LA PSYCHOLOGIE DU TOURISME

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LA PSYCHOLOGIE
DU TOURISME
Etudes Africaines
Collection
dirigée par Denis Pryen et François
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Jean-Claude K. BROU, Privatisation en Côte d'Ivoire, 2008.
Ibrahim S. NJOY A, Chasse au Cameroun, 2008.
Jean de Dieu MOLEKA LIAMBI, Promesse de liberté et
pratique politique en République démocratique du Congo,
2008.
Alain ELLOUE ENGOUNE, Du Sphinx au Mvett, 2008.
Fweley DIANGITUKW A, Flux migratoires internationaux et
stratégies de développement, 2008.
BOUOPDA Pierre Kamé, Cameroun, du Protectorat vers la
démocratie (1884-1992), 2008.
Jean-Pacifique BALAAMO MOKEL WA, Eglises et Etat en
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du Congo. Histoire du droit
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(1885-2003),
MENDY,
Sénégal.
2008.
Politiques
publiques
et
engagement politique, 2008.
Alfred Yambangba SAWADOGO, Afrique: la démocratie n 'a
pas eu lieu, 2008.
Dr BOGA Sako Gervais, Les Droits de l'Homme à l'épreuve:
cas de la crise ivoirienne du 19 septembre 2002, 2008.
W. Zacharia TIEMTORE, Technologie de l'information et de la
communication, éducation et post-développement en Afrique,
2008.
BOUOPDA Pierre Kamé, De la rébellion dans le Bamiléké,
2008.
Méthode GAHUNGU, La formation dans les séminaires en
Afrique. Pédagogie des Pères Blancs, 2008.
Dieudonné TSOKINI, Psychologie clinique et santé au Congo,
2008.
@
L' Harmattan, 2008
5- 7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan @ wanadoo. fr
harmattan! @wanadoo.fr
ISBN: 978-2-296-05355-7
EAN : 9782296053557
Sous la direction de
Stéphanie Nkoghe
LA PSYCHOLOGIE DU TOURISME
Avec la participation des étudiants:
Aude Gwladys Milébou, Boris Ndong Nguema, Ernest
Ojajune, Flora Obone Otogho, Francine Maroundou, Ghislain
M. Mounanga A'Matéba, Guy Christian Moussavou, JeanBernard Allogo Mba, Jean Pierre Ella, Kévin Otsaga Zoula,
Marie-Noëlle Igouwé Boffoue, Richelieu Zuè Obame
(Promotion
DESS
Tourisme
2005,
Département
d'Anthropologie, DOB, Libreville)
L'Hannattan
Du même auteur
Aux éditions L'Harmattan
Bernardin Minka Mvé et Stéphanie Nkaghe, Tourisme au
Gabon, 2006, 155 pages.
En préparation
Bernardin
Minka
Mvé
et
Stéphanie
Mondialisation et sociétés orales secondaires.
Nkaghe,
Avant-propos
Promouvoir le tourisme, c'est aussi promouvoir sa
psychologie, tout un autre état d'esprit. Le 21 èmesiècle se
révèle être le siècle pour l'Europe, celui du plein essor
d'autres innovations idéologiques, technologiques ou
industrielles. En effet, les idéologies mondialistes telles
que la mondialisation ou la planétarisation des cultures, les
autoroutes de l'information virtuelle, la protection de
l'environnement naturel et culturel, comme source de
développement durable, les projets de création de
nouvelles sources d'énergie à base d'essences naturelles (à
l'exemple des vagues ou courant marin), de nouvelles
stratégies d'aides internationales pour les continents les
plus pauvres, etc. font émergence, sont d'actualité et
constituent les enjeux socioéconomiques du monde actuel.
La haute technologie des moyens de communication,
d'information électronique et audiovisuelle: téléphones et
ordinateurs portables, scanners, logiciels professionnels,
etc. conditionnent désormais toute activité sociale.
