ALG`
EBRE DE STEENROD, MODULES INSTABLES ET
FONCTEURS POLYN ˆ
OMIAUX
par
Lionel Schwartz*
Table des mati`eres
0. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
1. Le groupe additif et le dual de Milnor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2. Comodules sur A
p, comodules instables, modules instables . . . . 58
3. Les (co)modules instables libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
4. Les relations d’Adem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
5. Retour sur la condition d’instabilit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
6. Compl´ements sur la structure de la cat´egorie U. . . . . . . . . . . . . . . . 67
7. Repr´esentabilit´e de foncteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
8. Modules de Brown-Gitler et l’alg`ebre de Miller . . . . . . . . . . . . . . . . 70
9. Modules de Carlsson .......................................... 73
10. Injectivit´e de HZ/p et le foncteur T.......................... 74
11. Injectivit´e de HE, la formule de Campbell et Selick, et la caract´erisation
des modules nilpotents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
12. La cat´egorie U/Nil et les foncteurs analytiques . . . . . . . . . . . . . . 83
13. Compl´ements .................................................. 89
0. Introduction
Ces notes ont leur origine dans la session ”Etat de la Recherche” qui s’est tenue
`a Nantes en d´ecembre 2001 autour des foncteurs polynˆomiaux et des modules in-
stables. Elles ne transcrivent pas exactement les conf´erences de l’auteur et ceci plus
particuli`erement dans la premi`ere partie concernant l’introduction et la structure de
l’alg`ebre de Steenrod qu’on a d´evelopp´e suivant l’approche du sh´ema en groupe des
automorphismes du groupe formel additif. Ce texte contient quelques nouveaut´es, en
particulier des g´en´eralisations au cas p > 2 de r´esultats connus pour p= 2 (qui, si
elles appartiennent au folklore, ne sont pas ´ecrites dans des sources accessibles) :
l’extension de l’approche ´evoqu´ee plus haut via le groupe formel additif `a p > 2 ;
un ´enonc´e, pour p > 2 correspondant `a l’identification du module F(n) aux
invariants sous le groupe sym´etrique dans F(1)npour p= 2 ;
*UMR 7539 Universit´e Paris 13/CNRS.
54 L. SCHWARTZ
l’introduction des modules instables libres ;
un nouveau calcul de l’alg`ebre de Miller J
.
0.1. Notations. — Les notations suivantes seront utilis´ees dans la suite et le sont
dans les autres textes de l’ouvrage.
La cat´egorie des k-espaces vectoriels est not´ee Vect(k), ou plus simplement Vect,
celle des espaces vectoriels de dimension finie Vkou V. Si Vest un espace vectoriel
sur le corps k Sn(V) est la n-i`eme puissance sym´etrique, Λn(V) est la puissance
ext´erieure , Γn(V) est la n-i`eme puissance divis´ee. Le groupe sym´etrique est not´e
Sn, on rappelle que Γk(V) est isomorphe `a (Vk)Sk(les invariants sous l’action du
groupe sym´etrique) et que (V´etant de dimension finie) :
Proposition 0.1. — On a une ´equivalence naturelle :
Sn(V)
=Γn(V#)#.
L’application Vdite ”Verschiebung” qui envoie Γnp(V) dans Γn(V) est duale du
morphisme de Frobenius x7→ xpde S(V#) dans lui mˆeme. Elle est caract´eris´ee
(pour p= 2) de la mani`ere suivante, si δesigne la diagonale de l’alg`ebre de Hopf
Γ(V)ona:
δ(x) = X
i
(aibi+biai) + zz
l’´el´ement zest bien d´etermin´e et V(x) = z.
Dans tout ce qui suit on se placera sur un corps premier Fp, mais d’apr`es [15] les
r´esultats s’´etendent `a un corps fini quelconque.
1. Le groupe additif et le dual de Milnor
1.1. Le groupe additif. Une mani`ere (due `a J. Morava et P. Cartier) d’intro-
duire l’alg`ebre de Steenrod est de commencer par d´ecrire son dual. Celui apparait
naturellement en consid´erant les automorphismes du groupe formel additif Ga. Une
loi de groupe formel commutatif `a coefficients dans un anneau Aest une s´erie formelle
F(X, Y )A[[X, Y ]] qui satisfait aux propri´et´es suivantes :
F(X, 0) = F(0, X) = X,
F(X, Y ) = F(Y, X),
F(X, F (Y, Z)) = F(F(X, Y ), Z).
