Discours de Michèle BLUMENTHAL Cérémonie en l’honneur du 71e Appel du Général de Gaulle 18 juin 2011 Mesdames, Messieurs, Nous sommes une nouvelle fois réunis pour commémorer le 71e anniversaire de l’Appel lancé depuis Londres par le Général de Gaulle, le 18 juin 1940 Cet appel, le Général de Gaulle, l’adresse à tous ceux qui voulaient continuer la lutte, et cet appel est lancé du seul pays encore en guerre en 1940. Même si l’appel du 18 juin n’est pas le premier ni le dernier appel à la résistance, il est resté dans notre mémoire collective comme étant le premier acte de refus et de rébellion, refus de considérer que la guerre se termine en France par cette étrange défaite. L’appel lancé de Londres est une réaction de l’honneur, inspiré par le courage du désespoir selon certains, il exprime une logique, une certitude pour d’autres. Dans les faits, il est une certitude l’Allemagne nazie sera vaincue et la France doit être présente dans la victoire. Et cet appel trouve son aboutissement le 26 Août 1944. Dans quel contexte le général de Gaulle lance t’il son appel ? Les troupes allemandes entrent dans Paris le 14 juin, et occupent la France mettant un terme à notre souveraineté nationale. Le 16 Juin, le Parlement, replié à Bordeaux, nomme le maréchal Pétain Président du Conseil. Personne alors ne peut penser que le « vainqueur de Verdun » accompagnera docilement les exigences allemandes et expliquera dans le message du 17 juin que les combats doivent s’arrêter car l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit du sacrifice. L’armistice sera signé le 22 juin, et les nazis exigent que la cérémonie se déroule dans la clairière de Rethondes, c’est-à-dire, humiliation suprême, à l’endroit même où en 1918, le maréchal FOCH avait reçu la reddition de l’Empire allemand. Finalement, le 10 Juillet, le vote des pleins pouvoirs au Chef de l’Etat français met un terme, provisoire, à la République. Ne refusent cette mise entre parenthèses de la République, que les 80 parlementaires qui ne votent pas les pleins pouvoirs à Pétain, et d’autres, d’horizons politiques très divers, qui venus embarquent à bord du « Massilia » vers l’Afrique du Nord pour continuer la lutte. Sous sa forme républicaine, la France s’est effondrée. L’appel du 18 juin, même s’il ne fut entendu que par peu de personnes, en effet huit millions de français fuyaient la progression des armées allemandes, cinq millions de postes de radio pour 41 millions d’habitants, marque bien la naissance de la résistance. Dans cette résistance, seul quelques uns avaient précédé l’appel. Ce fut le cas de Jean Moulin, Préfet de l’Eure-et-Loir qui refuse de signer un protocole reconnaissant que des tirailleurs sénégalais avaient commis un effroyable massacre à Saint-Georges-surEure. Plutôt que de signer, Jean Moulin torturé tente de se suicider plutôt que de signer un texte déshonorant l’armée. De même le Général Cochet, Commandant des forces aériennes, rassemble ses hommes dans les monts du Velay, deux heures après le message de Pétain, et leur donne des consignes de résistance. Il faut imaginer ce que peut ressentir un haut fonctionnaire, un militaire quand ils doivent désobéir, entreprendre un combat dans l’illégalité. La France libre ce 18 juin 1940 s’incarne dans un homme inconnu du grand public qui, de la radio de Londres, affirme que la France a un empire, qu’il faut s’appuyer sur le monde, que la guerre est mondiale. A la fin du mois de juillet, ils ne sont que 3000 français libres mais grâce au ralliement des territoires d’OutreMers quelques mois plus tard, ils sont 27 000. Depuis l’an dernier, nous commémorons Félix Eboué, Gouverneur du Tchad qui dès le 18 juin se rallie à De Gaulle. Le 26 Août, à la Mairie de Fort Lamy, il proclame avec le commandant Marchand, le ralliement du Tchad. Il reçoit le Général De Gaulle le 15 octobre et sera nommé le 12 novembre Gouverneur de l’AEF. Je suis très fière d’avoir inauguré avec vous ce matin dans cette place centrale du 12e arrondissement, une plaque en l’honneur de ce grand homme. Si l’appel du 18 juin fait du Général de Gaulle le premier des résistants, il n’est pas encore le Chef de la résistance. Il lui faut donc l’organiser, la fédérer, faire de la Résistance intérieure une véritable armée, rassembler toutes les forces politiques qui acceptent de taire leurs divergences pour travailler en commun à la libération du pays et à son relèvement. Il doit aussi se faire accepter des Britanniques, afin de disposer d’un minimum de moyens matériels, dont il est totalement dépourvu, arrivant seul et sans fortune. Il s’attelle donc à unifier les réseaux, à constituer, grâce à l’action du Préfet Jean Moulin, du Général Delestraint, l’Armée Secrète, ainsi qu’un service de renseignements, du Colonel Passy. Dès le 8 juillet 1942, le Général de Gaulle écrit : « Aujourd’hui comme toujours ce sont les idées qui mènent le monde. Et puisque cette guerre n’est plus une guerre des Etats, non plus même une guerre des peuples, mais bien une guerre des hommes, les idées qui inspireront la paix doivent être à l’échelle de l’humanité. » Il entreprend enfin de former un gouvernement provisoire au sein duquel se retrouvent des patriotes de tous bords, depuis la droite, représentée par Alliance Démocratique et la Fédération Républicaine, jusqu’au Parti Communiste, la SFIO, les démocrates chrétiens et bien sûr ceux qui formeront, après la Libération, le mouvement « gaulliste ». De Gaulle aurait pu se borner à mettre en œuvre la libération militaire du pays, qu’il aurait laissé ensuite aux hommes politiques de l’avantguerre. Mais il sait que la défaite de 1940 a prouvé la faillite des élites de la IIIe République. Il veut donc que la Libération marque le début d’une ère nouvelle, d’une République rénovée. Il écrit en 1944 « Les grandes sources de la richesse commune doivent être dirigées et exploitées non point pour le profit de quelques uns, mais pour l’avantage de tous. Il importe que les coalitions d’intérêts qui ont tant pesé sur la condition des hommes et sur la politique même de l’Etat soient abolies une fois pour toutes » Il veut des institutions plus efficaces, adaptées à un pays qui devient une puissance industrielle, largement urbanisé, où les classes moyennes s’étoffent, où la condition des classes populaires, modifiée déjà par le Front Populaire, reste à améliorer. Ce fut le rôle du Conseil National de la Résistance d’élaborer ce programme de rénovation et de redressement national, qui permit après 1944 de mettre en place nombre des réformes économiques et sociales qui ont fait de la France un Etat moderne, un pays capable de donner du travail à tous par nationalisations et la création des services publics. les En ce jour du 18 juin, n’oublions pas ceux qui en libérant la capitale ont perdu la vie, Pierre Brossolette, Jacques Bonsergent, Manouchian, les quinze garçons fusillés à la cascade du bois de Boulogne, et tous ceux dont les plaques dans nos rues conservent le souvenir. Nous devons au Général de Gaulle le fait que la France soit redevenue une Nation indépendante. Nous lui devons également d’être entrés en 1944 dans une période nouvelle de notre histoire. Son action a permis la reconstruction matérielle et économique de la France, le progrès social, l’accès des femmes au suffrage universel, le service public à la Française. Et au plan extérieur, il imposa aux alliés la reconnaissance de la France comme grande puissance. C’est en cela que tient l’actualité de cet appel du 18 juin. Je vous remercie.