Ces conceptions de développement socioéconomique
influencent évidemment toute la sphère mondiale; vu que
celles-ci sont empruntées et exécutoires dans d'autres
continents, voire d'autres pays. Concernant les nouvelles
sources d'approvisionnement
économique, l'industrie
touristique déjà en vigueur en Europe, s'est très vite
importée vers d'autres continents, comme en Afrique en
particulier où elle constitue le label d'une nouvelle
économie particulièrement prometteuse, via la protection
de l'environnement naturel et culturel, en vue de
rentabiliser davantage leurs économies précaires, et
prévenir le chômage (avec la création d'infrastructures
touristiques comme les Parcs Nationaux), puis l'après
7
pétrole dans certains pays, à l'exemple du Gabon où il fût
la principale ressource rentable au cœur de l'économie.
Au quotidien, l'exploitation de L'or Vert préoccupe la
pensée des décideurs, mais sans une mise en œuvre
effective. Tel est l'état des lieux actuels de l'industrie
touristique, dans ce continent toujours en mal de
développement. Une industrie touristique qui ne se trouve
encore dans la majorité des cas, qu'au stade de projet, sans
véritable application concrète sur le terrain, ni retombées
économiques statistiquement claires.
Quelles stratégies alors adopter pour qu'enfin
l'Afrique en général et le Gabon en particulier deviennent
une destination touristique économiquement rentable pour
les Etats et leurs populations? Nous proposons à ce sujet,
quelques éléments de réponse, partant de la vulgarisation
de la culture ou de l'esprit touristique propre au monde
occidental, tout en indiquant l'usage des médias et les
contacts de proximité comme conditions sine qua none
sans lesquelles tout processus de promotion touristique
n'est que pure illusion. Le livre représente pour ce faire, en
raison de sa praticabilité et de sa pérennité, le média de
vulgarisation de notre choix, parce que plus accessible aux
scientifiques, aux organisations non gouvernementales
(ONG), aux décideurs et aux professionnels du tourisme, à
même de servir de relais auprès des populations locales;
devant nécessairement accorder un intérêt particulier à
cette activité, susceptible d'améliorer leurs conditions de
vie. L'élaboration de cette œuvre poursuit en effet un
double objectif, à savoir:
- Combler le vide documentaire constaté en matière de
psychologie du tourisme, puis;
8
- Vulgariser dans les pays en voie de promotion
touristique, toute la psychologie liée à cette industrie, en
montrant l'importance des considérations psychologiques
et leur influence dans l'activité touristique.
Concernant l'insuffisance des documents, le constat
est qu'il existe une abondante littérature sur le tourisme en
général, mais non spécifiquement consacrée aux problèmes
psychologiques liés au tourisme. L'analyse psychologique
du tourisme et des voyages paraît être un fait récent; quand
bien même quelques éléments de psychologie sont
repérables dans l'œuvre déjà entreprise par Robert Lanquar
sur «la gestion des ressources humaines dans l'entreprise
touristique (1973), la sociologie du tourisme et des
voyages (1985), le .marketing touristique (1992), la
formation des formateurs des entreprises de tourisme et
d'hôtellerie (1992).Toute la culture psychologique liée au
tourisme
demeure
pratiquement
inconnue,
sinon
disséminée ici et là à travers les écrits. Rares sont les
ouvrages qui traitent directement du lien existant entre les
fonctions psychiques proprement dites et l'activité
touristique. L'un des buts de cet ouvrage est de juguler ce
manque surtout en Afrique; pour susciter deux choses
auprès des prestataires, une prise en compte systématique
des facteurs psychologiques, dans l'élaboration des
stratégies de promotion touristique; et un changement de
mentalité des populations, vis-à-vis de cette culture
importée; afin que les pays du tiers monde se mettent
réellement au travail pour le développement de cette
industrie porteuse d'espoirs socioéconomiques. Il n'y a en
fait que la connaissance, l'appropriation de la culture ou de
la psychologie du tourisme qui puissent dès le départ,
garantir une prise de conscience collective à ce sujet.
