Dans le rapport d’orientation qui est soumis à votre congrès, votre organisation souligne et je cite : « il
apparaît de plus en plus que l’Organisation internationale du Travail (OIT) et les normes internationales dont
elle est la garante, notamment la Convention no. 87 sur les libertés syndicales, constituent un rempart
protecteur et qu’elles gênent les gouvernements les plus engagés dans des logiques de déréglementations
» fin de citation. Le même rapport poursuit, je cite : « L’OIT apparaît aussi comme un danger pour le
patronat et pour les firmes multinationales, dans la mesure où les normes tendent de plus en plus à
l’universalité » fin de citation.
Je ne peux que confirmer la perspicacité de cette analyse. Aujourd’hui c’est tout le système normatif de
l’OIT, en particulier ses méthodes de contrôle de l’application des Conventions internationales du Travail qui
est dans le collimateur du patronat. Je dirais d’un certain patronat, pour lequel les normes internationales du
travail qui sont des normes minimales à vocation universelle représentent un fardeau. Un certain patronat
pour lequel un travailleur ou une travailleuse n’a pas de visage, ne représente pas une vie, une famille ou la
dignité humaine, mais constitue simplement un coût qu’il faut réduire à tout prix.
En juin dernier, lors de la conférence annuelle de l’OIT à Genève, le Groupe des employeurs a, pour la
première fois en plus de quatre-vingts ans, bloqué la discussion sur les pires cas de violations des droits des
travailleuses et des travailleurs. Depuis 1926, les délégué(e)s à la Conférence internationale du Travail
débattent chaque année et interpellent les gouvernements sur les cas les plus graves de violation repris
dans le rapport annuel de la Commission d’experts. En 2012, l’Organisation internationale des Employeurs
(OIE) a rompu cette pratique et a refusé de discuter le moindre cas. L’attaque des employeurs est
essentiellement dirigée contre le droit de grève. Mais c’est l’ensemble du système de contrôle de
l’application des normes qui est visé, surtout le mandat même de la Commission d’experts et ils n’en font
pas de secret.
Aujourd’hui, chers Camarades, la liberté syndicale et le dialogue social figurent parmi les premières victimes
de la crise. Le modèle social européen qui a longtemps inspiré l’activité normative de l’OIT s’est comme
essoufflé, encalminé voire retourné. L’Europe des arrêts Laval et Viking, n’est plus l’Europe des travailleurs,
n’est plus l’Europe de la justice sociale.
Chers Camarades,
Votre congrès, comme je l’ai dit, revêt d’une importance qui dépasse la France. L’Europe a besoin d’un
sursaut social, d’un retour aux valeurs de justice et de paix qui animaient ses fondateurs. Votre action au
plan national, votre action au sein et avec la CES, au sein de la CSI, au sein de l’OIT lors de la Conférence
régionale européenne qui aura lieu le mois prochain à Oslo, pourront être déterminantes. La France a été
une alliée historique des normes de l’OIT et d’une Europe sociale, même si les syndicats ont dû à plusieurs
reprises le rappeler en utilisant comme l’a fait la CGT les mécanismes de contrôle de notre organisation.
Mais l’appui de la France demain, pour faire face à l’offensive patronale, pour agir nationalement et plaider
internationalement en faveur d’une sortie de crise par la relance et le dialogue social, le respect des normes
du travail doit être une exigence que les organisations syndicales peuvent et doivent réclamer.
L’emploi, l’inclusion sociale et la croissance durable doivent être au cœur de l’action, dans l’UE et à l’échelle
mondiale.
Le FMI a lui-même reconnu finalement que le traitement d’austérité qu’il a préconisé est aujourd’hui au cœur
du problème. La bonne leçon à tirer est qu’il faut des mesures pour stimuler l’économie par la demande.
Cela passe par le maintien du pouvoir d’achat, le renforcement de la protection sociale, la défense des
services publics de qualité.
Des politiques sociales intelligentes – comme les programmes qui accompagnent les chômeurs dans leur
recherche d’emploi ou les systèmes qui ouvrent la sécurité sociale aux membres les plus vulnérables de
notre société – ne peuvent être considérées seulement comme un coût. C’est un investissement pour
l’avenir.
L’UE doit donner davantage de substance à la dimension sociale, notamment au dialogue social, comme le
prévoyait la feuille de route destinée à compléter l’Union économique et monétaire européenne. Elle devrait
aider les Etats Membres à instaurer des systèmes de garanties jeunes, améliorer la diversification et
l’innovation industrielles, renforcer l’efficacité des services du marché du travail, accroître la création
d’emplois et renforcer l’investissement social.