L`Histoire en citations

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L’Histoire en citations
Michèle Ressi
Seconde Guerre mondiale
et Quatrième République
L’Histoire en citations
est une collection de livres numériques.
La Chronique, divisée en 10 volumes, raconte l’histoire de France des origines
à nos jours, en 3 500 citations numérotées, replacées dans leur contexte,
avec sources et commentaires.
Le Dictionnaire recense toutes les citations (et leurs auteurs), regroupées par
mots clés, mots thèmes et expressions, classés par ordre alphabétique
en quelque 6 500 entrées.
Michèle Ressi, auteur et chercheur au CNRS, a publié une vingtaine de titres – dont
L’Histoire de France en 1000 citations (Eyrolles, 2011). L’écriture théâtrale lui a
donné le goût des dialogues, et la passion des citations. CV complet sur Wikipédia.
Sommaire
Seconde Guerre mondiale
Prologue
Quelques repères
Personnage du général de Gaulle
Chronique (1939-1945)
∑
Quatrième République
Prologue
Idéologie et politique
Économie et société
Chronique (1945-1958)
∑
Index par noms
Seconde
Guerre mondiale
3 septembre 1939 : Déclaration de guerre à l’Allemagne
8 mai 1945 : Capitulation des armées allemandes marquant la fin de la guerre en Europe
De la défaite à la Libération, la France vaincue vit un « naufrage » avec Pétain, avant d’être
sauvée par de Gaulle, la Résistance, les Alliés.
Après la déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne à l’Allemagne
(3 septembre 1939), la « drôle de guerre » dure huit mois : rien ne se passe en France, alors
qu’Hitler a rayé la Pologne de la carte en trois semaines et l’a partagée avec l’URSS.
En mai-juin 1940, c’est l’invasion allemande, et la débâcle. Paris tombe le 14 juin. Pétain,
héros de la Première Guerre mondiale, aujourd’hui vieillard de 84 ans, devenu chef de
gouvernement, appelle à cesser le combat le 17 juin, et signe l’armistice le 22. Mais l’Appel du
18 juin, lancé par le général de Gaulle sur la radio de Londres et plusieurs fois renouvelé, porte
l’autre message : le combat continue, cette guerre est mondiale et la victoire est au bout.
Pétain établit sa capitale provisoire à Vichy, en juillet. Chef de l’État français qui n’est plus
une République, il a reçu les pleins pouvoirs des Chambres qui voient en lui le seul recours la majorité des Français pensent de même. Il tente d’assainir le terrain moral et d’établir un
ordre nouveau fondé sur la trilogie « travail, famille, patrie ». En même temps, il « entre dans
la voie de la collaboration », lors de l’entrevue de Montoire avec Hitler (24 octobre 1940).
La France humiliée vit à l’heure allemande : annexion au Reich de l’Alsace-Lorraine,
reste du pays coupé en deux zones jusqu’en 1942, occupation, collaboration, travail
forcé en Allemagne, camps de concentration, statut infâmant pour les juifs. Mais la
résistance s’organise.
De Gaulle, chef de la France libre et combattante, soutenu par Churchill, mal compris
par Roosevelt, rallie les forces patriotiques jusque dans les colonies d’Afrique, non sans
difficultés. Orateur né, entrant dans l’histoire à 50 ans, identifiant désormais son destin
à celui de la France, il ne se contente pas de combattre, il prépare les bases d’un régime
nouveau qu’il voudrait sans plus de coalitions d’intérêts ni de privilèges.
La France déchirée de cette époque troublée multiple les exemples d’héroïsme au quotidien,
souvent anonymes, de ralliements plus ou moins tardifs (tels les communistes à l’appel de
Staline), de trahisons et de dénonciations, de souffrances, de tortures et de morts dans les
camps de concentration et dans les rangs de « l’armée des ombres » (Résistance).
Cependant, le monde entier s’enflamme : Hitler a attaqué l’URSS (22 juin 1941), les
Japonais ont coulé la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor (7 décembre 1941),
l’Allemagne et l’Italie ont déclaré la guerre aux États-Unis. Au total, 92 millions d’hommes
seront mobilisés.
