CHI 110 - STRUCTURE DE LA MATIERE NOTES DE COURS 3ème PARTIE : LES ETATS DE LA MATIERE I. Généralités Les trois états de la matière : gazeux, liquide, solide Ces trois états se distinguent par l’importance des forces de cohésions qui existent entres les composants (éléments, ions, molécules) de la matière. Gaz pas, ou très peu, d’interactions Liquide état condensé des forces de cohésion faibles (liaisons hydrogène, liaisons de Van der Walls) limitent le mouvement des espèces Solide état très condensé augmentation de la (ordonné) force des interactions entre interactions très fortes : les espèces solides ioniques, métalliques et moléculaires (liaisons covalentes) Attention : la matière peut changer d’état selon la température et la pression (exemple de l’eau). II – 1. Gaz Un gaz est composé de molécules, ou d’atomes (cas des gaz rares), qui sont en très faible interaction. On peut considérer sue les espèces sont pratiquement indépendantes. II – 1. Liquides L’état liquide est un état intermédiaire entre gaz et solide. Il existe entre les molécules des forces de cohésion qui limitent leur mouvement. II – 1. Solides L’état solide est un état à la fois condensé et ordonné : il n’y a plus de mouvement des différentes espèces qui composent le solide. Il existe différents types de solides : - Les solides ioniques (ex. : NaCl) : les liaisons entre les éléments qui les composent sont fortes (167-630 kJ mol–1), mais en général ils sont facilement solubles dans l’eau. - Les solides métalliques (ex. : Na métal) : la liaison métallique est moins forte que la liaison ionique, ce qui se traduit en particulier par le fait que les métaux peuvent être déformés sous l’action de forces extérieures (il faut éventuellement les chauffer pour pouvoir les déformer). Propriétés particulières : conduisent la chaleur et l’électricité. - Les solides moléculaires Exemple : le graphite (nC, type sp2). Il est composé de plans dont la cohésion est assurée par des liaisons faibles du type Van der Walls (voir plus loin). Les liaisons covalentes sont fortes (et peu polarisées dans ce cas) et difficiles à rompre. Les liaisons entre les plans sont faibles : on peut en particulier faire glisser les plans les uns par rapport aux autres. Dans le plan, les liaisons π sont délocalisés Ö conduction du courant dans ce plan. C C C C C C C C C C C C C C C C C - C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C Les solides covalents Exemple : le diamant (nC). Il est composé uniquement d’atomes de carbone (type sp3), tous reliés par des liaisons covalentes fortes. Le diamant est un solide très dur, qui ne se déforme pas. Il est relativement chimiquement inerte, insoluble dans l’eau, … C C C C C C C C C C C C C C C C C C C C 2 C C II. Les gaz : loi des gaz parfaits L’état gazeux se caractérise par son aspect non condensé. L’espacement important entre les molécules ou les atomes qui le constituent lui confère des propriétés particulières. Ces propriétés sont relativement simples, ce qui a permis aux premiers chimistes de l’ère moderne de découvrir des notions fondamentales sur les atomes et les molécules. • Tous les gaz sont miscibles entre eux, car il n’y a que peu (ou pas du tout) d’interactions entre les espèces à l’état gazeux. • Les gaz présentent les 4 caractéristiques fondamentales suivantes : 1. leur composition : si dans un mélange de gaz ni est le nombre de moles d’un gaz i, le nombre total de moles nT de gaz dans ce mélange sera nT = Σni ; 2. leur température, qui sera donnée en K (t en °C + 273,15) ; 3. leur volume (en m3) ; 4. leur pression (en N/m2). • Les relations entre pression, volume, température, sont définies par trois lois : ¾ à T cste, PV = cste (loi de Boyle-Mariotte) : si P , V (transformation isotherme) ; ¾ à P cste, ¾ à V cst, V = cste (loi de Gay-Lussac/Charles) : si T , V (transformation isobare) ; T P = cste (pas de nom pour cette loi) : si T , P (transformation isochore). T ¾ Ces trois lois se résument en une seule : PV = cste T Cette constante ne dépend que du nombre de moles de gaz nT (indice T pour total) et d’une constante R, qui est appelée constante des gaz parfaits. C’est la loi d’Avogadro-Ampère. PT VT = nTR ( ou PTVT = nTRTT) TT Remarques : ¾ la relation entre les propriétés macroscopiques des gaz est liée uniquement au nombre de molécules, pas à leur masse ; 3 ¾ les gaz réels ne suivent qu’approximativement cette loi simple ; la loi des gaz parfaits n’est valable qu’à faible pression ; ¾ cette équation