Rappelons aussi qu’une A-alg`ebre de Hopf est la donn´ee :
d’une A-alg`ebre L, d’unit´e η:ALet de multiplication µ;
d’une application d’alg`ebre δ:LLLqui admet une counit´e ε:LA,
et est coassociative.
Les secondes conditions signifient que :
εηest l’identit´e de A;
que µ(εIdL)δ= IdLet µ(IdLε)δ= IdL;
enfin que (δIdL)δ= (IdLδ)δ.
Si de plus δ=τδ, o`u τest l’´echange des deux facteurs du produit tensoriel
l’alg`ebre est cocommutative.
L’anneau A[[X]] est muni de la topologie X-adique, A[[X, Y ]] l’est de la topo-
logie (X, Y )-adique, les applications d’alg`ebre consid´er´ees ci-dessous seront toujours
suppos´ees continues pour ces topologies. La d´efinition d’une alg`ebre de Hopf donn´ee
ci-dessus peut ˆetre ´etendue `a ce contexte topologique. Les relations d´efinissant un
groupe formel Fexpriment que A[[X]] muni de la diagonale :
δ:A[[X]] A[[X, Y ]]
=A[[X]] ˆ
A[[X]] ,
ALG`
EBRE DE STEENROD 55
d´etermin´ee par X7→ F(X, Y ) est une alg`ebre de Hopf topologique cocommutative.
Ci-dessus on suppose le produit tensoriel A[[X]]A[[X]] compl´et´e de mani`ere ad hoc.
L’existence de la counit´e r´esulte de la premi`ere condition, la cocommutativ´e r´esulte
de la seconde, et la coassociativit´e de la troisi`eme.
Un endomorphisme du groupe formel est par d´efinition un endomorphisme continu
de la A-alg`ebre de Hopf A[[X]]. Une telle application est enti`erement d´etermin´ee par
l’image de Xqui est donc une s´erie formelle `(X) sans terme constant telle que :
F(`(X), `(Y)) = `(F(X, Y )) .
On v´erifie facilement que si `a φ(resp. ψ) est associ´ee la s´erie formelle `(resp. k)
`a ψφcorrespond `k. Dans le cas du groupe additif Ga(X, Y ) = X+Yla s´erie
formelle associ´ee `a un endomorphisme est donc telle que `(X+Y) = `(X) + `(Y). Si
Lest une F2-alg`ebre, les s´eries formelles qui v´erifient cette ´equation sont de la forme
:X
i
aiX2i,
aiL. Un tel endomorphisme est un automorphisme si et seulement si a0est une unit´e
de L. Un automorphisme sera dit sp´ecial si a0= 1. Le groupe des automorphismes
sp´eciaux Γ(L) = g
AutGa(L) est naturellement ´equivalent, en tant que foncteur en L
`a l’ensemble des homomorphismes de F2-alg`ebres de l’alg`ebre F2[ξi, i > 0] vers L
(F2[ξi, i > 0] est l’alg`ebre des fonctions r´eguli`eres sur le sh´ema en groupes Γ). On a
donc :
Γ(L)
=HomF2Alg(F2[ξi], L),
via la transformation naturelle qui `a φHomF2Alg(F2[ξi], L) associe `φ=X+
Pi>0φ(ξi)X2i. On notera A
2l’alg`ebre F2[ξi].
Le fait que le foncteur prenne valeurs dans la cat´egorie des groupes implique que
l’alg`ebre A
2=F2[ξi] h´erite d’une structure d’alg`ebre de Hopf. La diagonale δest le
produit, pour la structure de groupe, gddes applications canoniques g, d :A
2
(A
2)2donn´ees par x7→ x1 et x7→ 1x. Les propri´et´es de coassociativit´e et
counit´e de δse d´eduisent directement de celles du groupe Γ((A
2)2).
