Sartre et l`existentialisme

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CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
SARTRE
ET L’EXISTENTIALISME
CONFÉRENCE D’ÉRIC LOWEN
Photo Gisèle Freund
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
conférence N°1000-149
SARTRE ET L’EXISTENTIALISME
À l’occasion du centenaire de la naissance de Sartre (1905-2005)
conférence d’Éric Lowen donnée le 24/06/2005
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Principal philosophe français du 20ème siècle, la figure de Sartre s’inscrit dans tous les
débats politiques et idéologiques du 20ème siècle, souvent au détriment de sa philosophie.
Or, les engagements de Sartre, même ses errements, n'ont de sens qu'à la lumière de sa
pensée philosophique, la seule chose qui reste permanente dans son oeuvre. Cette
conférence présentera les principes de l’existentialisme sartrien.
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 2
SARTRE ET L’EXISTENTIALISME
À l’occasion du centenaire de la naissance de Sartre (1905-2005)
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
I
JEAN-PAUL SARTRE (1905-1980), L’HOMME ET LE MYTHE
1 - Aspects biographiques
2 - Les influences philosophiques de Sartre, un allemand en philosophie française
3 - Une œuvre complexe, une œuvre polygraphe
4 - Une pensée philosophique qui évoluera dans le temps
5 - L’intellectuel engagé, le philosophe aveuglé
6 - L’accès difficile à sa philosophie à cause de ses engagements, de sa pensée et de la
doxa antisartrienne
II
DES PHILOSOPHIES DE L’EXISTENCE À L’EXISTENTIALISME
1 - La situation de la philosophie universitaire au début du 20ème siècle
2 - Les questions de l’essence et de l’existence en philosophie
3 - L’affirmation classique : l’essence précède l’existence
4 - L’émergence récente de philosophies de l’existence
5 - La découverte sartrienne de l’existence (La nausée, 1938)
6 - L’inversion sartrienne : l’existence précède l’essence
7 - L’autonomisation de la pensée sartrienne : l’Existentialisme
III
L’ÊTRE FACE AU NÉANT, L’ANGOISSE ET L’ABSURDE
1 - Le désenchantement du monde, l’Homme face au néant (L’Être et le Néant, 1943)
2 - La nature de l’Être est le néant
3 - La conscience de l’existence entraîne la première angoisse
4 - L’absurdité fondamentale du réel, des êtres et des choses : l’absurdisme
IV
L’HOMME SELON L’EXISTENTIALISME
1 - La négation d’une essence universelle de l’Être Humain
2 - La contingence totale de l’Être Humain
3 - Sans essence, l’Être Humain n’a pas de sens et il n’y a pas vérité morale
4 - L’homme est un être de situation, doté d’une liberté sans limite (Les mouches, 1942)
5 - Il n’y a pas de règle du bien ou du mal, seule importe les fins en tant que fin
6 - La liberté de l’homme entraîne responsabilité et une deuxième forme d’angoisse (Le mur, 1939)
V
LA RADICALITÉ DE LA LIBERTÉ SARTRIENNE
1 - La liberté sartrienne, la liberté comme seule valeur
2 - Comment préserver cette liberté absolue ?
3 - Refuser la tentation de fuir sa liberté
4 - L’authenticité sur la vérité
5 - L’enfer, c’est les autres (Huit-clos, 1944)
6 - L’action comme expression de la liberté, mais indifférente à l’action effective
VI
LE DÉFI EXISTENTIALISTE
1 - S’éveiller à l’existence, la prise de conscience de l’Existence
2 - Exister est une condition, pas une obligation - l’effort existentialiste
3 - Il faut choisir ce qu’on sera, l’homme choisit son essence
4 - L’agir comme “salut” existentialiste, une doctrine de l’engagement sans cause
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VII
L’EXISTENTIALISME SARTRIEN COMME ANTI-PHILOSOPHIE
1 - L’existentialisme est un courant existentialiste
2 - L’existentialisme est une praxis plus qu’un système du monde
3 - Un existentialisme de la première mort de Dieu
4 - Une philosophie de l’individualité et de sa subjectivité solipsiste
5 - Une métaphysique nihiliste contribuant à la démétaphysication de la philosophie
6 - L’existentialisme n’est pas un humanisme
VIII
CONCLUSION
1 - Sartre et la figure de l’intellectuel
2 - Un penseur incontournable du 20ème siècle
ORA ET LABORA
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Document 1: Bibliographie de Sartre, classement par genre d’ouvrages.
Œuvres philosophiques de Sartre
- La Transcendance de l’ego, 1936
- L’Imagination, 1936
- Esquisse d’une théorie des émotions, 1939
- L’Imaginaire, 1940
- L’Être et le Néant, 1943
- L’existentialisme est un humanisme, 1946
- Cahiers pour une morale, 1947-1948, éd. posthume, Gallimard, 1983
- Critique de la raison dialectique, précédé de Questions de méthode, vol. I, 1960
- Critique de la raison dialectique, vol. II, 1960, éd. posthume, 1985.
Essais politiques
- Réflexions sur la question juive, 1947
- Entretiens sur la politique (avec David Rousset et Gérard Rosenthal), 1949
- L’Affaire Henri Martin, 1952
- On a raison de se révolter (avec Philippe Gavi et Pierre Victor), 1973
Romans et nouvelles
- La nausée, 1938
- Le Mur, 1939
- Chemins de la liberté, vol. I : L’Âge de raison, 1945
- Chemins de la liberté, vol. II : Le Sursis, 1945
- Chemins de la liberté, vol. III : La Mort dans l’âme, 1949
Théâtre
- Les Mouches, 1943
- Huis clos, 1944
- Morts sans sépulture, 1946
- La Putain respectueuse, 1946
- Les Mains sales, 1948
- Le Diable et le Bon Dieu, 1951
- Kean, d’après Alexandre Dumas, 1953
- Nekrassov, 1956
- Les Séquestrés d’Altona, 1959
- Les Troyennes, d’après Euripide, 1967
Littérature
- Baudelaire, 1947
- Qu’est-ce que la littérature ?, 1948
- Situations I-X, 1948-1976
- Saint Genet, comédien et martyr (Œuvres complètes de Jean Genet, t. I), 1952
- Les Mots, 1964
- L’Idiot de la famille. Gustave Flaubert de 1821 à 1857, 3 vol., 1971-1972
- Un théâtre de situations, 1973
- Le Scénario Freud, 1984 (posthume)
- Mallarmé (posthume)
- La lucidité et sa face d’ombre, 1986 (posthume)
- La Reine Albemarle, ou le Dernier Touriste, 1991 (posthume)
Mémoires, journaux, correspondance
- Écrits de jeunesse, 1990 (posthume)
- Carnets de la drôle de guerre, 1939-1940, éd. posthume, Gallimard, 1983
- Lettres au Castor et à quelques autres, 1983 (posthume)
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Document 2 : Explication de l’affirmation “L’existence précède l’essence”, qui fonde l’affirmation sartrienne
que l’homme est sans essence, sans nature.