traduit le comportement des gaz par ses paramètres physiques (équation d’état) ; ¾ c’est à cette occasion qu’a été introduite la notion de mole (qui signifie une grande quantité de molécules. De façon plus exacte, cette quantité est le nombre d’Avogadro : N = 6,022¯1023 unités par mole. • Soit xi la fraction molaire d’un gaz i dans un mélange : xi = • ni n = i ; Σxi = 1 Σn i nT Soit Pi la pression partielle du gaz i dans un mélange : Pi = xiPT • Autres variables : n P ; d’après la loi des gaz parfaits c = V RT - la concentration c = - la masse volumique ρ = - la densité d = d= m PM ; comme m = nM (où M est la masse molaire), ρ = V RT ρ ; comme la masse molaire moyenne de l’air est de 29g mol–1, on a ρ air M . 29 Remarques : ¾ Rappel sur les unités : température en degrés Kelvin K (t en °C + 273,15) ; volume en m3 ; pression en N/m2 ; ¾ R (cste des gaz parfaits) = 0,082056 l.atm.K–1.mol–1 ; ¾ R (dans le SI) = 8,314 J.K–1.mol–1 ; on voit donc apparaître la dimension d’une énergie. En effet, PV force¯volume/surface = force¯longueur : c’est un travail, donc de l’énergie. ¾ Forme ″pratique″ de cette loi : V = nRT ; P Dans les conditions standard (T = 273,15 K, P = 1 atmosphère), le volume de 1 mole de gaz vaut 22,414 litres (valable pour tous les gaz). 4 III. Les forces faibles (liaisons non covalentes) Les molécules, formées d’atomes maintenus ensemble par des liaisons chimiques covalentes ou covalentes polarisées, ne peuvent exister sous forme isolée que dans les gaz à très faible pression. Dans les milieux condensés – liquides, solutions, ou solides – ainsi que dans les gaz à des pressions ordinaires, les molécules entrent en contact avec d’autres molécules qui peuvent être du même type (cas d’un liquide), soit différentes (cas d’une solution). Dans ces conditions il existe un certain nombre d’interactions d’origine électrostatique qui produisent des forces intermoléculaires, responsables de la formation de liquides ou solides à température ordinaire, ainsi que de l’organisation de la matière (micelles, vésicules, membranes, ….). III – 1. Forces intermoléculaires (ou forces de Van der Walls) Rappel : la loi des gaz parfaits (PV = nRT) n’est valable que pour les gaz à très faible pression. Pour les gaz sous haute pression (gaz réels), cette relation devient : a ⎞ ⎛ ⎜ P + 2 ⎟(V − b ) = RT V ⎠ ⎝ Dans cette relation empirique, établie par VAN DER WALLS, le terme correctif a tiens V2 compte des forces d’attraction entre les molécules, créant ainsi des liaisons faibles, de l’ordre de 8 à 40 kJ mol–1. Ces forces sont d’origine électrostatique et sont liées soit à la polarité d’une molécule polaire, soit à l’aptitude d’une molécule apolaire à se polariser (polarisabilité). Les forces intermoléculaires (ou forces de Van der Walls) correspondent à des interactions entre molécules à courtes distances (0,3 à 0,8 nm) qui produisent une force totale d’attraction intermoléculaire responsable de la cohésion de la matière dans les milieux condensés. A très courtes distances (d<0,3 nm) ces interactions deviennent répulsives et empêchent les molécules de se rassembler pour atteindre de très fortes densités (e.g. celles des noyaux). Il existe donc une distance optimale qui correspond au maximum d’attraction entre deux molécules On rappelle encore une fois que l’origine de ces interactions est électrique. Elles seront présentées ici par ordre d’énergie décroissante. 5 III – 2. Cas particulier des molécules chargées : l’interaction ion-ion Une molécule chargée, ou un ion, de charge q1 (charge positive : cation ; charge négative : anion) produit à la distance r un champ électrique E = A q1 . r2 Si on place un autre ion de signe opposé et de charge q2 à la distance d du premier, ce dernier subit une force d’interaction électrostatique associée à une énergie d’interaction qui prend la forme de l’énergie de Coulomb, typique de la formation de la liaison ionique : E = A C’est donc une interaction qui agit à une assez grande distance (elle est en typiquement 40 à 500 kJ.mol–1. q 1q 2 d 1 ) et qui vaut d III – 3. Liaisons chimiques polaires et interactions électrostatiques. III – 3.1.Rappel : la liaison covalente polarisée. Lorsque les atomes impliqués dans une liaison chimique covalente sont d’électronégativité différente (χA ≠ χB), les deux électrons mis en commun dans la liaison sont attirés par l’élément le plus électronégatif. Par exemple, si on suppose que χA<χB, la densité électronique vers l’atome B sera supérieure