique du Congo, 2008. Alain ELLOUE ENGOUNE, Du Sphinx au Mvett, 2008. Fweley DIANGITUKW A, Flux migratoires internationaux et stratégies de développement, 2008. BOUOPDA Pierre Kamé, Cameroun, du Protectorat vers la démocratie (1884-1992), 2008. Jean-Pacifique BALAAMO MOKEL WA, Eglises et Etat en République démocratique du Congo. Histoire du droit congolais Toumany des religions (1885-2003), MENDY, Sénégal. 2008. Politiques publiques et engagement politique, 2008. Alfred Yambangba SAWADOGO, Afrique: la démocratie n 'a pas eu lieu, 2008. Dr BOGA Sako Gervais, Les Droits de l'Homme à l'épreuve: cas de la crise ivoirienne du 19 septembre 2002, 2008. W. Zacharia TIEMTORE, Technologie de l'information et de la communication, éducation et post-développement en Afrique, 2008. BOUOPDA Pierre Kamé, De la rébellion dans le Bamiléké, 2008. Méthode GAHUNGU, La formation dans les séminaires en Afrique. Pédagogie des Pères Blancs, 2008. Dieudonné TSOKINI, Psychologie clinique et santé au Congo, 2008. @ L' Harmattan, 2008 5- 7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan @ wanadoo. fr harmattan! @wanadoo.fr ISBN: 978-2-296-05355-7 EAN : 9782296053557 Sous la direction de Stéphanie Nkoghe LA PSYCHOLOGIE DU TOURISME Avec la participation des étudiants: Aude Gwladys Milébou, Boris Ndong Nguema, Ernest Ojajune, Flora Obone Otogho, Francine Maroundou, Ghislain M. Mounanga A'Matéba, Guy Christian Moussavou, JeanBernard Allogo Mba, Jean Pierre Ella, Kévin Otsaga Zoula, Marie-Noëlle Igouwé Boffoue, Richelieu Zuè Obame (Promotion DESS Tourisme 2005, Département d'Anthropologie, DOB, Libreville) L'Hannattan Du même auteur Aux éditions L'Harmattan Bernardin Minka Mvé et Stéphanie Nkaghe, Tourisme au Gabon, 2006, 155 pages. En préparation Bernardin Minka Mvé et Stéphanie Mondialisation et sociétés orales secondaires. Nkaghe, Avant-propos Promouvoir le tourisme, c'est aussi promouvoir sa psychologie, tout un autre état d'esprit. Le 21 èmesiècle se révèle être le siècle pour l'Europe, celui du plein essor d'autres innovations idéologiques, technologiques ou industrielles. En effet, les idéologies mondialistes telles que la mondialisation ou la planétarisation des cultures, les autoroutes de l'information virtuelle, la protection de l'environnement naturel et culturel, comme source de développement durable, les projets de création de nouvelles sources d'énergie à base d'essences naturelles (à l'exemple des vagues ou courant marin), de nouvelles stratégies d'aides internationales pour les continents les plus pauvres, etc. font émergence, sont d'actualité et constituent les enjeux socioéconomiques du monde actuel. La haute technologie des moyens de communication, d'information électronique et audiovisuelle: téléphones et ordinateurs portables, scanners, logiciels professionnels, etc. conditionnent désormais toute activité sociale. Ces conceptions de développement socioéconomique influencent évidemment toute la sphère mondiale; vu que celles-ci sont empruntées et exécutoires dans d'autres continents, voire d'autres pays. Concernant les nouvelles sources d'approvisionnement économique, l'industrie touristique déjà en vigueur en Europe, s'est très vite importée vers d'autres continents, comme en Afrique en particulier où elle constitue le label d'une nouvelle économie particulièrement prometteuse, via la protection de l'environnement naturel et culturel, en vue de rentabiliser davantage leurs économies précaires, et prévenir le chômage (avec la création d'infrastructures touristiques comme les Parcs Nationaux), puis l'après 7 pétrole dans certains pays, à l'exemple du Gabon où il fût la principale ressource rentable au cœur de l'économie. Au quotidien, l'exploitation de L'or Vert préoccupe la pensée des décideurs, mais sans une mise en œuvre effective. Tel est l'état des lieux actuels de l'industrie touristique, dans ce continent toujours en mal de développement. Une industrie touristique qui ne se trouve encore dans la majorité des cas, qu'au stade de projet, sans véritable application concrète sur le terrain, ni retombées économiques statistiquement claires. Quelles stratégies alors adopter pour qu'enfin l'Afrique en général et le Gabon en particulier deviennent une destination touristique économiquement rentable pour les Etats et leurs populations? Nous proposons à ce sujet, quelques éléments de réponse, partant de la vulgarisation de la culture ou de l'esprit touristique propre au monde occidental, tout en indiquant l'usage des médias et les contacts de proximité comme conditions sine qua none sans lesquelles tout processus de promotion touristique n'est que pure illusion. Le