Entrevue avec Boucar Diouf, humoriste et conteur, Mérite dʼhonneur 2011 en
éducation
Véronique Covanti, CPIQ :
Qui est-ce qui vous a insufflé votre amour pour la langue française?
Boucar Diouf, humoriste et conteur, Mérite dʼhonneur 2011 de la francofête en
éducation :
Ah moi cʼest sûr cʼest Leopold Sedar Senghor. Moi je suis un Sedar un peu comme
Senghor, alors cʼétait un modèle pour nous, même sʼil était beaucoup beaucoup
beaucoup plus ancien que nous. Moi jʼai grandi dans Le Cid, Leopold Senghor
était connu internationalement pour son verbe et son amour pour la langue française,
cʼétait quelquʼun qui a habité dans le village à côté du nôtre. Alors nous avons lu les
écrits de Leopold Sedar Senghor et puis de plein dʼautres auteurs africains aussi mais
cʼest Senghor qui a vraiment été le catalyseur de ce besoin du verbe pour moi, cʼest
sûr.
Véronique Covanti :
Et comment vous pensez quʼon peut accrocher les jeunes, leur faire aimer la langue?
Boucar Diouf :
Ben moi je pense que cʼest en leur faisant comprendre que cʼest une belle langue tout
simplement. Je pense que ce qui est important cʼest de cultiver la fierté, de dire
«écoute, Gilles Vigneault, ce quʼil a fait comme poésie, tu peux chercher pendant
longtemps, tʼen trouveras pas ailleurs». Cʼest de cette façon-là, moi je pense, que de
plus en plus les gens vont avoir cette conscience et ils vont revenir dʼeux-mêmes, ils
vont se sentir francophone. On ne peut pas être une planète tout le monde parle
anglais, ça marche pas. Cʼest la diversité qui crée la richesse, autant en biologie...
faudrait quʼil y en ait qui parlent espagnol, dʼautres qui parlent français, dʼautres qui
parlent anglais et cʼest ça qui crée une richesse. Je pense que la conscience est là.
Aussi, il faut travailler un peu mais la conscience est là chez les jeunes, je suis
convaincu de ça. Beaucoup de gens disent «Ah les jeunes maintenant ne sont pas
bons en français» et tout mais tsé, qui les ont précédés nʼétaient pas mieux! Cʼest juste
quʼils ne se regardent pas dans le miroir de temps en temps, là.
Véronique Covanti :
Quels genres dʼactivités vous pensez quʼon peut faire?
Boucar Diouf :
Je pense à la lecture, beaucoup la lecture mais aussi la musique, les amener à écouter
la musique dʼici. Et là, je pense que les médias peuvent collaborer là-dedans parce que
de dire aux gens quʼils nʼécoutent plus la musique francophone... Il faut leur donner
lʼoccasion dʼen écouter parce que si à chaque fois quʼon ouvre un poste de radio ici on
entend de la musique anglophone, cʼest sûr que les jeunes nʼécouteront pas de la
musique francophone! Alors il faut donner à la chanson francophone un poids, pour que
les jeunes y aient accès à la radio. Les médias peuvent collaborer là-dedans. Pis lʼautre
chose, cʼest les parents, faut que les parents... cʼest au tout début, les faire lire, les
initier à la lecture, cultiver le besoin de lire, cultiver leur curiosité en français, parce que
tu peux consolider ta langue, puis tu peux apprendre une deuxième langue. Lʼanglais
on peut lʼapprendre à 14,15, 20, 25 ans.
Véronique Covanti, CPIQ :
Est-ce que vous voulez nous décrire un peu ce que vous avez vu cet après-midi?
Boucar Diouf :
Cʼest magnifique! Cʼétait magnifique, moi ce que jʼai aimé cʼest que ceux qui étaient
nominés ou ont eu des prix venaient dʼun peu partout; cʼest le Lac-St-Jean, cʼest le Bas
du Fleuve, des récipiendaires de lʼAbitibi qui ne sont pas venus, St-Jean-sur-Richelieu,
Lac-Etchemin. Je pense que pour cet aspect-là, on peut dire que cʼest territorial, cʼest le
territoire au complet qui a été célébré! Ce que jʼai entendu cʼest magnifique. Cʼest la
première fois que je viens à cette remise de prix-là, mais dʼencourager les jeunes à
écrire, à réfléchir, avec des thèmes imposés, de leur donner une dizaine de mots et de
leur dire «écrivez quelque chose qui se tient en utilisant ces mots», ça, jʼai trouvé ça
vraiment magnifique aussi. Aussi, dʼavoir des idées, des idées novatrices en pédagogie.
Si les jeunes trouvent le français assez impénétrable comme langue, cʼest parce quʼil
nʼy a pas des gens comme cette dame qui est venue, je pense que cʼest du Cégep de
Jonquière, qui a fait son rap pour apprendre comment accorder les participes passés.
Moi jʼavais un prof à lʼUniversité de Rimouski qui disait : «être pédagogue cʼest pouvoir
expliquer la même chose de trois façons différentes, trois façons. Tu essaies avec une
façon et tu regardes dans la salle, tu dis «ah je pense quʼil y en a qui sont, qui nʼont pas
compris, donc ils sont peut-être plus visuels, je mʼen vais ailleurs», ou «cʼest des gens
qui sont peut-être plus tactiles, alors jʼy vais avec des outils qui sont plus tangibles».
Donc je trouve, jʼespère que dans lʼavenir, on encouragera plus les projets avec des
enseignants, des enseignants qui innovent en éducation, qui innovent et qui disent «les
façons traditionnelles dʼenseigner, peut-être que dans certains domaines elles ont fait
leurs preuves mais ailleurs, ça se peut que ce soit un obstacle et il faut trouver des
méthodes alternatives, des chemins de contournement. Enseigner lʼaccord des
participes passés avec un rap je trouve ça original. Je pense que les élèves qui vont
apprendre ce truc ça va être un tremplin pour eux. Alors cʼest ça quʼil faut faire, il faut
inciter les gens à se réapproprier le français mais autrement, parce que ça peut pas
être la même chose. Moi quand jʼétais au lycée on mʼenseignait les classiques de la
langue française, les classiques, Corneille, Le Cid... cʼest beau quoi, mais pour un
Africain... pour un Africain, scuse-moi mais cʼest une réalité qui est tellement loin de
nous là, le baron, les comtes et tout. Jʼaurais aimé moi apprendre le rap avec des
tambours, apprendre lʼaccord des participes passés avec un tam tam et quelquʼun qui
chante, jʼaurais préféré ça. Voilà!
Véronique Covanti :
Merci!
Boucar Diouf :
Ça me fait bien plaisir!
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