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congrès
Ann Biol Clin 2009 ; 67 (6) : 685-96
Ann Biol Clin, vol. 67, n° 6, novembre-décembre 2009 685
doi : 10.1684/abc.2009.0392
Ce dossier regroupe le contenu des interventions scien-
ti ques qui se sont déroulées au cours des journées de
la SFBC, dans le cadre des Journées internationales de
biologie (Paris, 3-6 novembre 2009).
Introduction générale
L. Gutmann
Service de microbiologie, Hôpital Georges Pompidou,
APHP, 75015 Paris
Le pneumocoque reste l’un des agents pathogènes majeurs
des infections de l’enfant et du sujet adulte en France
et dans le monde. En France outre les millions d’otites
de l’enfant, on estime qu’il est responsable de plus de
50 000 pneumonies et d’environ 700 à 900 méningites,
le tout associé à une dizaine de milliers de bactériémies.
La mortalité dans les formes invasives reste encore signi-
cative en dépit d’un arsenal antibiotique important. La
capacité de cette bactérie à donner des maladies invasives
est liée à de nombreux facteurs de virulence qui lui sont
propres. Outre sa capsule, facteur essentiel de virulence
qui lui permet d’échapper à l’effet du mucus et à l’opsoni-
sation-phagocytose, il existe de nombreuses protéines de
surface qui lui permettent de coloniser et d’adhérer aux
cellules de tractus respiratoire. Parmi ces dernières il faut
citer : les cholines binding protéines et les lipoprotéines
xant les cations divalents dont certaines sont des adhé-
sines, différentes exoglycosidases comme la neuramini-
dase qui facilitent le démasquage de récepteurs cellulaires,
les autolysines qui en entraînant la lyse du pneumocoque
permettent la libération des constituants de la paroi bacté-
rienne et de différentes protéines intracellulaires parmi
lesquelles la pneumolysine. D’autres protéines comme les
IgA protéases le protègent de l’effet de ces immunoglo-
bulines présentes au niveau des muqueuses. L’ensemble
de ces facteurs entravent aussi les mouvements ciliaires
et facilitent ainsi l’accès et l’adhérence des pneumoco-
ques à l’épithélium pulmonaire puis leur multiplication,
le tout associé à une réaction in ammatoire importante.
Parmi ces différentes protéines, sans que le mécanisme en
soit encore bien connu, certaines (pneumolysine, choline
binding protéines…) vont promouvoir au travers de diffé-
rentes voies de signalisation une réaction in ammatoire
et le démasquage de transporteurs qui vont faciliter le
passage du pneumocoque vers la circulation. Une fois
dans la circulation, certains de ces facteurs lui permettront
de gagner d’autres localisations comme les méninges,
indépendamment de l’autre voie d’ensemencement qui se
fait par contiguïté à partir des voies ORL. L’immunité de
l’individu (humorale mais aussi cellulaire) joue un rôle
important dans la survenue des infections à pneumocoque
et certains dé cits de l’immunité innée ou acquise sont
des facteurs propices à leur survenue. Toutes ces patho-
logies particulièrement fréquentes aux extrêmes de la vie
s’expliquent en partie par l’immaturité du système immu-
nitaire avant l’âge de 2 ans et une baisse de la réponse
immunitaire chez les personnes âgées. Si les 91 sérotypes
de pneumocoques sont répartis de manière très inégale
selon l’âge, voire les pays, ils contribuent, malgré les
progrès de la vaccination, par leur multitude et leur évolu-
tion par vagues successives au maintien du pneumocoque
chez l’homme. Si l’introduction du vaccin conjugué, qui
n’inclut qu’un nombre restreint de sérotypes capsulaires,
a permis de réduire l’incidence des infections invasives
au moins dans la population cible, celle-ci s’est accom-
pagnée d’un effet de remplacement par d’autres sérotypes
imposant une constante adaptation dans sa formulation.
La recherche d’un vaccin anti-pneumocoque universel qui
permettrait de couvrir tous les sérotypes en utilisant diffé-
rentes associations de protéines conservées reste à l’état
d’ébauche. La capacité du pneumocoque d’être transfor-
mable et d’acquérir de l’ADN soit d’autres pneumocoques
soit d’autres espèces de streptocoques oraux dont l’ADN
est très homologue est un facteur supplémentaire d’adap-
tation du pneumocoque, qu’il s’agisse de facteurs de viru-
lence ou de mécanisme de défense contre les antibiotiques.