9
A propos de la diffusion de la culture touristique, on
note en effet qu'en Afrique, il y a «une absence de
motivation des ressources humaines; l'explication subsiste
peut-être dans la différence culturelle. Puisqu'il va sans
dire que le tourisme véhicule un autre état d'esprit distinct
de celui des africains. Il relève ainsi d'une culture
occidentale du voyage, différente des traditions
africaines» 1. Il devient dès lors opportun et nécessaire pour
les politiques, les professionnels et spécialistes, d'inculquer
la psychologie du tourisme à la communauté dans son
ensemble; même s'il y a des lustres que celle-ci aurait pu
s'accommoder aux manières occidentales depuis leur
impérialisme en Afrique.
Cet ouvrage présente ainsi le vaste champ d'une étude
scientifique des considérations psychosociologiques liées à
l'industrie touristique, partant d'abord des rapports qui
existent entre la psychologie et le tourisme, jusqu'aux
enjeux réels des principales fonctions psychiques telles que
la perception, l'attention, la mémoire et la motivation, sans
oublier d'autres réalités telles que l'environnement, le
marketing, les métiers du tourisme et les effets liés à ce
secteur d'activités.
1
S.Nkoghe et B.Minko Mve, 2006, Tourisme au Gabon, Paris,
L'Harmattan, P 56.
10
Chapitrel
Qu'est-ce que la psychologie?
L'usage que nous faisons du concept de psychologie
dans ce contexte, vise d'une part à établir un rapport entre
ce dernier et les différents modes de pensée propres à
chaque société; en ce sens que le tourisme est une affaire,
un héritage de la pensée occidentale, qu'il faut intégrer
dans d'autres milieux. Puis il fait d'autre part appel aux
fonctions psychiques à l'origine des comportements et
conduites humains, qui guident l'action des partenaires au
tourisme. Il s'agit en d'autres termes de montrer comment
les fonctions psychiques humaines (la perception,
l'attention, la mémoire, motivation, etc.) interviennent ou
suscitent-elles l'activité touristique; et de comprendre les
mécanismes de fonctionnement de celles-ci. La définition
ou l'explication du concept de psychologie est ici une
donnée fondamentale qui permettra de poursuivre l'analyse
pour un meilleur discernement du lien établi entre
psychologie et tourisme.
Etymologiquement parlant, psychologie vient du grec
psyché (âme) et logos (science). La psychologie désigne à
cet effet la science de l'âme. L'encyclopédie «Encarta
2005 » la présente comme une science du comportement de
l'Homme et éventuellement d'autres animaux supérieurs
(psychologie animale ou éthologie) qui étudie les fonctions
et les processus mentaux tels que la perception, la mémoire
Il
et l'intelligence. C'est-à-dire en d'autres termes, la façon
consciente ou inconsciente dont les êtres humains sentent,
pensent, apprennent et connaissent. La psychologie
moderne se donne pour tâche de recueillir des données
objectives et quantifiées sur le comportement et sur
l'expérience, afin d'en faire la synthèse à l'aide des
théories psychologiques qui aident à comprendre, à
expliquer et dans certains cas à infléchir le comportement
des individus. La psychologie est constituée d'une grande
diversité de domaines d'application, de l'entreprise à
l'école, en passant par la cours de justice, où les
psychologues donnent des consultations, révélant par là
l'étendue de ses champs d'application.
On note parmi ces domaines:
- La psychophysiologie qui étudie les relations
d'interdépendance entre les mécanismes psychiques et
les fonctions du système nerveux.
- La psychologie cognitive qui permet d'analyser
notamment le rôle de l'attention, de la mémoire, de la
perception, de la reconnaissance de motifs et de l'usage
du langage dans le processus d'apprentissage
(psycholinguistique ).
La psychologie sociale dont l'examen du
comportement des individus dans les rapports avec les
groupes sociaux ou la société en général constitue
l'objet d'étude.
- La psychopathologie qui s'attache à décrire et à
analyser les comportements psychologiques anormaux
à l'intérieur de trois grands groupes de troubles
12
mentaux, à savoir les troubles psychotiques ou
psychoses (une perte de contact avec le réel, la
schizophrénie, la psychose maniaco-dépressive, les
psychoses organiques), les troubles non psychotiques
ou névroses qui n'impliquent pas de rupture avec le
réel, mais rendent la vie pénible, malheureuse
(l'anxiété, les phobies, les troubles obsessionnels
compulsifs, l'amnésie et la personnalité multiple), les
troubles de la personnalité qui affectent les
personnalités
antisociales
(psychopathes
ou
sociopathes, ainsi que les individus aux comportements
excessifs ou déviants).