La libération du territoire occupé commence en Afrique du Nord (novembre 1942).
Le premier débarquement des Alliés sur le continent se fait en Normandie (6 juin 1944),
le second en Provence (15 août). Paris est libéré le 25 août par la 2e DB de Leclerc.
Et Strasbourg, le 23 novembre. L’Allemagne capitulera le 8 mai 1945.
La victoire permet une transition rapide du régime de Vichy à la nouvelle République, mais
les règlements de compte et l’« épuration » opposent à nouveau des Français aux Français.
Seconde Guerre mondiale • Prologue
Prologue
Quelques repères
2708. « La vieillesse est un naufrage.
Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain
allait s’identifier avec le naufrage de la France. »
Général de GAULLE
Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954)
1939-1945. La France vit l’une des pages les plus dramatiques de son histoire : guerre et défaite,
occupation de son territoire, pillage de ses ressources, destructions, hécatombes.
En 1940, le recours au maréchal Philippe Pétain, héros de la Première Guerre mondiale, vieillard de
84 ans, va se révéler le pire des pièges, et le pays se divise dans une autre guerre fratricide.
2709. « Un fou a dit “Moi, la France” et personne n’a ri
parce que c’était vrai. »
François MAURIAC
François MAURIAC (1885-1970)
Encyclopædia Universalis, article « France »
Simple général de brigade à titre temporaire, Charles de Gaulle en 1940, absolument seul et contre le
destin, refuse la défaite entérinée par le gouvernement légal de la France face à l’Allemagne nazie.
En vertu de quoi, il continue la lutte dans l’Angleterre toujours en guerre, mobilise des résistants,
combattants français de plus en plus nombreux à entendre cette autre voix de la France parlant espoir
et grandeur, se fait reconnaître non sans peine des Alliés, déchaîne des haines et des passions également
inconditionnelles, et permet enfin à la France d’être présente au jour de la victoire finale.
Seconde Guerre mondiale • Prologue
2710. « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France.
Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. »
Général de GAULLE
Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954)
Premiers mots des Mémoires rédigés entre l’échec du RPF (1953) et le retour au pouvoir (mai 1958),
parus de 1954 à 1959. L’Appel (1940-1942), L’Unité (1942-1944), Le Salut (1944-1946) : six années
d’histoire de France et du monde en trois tomes – suite de récits, portraits, méditations et formules –
signés d’un personnage historique qui est aussi un écrivain parmi les grands du siècle. Son entrée dans
la prestigieuse collection de La Pléiade (Gallimard, 2002) en fait foi.
Le début est devenu page d’anthologie : « Le côté positif de mon esprit me convainc que la France
n’est réellement elle-même qu’au premier rang ; que, seules, de vastes entreprises sont susceptibles de
compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays, tel qu’il est,
parmi les autres, tels qu’ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. Bref, à
mon sens, la France ne peut être la France sans la grandeur. »
2711. « Le général de Gaulle ne prétendait pas inventer la Résistance,
mais l’incarner. »
Edgar FAURE
Edgar FAURE (1908-1988), Oraison funèbre de Christian Fouchet à l’Assemblée nationale (1974)
« Il ne se proposait pas d’implanter dans l’âme populaire des opinions et des sentiments qui n’y auraient
pas existé ; mais bien au contraire, de cette âme populaire et de ces réactions simples et droites, il
entendait se faire l’interprète et en quelque sorte le restituer. »
Le phénomène de la Résistance est d’abord extérieur, lancé de Londres par de Gaulle lors du fameux
Appel, le lendemain même du jour où Pétain, chef du gouvernement, accepte publiquement la défaite.
Mais la Résistance, phénomène qui touche tous les pays, se fait très vite aussi intérieure – élan populaire,
désordonné, « amateur », qu’il faut utiliser, « récupérer » au meilleur sens du mot. Contrôler, orienter,
unifier la Résistance, telle sera l’une des missions du chef de la France libre et combattante.
2712. « Pour soulever le fardeau, quel levier est l’adhésion du peuple !