Th´eor`eme 1.1. — On a :
δ(ξ`) = X
i+j=`, i,j0
ξ2j
iξj.
dans cette formule par convention ξ0= 1.
emonstration : Si φet ψsont des endomorphismes on a `φψ=`φ`ψ, or par
d´efinition on a :
`g=X+X
i>0
(ξi1) X2i,
et
`d=X+X
i>0
(1 ξi)X2i.
Donc en particulier :
`δ=X+X
i>0
1ξi(X+X
j>0
(ξj1) X2j)2i.
Le r´esultat suit. Introduisons une graduation sur A
2en posant |ξi|=2i+ 1 ; l’ap-
plication δrespecte cette graduation. Consid´erons donc A
2comme alg`ebre de Hopf
gradu´ee.
56 L. SCHWARTZ
D´efinition 1.2. — L’alg`ebre (de Hopf) de Steenrod A2modulo 2est l’alg`ebre de
Hopf gradu´ee duale de A
2.
Pr´ecisons que A
2consid´er´ee comme alg`ebre gradu´ee est non nulle en degr´es n´egatifs
ou nuls et que A2est non nulle en degr´es positifs ou nuls car par d´efinition Ak
2=
((A
2)k)#.
Une base gradu´ee de A2est obtenue par dualisation de la base monˆomiale de
l’alg`ebre A
2, :
D´efinition 1.3. — Soit {ξR=ξr1
1. . . ξrh
h|h0, R = (r1. . . , rh), ri0, rh>0}la
base monˆomiale de A
2. La base duale de A2est not´ee {Sq(R) = Sq(r1, . . . , rh)|h
0,(r1. . . , rh), ri0, rh>0}. Elle est appel´ee base de Milnor de A2. Les ´el´ements
Sq(i)sont not´es Sqi.
D´efinition 1.4. — L’exc`es de l’op´eration Sq(r1, . . . , rh)est r1+. . . +rh.
Remarque 1.5. — L’homomorphisme de F2-alg`ebre de Mvers F2qui envoie ξ1vers
1et les autres g´en´erateurs ξi,i > 1, vers 0n’est pas un ´el´ement de ce dual, mais du
produit QiAi
2, c’est ”le produit” des formes lin´eaires prenant la valeur 1sur ξi
1et la
valeur 0sur les autres mˆonomes. Cette op´eration est appel´ee op´eration de Steenrod
totale on la notera dans ce texte Sq(1)= 1 + Sq1+ Sq2+· · ·+ Sqi+· · · , ou Sq comme
elle l’est en g´en´eral.
On peut d´efinir plus g´en´eralement Sq(j)comme ´etant l’homomorphisme de F2-
alg`ebre de A
2vers F2qui envoie ξjvers 1et les autres g´en´erateurs ξi,i6=j, vers
0.
1.2. Le cas p > 2. — Tout ce qu’on vient de dire s’´etend `a la caract´eristique p > 2.
Soit Γp(L) le sh´ema en groupes des s´eries formelles de la forme X+a1Xp+· · · +
akXpk+· · · , o`u les aiappartiennent `a une Fp-alg`ebre. On a :
Th´eor`eme 1.6. — L’alg`ebre des fonctions r´eguli`eres sur le sh´ema en groupes L7→
Γp(L)
=g
AutGa(L)est isomorphe `a Fp[ξi, i 0]. Sa structure d’alg`ebre de Hopf est
etermin´ee par :
δ(ξ`) = X
i+j=`, i,j0
ξpj
iξj.
dans cette formule par convention ξ0= 1.
Introduisons une graduation en posant |ξi|=2(pi1) l’application δla respecte.
On peut alors proc´eder comme ci-dessus. Cependant (pour p > 2) ce r´esultat ne
permet de d´ecrire que la sous-alg`ebre de l’alg`ebre de Steenrod engendr´ee par les
puissances r´eduites, et en particulier ne rend pas compte de l’homomorphisme de
Bockstein.
Pour obtenir toute l’alg`ebre on peut proc´eder comme suit.
On commence par revenir au cas p= 2. Soit Lune F2-alg`ebre. On peut d´ecrire Γ(L)
de la mani`ere suivante. On consid`ere la cat´egorie L− AN+des L-alg`ebres commu-
tatives augment´ees sur Ldont tout ´el´ement de l’id´eal d’augmentation est nilpotent.