Que faut-il au juste entendre par là ? Lorsqu'on considère un objet fabriqué, comme par
exemple un livre ou un coupe-papier, cet objet a été fabriqué par un artisan qui s'est
inspiré d'un concept: il s'est référé au concept de coupe-papier, et également à une
technique de production préalable qui fait partie du concept, et qui est au fond une
recette. Ainsi, le coupe-papier est à la fois un objet qui se produit d'une certaine manière
et qui, d'autre part, a une utilité définie; et on ne peut pas supposer un homme qui
produirait un coupe-papier sans savoir à quoi l'objet va servir. Nous dirons donc que,
pour le coupe-papier, l'essence - c'est-à-dire l'ensemble des recettes et des qualités qui
permettent de le produire et de le définir - précède l'existence, et ainsi la présence, en
face de moi, de tel coupe-papier ou de tel livre est déterminée. Nous avons donc là une
vision technique du monde, dans laquelle on peut dire que la production précède
l'existence.
Lorsque nous concevons un Dieu créateur, ce Dieu est assimilé la plupart du temps à un
artisan supérieur, et quelle que soit la doctrine que nous considérions, qu'il s'agisse d'une
doctrine comme celle de Descartes ou de la doctrine de Leibniz, nous admettons toujours
que la volonté suit plus ou moins l'entendement, ou tout au moins l'accompagne, et que
Dieu, lorsqu'il crée, sait précisément ce qu'il crée. Ainsi, le concept d'homme, dans l'esprit
de Dieu, est assimilable au concept de coupe-papier dans l'esprit de l'industriel.
L'homme individuel réalise un certain concept qui est dans l'entendement divin. Au
XVIllème siècle, dans l'athéisme des philosophes, la notion de Dieu est supprimée, mais
non pour autant l'idée que l'essence précède l'existence. Cette idée, nous la retrouvons
un peu partout : nous la retrouvons chez Diderot, chez Voltaire, et même chez Kant.
L'homme est possesseur d'une nature humaine; cette nature humaine qui est le concept
humain, se retrouve chez tous les hommes, ce qui signifie que chaque homme est un
exemple particulier d'un concept universel, l'homme; chez Kant, il résulte de cette
universalité que l'homme des bois, l'homme de la nature, comme le bourgeois sont
astreints à la même définition et possèdent les mêmes qualités de base. Ainsi, là encore,
l'essence d'homme précède cette existence historique que nous rencontrons dans la
nature.
L'existentialisme athée, que je représente, est plus cohérent. Il déclare que si Dieu
n'existe pas, il y a au moins un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui
existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c'est l'homme ou,
comme dit Heidegger, la réalité humaine. Qu'est-ce que signifie ici que l'existence
précède l'essence? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le
monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas
définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera
fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir.
L'homme est seulement, non seulement tel qu'il se conçoit, mais tel qu'il se veut, et
comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut après cet élan vers l'existence ;
l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.
L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une
pourriture ou un chou-fleur; rien n'existe préalablement à ce projet; rien n'est au ciel
intelligible (1), et l'homme sera d'abord ce qu'il aura projeté d'être. Non pas ce qu'il
voudra être. Car ce que nous entendons ordinairement par vouloir, c'est une décision
consciente, et qui est pour la plupart d'entre nous postérieure à ce qu'il s'est fait luimême. Je peux vouloir adhérer à un parti, écrire un livre, me marier, tout cela n’est
qu'une manifestation d'un choix plus originel, plus spontané que ce qu'on appelle volonté.
Mais si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est responsable de ce qu'il est.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
L'existentialisme est un humanisme (1946)
(1) Allusion à la philosophie de Platon. Les idées (intelligibles) sont les modèles qu'imitent les objets sensibles.
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Document 3 : Au cœur de La nausée, la découverte de la déréalisation du monde et de son absurdité
J'existe. C'est doux, si doux, si lent. Et léger on dirait que ça tient en l'air tout seul. Ça
remue. Ce sont des effleurements partout qui fondent et s'évanouissent. Tout doux, tout
doux. Il y a de l'eau mousseuse dans ma bouche. Je l'avale, elle glisse dans ma gorge,
elle me caresse - et la voilà qui renaît dans ma bouche, j'ai dans la bouche à perpétuité
une petite mare d'eau blanchâtre - discrète - qui frôle ma langue. Et cette mare, c'est
encore moi. Et la langue. Et la gorge, c'est moi.
Je vois ma main, qui s'épanouit sur la table. Elle vit - c'est moi. Elle s'ouvre, les doigts se
déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l'air d'une
bête à la renverse. Les doigts, ce sont les pattes. Je m'amuse à les faire remuer, très
vite, comme les pattes d'un crabe qui est tombé sur le dos. Le crabe est mort : les pattes
se recroquevillent, se ramènent sur le ventre de ma main. Je vois les ongles - la seule
chose de moi qui ne vit pas. Et encore. Ma main se retourne, s'étale à plat ventre, elle
m'offre à présent son dos. Un dos argenté, un peu brillant - on dirait un poisson, s'il n'y
avait pas les poils roux à la naissance des phalanges. Je sens ma main. C'est moi, ces
deux bêtes qui s'agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec
l'ongle d'une autre patte ; je sens son poids sur la table qui n'est pas moi. C'est long,
long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n'y a pas de raison pour que ça
passe. À la longue, c'est intolérable... je retire ma main, je la mets dans ma poche. Mais
je sens tout de suite, à travers l'étoffe, la chaleur de ma cuisse. Aussitôt, je fais sauter ma
main de ma poche ; je la laisse pendre contre le dossier de la chaise. Maintenant, je sens
son poids - au bout de mon bras. Elle tire un peu, à peine, mollement, moelleusement,
elle existe. Je n'insiste pas - où que je la mette. elle continuera d'exister et je continuerai
de sentir qu'elle existe ; je ne peux pas la supprimer, ni supprimer le reste de mon corps,
la chaleur humide qui salit ma chemise, ni toute cette graisse chaude qui tourne
paresseusement, comme si on la remuait à la cuiller, ni toutes les sensations qui se
promènent là-dedans, qui vont et viennent, remontent de mon flanc à mon aisselle ou
bien qui végètent doucement, du matin jusqu'au soir, dans leur coin habituel.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
La nausée, p. 141-142
***
Le mot d'Absurdité naît à présent sous ma plume ; tout à l'heure, au jardin, je ne l'ai pas
trouvé, mais je ne le cherchais pas non plus, je n'en avais pas besoin : je pensais sans
mots sur les choses, avec les choses. L'absurdité, ce n'était pas une idée dans ma tête,
ni un souffle de voix, mais ce long serpent mort à mes pieds, ce serpent de bois. Serpent
ou griffe ou racine ou serre de vautour, peu importe. Et sans rien formuler nettement, je
comprenais que j'avais trouvé la clef de l’Existence, la clef de mes Nausées, de ma
propre vie. De fait, tout ce que j'ai pu saisir ensuite se ramène à cette absurdité
fondamentale. Absurdité : encore un mot ; je me débats contre des mots ; là-bas, je
touchais la chose. Mais je voudrais fixer ici le caractère absolu de cette absurdité. Un
geste, un événement dans le petit monde colorié des hommes n'est jamais absurde que
relativement : par rapport aux circonstances qui l'accompagnent. Les discours d'un fou,
par exemple, sont absurdes par rapport à la situation où il se trouve mais non par rapport
à son délire. Mais moi, tout à l'heure, j'ai fait l'expérience de l'absolu : l'absolu ou
l'absurde. Cette racine, il n'y avait rien par rapport à quoi elle ne fût absurde. Oh !