Cette massive confiance, cette élémentaire amitié,
qui me prodiguent leurs témoignages, voilà de quoi m’affermir. »
Général de GAULLE
Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome II, L’Unité, 1942-1944 (1956)
De Gaulle, d’abord seul, rassemble autour de sa personne et de l’idée-force de Résistance une « armée
des ombres » et des troupes de militaires qui grossiront.
La France, pétainiste dans son immense majorité en 1940, se retrouve gaulliste dans les mêmes
proportions, en 1945. Divisions, oppositions, contestations au nouveau chef de la France se manifesteront
après le « salut ».
Seconde Guerre mondiale • Prologue
2713. « Elle [la France] n’est pas seule [. . .] Elle peut faire bloc
avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte [. . .]
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française
ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. »
Général de GAULLE
Charles de GAULLE (1890-1970), Appel du 18 juin 1940, Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954)
Atout majeur de la France dans cette histoire, la Grande-Bretagne qui a aussi trouvé son grand homme :
Churchill, partenaire essentiel pour de Gaulle. Au lendemain de la défaite française de juin 1940, la
« bataille d’Angleterre » commence avec la marine qui empêche tout débarquement allemand, l’aviation
qui met en échec la Luftwaffe, enfin le Commonwealth qui permet de tenir tête à Mussolini et même à
Hitler, dans la guerre méditerranéenne.
2714. « Cette guerre est une guerre mondiale. Dans l’univers libre,
des forces immenses n’ont pas encore donné. Un jour, ces forces
écraseront l’ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente
à la victoire. Alors elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. »
Général de GAULLE
Charles de GAULLE (1890-1970), Appel « A tous les Français » du 23 juin 1940
La Résistance : chronique illustrée 1930-1950 (1973), Alain Guérin
Paroles littéralement prophétiques, alors que l’Angleterre est seule à faire encore front face à Hitler qui
semble tout-puissant ! La guerre devient mondiale quand l’Allemagne attaque l’URSS (22 juin 1941) et
quand le Japon intervient contre les États-Unis (7 décembre 1941) et le Commonwealth (début 1942).
Elle s’étend à tous les continents, toutes les mers du globe, mobilise 92 millions d’hommes et fait (selon
les estimations) de 35 à 60 millions de morts (civils et militaires). Il fallait sans doute que cette guerre,
si mal commencée, devint mondiale pour finir bien, mais le prix en sera terrible, au-delà même de
ces statistiques.
2715. « La guerre, ce n’est pas l’acceptation du risque.
Ce n’est pas l’acceptation du combat. C’est, à certaines heures,
pour le combattant, l’acceptation pure et simple de la mort. »
Antoine de SAINT-EXUPÉRY
Antoine de SAINT-EXUPÉRY (1900-1944), Pilote de guerre (1942)
Pilote de ligne qui traça l’un des premiers la liaison France-Amérique, pilote d’essai et de raid, alors que
le succès littéraire lui vint au début des années 1930 – Courrier du Sud, Vol de nuit –, journaliste partant
pour de grands reportages, combattant en 1939-1940, il rejoint en 1943 les Forces françaises libres et
meurt en 1944, pilote volontaire pour une mission de guerre. L’humanisme, le lyrisme, la façon simple
et courageuse de faire ce métier d’aventurier, et cette fin à 42 ans, feront de « Saint-Ex » un héros et un
écrivain très aimés, notamment de la jeunesse.
Seconde Guerre mondiale • Prologue
2716. « Faire la guerre au loin est assurément une épreuve très pénible,
mais [. . .] la supporter sur le territoire national, et cela
trois fois en un siècle, face au plus savamment cruel des ennemis,
c’est beaucoup plus qu’il n’en faut pour surmener un peuple
édifié tour à tour dans le malheur et la gloire. »
Georges DUHAMEL
Georges DUHAMEL (1884-1966), La Pesée des âmes (1949)
Comme Saint-Ex, Duhamel, témoin lucide de son temps, tire d’un métier qui lui fait côtoyer la mort
l’essentiel de son inspiration littéraire et de son humanisme.