- La psychologie du travail pour laquelle les
psychologues remplissent plusieurs fonctions au niveau
des ressources humaines dans toute structure sociale
professionnelle (embauche, tests pour entretiens,
évaluation des travailleurs, développement de bonnes
relations humaines et de bonne communication au sein
de toute entité professionnelle, recherche pour services
marketing et publicitaires, conceptions des cours ou de
postes de travail).
La psychologie2 dans son acception, peut revêtir de
nos jours, une double signification. Elle est d'abord l'étude
des « faits de conscience» par la méthode introspective, en
vue de constituer une théorie générale de la conscience
indépendante de toute spéculation métaphysique (sens le
plus fréquent au 19èmesiècle). Puis elle est par ailleurs
l'étude au moyen de la méthode expérimentale, des
comportements et des conduites de l'animal ou de
2 Encyclopédie Générale Hachette, 1975, volume 10, Paris, Hachette.
13
I'Homme. Le dictionnaire fondamental de psychologie3,
dans une large perspective, la place au sein des sciences du
vivant, comme une discipline qui lie l'étude des faits
psychiques et des structures mentales à celle du système
nerveux, et cherche à établir les corrélats anatomiques,
physiologiques et biochimiques des comportements. Cette
perspective inclut la prise en compte des conditions
écologiques et des niveaux d'évolution.
Jean Delay et Pierre Pichot4 pour leur part, définissent
la psychologie comme une science dont l'objet est l'étude
de «I 'Homme dans la double perspective de ses
comportements et de ses conduites d'une part, de ses états
de conscience d'autre part », le but étant d'interroger les
éléments vecteurs des différents états d'esprit chez
l'Homme en vue de leur modification. Pour William
James, la psychologie correspond à «la description et à
l'explication des états de conscience en tant qu'état de
conscience ».Watson avec le béhaviorisme5enfin, pense
que la psychologie est « l'étude des réactions
objectivement observables, qu'un organisme exécute en
riposte aux stimulus, eux aussi objectivement observables
venant du milieu ». De ces différentes définitions de la
psychologie, il ressort que celle-ci est essentiellement une
science d'observation
de l'Etre mental dans un
environnement donné. La psychologie en d'autres termes
s'atèle principalement à observer, à étudier les agir de
I'Homme dans un milieu donné et par rapport à des faits
précis.
3 H.Bloch et Al, 1997, Dictionnaire fondamental de la psychologie, LZ Paris, Larousse-Bordas., P 1001.
4
Jean Delay et Pierre Pichot, 1967, Abrégé de psychologie, Paris,
Masson.
5
Ibid.
14
1.
Historiographie
Platon et Aristote sont les premiers qui au 1er et au
15èmesiècle avant Jésus-Christ, se sont posés des questions
sur les idées et les processus intellectuels humains.
Néanmoins, on considère que c'est Descartes qui est à la
base des courants de pensée à l'origine de la psychologie
moderne; parce qu'il postulat un dualisme entre l'âme et le
corps, et de ce dualisme sont issues deux conceptions
psychologiques: une conception spiritualiste, étrangère à
l'observation
et à l'expérimentation,
s'intéressant
uniquement à l'activité de l'esprit, et une conception
empiriste qui rejoint le béhaviorisme.