Le meilleur exemple en est le rôle de l’acquisition de frag-
ments de gènes hétérologues qui ont participé à l’établis-
sement de la diminution de sensibilité aux bêtalactamines.
Les tests de diagnostic rapide, qui facilitent la reconnais-
sance de différentes pathologies liées au pneumocoque,
restent encore à améliorer en particulier pour l’enfant. On
soulignera l’importance de suivre les recommandations
Streptococcus pneumoniae : un pathogène
toujours trop présent
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du CA-SFM pour évaluer sa sensibilité aux antibiotiques
et détecter les mécanismes de résistances dont il est trop
souvent porteur. Pour toutes ces raisons la surveillance
de l’épidémiologie des pneumocoques et de sa résistance
aux antibiotiques demeure un élément essentiel tant pour
orienter la fabrication des vaccins que pour une adaptation
optimale du traitement empirique des infections associées
à cette espèce.
Comment poser le diagnostic
d’une infection à pneumocoque ?
Apport de la biologie moléculaire
P. Lanotte
Service de bactériologie-virologie, Hôpital Bretonneau,
CHRU de Tours
Le pneumocoque est une bactérie commensale des voies
respiratoires supérieures à l’origine d’un nombre impor-
tant d’infections chez l’homme. C’est une des principales
causes de mortalité par infection bactérienne. En effet, en
France, le pneumocoque est responsable de la moitié des
pneumonies bactériennes (entre 100 000 et 200 000 cas par
an). Les bactériémies à pneumocoques sont estimées quant
à elles à 7 116 cas en 2007 (données EPIBAC, InVS). Cette
bactérie constitue également la première cause de ménin-
gites purulentes de l’adulte, le nombre de cas estimé pour
l’année 2007 est de 738 en France métropolitaine (données
EPIBAC, InVS). C’est également un des pathogènes prin-
cipaux des sinusites et la seconde bactérie impliquée dans
les otites moyennes aiguës après Haemophilus in uenzae.
La culture, la détection d’antigènes bactériens et les tests
plus récents de biologie moléculaire constituent l’éventail
des outils à la disposition du biologiste pour mettre en
évidence le pneumocoque dans les produits pathologiques.
Les problèmes d’interprétation de l’implication du pneu-
mocoque dans une infection ne posent pas de problème
quand le pneumocoque est mis en évidence à partir d’un
site normalement stérile. C’est le cas dans le sang, le
liquide céphalorachidien (LCR) ou dans le liquide d’oreille
moyenne. Néanmoins, en ce qui concerne les infections
respiratoires, compte tenu de la présence de cette bactérie
à l’état commensal chez une partie non négligeable de la
population, la notion de quantité de pneumocoque présent
dans l’échantillon est indispensable à l’interprétation. La
mise en évidence d’anticorps antipneumococciques dans
un but diagnostique est restée cantonnée au domaine de la
recherche [1].
La technique de référence au laboratoire pour diagnos-
tiquer une infection à S. pneumoniae reste la culture.
La mise en évidence de la bactérie par culture permet
de tester sa sensibilité aux antibiotiques, ce qui pour le
pneumocoque est un élément important pour une prise
en charge adaptée. Les caractères orientant le biolo-
giste vers un pneumocoque sont l’aspect au Gram et
l’aspect des colonies en culture. Après coloration de
Gram, les pneumocoques apparaissent en diplocoques
à Gram positif, dont l’aspect typique est lancéolé dit en
« amme de bougie » ou sous forme de courtes chaînettes
( gure 1A). Dans un certain nombre de cas, une capsule
est visible sur la coloration effectuée à partir du produit
pathologique ( gure 1B). Les colonies de pneumoco-
ques après 18-24 heures d’incubation à 37 °C sont alpha-
hémolytiques. La croissance, surtout à l’isolement, est
favorisée par l’adjonction de sang. Dans la majorité des
cas, les colonies ont un aspect lisse, elles sont bombées
Figure 1. Coloration de Gram réalisée à partir d’un acon d’une
hémoculture positive à Streptococcus pneumoniae (A) et à partir
d’une expectoration (B). En B, la capsule représentée par le
halo clair autour des corps bactériens, est visible dans une zone
épaisse de l’étalement où la coloration de Gram est de moins
bonne qualité (grossissement × 1 000).