livre représente pour ce faire, en raison de sa praticabilité et de sa pérennité, le média de vulgarisation de notre choix, parce que plus accessible aux scientifiques, aux organisations non gouvernementales (ONG), aux décideurs et aux professionnels du tourisme, à même de servir de relais auprès des populations locales; devant nécessairement accorder un intérêt particulier à cette activité, susceptible d'améliorer leurs conditions de vie. L'élaboration de cette œuvre poursuit en effet un double objectif, à savoir: - Combler le vide documentaire constaté en matière de psychologie du tourisme, puis; 8 - Vulgariser dans les pays en voie de promotion touristique, toute la psychologie liée à cette industrie, en montrant l'importance des considérations psychologiques et leur influence dans l'activité touristique. Concernant l'insuffisance des documents, le constat est qu'il existe une abondante littérature sur le tourisme en général, mais non spécifiquement consacrée aux problèmes psychologiques liés au tourisme. L'analyse psychologique du tourisme et des voyages paraît être un fait récent; quand bien même quelques éléments de psychologie sont repérables dans l'œuvre déjà entreprise par Robert Lanquar sur «la gestion des ressources humaines dans l'entreprise touristique (1973), la sociologie du tourisme et des voyages (1985), le .marketing touristique (1992), la formation des formateurs des entreprises de tourisme et d'hôtellerie (1992).Toute la culture psychologique liée au tourisme demeure pratiquement inconnue, sinon disséminée ici et là à travers les écrits. Rares sont les ouvrages qui traitent directement du lien existant entre les fonctions psychiques proprement dites et l'activité touristique. L'un des buts de cet ouvrage est de juguler ce manque surtout en Afrique; pour susciter deux choses auprès des prestataires, une prise en compte systématique des facteurs psychologiques, dans l'élaboration des stratégies de promotion touristique; et un changement de mentalité des populations, vis-à-vis de cette culture importée; afin que les pays du tiers monde se mettent réellement au travail pour le développement de cette industrie porteuse d'espoirs socioéconomiques. Il n'y a en fait que la connaissance, l'appropriation de la culture ou de la psychologie du tourisme qui puissent dès le départ, garantir une prise de conscience collective à ce sujet. 9 A propos de la diffusion de la culture touristique, on note en effet qu'en Afrique, il y a «une absence de motivation des ressources humaines; l'explication subsiste peut-être dans la différence culturelle. Puisqu'il va sans dire que le tourisme véhicule un autre état d'esprit distinct de celui des africains. Il relève ainsi d'une culture occidentale du voyage, différente des traditions africaines» 1. Il devient dès lors opportun et nécessaire pour les politiques, les professionnels et spécialistes, d'inculquer la psychologie du tourisme à la communauté dans son ensemble; même s'il y a des lustres que celle-ci aurait pu s'accommoder aux manières occidentales depuis leur impérialisme en Afrique. Cet ouvrage présente ainsi le vaste champ d'une étude scientifique des considérations psychosociologiques liées à l'industrie touristique, partant d'abord des rapports qui existent entre la psychologie et le tourisme, jusqu'aux enjeux réels des principales fonctions psychiques telles que la perception, l'attention, la mémoire et la motivation, sans oublier d'autres réalités telles que l'environnement, le marketing, les métiers du tourisme et les effets liés à ce secteur d'activités. 1 S.Nkoghe et B.Minko Mve, 2006, Tourisme au Gabon, Paris, L'Harmattan, P 56. 10 Chapitrel Qu'est-ce que la psychologie? L'usage que nous faisons du concept de psychologie dans ce contexte, vise d'une part à établir un rapport entre ce dernier et les différents modes de pensée propres à chaque société; en ce sens que le tourisme est une affaire, un héritage de la pensée occidentale, qu'il faut intégrer dans d'autres milieux. Puis il fait d'autre part appel aux fonctions psychiques à l'origine des comportements et conduites humains, qui guident l'action des partenaires au tourisme. Il s'agit en d'autres termes de montrer comment les fonctions psychiques humaines (la perception, l'attention, la mémoire, motivation, etc.) interviennent ou suscitent-elles l'activité touristique; et de comprendre les mécanismes de fonctionnement de celles-ci. La définition ou l'explication du concept de psychologie est ici une donnée fondamentale qui permettra de poursuivre l'analyse pour un meilleur discernement du lien établi entre psychologie et tourisme. Etymologiquement