On v´erifie facilement :
Proposition 1.7. — Le groupe Γ(L)est isomorphe au groupe des ´equivalences na-
turelles du foncteur id´eal d’augmentation, Ide la cat´egorie L− AN+vers celle des
L-modules, ´equivalences naturelles ´egales `a l’identit´e sur les alg`ebres dont tout ´el´ement
dans l’id´eal d’augmentation est de carr´e nul.
ALG`
EBRE DE STEENROD 57
Cette construction s’´etend aussi `a p > 2, mais encore une fois ceci ne d´efinit que la
sous-alg`ebre de l’alg`ebre de Steenrod modulo pengendr´ee par les puissances r´eduites
Pi, pour obtenir toute l’alg`ebre Apon proc´ede comme suit.
On consid´ere des Fp-alg`ebres Z/2-gradu´ees commutatives, la commutativit´e y est
prise au sens gradu´e : xy = (1)|x||y|yx pour tout xet tout yhomog`enes, en particulier
les ´el´ements de degr´e 1 sont de carr´e nul. Il y a un foncteur oubli Ode cette cat´egorie
vers la cat´egorie des Fp-alg`ebres (non commutatives) qui `a Lassocie la somme directe
L0L1. Soit donc Lune Fp-alg`ebre Z/2-gradu´ee commutative.
On introduit la sous-cat´egorie L− AN+
pdes L-alg`ebres (Z/2-gradu´ees, commuta-
tives) augment´ees sur Ldont tout ´el´ement de l’id´eal d’augmentation est nilpotent.
On consid`ere le foncteur id´eal d’augmentation, Ide cette cat´egorie vers la cat´egorie
des O(L)-modules.
D´efinition 1.8. — Par d´efinition le groupe ˜
Γp(L)est le groupe des ´equivalences
naturelles de I, ´equivalences naturelles ´egales `a l’identit´e sur les alg`ebres dont tout
´el´ement dans l’id´eal d’augmentation est de carr´e nul.
Proposition 1.9. — Le groupe ˜
Γp(L)est produit semi-direct du groupe Γp(L0)par
(L1)N.
Les conditions impos´ees montrent que pour une alg`ebre Mdans la cat´egorie une
telle transformation naturelle φest donn´ee par la formule :
φ(x+u) = x+X
i>0
aixpi+X
j0
bjxpj+u
o`u xM0,uM1,aiL0et bjL1.
En effet la restriction d’une ´equivalence naturelle `a la sous-alg`ebre des ´el´ements de
degr´e z´ero d´etermine un homomorphisme surjectif de ˜
Γp(L) vers Γp(L), de plus cet
homomorphisme est clairement scind´e. Enfin φest l’identit´e sur les ´el´ements de degr´e
1, en effet il suffit pour montrer cela de consid´erer le cas de l’alg`ebre ext´erieure sur L
en un g´en´erateur ude degr´e 1, uest n´ecessairement envoy´e sur lui mˆeme. Enfin on
condid`ere le cas de l’alg`ebre sur L, polynˆomiale tronqu´ee en un g´en´erateur de degr´e
0 et ext´erieure en un g´en´erateur de degr´e 1.
En composant deux ´equivalences naturelles donn´ees par :
φ(x+u) = x+X
i>0
aixpi+X
j0
bjxpj+u
et
ψ(y+v) = x+X
i>0
a0
iypi+X
j0
b0
jypj+v
on obtient :
ψφ(x+u) = x+X
i>0
(X
h+k=i
a0
haph
k)xpi+X
j0
(X
h+k=j
b0
haph
k)xpi+X
j0
bjxpj+u ,
on reconnaˆıt une situation analogue `a celle du groupe affine.
L’alg`ebre des fonctions r´eguli`eres sur ce ”sch´ema en groupes” est de la forme
A
p
=Fp[ξi, i > 0] E(τj, j 0) .
On peut graduer cette alg`ebre sur Zen posant |ξi|=2pi+ 2 et |τj|=2pj+ 1.
On obtient une Z/2-graduation par r´eduction modulo 2. Comme plus haut on a une
structure d’alg`ebre de Hopf. La diagonale ce calcule comme ci-dessus et est donn´ee
sur les ´el´ements τjpar :
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