Numéro 4 Mai 201 5 Mars et avril 1 91 5 L'écho des tranchées la guerre en direct le journal de la Grande Guerre des collégiens de Brassac Les élèves de l'atelier journal font le récit, cent années après, d es évènements marquants de la Première Guerre mondiale. La guerre d'usure se poursuit sur le front Ouest En Champagne, l'échec de l'offensive d'hiver La deuxième bataille de Champagne, au nord de Chalons, lancée par les Français depuis le 16 février 1915, est voulue par Joffre. Du 3 au 18 mars, l'offensive se poursuit : mais elle ne donne pas beaucoup de résultats. Le 3 mars, les Français échouent à percer dans le secteur de Perthes. Le 8 mars des chutes de neige et les contre-attaques Allemandes enrayent l'offensive Française. Le 10 mars, des soldats français refusent même de sortir des tranchées : ils sont épuisés et en colère. L’armée les sanctionne. Mais le 18 mars, les chefs ordonnent l’arrêt de l'offensive. Des villages entiers ont été rasés, des dizaines de milliers de soldats sont morts dans les deux camps, mais le front n’a pas vraiment bougé. 1 0 mars 1 91 5: les Anglais veulent percer à Neuve-Chapelle La bataille de Neuve-Chapelle est la première attaque à grande échelle lancée par l'armée britannique depuis le début de la guerre L'opération de Neuve-Chapelle, bien préparée, vise à s'emparer de la crête d'Aubers, un modeste sommet situé au milieu d'une région plate, qui confère donc un avantage certain à quiconque le contrôle. Pour atteindre la crête, il faut traverser Neuve-Chapelle, l'offensive est confiée à la première armée du général Douglas Haig. Une attaque épaulée par l'aviation Les britanniques innovent en utilisant des photographies aériennes pour cartographier les défenses allemandes, mal construites et mal défendues. Le 10 mars, 40 à 60 000 hommes avancent en pleine nuit, sans alerter les Allemands et parviennent à créer la surprise. L’attaque d’infanterie de 7h30 est précédée d’un puissant bombardement d’artillerie, assuré par 342 canons dirigés par des avions de reconnaissance. Les britanniques et l’essentiel du corps indien (soldats venus des Indes britanniques) progressent rapidement dans Neuve-Chapelle. Mais après ce succès initial, les Britanniques sont paralysés par le manque de munitions, la progression est enrayée. Les Allemands lancent une contre attaque le 12 mars. La tentative des Britanniques de prendre la crête d’Aubers se heurte à des lignes de barbelés intactes et les pertes sont énormes. Les combats cessent le 13 mars. Une percée a été réalisée mais elle n’a pas pu être exploitée. Neuve-Chapelle le 12 mars 1915 vu par soldat allemand source: Bundesarchiv, archives fédérales allemandes l’insuffisance de l’artillerie. Dès lors, les Le bilan est tragique bombardements préparatoires s’étendront sur Le gain britannique est limité à 2 km de plusieurs jours, au détriment d’un élément profondeur sur 3 km de large, pour des pertes capital : la surprise. considérables : 7000 britanniques et 4200 infanterie : fantassins équipés d’armes de indiens ont été tués ou blessés. Les Allemands petits calibres (fusil, mitrailleuses, grenades) ont subi des pertes similaires et 1700 de leurs qui sont en contact direct avec l’ennemi hommes ont été faits prisonniers. Par contre les artillerie : arme lourdes : canons de 75 à conséquences tactiques sont importantes : le 420mm, qui ne sont pas en contact direct avec général French attribue son échec à l’ennemi Faire tenir les armées: discipline et récompenses Tués pour avoir refusé d'aller mourir: les caporaux de Souain Démoralisation, fatigue des soldats: les refus d'obéir La stratégie française du commandant Joffre n’est pas concluante et mène à d'innombrables morts. Les attaques de Champagne ne conduisent pas à des grandes victoires. Les soldats n’avancent que de quelques centaines de mètres en perdant beaucoup des leurs. Par conséquent, ils sont de plus en plus