parlant, psychologie vient du grec psyché (âme) et logos (science). La psychologie désigne à cet effet la science de l'âme. L'encyclopédie «Encarta 2005 » la présente comme une science du comportement de l'Homme et éventuellement d'autres animaux supérieurs (psychologie animale ou éthologie) qui étudie les fonctions et les processus mentaux tels que la perception, la mémoire Il et l'intelligence. C'est-à-dire en d'autres termes, la façon consciente ou inconsciente dont les êtres humains sentent, pensent, apprennent et connaissent. La psychologie moderne se donne pour tâche de recueillir des données objectives et quantifiées sur le comportement et sur l'expérience, afin d'en faire la synthèse à l'aide des théories psychologiques qui aident à comprendre, à expliquer et dans certains cas à infléchir le comportement des individus. La psychologie est constituée d'une grande diversité de domaines d'application, de l'entreprise à l'école, en passant par la cours de justice, où les psychologues donnent des consultations, révélant par là l'étendue de ses champs d'application. On note parmi ces domaines: - La psychophysiologie qui étudie les relations d'interdépendance entre les mécanismes psychiques et les fonctions du système nerveux. - La psychologie cognitive qui permet d'analyser notamment le rôle de l'attention, de la mémoire, de la perception, de la reconnaissance de motifs et de l'usage du langage dans le processus d'apprentissage (psycholinguistique ). La psychologie sociale dont l'examen du comportement des individus dans les rapports avec les groupes sociaux ou la société en général constitue l'objet d'étude. - La psychopathologie qui s'attache à décrire et à analyser les comportements psychologiques anormaux à l'intérieur de trois grands groupes de troubles 12 mentaux, à savoir les troubles psychotiques ou psychoses (une perte de contact avec le réel, la schizophrénie, la psychose maniaco-dépressive, les psychoses organiques), les troubles non psychotiques ou névroses qui n'impliquent pas de rupture avec le réel, mais rendent la vie pénible, malheureuse (l'anxiété, les phobies, les troubles obsessionnels compulsifs, l'amnésie et la personnalité multiple), les troubles de la personnalité qui affectent les personnalités antisociales (psychopathes ou sociopathes, ainsi que les individus aux comportements excessifs ou déviants). - La psychologie du travail pour laquelle les psychologues remplissent plusieurs fonctions au niveau des ressources humaines dans toute structure sociale professionnelle (embauche, tests pour entretiens, évaluation des travailleurs, développement de bonnes relations humaines et de bonne communication au sein de toute entité professionnelle, recherche pour services marketing et publicitaires, conceptions des cours ou de postes de travail). La psychologie2 dans son acception, peut revêtir de nos jours, une double signification. Elle est d'abord l'étude des « faits de conscience» par la méthode introspective, en vue de constituer une théorie générale de la conscience indépendante de toute spéculation métaphysique (sens le plus fréquent au 19èmesiècle). Puis elle est par ailleurs l'étude au moyen de la méthode expérimentale, des comportements et des conduites de l'animal ou de 2 Encyclopédie Générale Hachette, 1975, volume 10, Paris, Hachette. 13 I'Homme. Le dictionnaire fondamental de psychologie3, dans une large perspective, la place au sein des sciences du vivant, comme une discipline qui lie l'étude des faits psychiques et des structures mentales à celle du système nerveux, et cherche à établir les corrélats anatomiques, physiologiques et biochimiques des comportements. Cette perspective inclut la prise en compte des conditions écologiques et des niveaux d'évolution. Jean Delay et Pierre Pichot4 pour leur part, définissent la psychologie comme une science dont l'objet est l'étude de «I 'Homme dans la double perspective de ses comportements et de ses conduites d'une part, de ses états de conscience d'autre part », le but étant d'interroger les éléments vecteurs des différents états d'esprit chez l'Homme en vue de leur modification. Pour William James, la psychologie correspond à «la description et à l'explication des états de conscience en tant qu'état de conscience ».Watson avec le béhaviorisme5enfin, pense que la psychologie est « l'étude des réactions objectivement observables, qu'un organisme exécute en riposte aux stimulus, eux aussi objectivement observables venant du milieu ». De ces différentes définitions de la psychologie, il ressort que celle-ci est essentiellement une science d'observation de l'Etre mental dans un environnement donné. La psychologie en d'autres termes s'atèle principalement à observer, à étudier les agir de I'Homme dans un milieu donné et par rapport à des faits précis. 