à celle qu’a cet atome quand il est n’est pas lié à l’atome A. Le barycentre des charges positives (noyaux) est inchangé, mais il ne coïncide plus avec celui des charges négatives car le nuage électronique est déformé (la densité de charges négatives est supérieure au voisinage de l’atome B). Cette dissymétrie des charges est équivalente à un dipôle électrique, d’où un moment dipolaire pour cette liaison. Si χA < χB : A+q – B–q ; le moment dipolaire est μ = q d (en unité Debye : 1 debye D = 3,34 x 10–30 C.m ; d = vecteur distance) ; par convention le moment dipolaire μ est orienté du moins vers le plus : +q –q B A μ Pour une liaison covalente simple on écrit q = δe–, où e– (charge de l’électron) = 1,6¯10–19 C et δ la fraction d’électron échangée (0 ≤ δ ≤ 1), c’est à dire la charge partielle portée par les atomes, ce qui reflète la variation de la densité électronique par rapport aux atomes isolés. 6 III – 3.2. Interaction ion-dipôle Une molécule polaire neutre (de moment dipolaire μ ) interagit avec une molécule chargée (charge q) pour produire une énergie (potentielle) d’attraction qui vaut A μq . Elle vaut de d2 l’ordre de 15-200 kJ.mol–1. Cette interaction agit à distance moyenne (en 1 ) et disparait donc à plus grande distance d2 plus rapidement que l’interaction entre deux ions (qui est en 1 ). Elle est responsable de la d solvatation des ions dans l’eau et elle est maximum lorsque l’ion est fortement chargé (q maximum) et petit (d minimum). III – 3-3. Liaisons de Van der Walls (A) Interaction dipôle-dipôle (interaction de KEESOM) Deux molécules polaires A et B possédant des dipôles non nuls μA et μΒ peuvent s’orienter de façon à maximiser l’interaction entre elles. En d’autres termes, une des molécules est dans le champ électrique créé par l’autre. Par suite de l’agitation thermique, le moment dipolaire et le champ électrique résultant peuvent prendre n’importe qu’elle orientation, mais l’effet interaction dipôle-dipôle + μA μB + global est non nul car certaines orientations (de la molécule A est dans le champ électrique créé par la molécule B plus faibles énergies) sont privilégiées. L’énergie d’interaction vaut A μ AμB 1 et n’est efficace qu’à très courte distance (en 3 ). 3 d d Cette énergie d’interaction est très variable, entre 5 et 160 kJ.mol–1. (B) dipôle induit Rappel : le nuage électronique d’une molécule peut être déformé par un champ électrique dans lequel elle est plongée, ce qui crée un moment dipolaire induit (noté μ*) qui est proportionnel au champ électrique qui le produit. La capacité du nuage électronique à se déformer est la polarisabilité α, qui augmente avec le nombre d’électrons dans la molécule. 7 (C) Interaction dipôle-dipôle induit (interaction de DEBYE) Une molécule polaire (de moment dipolaire μ1) crée autour d’elle un champ électrique qui peut produire un dipôle induit μ* dans une molécule non-polaire, mais polarisable, voisine. Pour cette molécule apolaire on passe de μ = 0 à μ > 0. Ce dipôle induit interagit avec le dipôle permanent de la molécule polaire voisine, ce qui crée une interaction entre les deux molécules. L’énergie d’interaction est faible (1 et 10 kJ.mol–1) et n’opère qu’à très courte distance (en 1 ) d6 molécule polaire molécule polarisable + + - + + μA μ=0 interaction dipôledipôle induit ++ -+ + μA (D) μ = μ∗ Interaction dipôle induit-dipôle induit (interaction de LONDON) Dans une molécule apolaire, la circulation des électrons (négatifs) par rapport au noyau (positif) peut créer un moment de dipôle instantané (à un instant donné les barycentres des charges positives et des charges négatives ne coïncident plus). Le moment dipolaire de ce dipôle instantané peut induire un dipôle dans une autre molécule apolaire. L’énergie de ce type d’interaction est en 1 et vaut typiquement de 2 à 50 kJ.mol–1. 6 d molécule apolaire molécule polarisable + + - + μ=0 interaction dipôle induitdipôle induit - μ=0 + μinstantané (E) - ++ -+ μ = μ∗ Remarques L’interaction de London existe toujours, même entre molécules polaires qui possèdent déjà un moment de dipôle permanent. - En général, l’interaction dipôle-dipôle domine les forces intermoléculaires entre molécules polaires, alors que les interactions dipôle induit-dipôle induit dominent celles entre molécules peu ou pas polaires et fortement polarisables. 