Les suppléments nutritionnels prescrits aux personnes âgées fragiles sontils utiles, et peut-on améliorer leur efficacité? La prévalence élevée de la dénutrition chez les personnes âgées est expliquée par les modifications physiologiques liées à l’âge, les maladies, la prise de médicaments et une alimentation souvent insuffisante. Au cours du vieillissement, la masse musculaire diminue progressivement en raison de la sédentarité, des faibles apports protidiques, d’une production moindre des hormones anabolisantes et de la présence fréquente de maladies neuro dégénératives. Ceci entraîne une altération de la force musculaire, des troubles de la marche et une augmentation du risque de chute et de dépendance. Différentes études ont montré que les compléments oraux protéino-énergétiques sont efficaces chez le sujet âgé dénutri ou à risque de dénutrition pour prévenir ce tableau clinique. Ils améliorent en effet le statut nutritionnel, restaurent la masse musculaire, diminuent la durée des hospitalisations et le risque de décès. Toutefois, peu d’études d’intervention ont évalué leur bénéfice sur le statut fonctionnel et la perte d’autonomie. Des chercheurs anglais et australiens ont réalisé une étude interventionnelle de supplémentation entre février 2006 et juin 2008. Des personnes de plus de 70 ans admises dans un hôpital pour une affection aigue ont été pre-sélectionnées. Elles étaient incluses dans l’étude si leur IMC était < 24 kg/m2 et si elles avaient perdu plus de 5% de leur poids pendant l’hospitalisation, ou si leur circonférence brachiale était inférieure aux normes anthropométriques. Les critères d’exclusion étaient un score de Barthel > 18 témoignant d’une bonne autonomie, une maladie chronique hépatique ou rénale, le fait de vivre en institution, une altération cognitive, une dysphagie, un cancer, une maladie en phase terminale, un rhumatisme inflammatoire ou un antécédent d’AVC empêchant une bonne préhension. Les participants ont été tirés au sort pour recevoir quotidiennement un complément nutritionnel dès leur sortie de l’hôpital et pendant 16 semaines. Ce supplément devait être consommé en plus de leur alimentation habituelle et apportait soit 600 kcal et 40 g de protéines (groupe intervention) soit 200 kcal et 12 g protéines (groupe témoin) ; ces 2 préparations étaient présentées dans le même contenant. Les sujets ont été revus 8 et 16 semaines après l’inclusion. L’autonomie mesurée par l’indice de Barthel était le critère de jugement principal. D’autres critères ont été colligés pour préciser l’efficacité de cette supplémentation. La force musculaire était mesurée au niveau du poignet à l’aide d’un dynamomètre et celle des membres inférieurs par le test du lever de chaise. Le poids et la taille étaient mesurés pour calculer l’indice de masse corporelle. L’état de santé et la qualité de vie étaient évalués par le questionnaire Euroquol. Les niveaux d’activité physique ont été quantifiés pendant 7 jours consécutifs en utilisant un actimètre et des capteurs de déplacement miniatures portés au niveau de la ceinture. Les apports énergétiques et protidiques ont été estimés par une enquête alimentaire sur 3 jours avant le démarrage de la supplémentation puis en fin d’étude. Les événements indésirables liés au traitement ont été renseignés à 4, 8, 12 et 16 semaines. La compliance au traitement a été notée en comptabilisant les briquettes de supplément non ouvertes. Le nombre de séances de rééducation prescrites et de chutes a été comptabilisé. Le recrutement a été difficile, puisque 73% des patients éligibles ont refusé de participer, ne voulant pas consommer des produits à base de lait. Au final 253 sujets (126 dans le groupe intervention et 127 dans le groupe témoin) ont été inclus dans l’étude. Ils avaient un âge moyen de 82 ans et prenaient en moyenne 7 médicaments par jour. La plupart ne se déplaçaient qu’avec une aide, plus de 40% étaient incapables de faire le test de lever de chaise, et la mortalité était de 7% au bout de 16 semaines. Parmi les participants, 24% sont sortis prématurément de l’essai et 23% seulement ont complété les 2 enquêtes alimentaires. Au cours des 16 semaines de l’étude, le groupe intervention a augmenté ses apports énergétiques de 11% et le groupe témoin de 7%. En revanche, le groupe intervention a augmenté ses apports en protéines de 11%, ceux du groupe témoin étant inchangés. Si les tests n’ont pas objectivé d’amélioration des capacités fonctionnelles, la force de préhension s’est significativement améliorée dans le groupe supplémenté. La force des jambes était également plus importante chez les sujets supplémentés par rapport aux sujets témoins qui avaient pu faire le test de lever de chaise. L’activité physique et le poids augmentaient significativement dans le groupe supplémenté par rapport à l’autre groupe. Aucune différence significative n’a été observée pour la qualité de vie. Seulement 38% des sujets supplémentés et 50% des sujets témoins ont pris régulièrement la supplémentation. Il est probable que les participants n’aimaient pas ces produits ou ne souhaitaient pas être supplémentés. ©2010 Successful Aging SA Af 607-2010 Les suppléments nutritionnels prescrits aux personnes âgées fragiles sontils utiles, et peut-on améliorer leur efficacité? Evolution des critères de jugement Différence entre les 2 groupes p Poids 1,17 0,04 Force du poignet 1,52 0,004 Indice de Barthel 0,28 0,32 Echelle Euroquol - 0,22 0,99 Augmentation de la vitesse de marche 1,78 0,02 Différence moyenne entre les 2 groupes après 16 semaines de suivi et après ajustement sur le sexe et la compliance au traitement. Les résultats de cette étude ne sont pas vraiment en faveur de la supplémentation nutritionnelle. On peut penser que la prescription de compléments alimentaires à domicile est plus difficile à réaliser qu’en institution. Le succès de ce traitement passe par sa bonne acceptation de la part du malade et son entourage qui doivent considérer la supplémentation comme une stratégie thérapeutique à part entière. Plus encore, une bonne organisation incluant l’intervention d’une équipe mobile multidisciplinaire comprenant une diététicienne, une assistance sociale, un auxiliaire de vie et un kinésithérapeute semble nécessaire. extraits de fruits ou de la poudre de chocolat dans les préparations sucrées, du fromage râpé ou des exhausteurs de goût dans les potages. Le contenu de la briquette peut être transvasé dans un récipient plus fonctionnel ou plus convivial. Le moment et le lieu de la prise du supplément ainsi que l’agrément de la table ont aussi son importance. Enfin, avant d’avoir recours aux compléments nutritionnels il est possible d’enrichir les préparations culinaires ordinaires par des produits courants comme le fromage, le lait en poudre ou concentré afin d’en accroître la densité nutritionnelle sans en augmenter le volume. L’observance doit être surveillée pour adapter au mieux la gamme de produits disponibles. Le parfum, la texture et la température doivent être variés et choisis avec le patient selon ses préférences. Les produits peuvent parfois être mieux acceptés si leur goût est amélioré par une pointe de caramel, de vanille, des Sylvie Lauque, Successful Aging, Boulogne-Billancourt McMurdo ME, Price RJ, Shields M, Potter J, Stott DJ. Should oral nutritional supplementation be given to undernourished older people upon hospital discharge? A controlled trial. J Am Geriatr Soc. 2009 ©2010 Successful Aging SA Af 607-2010