3 H.Bloch et Al, 1997, Dictionnaire fondamental de la psychologie, LZ Paris, Larousse-Bordas., P 1001. 4 Jean Delay et Pierre Pichot, 1967, Abrégé de psychologie, Paris, Masson. 5 Ibid. 14 1. Historiographie Platon et Aristote sont les premiers qui au 1er et au 15èmesiècle avant Jésus-Christ, se sont posés des questions sur les idées et les processus intellectuels humains. Néanmoins, on considère que c'est Descartes qui est à la base des courants de pensée à l'origine de la psychologie moderne; parce qu'il postulat un dualisme entre l'âme et le corps, et de ce dualisme sont issues deux conceptions psychologiques: une conception spiritualiste, étrangère à l'observation et à l'expérimentation, s'intéressant uniquement à l'activité de l'esprit, et une conception empiriste qui rejoint le béhaviorisme. Toutefois, on estime de nos jours que le terme psychologie daterait du 16èmesiècle de notre ère, mais il ne fut d'emploi courant qu'à partir du 18èmesiècle. Comme toutes les sciences, la psychologie a d'abord été liée à la philosophie. La nature et la complexité de son objet expliquent qu'elle n'ait conquis son autonomie que bien après la physique et la biologie. On distingue ainsi clairement, la psychologie philosophique de la psychologie scientifique ~ue l'on s'accorde généralement à dater du début du 19 me siècle. La psychologie scientifique est devenue scientifique lorsqu'elle a cherché à établir des résultats objectifs et mesurables ; c'est-à-dire contrôlables par chacun; lorsqu'elle s'est mise à faire systématiquement usage de la méthode expérimentale et ne s'est plus contentée d'une analyse réflexive. On aurait cependant tort de tomber dans le positivisme étroit en pensant que l'apport de la psychologie philosophique a été négligeable pour la psychologie scientifique. Dans ce sens, Descartes puis Diderot décrivaient déjà exactement le réflexe conditionné, bien avant que Wundt, puis Ivan Petrovic 15 Pavlov (1897) ne l'étudient en laboratoire (ce dernier a su démontré en expérimentant sur le chien, qu'une habitude perpétuée pouvait être à l'origine d'un réflexe donné chez l'Homme; et que ce réflexe n'avait aucune relation avec les «facultés» internes de l'Homme, c'est-à-dire sa conscience ). Il est courant dans l'histoire des idées, qu'une découverte ait été faite par voie d'analyse et de déduction, avant d'être vérifiée expérimentalement. Le mérite de la période préscientifique aura été de poser progressivement la plupart des problèmes dont la solution allait constituer la tâche de la science; et que celle-ci ne pouvait d'ailleurs aborder qu'à partir du moment où les sciences antérieures auraient acquis un développement suffisant. C'est-à-dire en d'autres termes que la psychologie scientifique s'oriente vers l'étude expérimentale des problèmes posés autrefois par la psychologie philosophique; et que le développement de la psychologie scientifique est conditionné par le développement véritable des autres sciences humaines. 2. La psychologie et les autres sciences humaines Par son objet d'étude, c'est-à-dire l'esprit humain, la psychologie a une affinité particulière avec les autres sciences humaines. Les sciences humaines peuvent être divisées en deux grands groupes: celles qui traitent de l'ensemble des faits humains du point de vue particulier (géographie humaine, écologie humaine, ethnographie, sociologie, histoire, archéologie et la psychologie); et celles qui traitent un objet particulier en l'envisageant à tous les points de vue (démographie, sciences juridicopolitiques, sciences économiques, sciences morales, technologie, sciences du langage). Il existe des relations 16 évidentes entre les deux groupes, en ce sens que toutes ces disciplines n'orientent leur réflexion que sur l'humain, soit sur le plan physique, psychique, ou le plan culturel, historique, démographique, etc. Mais chaque science humaine est caractérisée par une spécialisation des données, une spécialisation des méthodes, une spécialisation de l'objet et de la finalité. 