Toutefois, on estime de nos jours que le terme
psychologie daterait du 16èmesiècle de notre ère, mais il ne
fut d'emploi courant qu'à partir du 18èmesiècle. Comme
toutes les sciences, la psychologie a d'abord été liée à la
philosophie. La nature et la complexité de son objet
expliquent qu'elle n'ait conquis son autonomie que bien
après la physique et la biologie. On distingue ainsi
clairement, la psychologie philosophique de la psychologie
scientifique ~ue l'on s'accorde généralement à dater du
début du 19 me siècle. La psychologie scientifique est
devenue scientifique lorsqu'elle a cherché à établir des
résultats objectifs et mesurables ; c'est-à-dire contrôlables
par chacun; lorsqu'elle s'est mise à faire systématiquement
usage de la méthode expérimentale et ne s'est plus
contentée d'une analyse réflexive. On aurait cependant tort
de tomber dans le positivisme étroit en pensant que
l'apport de la psychologie philosophique a été négligeable
pour la psychologie scientifique. Dans ce sens, Descartes
puis Diderot décrivaient déjà exactement le réflexe
conditionné, bien avant que Wundt, puis Ivan Petrovic
15
Pavlov (1897) ne l'étudient en laboratoire (ce dernier a su
démontré en expérimentant sur le chien, qu'une habitude
perpétuée pouvait être à l'origine d'un réflexe donné chez
l'Homme; et que ce réflexe n'avait aucune relation avec les
«facultés»
internes de l'Homme, c'est-à-dire
sa
conscience ).
Il est courant dans l'histoire des idées, qu'une
découverte ait été faite par voie d'analyse et de déduction,
avant d'être vérifiée expérimentalement. Le mérite de la
période préscientifique aura été de poser progressivement
la plupart des problèmes dont la solution allait constituer la
tâche de la science; et que celle-ci ne pouvait d'ailleurs
aborder qu'à partir du moment où les sciences antérieures
auraient acquis un développement suffisant. C'est-à-dire en
d'autres termes que la psychologie scientifique s'oriente
vers l'étude expérimentale des problèmes posés autrefois
par la psychologie philosophique; et que le développement
de la psychologie scientifique est conditionné par le
développement véritable des autres sciences humaines.
2. La psychologie et les autres sciences humaines
Par son objet d'étude, c'est-à-dire l'esprit humain, la
psychologie a une affinité particulière avec les autres
sciences humaines. Les sciences humaines peuvent être
divisées en deux grands groupes: celles qui traitent de
l'ensemble des faits humains du point de vue particulier
(géographie humaine, écologie humaine, ethnographie,
sociologie, histoire, archéologie et la psychologie); et
celles qui traitent un objet particulier en l'envisageant à
tous les points de vue (démographie, sciences juridicopolitiques, sciences économiques, sciences morales,
technologie, sciences du langage). Il existe des relations
16
évidentes entre les deux groupes, en ce sens que toutes ces
disciplines n'orientent leur réflexion que sur l'humain, soit
sur le plan physique, psychique, ou le plan culturel,
historique, démographique, etc. Mais chaque science
humaine est caractérisée par une spécialisation des
données, une spécialisation
des méthodes,
une
spécialisation de l'objet et de la finalité.
2.1. Les sciences sociologiques
Les deux sciences sociologiques qui sont la sociologie
et l'ethnologie entretiennent des relations étroites avec la
psychologie sociale. Pendant longtemps, les sociologues
comme Durkheim et Davy, ont eu tendance à annexer à la
sociologie la psychologie sociale. On assiste actuellement à
un mouvement inverse. En fait, les deux sciences
s'opposent surtout dans leur esprit. Si la psychologie étudie
comment les comportements sociaux sont produits par les
individus, la sociologie elle étudie ces comportements dans
leur institutionnalisation. Cette spécificité marquée dans
l'esprit ne l'est nullement dans les méthodes. La sociologie
n'a en effet pas de méthodes propres. Après avoir
longtemps fait référence aux méthodes historiques et
ethnologiques, elle fait actuellement des emprunts de plus
en plus fréquents aux techniques de la psychologie. On
peut donc dire que la psychologie sociale constitue un
intermédiaire entre les domaines psychologique et
sociologique.