Comment pourrai-je fixer ça avec des mots? Absurde : par rapport aux cailloux, aux
touffes d'herbe jaune, à la boue sèche, à l'arbre, au ciel, aux bancs verts. Absurde,
irréductible ; rien pas même un délire profond et secret de la nature ne pouvait l'expliquer.
Évidemment je ne savais pas tout, je n'avais pas vu le germe se développer ni l'arbre
croître. Mais devant cette grosse patte rugueuse, ni l'ignorance ni le savoir n'avaient
d'importance : le monde des explications et des raisons n'est pas celui de l'existence. Un
cercle n'est pas absurde, il s'explique très bien par la rotation d'un segment de droite
autour d'une de ses extrémités. Mais aussi un cercle n'existe pas. Cette racine, au
contraire, existait dans la mesure où je ne pouvais pas l'expliquer. Noueuse, inerte, sans
nom, elle me fascinait, m'emplissait les yeux, me ramenait sans cesse à sa propre
existence. J'avais beau répéter : « C'est une racine » - ça ne prenait plus. Je voyais bien
qu'on ne pouvait pas passer de sa fonction de racine, de pompe aspirante, à ça, à cette
peau dure et compacte de phoque, à cet aspect huileux, calleux, entêté. La fonction
n'expliquait rien : elle permettait de comprendre en gros ce que c'était qu'une racine,
mais pas du tout celle-ci. Cette racine, avec sa couleur, sa forme, son mouvement figé,
était... au-dessous de toute explication.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
La nausée, p. 182-183
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 7
***
La Nausée me laisse un court répit. Mais je sais quelle reviendra : c'est mon état normal.
Seulement, aujourd'hui mon corps est trop épuisé pour la supporter. Les malades aussi
ont d'heureuses faiblesses qui leur ôtent, quelques heures, la conscience de leur mal. Je
m'ennuie, c'est tout. De temps en temps je bâille si fort que les larmes me roulent sur les
joues. C'est un ennui profond, profond, le cœur profond de l'existence, la matière même
dont je suis fait. Je ne me néglige pas, bien au contraire : ce matin, j'ai pris un bain, je me
suis rasé. Seulement, quand je repense à tous ces petits actes soigneux, je ne
comprends pas comment j'ai pu les faire : ils sont si vains. Ce sont les habitudes, sans
doute, qui les ont faits pour moi. Elles ne sont pas mortes, elles, elles continuent à
s'affairer, à tisser tout doucement, insidieusement leurs trames, elles me lavent,
m'essuient, m'habillent, comme des nourrices. Est-ce que ce sont elles, aussi, qui m'ont
conduit sur cette colline? Je ne me rappelle plus comment je suis venu. Par l'escalier
Dautry, sans doute : est-ce que j'ai gravi vraiment une à une ses cent dix marches? Ce
qui est peut-être encore plus difficile à imaginer, c'est que, tout à l'heure, je vais les
redescendre. Pourtant, je le sais : je me retrouverai dans un moment au bas du Coteau
Vert, je pourrai, en levant la tête, voir s'éclairer au loin les fenêtres de ces maisons qui
sont si proches. Au loin. Au-dessus de ma tête ; et cet instant-ci, dont je ne puis sortir, qui
m'enferme et me borne de tout côté, cet instant dont je suis fait ne sera plus qu'un songe
brouillé.
Je regarde, à mes pieds, les scintillements gris de Bouville. On dirait, sous le soleil, des
monceaux de coquilles d'écailles, d'esquilles d'os, de graviers. Perdu entre ces débris, de
minuscules éclats de verre ou de mica jettent par intermittence des feux légers. Les
rigoles, les tranchées, les minces sillons qui courent entre les coquilles, dans une heure
ce seront des rues, je marcherai dans ces rues, entre des murs. Ces petits bonshommes
noirs que je distingue dans la rue Boulibet, dans une heure je serai l'un d'eux.
Comme je me sens loin d'eux, du haut de cette colline. Il me semble que j'appartiens à
une autre espèce. ils sortent des bureaux, après leur journée de travail, ils regardent les
maisons et les squares d'un air satisfait, ils pensent que c'est leur ville, une « belle cité
bourgeoise ». Ils n'ont pas peur, ils se sentent chez eux. Ils n'ont jamais vu que l'eau
apprivoisée qui coule des robinets, que la lumière qui jaillit des ampoules quand on
appuie sur l'interrupteur, que les arbres métis, bâtards, qu'on soutient avec des fourches.
Ils ont la preuve, cent fois par jour, que tout se fait par mécanisme, que le monde obéit à
des lois fixes et immuables. Les corps abandonnés dans le vide tombent tous à la même
vitesse, le jardin public est fermé tous les jours à seize heures en hiver, à dix-huit heures
en été, le plomb fond à 3350, le dernier tramway part de l'Hôtel de Ville à vingt-trois
heures cinq. Ils sont paisibles, un peu moroses, ils pensent à Demain, c'est-à-dire,
simplement, à un nouvel aujourd'hui ; les villes ne disposent que d'une seule journée qui
revient toute pareille à chaque matin. À peine la pomponne-t-on un peu, les dimanches.
Les imbéciles. Ça me répugne, de penser que je vais revoir leurs faces épaisses et
rassurées. Ils légifèrent, ils écrivent des romans populistes, ils se marient, ils ont
l'extrême sottise de faire des enfants. Cependant, la grande nature vague s'est glissée
dans leur ville, elle s'est infiltrée, partout, dans leur maison, dans leurs bureaux, en euxmêmes. Elle ne bouge pas, elle se tient tranquille et eux, ils sont en plein dedans, ils la
respirent et ils ne la voient pas, ils s'imaginent qu'elle est dehors, à vingt lieues de la ville.
je la vois, moi, cette nature, je la vois... je sais que sa soumission est paresse, je sais
qu'elle n'a pas de lois : ce qu'ils prennent pour sa constance... Elle n'a que des habitudes
et elle peut en changer demain.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
La nausée, p. 220 à 222
Document 4 : L’absurdité totale de la vie provient pour Sartre de la mort.