Biologiste et médecin, engagé à titre de chirurgien militaire dans « cette aventure absurde et
monstrueuse » de la Grande Guerre, il a vu venir la suivante. Elle fait d’énormes dégâts matériels en
France : ports, ponts, voies ferrées, usines et maisons détruites. La terre même a souffert, bouleversée
par les bombardements, truffée de mines. Les pertes humaines sont estimées à 600 000 : 200 000
soldats, 400 000 civils (dont la moitié morts en déportation, dans les camps).
2717. « C’est une erreur de croire que les hommes moyens
ne sont capables que de sacrifices moyens. »
Georges BERNANOS
Georges BERNANOS (1888-1948)
Après Dachau : recueil des allocutions de Pierre Murat (1992), Pierre Murat
À côté des héros, une armée des ombres va se lever, anonyme, donnant le gros des bataillons de
la Résistance.
2718. « Battus, brûlés, aveuglés, rompus, la plupart des résistants
n’ont pas parlé ; ils ont brisé le cercle du Mal et réaffirmé l’humain,
pour eux, pour nous, pour leurs tortionnaires mêmes. »
Jean-Paul SARTRE
Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Situations II (1948)
Prisonnier, libéré grâce à un subterfuge, Sartre l’éternel engagé participe à la constitution d’un réseau
de résistance.
Activité clandestine à haut risque : en France, 30 000 résistants fusillés, plus de 110 000 déportés, dont
la plupart morts dans les camps, ou à leur retour. Jean Moulin en est à la fois le chef (président du
Conseil national de la Résistance), le héros, le martyr, le symbole.
Seconde Guerre mondiale • Prologue
2719. « La vraie barbarie, c’est Dachau ; la vraie civilisation,
c’est d’abord la part de l’homme que les camps ont voulu détruire. »
André MALRAUX
André MALRAUX (1901-1976), Antimémoires (1967)
Témoin et surtout acteur de ce temps, prisonnier de guerre en 1939, évadé d’un camp après l’armistice
de 1940, aventurier au sens noble comme de Gaulle et rallié inconditionnel du général incarnant la
Résistance, blessé dans les rangs du maquis, commandant la brigade d’Alsace-Lorraine à la libération.
Le camp de concentration, institution type des régimes totalitaires, est l’un des instruments de la
terreur instaurée par le nazisme : on y enferme les juifs, les gitans et les homosexuels, les résistants,
tous les opposants. Dachau, près de Munich, est l’un des premiers camps ouverts, en 1933. Au total, 203
camps, entre 6 et 9 millions de morts (selon les sources), juifs en majorité.
2720. « Ils se croyaient des hommes
N’étaient plus que des nombres. »
Jean FERRAT
Jean FERRAT (1930-2010), Nuit et brouillard (1963), chanson sur les prisonniers des camps nazis
Nuit et brouillard est d’abord le titre d’un film de 1955, d’Alain Resnais et Jean Cayrol (poète et romancier,
ancien déporté), qui évoque les camps d’extermination. Après les témoignages au présent, l’atrocité de
la guerre fait surgir les œuvres du souvenir.
2721. « C’est bon pour les hommes de croire aux idées
et de mourir pour elles. »
Jean ANOUILH
Jean ANOUILH (1910-1987), Antigone (1943)
La guerre n’est pas un enfer pour tous, partout et tout le temps. Dans le Paris de l’Occupation, les
salles de spectacle sont pleines, les théâtres surtout font recette et certaines œuvres, malgré la censure
allemande, parlent aux Français le langage qu’ils veulent entendre. Ainsi, cette Antigone à la fois
mythique et contemporaine, qui résiste à Créon, à son ordre, à ses lois. Cependant que le chœur dit :
« C’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir. »
2722. « Hitler ? Connais pas. »
Bertrand BLIER
Bertrand BLIER (né en 1939), Titre d’un film de 1962
C’est aussi la réponse à un sondage, devenu symbole d’une génération qui n’a pas fait ni même connu la
guerre et l’ignore. Plus grave est la volonté pseudo scientifique et politiquement coupable de certains
historiens des années 1980 de nier l’existence des camps de concentration, comme si l’holocauste
n’avait été qu’une immense illusion collective. On appelle cela le révisionnisme. Élie Wiesel, prix Nobel
de la paix (1986), qualifie cette attitude de perversion morale, intellectuelle, politique et sociale.
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