L'ethnologie, partie intégrante de l'anthropologie, a
pour but l'observation des pratiques sociales, en termes des
us et coutumes, à l'intérieur des communautés réduites
vivant en vase clos; elle comprend une série de branches, la
raciologie, la préhistoire, la sociographie, l'ethnographie et
17
l'écologie qui délimitent les périodes ou les cadres
d'observation de ces faits. L'ethnologie a eu depuis
longtemps des rapports étroits avec la psychologie. Car, la
culture du point de vue anthropologique, est avant tout une
psychologie. Anthropologie et psychologie sont deux
sciences dont le discours porte sur l'Homme, l'une
l'étudiant sur le plan socioculturel, et l'autre sur le plan
psychique. L'anthropologie s'emploie à comprendre la
spécificité des productions des groupes sociaux et de leurs
membres; tandis que la psychologie se donne pour objet, la
connaissance des lois universelles de l'esprit humain. Ces
disciplines pourtant complémentaires, ont longtemps
évolué séparément. Or depuis Platon, certains courants de
pensée, pour expliquer la nature humaine, établissaient déjà
un rapport entre société et individu ou encore entre culture
et comportement.
Platon dans son ouvrage « la République» développa
la théorie du parallélisme entre l'individu et la société.
Selon la conception platonique « chacun de nous porte en
lui les mêmes espèces de caractères et les mêmes mœurs
que la société ». Dans «discours sur l'origine et les
fondements de l'inégalité parmi les Hommes », J. J.
Rousseau prétendait que « se sont les conditions de la vie
en société qui transforment la nature de l'Homme». Ces
thèses sont des signes avant coureurs qui voulaient montrer
que les institutions socioculturelles jouent un rôle essentiel
sur la psychologie des individus. C'est dans cette
perspective que C. Lévi-Strauss démontre à travers sa
théorie structuraliste que l'ethnologie est avant tout une
psychologie. Il fait largement référence à la psychologie
lorsqu'il postule que les institutions sociales trouveraient
leurs origines dans les modes de perception, c'est-à-dire
dans les propriétés fondamentales de l'esprit humain.
18
Malinowski, d'un point de vue fonctionnaliste établissait
aussi des analogies entre ces disciplines, d'une part parce
que son fonctionnalisme signifie la recherche des
motivations dans la coutume; et d'autre part, parce que la
coutume sous sa forme instrumentale et utilitaire renvoie
aux besoins psychologiques considérés comme des forces
directrices sous-jacentes aux instincts, aux sentiments et
aux émotions.
Tylor, après de longues études sur les institutions
sociales et leur fonctionnement, arrive à la conclusion que
l'évolution
culturelle s'accompagne
de l'évolution
mentale. De Gérando pensait quant à lui que l'étude des
sociétés primitives, allait nous permettre de découvrir les
lois fondamentales du développement psychologique de
l'individu.
Abram
Kardiner
et
collaborateurs,
s'intéressèrent également aux relations entre culture et
personnalité autour des années 30, en développant une
théorie de la personnalité de base, construite à partir des
institutions primaires de la société, et d'abord son système
éducatif qui transmet les valeurs et règles de conduite que
la société se donne pour fondamentales. De même, Tolman
fait remarquer que dans le cas d'animaux sociaux tels que
les êtres humains, on ne peut étudier le comportement
individuel, en faisant abstraction du tissu social qui produit
les relations inter fonctionnelles. Les travaux de Jung,
Freud, Rivers, Seligman et Roheim Gesa ont aussi ouvert
ce vaste champ de réflexion des rapports étroits existant
entre ces disciplines. Avec Freud, l'application de
l'ethnologie à la psychanalyse commence lorsqu'en
écrivant «totem et tabou », il s'inspire du matériel
ethnographique de Frazer; à partir duquel il théorisa plus
tard, l'évolution mentale et le développement individuel
dans les sociétés primitives. C'est à lui qu'on doit le
19
rapprochement entre mentalité primitive et mentalité
enfantine.
Rivers
et Seligman,
s'appuyant
sur
«l'interprétation des rêves» de Freud, furent tout aussi
bien parmi les premiers à s'interroger sur les applications
potentielles de la psychanalyse en anthropologie.