Ce qu'il faut noter tout d'abord, c'est le caractère absurde de la mort. On a souvent dit
que nous étions dans la situation d'un condamné, parmi les condamnés, qui ignore le jour
de son exécution, mais qui voit exécuter chaque jour ses compagnons de geôle. Ce n'est
pas tout à fait exact : il faudrait plutôt nous comparer à un condamné à mort qui se
prépare bravement au dernier supplice, qui met tous ses soins à faire belle figure sur
l'échafaud et qui, entre temps, est enlevé par une épidémie de grippe espagnole.
La mort ne saurait aucunement être attendue, car elle n'est autre que la révélation de
l'absurdité de toute attente, fût-ce justement de son attente.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
L’Être et le néant, 1943
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 8
Document 5 : Puisque Dieu n’existe pas, il ne reste que les hommes. Mais dans la pensée sartrienne, c’est
passer d’un néant à un autre néant.
HEINRICH : Pourquoi fais-tu semblant de lui parler [à Dieu] ? Tu sais bien qu'il ne
répondra pas.
GOETZ : Et pourquoi ce silence ? Lui qui s'est fait voir à l'ânesse du prophète, pourquoi
refuse-t-il de se montrer à moi ?
HEINRICH : Parce que tu ne comptes pas. Torture les faibles ou martyrise-toi, baise les
lèvres d'une courtisane ou celles d'un lépreux, meurs de privations ou de voluptés : Dieu
s'en fout.
GOETZ : Qui compte alors ?
HEINRICH : Personne. L'homme est néant. Ne fais pas l'étonné : tu l'as toujours su ; tu le
savais quand tu as lancé les dés. Sinon pourquoi aurais-tu triché ? (Gœtz veut parler.) Tu
as triché, Catherine t'a vu : tu as forcé ta voix pour couvrir le silence de Dieu. Les ordres
que tu prétends recevoir, c'est toi qui te les envoies.
GŒTZ, réfléchissant : Moi, oui.
HEINRICH, étonné : Eh bien, oui. Toi-même,
GŒTZ, même jeu : Moi seul.
HEINRICH : Oui, te dis-je, oui.
GŒTZ, relevant la tête : Moi seul, curé, tu as raison. Moi seul. Je suppliais, je
quémandais un signe, j'envoyais au Ciel des messages : pas de réponse. Le ciel ignore
jusqu'à mon nom. Je me demandais à chaque minute ce que je pouvais être aux yeux de
Dieu. À présent je connais la réponse : rien. Dieu ne me voit pas, Dieu ne m'entend pas,
Dieu ne me connaît pas. Tu vois ce vide au-dessus de nos têtes ? C'est Dieu. Tu vois
cette brèche dans la porte ? C'est Dieu. Tu vois ce trou dans la terre ? C'est Dieu encore.
Le silence, c'est Dieu. L'absence, c'est Dieu. Dieu, c'est la solitude des hommes. Il n'y
avait que moi : j'ai décidé seul du Mal ; seul, j'ai inventé le Bien. C'est moi qui ai triché,
moi qui ai fait des miracles, c'est moi qui m'accuse aujourd'hui, moi seul qui peux
m'absoudre ; moi, l'homme. Si Dieu existe, l'homme est néant ; si l'homme existe... Où
cours-tu ?
HEINRICH : Je m'en vais ; je n'ai plus rien à faire avec toi.
GŒTZ : Attends, curé : je vais te faire rire.
HEINRICH : Tais-toi !
GOETZ : Mais tu ne sais pas encore ce que je vais te dire. (Il le regarde et brusquement.)
Tu le sais !
HEINRICH, criant : Ce n'est pas vrai ! Je ne sais rien, je ne veux rien savoir.
GŒTZ : Heinrich, je vais te faire connaître une espièglerie considérable : Dieu n'existe
pas. (Heinrich se jette sur lui' et le frappe. Gœtz sous les coups, rit et crie.). Il n'existe
pas. Joie, pleurs de joie ! Alleluia. Fou ! Ne frappe pas : je nous délivre. Plus de Ciel, plus
d'Enfer : rien que la Terre.
HEINRICH : Ah ! Qu'il me damne cent fois, mille fois, pourvu qu'il existe. Gœtz, les
hommes nous ont appelés traîtres et bâtards ; et ils nous ont condamnés. Si Dieu
n'existe pas, plus moyen d'échapper aux hommes. Mon Dieu, cet homme a blasphémé,
je crois en vous, je crois ! Notre Père qui êtes aux Cieux, j'aime mieux être jugé par un
être infini que par mes égaux.
GŒTZ : À qui parles-tu ? Tu viens de dire qu'il était sourd. (Heinrich le regarde en
silence.). Plus moyen d'échapper aux hommes. Adieu les monstres, adieu les saints.
Adieu l'orgueil. Il n'y a que des hommes.
Jean-Paul Sartre
Le Diable et le bon Dieu, dixième tableau, scène IV
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 9
Document 6 : L’affirmation radicale de la liberté sartrienne, exprimée dans une célèbre tirade entre Oreste
et Jupiter dans Les mouches.
JUPITER
Oreste ! Je t'ai créé et j'ai créé toute chose : regarde. (Les murs du temple s'ouvrent. Le
ciel apparaît, constellé d'étoiles qui tournent. Jupiter est an fond de la scène. Sa voix est
devenue énorme - microphone - mais on le distingue à peine.). Vois ces planètes qui
roulent en ordre, sans jamais se heurter : c'est moi qui en ai réglé le cours, selon la
justice. Entends l'harmonie des sphères, cet énorme chant de grâces minéral qui se
répercute aux quatre coins du ciel. (Mélodrame.) Par moi les espèces se perpétuent, j'ai
ordonné qu'un homme engendre toujours un homme et que le petit du chien soit un
chien, par moi la douce langue des marées vient lécher le sable et se retire à heure fixe,
je fais croître les plantes, et mon souffle guide autour de la terre les nuages jaunes du
pollen. Tu n'es pas chez toi, intrus ; tu es dans le monde comme l'écharde dans la chair,
comme le braconnier dans la forêt seigneuriale : car le monde est bon ; je l'ai créé selon
ma volonté et je suis le Bien. Mais toi, tu as fait le mal, et les choses t'accusent de leurs
voix pétrifiées : le Bien est partout, c'est la moelle du sureau, la fraîcheur de la source, le
grain du silex, la pesanteur de la pierre ; tu le retrouveras jusque dans la nature du feu et
de la lumière, ton corps même te trahit car il se conforme à mes prescriptions. Le Bien
est en toi, hors de toi : il te pénètre comme une faux, il t'écrase comme une montagne, il
te porte et te roule comme une mer ; c'est lui qui permit le succès de ta mauvaise
entreprise car il fut la clarté des chandelles, la dureté de ton épée, la force de ton bras. Et
ce Mal dont tu es si fier, dont tu te nommes Fauteur, qu’est-il sinon un reflet de l'être, un
faux-fuyant, une image trompeuse dont l'existence même est soutenue par le Bien.