8 III – 3-3. Applications A) point d’ébullition des liquides Le point d’ébullition d’un liquide mesure la force de cohésion intermoléculaire qui assure la formation du liquide. Plus le pont d’ébullition est élevé, plus il faut fournir d’énergie pour rompre les liaisons entre les molécules qui composent le liquide. Ainsi l’augmentation du point d’ébullition des gaz rares avec la masse atomique (donc le nombre d’électrons et la polarisabilité) reflète l’existence de forces de London (responsables de la condensation des gaz à basse température). Dans le cas de molécules polaires, comme par exemple les halogénures d’hydrogène (HX), les forces de London sont également importantes, bien que les interactions dipôle-dipôle dominent. En effet, HBr (36 électrons) a un point d’ébullition (206 K) bien plus élevé que celui du Kr (36 électrons aussi) qui ne vaut que 116,7 K. En revanche, les interactions dipôle induit-dipôle induit contrôlent l’augmentation du point d’ébullition dans la série des HX, car l’évolution du moment dipolaire (proportionnel à la différence d’électronégativité entre H et X) suit la tendance inverse. halogénure d’hydrogène HCl HBr HI temp. d’ébullition 188 K 206 K 248 K Δχ ( χCl–χH) 0,9 0,7 0,4 B) Solubilité Une particule (molécule, ion, …) est soluble dans un solvant donné si les interactions intermoléculaires solvant-particule sont plus fortes (énergétiquement plus favorables) que les interactions particule-particule et solvant-solvant. Conséquences : - les composés polaires seront solubles dans les solvants polaires grâce aux interactions favorables dipôle-dipôle. Remarque : les composés solubles dans l’eau (solvant très polaire) sont appelés hydrophiles ; - les composés non polaires présentent des interactions favorables dipôle induit-dipôle induit et seront solubles dans les solvants apolaires ; on les appelle hydrophobes ou lipophiles. 9 III – 3-4. La liaison hydrogène Considérons la variation du point d’ébullition des hydrures suivants, classés par masse moléculaire croissante : composé H2 O H2 S H2Se H2Te point d’ébullition 373 K 212 K 232 K 271 K nb d’électrons 8 16 34 52 Δχ 1,4 0,4 0,3 0 Même si les interactions dipôle-dipôle sont les plus élevées dans le cas de l’eau (Δχ est le plus élevé pour ce composé), la température exceptionnellement élevée de l’eau ne peut que s’expliquer par l’existence d’une interaction intermoléculaire particulière : la liaison hydrogène. Autres observations expérimentales de la formation de liaison hydrogène : - le point d’ébullition de HF (20°C) est plus élevé que celui de HCl (–100°C) - le point d’ébullition de NH3 (–30°C) est plus élevé que celui de PH3 (–120°C) Cette interaction provient du partage d’un atome d’hydrogène entre 2 atomes très électronégatifs (O, N, F). Pour former une liaison H, il faut : - un atome H lié par une liaison covalente polarisée (de type σ) à un atome électronégatif X, qui est le groupe X-H donneur de liaison hydrogène. - un second un atome électronégatif X, qui doit porter une fraction de charge négative et un doublet libre, qui est l’accepteur de liaison hydrogène. L’origine de la liaison hydrogène est essentiellement électrostatique, de type dipôle-dipôle. L’hydrogène lié à un atome électronégatif porte une fraction de charge positive très localisée qui interagit fortement avec le dipôle produit par l’autre atome électronégatif fonctionnant comme accepteur. 10 H H O H O H H H H O O O H H H Remarques - La présence d’une paire libre d’électron sur l’accepteur produit une faible contribution covalente qui contribue à stabiliser la liaison H. - L’énergie d’une liaison hydrogène est de l’ordre de 2-60 kJ.mol–1. - L’énergie d’une liaison hydrogène est maximum lorsque les 3 atomes impliqués sont colinéaires. Remarque : chaque molécule d’eau peut agir comme double accepteur et double donneur de liaison hydrogène, ce qui explique en particulier son point d’ébullition élevé. - Les liaisons hydrogène habituelles sont : N–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅N O–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅N F–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅N N–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅O O–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅O F–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅O N–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅F O–H⋅⋅⋅⋅⋅⋅⋅F F–H⋅⋅⋅⋅⋅ ⋅⋅F - La liaison hydrogène peut s’établir entre molécules (intermoléculaire), mais aussi au sein d‘une même molécule (intramoléculaire), conduisant dans ce dernier cas à la stabilisation de géométries particulières. H O O H O O R H C C O 11 O H O R