L'ensemble des études qui prennent en compte les
variables culturelles et psychologiques font partie
intégrante du domaine de l' ethnopsychologie, de la
psychologie culturelle, de la psychologie interculturelle ou
de l'anthropologie psychologique. Carmel Camilleri et
Geneviève Vinsonneau répartissent ces études en trois
groupes distincts à savoir; celles concernant la relation
psychisme culture au sein des situations relevant d'une
seule et même culture (situation culturelle homogène pour
comprendre les comportements individuels ou collectifs à
l'intérieur d'une même communauté); celles qui portent sur
les processus d'interaction de plusieurs cultures (situation
culturelle hétérogène pour comprendre les comportements
individuels ou collectifs dans un contexte d'hétérogénéité
culturel); et enfin les études faites à partir des
comparaisons de différentes cultures. Il s'agit d'utiliser les
données ethnographiques pour construire une psychologie
comparée, ou de comprendre les mentalités à partir des us
et coutumes. Anthropologie et psychologie s'empruntent
ainsi les théories et les méthodes telles que l'observation
contrôlée, les études de cas, les récits de vie, l'anamnèse ou
1'histoire du sujet, les entretiens et questionnaires, les
sondages, les mathématiques sociales, etc.
2.2. Les sciences historiques
Si 1'histoire est définie comme la science de
l'évolution de l'Homme, évolution qui se situe dans un
20
cadre physique et social, mais avec l'Homme pour acteur
et auteur, la psychologie doit jouer un rôle déterminant
dans cette évolution. Les rapports entre psychologie et
histoire sont multiples. D'abord, en ne considérant que le
problème majeur de l'influence de la psychologie sur
l'historien, par rapport à la conception de l'histoire, pour
ne considérer que deux éléments fondamentaux:
l'utilisation de la méthode historique pour l'information
psychologique, et l'interprétation psychologique des faits
historiques.
Aussi, en psychologie médicale, l'utilisation de la
méthode historique est constante, même si nous n'en avons
pas toujours conscience. En effet, la reconstitution de
l'histoire du développement psychique d'un patient, et
l'examen des conditions dans lesquelles il a été élevé,
nécessite l'utilisation des témoignages et des documents
historiques. Ainsi, la conception de l'hystérie comme
réaction primitive sera appuyée à la fois sur les données de
l'ethnologie, qui montrent sa fréquence dans les sociétés
contemporaines primitives, et sur celles de l'histoire qui
permettent d'étudier les caractéristiques des périodes où
elle s'est manifestée. La démarche inverse, c'est-à-dire
l'interprétation des faits historiques par les lois de la
psychologie est beaucoup plus complexe. Pour acquérir
une valeur scientifique, la psychologie historique nécessite
une collaboration étroite des spécialistes des deux
disciplines.
2.3. La linguistique
L'apport de la linguistique à la psychologie est
considérable. La linguistique s'est d'abord attelée à mettre
en valeur les différents types de langues, et par conséquent
21
la diversité des univers linguistiques. La langue, en tant
que système conceptuel d'origine sociale, véhicule la
culture, et par là ses affects psychologiques. La référence à
une société telle qu'elle soit, renvoie non seulement à une
aire linguistique précise, mais également à une aire
culturelle spécifique, et par conséquent, à un certain type
de mentalité ou de comportement. Faire allusion à la
société française, c'est sans doute une allusion à la langue
française, évoquant ainsi leur manière de penser et d'agir,
et donc leurs comportements linguistiques (vitesse
expressive, langage allégorique, discrétion ou courtoisie
expressive, etc.)
2.4. L'esthétique
Les beaux arts nécessitent et révèlent un ordre de
conduite apparemment spécifique, que l'on peut étudier
chez l'artiste et son public. L'esthétique aboutit à des
recherches relatives à la production et à l'action spécifique
des œuvres. Dans les deux cas, il y a manifestation du
psychisme durant le travail, autour d'une réalité qui peut
être successivement perçue comme stimulus, symbole et
valeur. D'autre part, l'utilisation des productions
artistiques permet d'explorer la psychologie de leurs
acteurs à travers les caractères de leurs productions, en
même temps que cette production peut elle-même avoir un
effet sur le psychisme de tout autre artiste. Ainsi se sont
développées deux techniques: les tests dits projectifs à
matériaux artistiques, et la thérapeutique par l'art ou art
thérapie.
22
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