Rentre en toi-même, Oreste : l'univers te donne tort, et tu es un ciron dans l'univers.
Rentre dans la nature, fils dénaturé : connais ta faute, abhorre-la, arrache-la de toi
comme une dent cariée et puante. Ou redoute que la mer ne se retire devant toi, que les
sources ne se tarissent sur ton chemin, que les pierres et les rochers ne roulent hors de
ta route et que la terre ne s'effrite sous tes pas.
ORESTE
Qu'elle s'effrite ! Que les rochers me condamnent et que les plantes se fanent sur mon
passage : tout ton univers ne suffira pas à me donner tort. Tu es le roi des Dieux, Jupiter,
le roi des pierres et des étoiles, le roi des vagues de la mer. Mais tu n'es pas le roi des
hommes.
Les murailles se rapprochent, Jupiter réapparaît.
las et voûté ; il a repris sa voix naturelle.
JUPITER
Je ne suis pas ton roi, larve impudente. Qui donc t'a créé?
Toi. Mais il ne fallait pas me créer libre.
Je t'ai donné ta liberté pour me servir.
ORESTE
JUPITER
ORESTE
Il se peut, mais elle s'est retournée contre toi et nous n'y pouvons rien, ni l'un ni l'autre.
Enfin ! Voilà l'excuse.
Je ne m'excuse pas.
JUPITER
ORESTE
JUPITER
Vraiment ? Sais-tu qu'elle ressemble beaucoup à une excuse, cette liberté dont tu te dis
l'esclave?
ORESTE
Je ne suis ni le maître ni l'esclave, Jupiter. Je suis ma liberté! À peine m'as-tu créé que
j'ai cessé de t'appartenir.
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 10
ÉLECTRE
Par notre père, Oreste, je t'en conjure, ne joins pas le blasphème au crime.
JUPITER
Écoute-la. Et perds l'espoir de la ramener par tes raisons : ce langage semble assez neuf
pour ses oreilles - et assez choquant.
ORESTE
Pour les miennes aussi, Jupiter. Et pour ma gorge qui souffle les mots et pour ma langue
qui les façonne au passage : j'ai de la peine à me comprendre. Hier encore tu étais un
voile sur mes yeux, un bouchon de cire dans mes oreilles ; c'était hier que j'avais une
excuse : tu étais mon excuse d'exister, car tu m'avais mis au monde pour servir tes
desseins, et le monde était une vieille entremetteuse qui me parlait de toi, sans cesse. Et
puis tu m'as abandonné.
T'abandonner, moi ?
JUPITER
ORESTE
Hier, j'étais près d'Electre ; toute ta nature se pressait autour de moi ; elle chantait ton
Bien, la sirène, et me prodiguait les conseils. Pour m'inciter à la douceur, le jour brûlant
s'adoucissait comme un regard se voile ; pour me prêcher l'oubli des offenses, le ciel
s'était fait suave comme un pardon. Ma jeunesse, obéissant à tes ordres, s'était levée,
elle se tenait devant mon regard, suppliante comme une fiancée qu'on va délaisser : je
voyais ma jeunesse pour la dernière fois. Mais, tout à coup, la liberté a fondu sur moi et
m'a transi, la nature a sauté en arrière, et je n'ai plus eu d'âge, et je me suis senti tout
seul, au milieu de ton petit monde bénin, comme quelqu'un qui a perdu son ombre ; et il
n'y a plus rien eu au ciel, ni Bien ni Mal, ni personne pour me donner des ordres.
JUPITER
Eh bien ? Dois-je admirer la brebis que la gale retranche du troupeau, ou le lépreux
enfermé dans son lazaret ? Rappelle-toi, Oreste : tu as fait partie de mon troupeau, tu
paissais l'herbe de mes champs au milieu de mes brebis. Ta liberté n'est qu'une gale qui
te démange, elle n'est qu'un exil.
Tu dis vrai : un exil.
ORESTE
JUPITER
Le mal n'est pas si profond : il date d'hier. Reviens parmi nous. Reviens : vois comme tu
es seul, ta sœur même t'abandonne. Tu es pâle, et l'angoisse dilate tes yeux. Espères-tu
vivre ? Te voilà rongé par un mal inhumain, étranger à ma nature, étranger à toi-même.
Reviens : je suis l'oubli, je suis le repos.
ORESTE
Étranger à moi-même, je sais. Hors nature, contre nature, sans excuse, sans autre
recours qu'en moi. Mais je ne reviendrai pas sous ta loi : je suis condamné, à n'avoir
d'autre loi que la mienne. Je ne reviendrai pas à ta nature : mille chemins y sont tracés
qui conduisent vers toi, mais je ne peux suivre que mon chemin. Car je suis un homme,
Jupiter, et chaque homme doit inventer son chemin. La nature a horreur de l'homme, et
toi, toi, souverain des Dieux, toi aussi tu as les hommes en horreur.
JUPITER
Tu ne mens pas : quand ils te ressemblent, je les hais.
ORESTE
Prends garde : tu viens de faire l'aveu de ta faiblesse. Moi, je ne te hais pas. Qu'y a-t-il de
toi à moi ? Nous glisserons l'un contre l'autre sans nous toucher, comme deux navires. Tu
es un Dieu et je suis libre : nous sommes pareillement seuls et notre angoisse est
pareille. Qui te dit que je n’ai pas cherché le remords, au cours de cette longue nuit ? Le
remords. Le sommeil. Mais je ne peux plus avoir de remords. Ni dormir.
Un silence.
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 11
Que comptes-tu faire ?
JUPITER
ORESTE
Les hommes d'Argos sont mes hommes. Il faut que je leur ouvre les yeux.
JUPITER
Pauvres gens ! Tu vas leur faire cadeau de la solitude et de la honte, tu vas arracher les
étoffes dont je les avais couverts, et tu leur montreras soudain leur existence, leur
obscène et fade existence, qui leur est donnée pour rien.
ORESTE
Pourquoi leur refuserais-je le désespoir qui est en moi, puisque c'est leur lot ?
Qu'en feront-ils?
JUPITER
ORESTE
Ce qu'ils voudront : ils sont libres, et la vie humaine commence de l'autre côté du
désespoir.