A
B
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congrès
et brillantes et présentent des signes d’autolyse centrale
en relation avec la production d’autolysine. Lorsque la
capsule est particulièrement développée, ce qui s’observe
en particulier avec le sérotype 3, les colonies ont un aspect
muqueux. En bouillon, la culture se traduit par un trouble
uniforme. A n de con rmer l’identi cation de la bactérie,
le test majoritairement utilisé est l’étude de la sensibilité
à un dérivé de quinine, le chlorhydrate d’éthylhydroxy-
cupréine ou optochine. Pour un disque chargé à 5 μg,
un diamètre supérieur à 14 mm est en faveur d’un pneu-
mocoque, les autres streptocoques étant résistants à ce
composé. En pratique le disque imprégné d’optochine est
déposé sur la gélose en début d’isolement dès la primocul-
ture ou à partir d’un repiquage. Néanmoins, 0,5 à 5 % des
pneumocoques sont résistants à l’optochine et quelques
streptocoques viridans y sont sensibles. Ainsi, en cas de
diamètre limite ou de doute sur le résultat, un test de lyse
par la bile est recommandé, ce dernier étant plus spéci-
que. Ce test consiste à observer un éclaircissement d’une
suspension dense de la bactérie à identi er après addition
de quelques gouttes d’une solution de désoxycholate de
sodium à 10 % et incubation à 37 °C pendant 30 minutes.
L’identi cation des pneumocoques peut être quelquefois
très dif cile, cependant la réalisation de tests biochimi-
ques n’est pas recommandée. La distinction entre l’espèce
S. pseudopneumoniae, S. pneumoniae et les streptocoques
viridans, peut être délicate. S. pseudopneumoniae est de
sensibilité intermédiaire ou résistant à l’optochine quand
il est incubé sous 5 % de CO2 mais sensible à l’optochine
quand il est incubé en air ambiant [1]. L’utilisation d’une
technique d’agglutination de particules de latex sensi-
bilisées avec des anticorps reconnaissant les différents
sérotypes capsulaires (Slidex® pneumo-kit, bioMérieux)
peut orienter sur l’identi cation. Néanmoins, il faut
être prudent car la spéci cité et la sensibilité de ce test
peuvent être prises en défaut notamment avec S. oralis et
S. mitis. Ce réactif peut être utilisé également directement
sur produit pathologique. Les pneumocoques se dévelop-
pent bien sur les acons d’hémoculture avec, comme pour
les autres streptocoques, un développement un peu plus
rapide en anaérobiose. Malheureusement, les infections à
pneumocoque ne sont que rarement documentées par les
hémocultures. Dans les pneumonies aiguës communau-
taires, les taux d’hémocultures positives chez les patients
adultes ne sont que de l’ordre de 20 %, ces taux étant très
largement inférieurs chez l’enfant, voisins de 10 %. Dans
les méningites à pneumocoque, les hémocultures sont
positives dans plus d’un cas sur deux. Les explications
de cette variabilité de la positivité des hémocultures dans
les infections pneumococciques sont la quantité de bacté-
ries dans le sang qui peut être faible, l’administration
fréquente d’antibiotiques et la nature intermittente de la
bactériémie. De plus, la bactérie a la capacité de produire
une auto lysine en phase stationnaire de croissance ce qui
limite les chances d’isolement.