découragés. Le 10 mars 1915 des soldats refusent d'aller au front. Le général Réveihac demande de nommer six personnes parmi celles qui ne sont pas sorties des tranchées. Quatre caporaux fusillés Les six soldats sont jugés lors d’un procès, selon l'article 218 du code de justice militaire : « est puni de mort avec dégradation militaire, tout militaire qui refuse d'obéir lorsqu'il est commandé pour marcher contre l'ennemi ». Sur les six hommes, seuls La croix de guerre deux sont acquittés : quatre caporaux sont fusillés le 17 mars à 13h devant leur frères d'armes qui partent ensuite un mois dans les tranchées sans relève. Réhabilités Blanche Maupas, la femme d'un des fusillés, s'est battue pour la réhabilitation de son mari et pour les autres fusillés. Après vingt années elle a obtenu cette réhabilitation. Durant les 5 mois de combats de l'année 1914 plus d'une cinquantaine de soldats et de sous-officiers ont été passés par les armes, la majorité d'entre eux pour abandon de poste ou pour avoir tenté d'échapper aux combats par mutilations volontaires. Plus rares sont les refus d'obéissance. Le cas des caporaux de Souain est le premier de ce type. Une nécessaire reconnaissance En 1914 la France n’a aucune décoration militaire pour récompenser ses soldats sur le front. Émile Driant propose à la chambre des députés la création d'une décoration qui serait un signe clair et visible pour récompenser les hommes ayant combattu avec bravoure. Votée le 2 avril 1915, la loi est promulguée le 8 avril de la même année : la croix de guerre est née. Après cette proposition le sénat décide de choisir le ruban vert rompu par des rayures rouges associant le symbole du sang versé à celui de l'espérance. Si la croix de guerre est décernée aux soldats français ou étrangers qui combattent pour la France, ce sont aussi des villes martyres et des villages entièrement détruits qui se voient attribuer la croix de guerre (qui figure dès lors en honneur dans leurs armoiries). Elle est également conférée à des civils pour des motifs équivalents d’action d’éclat. Prendre l'avantage: nouvelles alliances L'Italie en marche vers la guerre "L'Italie courtisée par les Puissances centrales et les Alliés" carte postale italienne de 1915, source: centenaire.org Pourquoi l'Italie est-elle entrée en guerre ? Depuis 1882, l'Italie est membre de la Triplice (ou Triple alliance) avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Mais lorsque la guerre éclate en 1914, l'Italie proclame sa neutralité. La guerre durant, les Alliés et les Puissances Centrales cherchent l’alliance de l’Italie. L'Italie en profite pour adopter l’attitude dite de l’« égoïsme sacrée » : cela consiste à s'allier avec le camp qui lui offrira le meilleur marché. Au printemps 1915, l'Italie discute avec les Alliés qui lui promettent des territoires importants dans les pays ennemis si elle entre en guerre à leurs côtés. En mars 1915, l'Autriche-Hongrie propose à l'Italie la région du Trentin, mais c’est trop peu et trop tard. Finalement, le 26 avril 1915, l'Italie signe le traité de Londres. Selon ce traité secret, l'Italie s’engage à rentrer en guerre aux côtés des Alliés et à déclarer la guerre aux Empires centraux moins d'un mois après sa signature. Prendre l'avantage: armes nouvelles Les gaz Lors de la deuxième bataille d'Ypres, le 22 avril 1915, les Allemands attaquent les Alliés avec des gaz. Dès août 1914, les Tout en dénonçant l'immoralité des Français avaient utilisé Allemands, les Alliés développent leur propre des bombes arme chimique : leur première attaque au gaz a lacrymogènes contre les lieu à Loos en 1915. troupes allemandes. Les Allemands ont eut aussi recours à des obus Les irritants : ils gênent l'ennemi pour lui chargés de produits faire abandonner l'abri des tranchées. Ils produisant de violents traversent beaucoup de protection. Leurs accès d'éternuements. effets se limitent