Projet de loi no 118 Mémoire de l’Association des pneumologues de la province de Québec
3
ANALYSE D’IMPACT
Advenant l’adoption du projet de loi 118 tel que rédigé actuellement et sans tenir compte des recommandations qui
se retrouvent dans les pages qui suivent, certaines situations aberrantes risquent de perdurer. Notamment, des
milliers de patients pourraient continuer d'avoir des tests du sommeil dans des centres de physiologie respiratoire
sans aucune direction médicale dûment formée et sans possibilité de voir en consultation le signataire de
l’interprétation. Ainsi, le modèle actuel pratiqué par certains laboratoires où un diagnostic est proposé et un traitement
suggéré au patient par un non-médecin, sur la foi de la note d’interprétation du test de sommeil d’un médecin
n’ayant pas évalué le patient pourrait continuer.
Dans ce modèle où il y a conflit d'intérêts, car le prestataire de service diagnostique et de service thérapeutique est
le même, le non-médecin s’empresse d’exécuter un test pour vendre un traitement à grands frais. Ces patients se
sentent souvent pris en otage par ce système où le patient ne reçoit pas sa prescription en main propre après
évaluation avec un médecin compétent en la matière. Cette pratique va à l’encontre des recommandations du
Collège des médecins du Québec et de l’Association des pneumologues de la province de Québec. L’acte de poser
un diagnostic et de déterminer le plan de traitement sont des actes réservés exclusivement aux médecins.
Dans son bulletin de novembre 2016, le Collège des médecins du Québec rappelait que ces actes ne peuvent être
délégués à un membre d’un ordre professionnel autre qu’un membre du Collège des médecins du Québec.
Nous, les médecins spécialistes en pneumologie, évaluons a posteriori ces patients qui ont été bernés par une belle
publicité vantant les bénéfices des tests à domicile pourtant non supervisés par un médecin dûment formé. Nous
rencontrons quotidiennement ces patients ayant fait l’acquisition d’appareils à pression positive à grands frais sans
même avoir pu discuter, contrairement aux normes de pratique, avec un médecin formé en médecine du sommeil, de
la maladie, des comorbidités cardio-métaboliques et neuropsychiatriques, des facteurs réversibles et autres maladies
causant l’apnée du sommeil ainsi que des alternatives de traitement. D’autres auront eu, à grands frais également,
des orthèses buccales sans qu’il y ait eu de test dans un laboratoire supervisé par un médecin, sans évaluation
médicale pour poser un diagnostic et sans prescription médicale pour le justifier contrairement aux normes de
pratique. D’autres patients se voient faussement rassurés de l’absence de maladie alors que le test du sommeil
approprié n’a pas été fait ou encore a été mal exécuté et où l’évaluation médicale spécialisée n’a jamais eu lieu.
Le présent projet de loi ne spécifie pas, contrairement aux laboratoires de biologie et d’imagerie, que les centres de
physiologie respiratoire devront se soumettre à un agrément. Le Québec ne peut avoir de double standard de qualité
entre les tests du sommeil en établissement versus hors établissement. Le patient ne devrait pas avoir à choisir entre
attendre pendant des années pour être investigué dans un laboratoire du sommeil en établissement où le Comité
d’examen des titres aura vérifié que des médecins y travaillent et qu’ils soient soit tous titulaires d’un certificat de
spécialistes en pneumologie ou dûment formés en médecine du sommeil versus choisir d’aller dans un centre de
physiologie respiratoire hors établissement sans même se douter qu’il n’existe aucun encadrement légal appliqué
pour ces derniers. Actuellement, la seule forme d'agrément disponible est via Agrément Canada ou du Conseil
québécois d’agrément mais cet agrément ne rencontre aucunement les normes proposées par le guide
d'exercice du Collège des médecins du Québec ni par les organismes d'accréditation tels l'American
Academy of Sleep Medicine ou les Collèges des médecins des autres provinces canadiennes. Finalement le
présent projet de loi n'assure pas que le contrôle des activités des centres de physiologie respiratoire sera sous
contrôle médical ni que les activités diagnostiques et thérapeutiques seront dissociées. Il nous semble donc
que dans sa forme actuelle, le public, les médecins référents et les tiers payeurs ne sont pas pleinement
protégés.