Les tests permettant de mettre en évidence des antigènes
de pneumocoque (polysaccharides capsulaires) par des
réactions d’agglutination à partir des échantillons biolo-
giques sont disponibles depuis plusieurs années. Plus
récemment, un test basé sur la recherche du polyoside
C, constitutif de la paroi et commun à tous les pneumo-
coques, par une technique d’immunochromatographie a
été développé (test Now S. pneumoniae®, Binax). Ce test
lorsqu’il est effectué sur un échantillon d’urines apporte
une aide dans le diagnostic des infections pulmonaires en
particulier chez l’adulte. Pour l’enfant, l’intérêt de cette
technique est plus discuté compte tenu de la fréquence
élevée de pneumocoque dans cette tranche d’âge, ainsi
que les enfants récemment vaccinés pouvant expliquer
des réactions faussement positives. La spéci cité du test
est supérieure à 90 % en comparaison avec les techniques
classiques. La sensibilité du test dans les infections respi-
ratoires est proche de 80 % dans les pneumonies aiguës
communautaires (PAC) bactériémiques et un peu infé-
rieure dans les PAC non bactériémiques [1]. Il est indiqué
pour les patients hospitalisés en réanimation (couplé
avec l’antigène urinaire de légionelle) mais non recom-
mandé en première intention pour les patients hospitalisés
hors service de réanimation. Le test peut rester positif
pendant quelques semaines après l’infection. Néanmoins,
des patients ayant des hémocultures et/ou des expec-
torations positives à pneumocoque peuvent présenter
un résultat négatif. C’est pourquoi il doit être couplé à
d’autres méthodes diagnostiques. Ce test est également
validé à partir d’un échantillon de LCR dans un contexte
de méningite et les résultats sont encourageants sur les
liquides pleuraux. Dans les méningites à pneumocoque,
il ne faut pas rechercher les antigènes solubles dans les
urines car dans ce cas, les résultats peuvent être fausse-
ment négatifs.
À côté de ces méthodes, les techniques d’ampli cation
génique notamment en PCR classique ou en temps réel,
sont apparues comme très intéressantes en permettant
théoriquement d’augmenter le nombre de documenta-
tion. En pratique, ces méthodes sont apparues décevantes
en particulier par rapport à la recherche des antigènes de
pneumocoque par immunochromatographie avec un coût
et un délai de réponse supérieurs [2]. Les gènes ciblés sont
habituellement le gène ply qui code la pneumolysine mais
qui peut manquer de spéci cité et le gène lytA codant
l’autolysine plus spéci que [3, 4]. Dans les pneumonies,
la PCR sur échantillons sanguins est positive dans 29 % à
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100 % des cas en fonction des études [1, 4]. Il semble que
les performances soient supérieures chez les enfants par
rapport aux adultes. La PCR effectuée à partir d’échan-
tillons respiratoires dans les pneumonies donne des résul-
tats positifs dans 68 à 100 % des cas. Néanmoins, il est
dif cile de faire la part des choses entre les pneumocoques
présents à un stade de colonisation ou les pneumocoques
responsables d’une infection. Cette recherche par PCR
peut être rendue quantitative ce qui permet d’interpréter
les résultats obtenus à partir d’échantillons d’origine
respiratoire [5] ou sanguins [4]. Néanmoins ces appro-
ches restent à valider et leur béné ce est actuellement loin
d’être démontré. La recherche de pneumocoque par PCR
dans un échantillon de LCR dans un contexte de ménin-
gite est quant à elle plus performante, compte tenu notam-
ment des charges bactériennes élevées avec une sensibilité
supérieure à 92 % et une très bonne sensibilité eu égard au
fait que le site soit normalement stérile et que la place des
autres streptocoques oraux est extrêmement limitée. C’est
également le cas pour les PCR effectuées sur un échan-
tillon de liquide pleural.
Les progrès les plus récents ont été marqués par l’utili-
sation du test d’immunochromatographie de recherches
d’antigènes solubles de pneumocoque (test Now S. pneu-
moniae®, Binax). Néanmoins, les limites de cette méthode
doivent être bien connues en particulier chez l’enfant. Il
faut bien garder à l’esprit que dans un contexte de ménin-
gite, le test est à effectuer sur un échantillon de LCR et non
pas sur les urines comme pour les pneumonies. Il existe
de faux positifs possibles et de rares réactions croisées
avec des streptocoques oraux ont été signalées. Les études
récentes montrent que dans certaines indications comme
un traitement antibiotique préalable, la PCR permet un
gain diagnostique indéniable. Là aussi, il faut être prudent,
les amorces utilisées ne sont pas toutes équivalentes, lytA
apparaissant plus spéci que que le gène ply. La place de la
PCR quantitative à partir des échantillons respiratoires ou
à partir de sang total reste à préciser.
Références
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of invasive pneumococcal disease. Clin Infect Dis 2008 ; 46 : 926-32.