2.1. Les sciences sociologiques Les deux sciences sociologiques qui sont la sociologie et l'ethnologie entretiennent des relations étroites avec la psychologie sociale. Pendant longtemps, les sociologues comme Durkheim et Davy, ont eu tendance à annexer à la sociologie la psychologie sociale. On assiste actuellement à un mouvement inverse. En fait, les deux sciences s'opposent surtout dans leur esprit. Si la psychologie étudie comment les comportements sociaux sont produits par les individus, la sociologie elle étudie ces comportements dans leur institutionnalisation. Cette spécificité marquée dans l'esprit ne l'est nullement dans les méthodes. La sociologie n'a en effet pas de méthodes propres. Après avoir longtemps fait référence aux méthodes historiques et ethnologiques, elle fait actuellement des emprunts de plus en plus fréquents aux techniques de la psychologie. On peut donc dire que la psychologie sociale constitue un intermédiaire entre les domaines psychologique et sociologique. L'ethnologie, partie intégrante de l'anthropologie, a pour but l'observation des pratiques sociales, en termes des us et coutumes, à l'intérieur des communautés réduites vivant en vase clos; elle comprend une série de branches, la raciologie, la préhistoire, la sociographie, l'ethnographie et 17 l'écologie qui délimitent les périodes ou les cadres d'observation de ces faits. L'ethnologie a eu depuis longtemps des rapports étroits avec la psychologie. Car, la culture du point de vue anthropologique, est avant tout une psychologie. Anthropologie et psychologie sont deux sciences dont le discours porte sur l'Homme, l'une l'étudiant sur le plan socioculturel, et l'autre sur le plan psychique. L'anthropologie s'emploie à comprendre la spécificité des productions des groupes sociaux et de leurs membres; tandis que la psychologie se donne pour objet, la connaissance des lois universelles de l'esprit humain. Ces disciplines pourtant complémentaires, ont longtemps évolué séparément. Or depuis Platon, certains courants de pensée, pour expliquer la nature humaine, établissaient déjà un rapport entre société et individu ou encore entre culture et comportement. Platon dans son ouvrage « la République» développa la théorie du parallélisme entre l'individu et la société. Selon la conception platonique « chacun de nous porte en lui les mêmes espèces de caractères et les mêmes mœurs que la société ». Dans «discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les Hommes », J. J. Rousseau prétendait que « se sont les conditions de la vie en société qui transforment la nature de l'Homme». Ces thèses sont des signes avant coureurs qui voulaient montrer que les institutions socioculturelles jouent un rôle essentiel sur la psychologie des individus. C'est dans cette perspective que C. Lévi-Strauss démontre à travers sa théorie structuraliste que l'ethnologie est avant tout une psychologie. Il fait largement référence à la psychologie lorsqu'il postule que les institutions sociales trouveraient leurs origines dans les modes de perception, c'est-à-dire dans les propriétés fondamentales de l'esprit humain. 18 Malinowski, d'un point de vue fonctionnaliste établissait aussi des analogies entre ces disciplines, d'une part parce que son fonctionnalisme signifie la recherche des motivations dans la coutume; et d'autre part, parce que la coutume sous sa forme instrumentale et utilitaire renvoie aux besoins psychologiques considérés comme des forces directrices sous-jacentes aux instincts, aux sentiments et aux émotions. Tylor, après de longues études sur les institutions sociales et leur fonctionnement, arrive à la conclusion que l'évolution culturelle s'accompagne de l'évolution mentale. De Gérando pensait quant à lui que l'étude des sociétés primitives, allait nous permettre de découvrir les lois fondamentales du développement psychologique de l'individu. Abram Kardiner et collaborateurs, s'intéressèrent également aux relations entre culture et personnalité autour des années 30, en développant une théorie de la personnalité de base, construite à partir des institutions primaires de la société, et d'abord son système éducatif qui transmet les valeurs et règles de conduite que la société se donne pour fondamentales. De même, Tolman fait remarquer que dans le cas d'animaux sociaux tels que les êtres humains, on ne peut étudier le comportement individuel, en faisant abstraction du tissu social qui produit les relations inter fonctionnelles. Les travaux de Jung, Freud, Rivers, Seligman et Roheim Gesa ont aussi ouvert ce vaste champ de réflexion des rapports étroits existant entre ces disciplines. Avec Freud, l'application de l'ethnologie à la psychanalyse commence lorsqu'en écrivant «totem et tabou », il s'inspire du matériel ethnographique de Frazer; à partir duquel il théorisa plus tard, l'évolution mentale et le développement individuel dans les sociétés primitives. C'est à lui qu'on doit le 19 rapprochement entre mentalité primitive et mentalité enfantine. Rivers et Seligman, s'appuyant sur «l'interprétation des rêves» de Freud, furent tout aussi