à des pleurs, Mais ce sont les vomissements, éternuements ou toux ... scientifiques et les Les suffocants : comme le dichlore jaune entreprises allemandes vert à l'odeur piquante, ils étouffent en belges équipés de masques en 1915 qui mettent au point le Soldats Great War- The Standard History of the All Europe Conflict (volume four) edited by H. W. provoquant des œdèmes et empêchent très premier gaz très nocif : Wilson and J. A. Hammerton (Amalgamated Press, London 1915) vite de respirer. ce gaz chlorique ligne (des fusiliers algériens) n’ont aucune s'attaque aux muqueuses des parois chance d'en sortir vivants : s'ils restent le gaz Les vésicants : par contact avec la peau, pulmonaires et s'avère donc mortel. Il provoque les tue, s'ils sortent ils s'exposent aux tirs même à travers les vêtements, ils une cécité temporaire, des gênes respiratoires ennemis. provoquent des boursouflures (ou difficilement guérissables. Les Allemands équipés de masques de vésications). On ne ressent pas la douleur Les gaz se révèlent être aussi une arme protection percent alors une profonde brèche de suite, mais très vite la peau vire au grispsychologique puissante : les récits qui dans la ligne des alliés, qui tiennent quand bleu, de terribles démangeaisons surviennent et des cloques détruisent les circulent sur les souffrances endurées par les même grâce à leur supériorité numérique. chaires. Ces gaz pénètrent dans les S’adapter soldats nourrissent une peur réelle. poumons et les voies respiratoires, Ypres Les Alliés découvrent qu'un chiffon mouillé provoquant des bronchites. C'est le cas de Le 22 avril c’est la première attaque au gaz : il d'eau (ou d'urine) couvert sur le nez permet de l'ypérite, dit "gaz moutarde" en raison de sa est stocké dans des bonbonnes sous pression en contrer la plupart des effets du chlore. L'armée forte odeur. direction des tranchées adverses. Les britannique se prémunit grâce à une cagoule Les obus de gaz remplacent les bonbonnes. Allemands profitent d'un vent favorable pour intégrale à œillères au tissu imprégné d'agent Le gaz sous forme liquide est retenu dans déboucher 5700 bonbonnes de 40 kg. Un nuage annulant les effets du gaz. En janvier 1916, le l'obus, une charge explosive placée au jaune-vert traverse le no man's land en direction premier vrai masque à gaz équipe très vite dessus. Lors de l'explosion, le liquide sous des tranchées alliées : les soldats en première toutes les armées. pression redevient gaz et est projeté à l’extérieur. Les gaz amplifient l'horreur de la guerre A l'Est, succès russe contre les Austro-Hongrois La fin du siège de Przemysl La forteresse de Przemysl se trouve en Galicie, dans l'empire austro-hongrois, au Sud de la Pologne actuelle. Elle est assiégée par les Russes depuis septembre 1914. En Galicie, les frontières de l'empire austro-hongrois sont protégées par cette place fortifiée. Toutes les routes et les voies ferrées au nord des Carpates (une chaîne montagneuse) passent par ce lieu. La forteresse possède une armée de 150000 hommes. Les Russes ont commencé le siège de Przemysl dès le 24 septembre 1914. Pris au piège Pour les austro-hongrois assiégés, il faut faire face au froid et beaucoup meurent de faim. A la mi-février une tentative de secours menée par l'armée autrichienne a échoué. Le général Kusmanek dirige une sortie des austro-hongrois du 14 au 18 mars. Elle échoue, les soldats tombent d'épuisement, 40000 sont faits prisonniers et 12000 défenseurs y perdent la vie. 133 jours de siège La place ne tombe que le 22 mars 1915 après de furieux combats et 133 jours de siège. La capitulation de la place livre aux Russes 100000 prisonniers Le géné́ral autrichien Kusmanek (1er rang au centre) et autrichiens, dont 2 000 officiers et 9 son état-major, prisonniers des Russes généraux, et un matériel énorme (un Source: europeana1914-1918.fr gain de 900 canons). Empire ottoman : calvaire des Arméniens, Les Arméniens massacrés offensive alliée sur le sol turc En avril 1915, les Arméniens sont victimes de terribles violences. Le 24 avril 1915, plus de 650 notables de Constantinople - journalistes, écrivains, médecins, députés - sont accusés de complot et arrêtés. Ils sont emprisonnés, déportés ailleurs dans l’empire ottoman et certains sont s exécutés. Le même mois, 24 000 Arméniens sont tués en 4 jours près de Van. Les survivants se réfugient dans l’enceinte de la ville et résistent durant 27 jours. jhgjhg Pourquoi sont-ils victimes de ces violences ? L’Empire ottoman est un état dont la majorité A. Houot Aix-Marseille de la population est turque, mais il y a aussi de nombreux autres peuples : des Grecs, des Arabes, des Kurdes, des Arméniens. La population de l’Empire est surtout musulmane et les Arméniens sont chrétiens. Ils vivent au Nord-Est, près des montagnes du Caucase. Ils sont nombreux dans les villes, comme dans la capitale Constantinople. L’Empire ottoman est un pays affaibli depuis le XIXe siècle, il a perdu la plupart de ses possessions en Europe. Il y a de forts sentiments nationalistes, des partis réclament une Turquie peuplée uniquement de Turcs. Avec la guerre la situation s’aggrave : les Arméniens sont vus comme des ennemis de l’intérieur, des traîtres au service de la Russie contre qui se bat l’Empire ottoman sur la frontière du Caucase. Les violences ne font que commencer en avril 1915, elles vont s’aggraver. Le 24 avril marque le début du génocide arménien. L'enfer à Gallipoli Depuis février 1915, le détroit des Dardanelles est un nouveau champ de bataille, entre l’Empire ottoman et les Britanniques (aidés par les Français). Les combats se déroulent sur la péninsule de Gallipoli à partir du mois d'avril. La bataille des Dardanelles a été décidée par Winston Churchill (ministre de la Marine) dans le but de prendre Constantinople, la capitale de l’Empire Ottoman, d’ouvrir une voix de ravitaillement vers l’armée russe par la mer Noire et de détourner les Turcs du canal de Suez (sous domination Britannique). L’offensive anglaise a commencé le 19 février, depuis la mer pour forcer le détroit par voie navale : c’est un échec et les navires perdus tuent des centaines de personnes. Nouvel essai par la mer Le 18 mars a lieu une nouvelle tentative navale. Nouvel échec : le champ de mines placé par les Turcs cause la perte de trois bateaux. Les Français perdent le Bouvet, où 600 marins trouvent la Le HMS irresistible, navire britannique mort. abandonné le 18 mars 1915 Les alliés concluent source: library of Congress qu’il faut procéder à un débarquement afin d’éteindre les batteries ennemies pour que la flotte puisse s’engager dans le détroit. Un débarquement difficile Le 25 avril 1915, 80 000 hommes sont rassemblés et lancés dans l’assaut de la péninsule de Gallipoli (endroit le plus resserré du détroit). Le débarquement principal a lieu au cap Helles (sur la pointe de la péninsule), des troupes de l’ANZAC (Australie et Nouvelle-Zélande) vont au Nord du cap et en même temps une opération de diversion est réalisée par les Français sur l’autre rive du détroit. Les alliés sont à découvert sur le sable, alors qu'en face les défenseurs turcs retranchés arrosent les assaillant du feu des mitrailleuses et des mortiers. Les Britanniques et l'ANZAC n’avancent que de quelques centaines de mètres, au prix de pertes très importantes. Le débarquement prend fin à 18h. Il ne reste plus qu’à creuser des tranchées. Artillerie turque aux Dardanelles, 1915 source: bundesarchiv.de Rédacteurs et enquêteurs de l'atelier Journal qui ont réalisé ce numéro: AGAR Matty, AHAMADA Houssamdine-Ben, ALBERT Carmen, BUGEARD Pierre, CAUQUIL Vincent, COURTIN Manon, GARNIER Nathan, GREMONT Lucas, INES Luna, MALHIE Oceane, MARSAIS Lou, MASSOT Teddy, PIRIOU Tiaré, RIEUVERGNET Loïc, REYJAUD Marjorie, SCHONENBERGER Noé, SIGUIER Adrien