2. Smith MD, Sheppard CL, Hogan A, Harrison TG, Dance DA,
Derrington P et al. Diagnosis of Streptococcus pneumoniae infections
in adults with bacteremia and community-acquired pneumonia : clinical
comparison of pneumococcal PCR and urinary antigen detection. J Clin
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Streptococcus pneumoniae in patients with community-acquired pneu-
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5. Johansson N, Kalin M, Giske CG, Hedlund J. Quantitative detection
of Streptococcus pneumoniae from sputum samples with real-time quan-
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acquired pneumonia. Diagn Microbiol Infect Dis 2008 ; 60 : 255-61.
L’antibiogramme du pneumocoque
H. Chardon
Service de diagnostic biologique des maladies infectieuses,
Centre hospitalier du Pays d’Aix, Aix en Provence
Naturellement sensible à de nombreuses familles d’anti-
biotiques [1], des souches résistantes de S. pneumoniae ont
été décrites pour les sulfamides (1943), les tétracyclines
(1963), l’érythromycine (1967), la pénicilline (1967), et le
chloramphénicol (1970). L’utilisation de uoroquinolones
actives sur le pneumocoque a été rapidement suivie par
l’isolement de souches résistantes [2]. L’acquisition de ces
résistances justi e l’étude systématique de la sensibilité de
S. pneumoniae aux antibiotiques, y compris la mesure des
CMI des bêtalactamines le cas échéant.
En France, l’antibiogramme de S. pneumoniae doit être
réalisé et interprété en suivant les recommandations du
Comité de l’antibiogramme de la Société française de
microbiologie (CA-SFM) [1] (www.sfm.asso.fr). Dans
ces recommandations, un contrôle de qualité est proposé
pour la mesure des CMI aux bêtalactamines.
Résistances naturelles
Comme tous les coques à Gram positif, S. pneumoniae est
naturellement résistant au mécillinam, à l’aztréonam, aux
quinolones (sauf uoroquinolones antipneumococciques)
et à la colistine. S. pneumoniae présente une résistance
à bas niveau aux aminosides, comme tous les germes du
genre Streptococcus.
Les bêtalactamines
nition des PSDP
Les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicil-
line (PSDP) sont dé nis par une CMI de la pénicilline
0,1 mg/L. Parmi les PSDP, on distingue les souches
intermédiaires (ou bas niveau de résistance) avec des CMI
à la pénicilline comprises entre 0,1 et 1 mg/L et les souches
résistantes avec des CMI de la pénicilline supérieures à
1 mg/L (supérieures à 2 mg/L à partir de 2009) [1].
Mécanisme de la résistance aux bêtalactamines
Le mécanisme de la résistance repose sur une modi ca-
tion des cibles des bêtalactamines : les protéines de liaison
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à la pénicilline (PLP). S. pneumoniae possède 6 PLP : PLP
1a, PLP 1b, PLP 2a, PLP 2x, PLP 2b, PLP 3. Les PLP
2b et 2x sont principalement concernées pour l’action de
la pénicilline G. Chaque bêtalactamine inhibe plusieurs
PLP qui diffèrent selon les molécules d’antibiotique. Ces
modi cations font suite à une mutation ponctuelle et/ou
à une recombinaison génétique par transfert de gènes de
PLP issus d’espèces voisines de la sphère oropharyngée
(Streptococcus mitis, Streptococcus oralis) qui aboutit à
la formation de gènes mosaïques. La modi cation des PLP
entraîne une augmentation des CMI de toutes les bêtalac-
tamines, mais l’ampleur de cette augmentation est variable
selon les molécules. Selon le nombre et la nature des PLP
modi ées, les CMI des différentes bêtalactamines augmen-
tent de façon imprévisible. C’est la raison pour laquelle
il est recommandé de déterminer la CMI de la bêtalacta-
mine utilisée en cas d’infection sévère, d’échec clinique et
de souches suspectées d’être des PSDP lors du screening
microbiologique [1].
Fluoroquinolones
Certaines espèces bactériennes peuvent faire l’acquisition
de mécanismes de résistance qui entraînent une légère
augmentation de la CMI par rapport aux souches sauvages,
sans que cette augmentation ne justi e une catégorisation
en I ou R. Dans ce cas, le risque de sélection de mutants
résistants in vivo existe et de telles souches doivent être
dépistées. Une des familles les plus concernées par ce risque
est celle des uoroquinolones. Depuis 2004, le CA-SFM
préconise la recherche d’une sensibilité diminuée aux
uoroquinolones chez S. pneumoniae [1, 3, 4]
Conclusion
En France, comme dans d’autres pays du Sud de l’Europe,
le pourcentage de souches de pneumocoques de sensibi-
lité diminuée à la pénicilline a très fortement augmenté en
15 ans, passant de 0,5 % à 53 % en 2002, pour redescendre
à 35,4 % en 2007 [2]. Il faut souligner l’absence d’isole-
ment de souches de haut niveau de résistance à la pénicilline,
les souches ayant des CMI supérieures à 8 mg/L à la pénicil-
line, l’amoxicilline ou le céfotaxime étant exceptionnelles.