Un silence.
JUPITER
Eh bien, Oreste, tout ceci était prévu. Un homme devait venir annoncer mon crépuscule.
C'est donc toi ? Qui l'aurait cru, hier, en voyant ton visage de fille ?
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Les mouches, acte III, scène 2
Document 7 : La confrontation avec les autres implique un conflit structurel indépassable.
Autrui, en figeant mes possibilités, me révèle l'impossibilité où je suis d'être objet, sinon
pour une autre liberté. Je ne puis être objet pour moi-même car je suis ce que je suis ;
livré à ses seules ressources, l'effort réflexif vers le dédoublement aboutit à l'échec, je
suis toujours ressaisi par moi. Et lorsque je pose naïvement qu'il est possible que je sois,
sans m'en rendre compte, un être objectif, je suppose implicitement par là même
l'existence d'autrui, car comment serais-je objet si ce n’est pour un sujet? Ainsi autrui est
d'abord pour moi l'être pour qui je suis objet, c'est-à-dire l'être par qui je gagne mon
objectité (1). Si je dois seulement pouvoir concevoir une de mes propriétés sur le mode
objectif, autrui est déjà donné. Et il est donné non comme être de mon univers, mais
comme sujet pur. Ainsi ce sujet pur que je ne puis, par définition, connaître, c'est-à-dire
poser comme objet, il est toujours là, hors de portée et sans distance lorsque j'essaie de
me saisir comme objet. Et dans l'épreuve du regard, en m'éprouvant comme objectité
non révélée, J'éprouve directement et avec mon être l'insaisissable subjectivité d'autrui.
Du même coup, j'éprouve son infinie liberté. Car c'est pour et par une liberté et seulement
pour et par elle que mes possibles peuvent être limités et figés. Un obstacle matériel ne
saurait figer mes possibilités, il est seulement l'occasion pour moi de me projeter vers
d'autres possibles, il ne saurait leur conférer un dehors. Ce n'est pas la même chose de
rester chez soi parce qu'il pleut ou parce qu'on vous a défendu de sortir. Dans le premier
cas, je me détermine moi-même à demeurer, par la considération des conséquences de
mes actes; je dépasse l'obstacle « pluie » vers moi-même et j'en fais un instrument. Dans
le second cas, ce sont mes possibilités mêmes de sortir ou de demeurer qui me sont
présentées comme dépassées et figées, et qu'une liberté prévoit et prévient à la fois. Ce
n’est pas caprice si, souvent, nous faisons tout naturellement et sans mécontentement ce
qui nous irriterait si un autre nous le commandait. C'est que l'ordre et la défense exigent
que nous fassions l'épreuve de la liberté d'autrui à travers notre propre esclavage. Ainsi,
dans le regard, la mort de mes possibilités me fait éprouver la liberté d'autrui; elle ne se
réalise qu'au sein de cette liberté et je suis moi, pour moi-même inaccessible et pourtant
moi-même, jeté, délaissé au sein de la liberté d'autrui...
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
L’Être et le Néant, page 316 (1943)
(1) C'est-à-dire le statut d'objet, par opposition à celui de sujet.
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Document 8 : L’engagement sans cause, seule la décision de l’acte libre donne sens à l’action.
HOEDERER
Mon petit, il y a malentendu : je les connais, les gars du Parti qui ne sont pas d'accord
avec ma politique et je peux te dire qu'ils sont de mon espèce, pas de la tienne - et tu ne
tarderas pas à le découvrir. S'ils ont désapprouvé ces négociations, c'est tout simplement
qu'ils les jugent inopportunes ; en d'autres circonstances ils seraient les premiers à les
engager. Toi, tu en fais une affaire de principes.
HUGO
Qui a parlé de principes ?
HOEDERER
Tu n'en fais pas une affaire de principes ? Bon. Alors voici qui doit te convaincre : si nous
traitons avec le Régent, il arrête la guerre ; les troupes illyriennes attendent gentiment
que les Russes viennent les désarmer ; si nous rompons les pourparlers, il sait qu'il est
perdu et il se battra comme un chien enragé ; des centaines de milliers d'hommes y
laisseront leur peau. Qu'en dis-tu? (un silence.) Hein ? Qu'en dis-tu ? Peux-tu rayer cent
mille hommes d'un trait de plume ?
HUGO, péniblement.
On ne fait pas la révolution avec des fleurs. S'ils doivent y rester...
HOEDERER
Eh bien ?
HUGO
Eh bien, tant pis!
HOEDERER
Tu vois, tu vois bien ! Tu n'aimes pas les hommes, Hugo. Tu n'aimes que les principes.
HUGO
Les hommes ? Pourquoi les aimerais-je ? Est-ce qu'ils m'aiment ?
HOEDERER
Alors pourquoi es-tu venu chez nous ? Si on n'aime pas les hommes on ne peut pas
lutter pour eux.
HUGO
Je suis entré au Parti parce que sa cause est juste et j'en sortirai quand elle cessera de
l’être. Quant aux hommes, ce n'est pas ce qu'ils sont qui m'intéresse mais ce qu'ils
pourront devenir.
HOEDERER
Et moi, je les aime pour ce qu'ils sont. Avec toutes leurs saloperies et tous leurs vices.
J'aime leurs voix et leurs mains chaudes qui prennent et leur peau, la plus nue de toutes
les peaux, et leur regard inquiet et la lutte désespérée qu'ils mènent chacun à son tour
contre la mort et contre l'angoisse. Pour moi, ça compte un homme de plus ou de moins
dans le monde. C'est précieux. Toi, je te connais bien, mon petit, tu es un destructeur.
Les hommes, tu les détestes parce que tu te détestes toi-même ; ta pureté ressemble à
la mort et la Révolution dont tu rêves n'est pas la nôtre : tu ne veux pas changer le
monde, tu veux le faire sauter.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Les mains sales
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Document 9 : Sartre avait l’art de se mettre en scène (les photographes étaient toujours là, parfois plus
nombreux que le public). Sartre et Simone de Beauvoir vendant "la cause du peuple" sur les grands
boulevards à Paris en 1970 (photo G. Peters, Agence magnum).
Document 10 : Les héros sartriens, héros sombres, marqués par l’échec.
(...) Je leur dis :
- Moi j'aime les héros noirs.
- Les nègres ? demanda Massé.
- Non, noirs comme on dit Magie noire. Lindbergh est un héros blanc. Il ne m'intéresse
pas.
- Allez voir si c'est facile de traverser l'Atlantique, dit aigrement Bouxin.
Je leur exposai ma conception du héros noir :
- Un anarchiste, résuma Lemercier.
- Non, dis-je doucement, les anarchistes aiment les hommes à leur façon.
- Alors, ce serait un détraqué.