bien parmi les premiers à s'interroger sur les applications potentielles de la psychanalyse en anthropologie. L'ensemble des études qui prennent en compte les variables culturelles et psychologiques font partie intégrante du domaine de l' ethnopsychologie, de la psychologie culturelle, de la psychologie interculturelle ou de l'anthropologie psychologique. Carmel Camilleri et Geneviève Vinsonneau répartissent ces études en trois groupes distincts à savoir; celles concernant la relation psychisme culture au sein des situations relevant d'une seule et même culture (situation culturelle homogène pour comprendre les comportements individuels ou collectifs à l'intérieur d'une même communauté); celles qui portent sur les processus d'interaction de plusieurs cultures (situation culturelle hétérogène pour comprendre les comportements individuels ou collectifs dans un contexte d'hétérogénéité culturel); et enfin les études faites à partir des comparaisons de différentes cultures. Il s'agit d'utiliser les données ethnographiques pour construire une psychologie comparée, ou de comprendre les mentalités à partir des us et coutumes. Anthropologie et psychologie s'empruntent ainsi les théories et les méthodes telles que l'observation contrôlée, les études de cas, les récits de vie, l'anamnèse ou 1'histoire du sujet, les entretiens et questionnaires, les sondages, les mathématiques sociales, etc. 2.2. Les sciences historiques Si 1'histoire est définie comme la science de l'évolution de l'Homme, évolution qui se situe dans un 20 cadre physique et social, mais avec l'Homme pour acteur et auteur, la psychologie doit jouer un rôle déterminant dans cette évolution. Les rapports entre psychologie et histoire sont multiples. D'abord, en ne considérant que le problème majeur de l'influence de la psychologie sur l'historien, par rapport à la conception de l'histoire, pour ne considérer que deux éléments fondamentaux: l'utilisation de la méthode historique pour l'information psychologique, et l'interprétation psychologique des faits historiques. Aussi, en psychologie médicale, l'utilisation de la méthode historique est constante, même si nous n'en avons pas toujours conscience. En effet, la reconstitution de l'histoire du développement psychique d'un patient, et l'examen des conditions dans lesquelles il a été élevé, nécessite l'utilisation des témoignages et des documents historiques. Ainsi, la conception de l'hystérie comme réaction primitive sera appuyée à la fois sur les données de l'ethnologie, qui montrent sa fréquence dans les sociétés contemporaines primitives, et sur celles de l'histoire qui permettent d'étudier les caractéristiques des périodes où elle s'est manifestée. La démarche inverse, c'est-à-dire l'interprétation des faits historiques par les lois de la psychologie est beaucoup plus complexe. Pour acquérir une valeur scientifique, la psychologie historique nécessite une collaboration étroite des spécialistes des deux disciplines. 2.3. La linguistique L'apport de la linguistique à la psychologie est considérable. La linguistique s'est d'abord attelée à mettre en valeur les différents types de langues, et par conséquent 21 la diversité des univers linguistiques. La langue, en tant que système conceptuel d'origine sociale, véhicule la culture, et par là ses affects psychologiques. La référence à une société telle qu'elle soit, renvoie non seulement à une aire linguistique précise, mais également à une aire culturelle spécifique, et par conséquent, à un certain type de mentalité ou de comportement. Faire allusion à la société française, c'est sans doute une allusion à la langue française, évoquant ainsi leur manière de penser et d'agir, et donc leurs comportements linguistiques (vitesse expressive, langage allégorique, discrétion ou courtoisie expressive, etc.) 2.4. L'esthétique Les beaux arts nécessitent et révèlent un ordre de conduite apparemment spécifique, que l'on peut étudier chez l'artiste et son public. L'esthétique aboutit à des recherches relatives à la production et à l'action spécifique des œuvres. Dans les deux cas, il y a manifestation du psychisme durant le travail, autour d'une réalité qui peut être successivement perçue comme stimulus, symbole et valeur. D'autre part, l'utilisation des productions artistiques permet d'explorer la psychologie de leurs acteurs à travers les caractères de leurs productions, en même temps que cette production peut elle-même avoir un effet sur le psychisme de tout autre artiste. Ainsi se sont développées deux techniques: les tests dits projectifs à matériaux artistiques, et la thérapeutique par l'art ou art thérapie. 22