Les CMI doivent être mesurées en cas d’infection sévère,
d’échec clinique et de souches suspectes d’être de sensibi-
lité diminuée. L’expérience montre que cette mesure reste
délicate. De plus, cette résistance à la pénicilline est asso-
ciée dans 91,3 % des cas à d’autres résistances, érythro-
mycine, cotrimoxazole, chloramphénicol ou tétracyclines,
faisant du pneumocoque une des principales bactéries
multirésistantes responsables d’infections communau-
taires. Des molécules plus récentes actives sur le pneumo-
coque sont actuellement commercialisées : télithromycine,
linézolide, lévo oxacine et moxi oxacine. Concernant les
uoroquinolones, l’apparition de souches résistantes reste
un phénomène mineur actuellement.
Références
1. Recommandations 2008 du Comité de l’antibiogramme de la Société
française de microbiologie (CA-SFM). (www.sfm.asso.fr).
2. Varon E, Gutmann L. Rapports d’activité 2006 2007 2008. Centre
national de référence du pneumocoque. (www.invs.santé.fr).
3. Varon E, Houssaye S, Grondin S, Gutmann L. Non molecular test for
detection of low-level resistance to uoroquinolones in Streptococcus
pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother 2006 ; 50 ; 572-9.
4. Varon E, Chardon H. Pneumocoques et uoroquinolones : tests in vitro
et conséquences. In : B. Rouveix B, J. M. Decazes JM, eds. 3e actualité
en thérapeutique anti-infectieuse. Paris : EDK, 2003 : 155-60.
Épidémiologie de la résistance :
bilan des Observatoires régionaux
du pneumocoque (ORP)
M.C. Ploy 1, R. Baraduc 2, H. Bonnabau 1, M. Brun 3,
G. Chabanon 4, H. Chardon 5, et al.
1Centre hospitalier universitaire (CHU) Limoges, 2CHU
Clermont-Ferrand, 3CHU Montpellier, 4CHU Toulouse,
5Centre hospitalier (CH) Aix en Provence, 6CHU Grenoble,
7CH Meaux, 8CH Saint Brieuc, 9CHU Besançon, 10CHU
Nice, 11CH Mulhouse, 12CHU Poitiers, 13CHU Nancy,
14CHU Amiens, 15CHU Angers, 16CHU Bordeaux, 17CHU
Dijon, 18CHU Cochin-Paris, 19CHU Saint-Etienne, 20CHU
Lille, 21CHU Caen, 22CHU Reims, 23Institut de veille sani-
taire (InVS), 24Centre national de référence des pneumoco-
ques (CNRP), 25CHU Tours.
Le pneumocoque est une bactérie responsable d’infec-
tions variées, pneumonies, méningites, otites moyennes
aiguës, bactériémies, avec une mortalité et une morbidité
élevées. Ces infections concernent aussi bien l’enfant
que l’adulte avec toutefois une incidence plus élevée aux
âges extrêmes de la vie [1]. Le pneumocoque est une
bactérie naturellement sensible à de nombreux antibioti-
ques dont la pénicilline mais, à partir de 1979, en France,
des souches de pneumocoque de sensibilité diminuée à la
pénicilline (PSDP) sont apparues [2]. Depuis, les souches
de PSDP ont été très prévalentes atteignant 55,4 % des
souches de pneumocoque isolées en 2001, et ceci parti-
culièrement chez l’enfant avec un taux de PSDP de 71 %
en 2001 [3]. La France était alors le pays d’Europe avec
les plus forts taux de PSDP (http://www.earss.rivm.nl).
De plus, au sein d’un même pays, des variations impor-
tantes peuvent exister selon les régions. Une surveillance
régulière des souches de pneumocoque est donc indispen-
sable à l’échelle d’une région, d’un pays, vu l’importance
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