Mais Massé, qui avait des lettres, intervint à ce moment :
- Je le connais votre type, me dit-il. Il s'appelle Érostrate. Il voulait devenir illustre et il n'a
rien trouvé de mieux que de brûler le temple d'Éphèse, une des sept merveilles du
monde.
- Et comment s'appelait l'architecte de ce temple ?
- Je ne me rappelle plus, confessa-t-il, je crois même qu'on ne sait pas son nom.
- Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d'Érostrate ? Vous voyez qu'il n'avait pas fait
un si mauvais calcul.
La conversation prit fin sur ces mots, mais j'étais bien tranquille; ils se la rappelleraient au
bon moment. Pour moi, qui, jusqu'alors, n'avais jamais entendu parler d'Érostrate, son
histoire m'encouragea. Il y avait plus de deux mille ans qu'il était mort, et son acte brillait
encore, comme un diamant noir.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Erostrate, in Le mur (1939)
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Document 11 : Quelques exemples de l’anti-humanisme sartrien.
Il m'interroge des yeux ; j'approuve en hochant la tête, mais je sens qu'il est un peu déçu,
qu'il voudrait plus d'enthousiasme. Que puis-je faire ? Est-ce ma faute si, dans tout ce
qu'il me dit, je reconnais au passage l'emprunt, la citation ? Si je vois réapparaître,
pendant qu'il parle, tous les humanistes que j'ai connus ? Hélas, j'en ai tant connu !
L'humaniste radical est tout particulièrement l'ami des fonctionnaires. L'humaniste dit «
de gauche » a pour souci principal de garder les valeurs humaines ; il n'est d'aucun parti,
parce qu'il ne veut pas trahir l'humain, mais ses sympathies vont aux humbles ; c'est aux
humbles qu'il consacre sa belle culture classique. C'est en général un veuf qui a l'œil
beau et toujours embué de larmes ; il pleure aux anniversaires. Il aime aussi le chat, le
chien, tous les mammifères supérieurs. L'écrivain communiste aime les hommes depuis
le deuxième plan quinquennal ; il châtie parce qu'il aime. Pudique, comme tous les forts.
il sait cacher ses sentiments, mais il sait aussi, par un regard, une inflexion de sa voix,
faire pressentir, derrière ses rudes paroles de justicier, sa passion âpre et douce pour ses
frères. L'humaniste catholique, le tard-venu, le benjamin, parle des hommes avec un air
merveilleux. Quel beau conte de fées, dit-il, que la plus humble des vies, celle d'un
docker londonien, d'une piqueuse de bottines ! Il a choisi l'humanisme des anges ; il écrit,
pour l'édification des anges, de longs romans tristes et beaux, qui obtiennent
fréquemment le prix Fémina.
Ça, ce sont les grands premiers rôles. Mais il y en a d'autres, une nuée d'autres : le
philosophe humaniste, qui se penche sur ses frères comme un frère aîné et qui a le sens
de ses responsabilités ; l'humaniste qui aime les hommes tels qu'ils sont, celui qui les
aime tels qu'ils devraient être, celui qui veut les sauver avec leur agrément et celui qui les
sauvera malgré eux, celui qui veut créer des mythes nouveaux et celui qui se contente
des anciens, celui qui aime dans l'homme sa mort, celui qui aime dans l'homme sa vie,
l'humaniste joyeux, qui a toujours le mot pour rire, l'humaniste sombre, qu'on rencontre
surtout aux veillées funèbres. Ils se haïssent tous entre eux : en tant qu'individus,
naturellement - pas en tant qu'hommes. Mais l'Autodidacte l'ignore : il les a enfermés en
lui comme des chats dans un sac de cuir et ils s'entredéchirent sans qu'il s'en aperçoive.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
La nausée, p 165-166
***
“ Monsieur,
Vous êtes célèbre et vos ouvrages tirent à trente mille. Je vais vous dire pourquoi : c'est
que vous aimez les hommes. Vous avez l'humanisme dans le sang : c'est bien de la
chance. Vous vous épanouissez quand vous êtes en compagnie; dès que vous voyez un
de vos semblables, sans même le connaître, vous vous sentez de la sympathie pour lui.
Vous avez du goût pour son corps, pour la façon dont il est articulé, pour ses jambes qui
s'ouvrent et se ferment à volonté, pour ses mains surtout : ça vous plaît qu'il ait cinq
doigts à chaque main et qu'il puisse opposer le pouce aux autres doigts. Vous vous
délectez, quand votre voisin prend une tasse sur la table, parce qu'il y a une manière de
prendre qui est proprement humaine et que vous avez souvent décrite dans vos
ouvrages, moins souple, moins rapide que celle du singe, mais, n'est-ce pas ? tellement
plus intelligente. Vous aimez aussi la chair de l'homme, son allure de grand blessé en
rééducation, son air de réinventer la marche à chaque pas et son fameux regard que les
fauves ne peuvent supporter. Il vous a donc été facile de trouver l'accent qui convient
pour parler à l'homme de lui-même; un accent pudique mais éperdu. Les gens se jettent
sur vos livres avec gourmandise, ils les lisent dans un bon fauteuil, ils pensent au grand
amour malheureux et discret que vous leur portez et ça les console de bien des choses,
d'être laids, d'être lâches, d'être cocus, de n'avoir pas reçu d'augmentation au premier
janvier. Et l'on dit volontiers de votre dernier roman : c'est une bonne action.
Vous serez curieux de savoir, je suppose, ce que peut être un homme qui n'aime pas les
hommes. Eh bien, c'est moi, et je les aime si peu que je vais tout à l'heure en tuer une
demi-douzaine ; peut-être vous demanderez-vous - pourquoi seulement une demidouzaine ? Parce que mon revolver n'a que six cartouches. Voilà une monstruosité, n'estce pas ? Et, de plus, un acte proprement impolitique ? Mais je vous dis que je ne peux
pas les aimer. Je comprends fort bien ce que vous ressentez. Mais ce qui vous attire en
eux me dégoûte. J'ai vu comme vous des hommes mastiquer avec mesure en gardant
l'œil pertinent, en feuilletant de la main gauche une revue économique. Est-ce ma faute si
je préfère assister au repas des phoques ? L'homme ne peut rien faire de son visage
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 15
sans que ça tourne au jeu de physionomie. Quand il mâche en gardant la bouche close,
les coins de sa bouche montent et descendent, il a l'air de passer sans relâche de la
sérénité à la surprise pleurarde. Vous aimez ça, je le sais, vous appelez ça la vigilance de
l'Esprit. Mais moi ça m'écœure : je ne sais pas pourquoi ; je suis né ainsi.
S'il n'y avait entre nous qu'une différence de goût, je ne vous importunerais pas. Mais tout
se passe comme si vous aviez la grâce et que je ne l'aie point. Je suis libre d'aimer ou
non le homard à l'américaine, mais si je n'aime pas les hommes, je suis un misérable et
je ne puis trouver de place au soleil. Ils ont accaparé le sens de la vie. J'espère que vous
comprenez ce que je veux dire. Voilà trente-trois ans que je me heurte à des portes
closes au-dessus desquelles on a écrit . " Nul n'entre ici s'il n'est humaniste. " Tout ce que
j'ai entrepris j'ai dû l'abandonner; il fallait choisir : ou bien c'était une tentative absurde et
condamnée ou bien il fallait qu'elle tournât tôt ou tard à leur profit. Les pensées que je ne
leur destinais pas expressément, je n'arrivais pas à les détacher de moi, à les formuler :
elles demeuraient en moi comme de légers mouvements organiques. Les outils mêmes
dont je me servais, je sentais qu'ils étaient à eux ; les mots par exemple : j'aurais voulu
des mots à moi. Mais ceux dont je dispose ont traîné dans je ne sais combien de
consciences ; ils s'arrangent tout seuls dans ma tête en vertu d'habitudes qu'ils ont
prises, chez les autres et ça n'est pas sans répugnance que je les utilise en vous
écrivant. Mais c'est pour la dernière fois. Je vous le dis : il faut aimer les hommes ou bien
c'est tout juste s'ils vous permettent de bricoler. Eh bien, moi, je ne veux pas bricoler. Je
vais prendre, tout à l'heure, mon revolver, je descendrai dans la rue et je verrai si l'on
peut réussir quelque chose contre eux. Adieu, monsieur, peut-être est-ce vous que je vais
rencontrer. Vous ne saurez jamais alors avec quel plaisir je vous ferai sauter la cervelle.
Sinon - et c'est le cas le plus probable - lisez les journaux de demain. Vous y verrez qu'un
individu nommé Paul Hilbert a descendu, dans une crise de fureur, cinq passants sur le
boulevard Edgar-Quinet. Vous savez mieux que personne ce que vaut la prose des
grands quotidiens. Vous comprendrez donc que je ne suis pas " furieux ". Je suis très
calme au contraire et je vous prie d'accepter, Monsieur, l'assurance de mes sentiments
distingués.
Paul Hilbert
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
lettre du personnage de Paul Hilbert
in Erostrate, in Le mur
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Revue de philosophie “ALDÉRAN”
N°27 - Le plus vaste horizon du monde, par William Ruthenford
N°28 - Le réenchantement du monde, par William Ruthenford
N°29 - La seconde mort de dieu, par William Ruthenford
Conférences sur l’histoire de la philosophie
- Héraclite et le devenir
- Démocrite et l’atomisme
- Le théâtre de la variété ou la démocratie athénienne selon Platon, par Noémie Villacéque
- Aristote et l’éthique à Nicomaque
- La philosophie du plaisir d’Épicure
- Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre
- La grande bibliothèque d’Alexandrie
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par l'ouvrage de Sylvain Gouguenheim, par Habib Samrakandi
- Montaigne et l’humanisme
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- Descartes et la méthode, par Mickaël Dubost
- Spinoza et le bonheur, par Mickaël Dubost
- Leibniz et la question du mal, par Mickaël Dubost
- Hume et l’habitude, par Mickaël Dubost
- Condillac et la sensation, par Mickaël Dubost
- L’Encyclopédie et la philosophie des Lumières
- Voltaire et la religion
- Voltaire et l’affaire Calas
- La singularité philosophique de Jean-Jacques Rousseau, par Eliane Martin-Haag
- Adam Smith et l’économie, par Jacques Passerat
- Olympe de Gouges, héritière des lumières, par Betty Daël
- Kant et l’absolu, par Mickaël Dubost
- Victor Schœcher, l’homme de l’abolition française de l’esclavage
- Victor Hugo, mystique de la liberté et du progrès
- Nietzsche ou le combat contre l'utopie et la réalité chrétiennes, par Yannick Souladié
- Dostoïevski face à l'athéisme, par Yannick Souladié
- Bernard Bolzano corrige Kant, par Ghislain Vergnes
- William Morris : socialisme et design, par John William
- Jaurès, un philosophe majeur, par Jordi Blanc
- Jaurès et la loi 1905 sur la laïcité
- Wittgenstein, entre Vienne et Cambridge, par Yoann Morvan
- Teilhard de Chardin et l’évolution
- Saint-Exupéry, vie et oeuvre philosophique
- Vercors, à la quête de la dignité humaine
- George Orwell et la dénonciation des totalitarismes
- Camus ou la voie de la sagesse, par Christiane Prioult
- Logique et épistémologie dans l’oeuvre de Carnap, par Xavier Verley
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- Marguerite Yourcenar, l’écriture du “moi” dans le labyrinthe du monde,
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Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 18
Conférences en relation avec ce sujet
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- La condition humaine
- La genèse des cultures, l’origine naturelle de la culture
- L’être humain et le besoin de sens
- Conscience et existence
- L’obsolescence de dieu
- La crise spirituelle du 20ème siècle en Occident
- Le réenchantement du monde
- Le devenir de l’Humanité
- Sagesses d’hier, sagesses d’aujourd’hui
- Pour en finir avec la métaphysique
- Philosophie et humanisme
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Livres de Simone de Beauvoir sur Sartre
- La Cérémonie des adieux, suivi de Entretiens avec Jean-Paul Sartre, août-sept. 1974, Simone de
Beauvoir, Gallimard, 1981
- La Force des choses, Simone de Beauvoir, Gallimard, 1963
- La Force de l’âge, Simone de Beauvoir, Gallimard, 1960
Études sur Sartre
- Témoins de Sartre, Collectif, Gallimard, 2005
- Dictionnaire Sartre, François Noudelmann et Gilles Philippe, Éditions Champion, 2004
- Jean-Paul Sartre - Introduction à sa philosophie de l'existence, David Mavouangui, Éditions Paari, 2002
- Esquisse pour une histoire de l'existentialisme, Jean Wahl, Arche, 2001
- L'existentialisme, Henri Lefèbvre et Remi Hess, Economica, 2001
- L'existentialisme - Littérature et philosophie, Gilles Vannier, L'Harmattan, 2001
- Sartre, Vichy et les intellectuels, Ingrid Galster, L'Harmattan, 2001
- Sartre et la phénoménologie, J. M. Mouillie, Éditions Fontenay/St-Cloud, 2000
- Sartre, l'existentialisme est un humanisme, Arnaud Tomes, Éditions Ellipses, 1999
- Silences de Sartre, Jean-François Louette, Presses universitaires du Mirail, 1995
- Jean-Paul Sartre, Jean-François Louette, Hachette Université, 1993
- Sartre et Les Temps modernes - une entreprise intellectuelle, Anna Boschetti, Éditions de Minuit, 1990
- Jean-Paul Sartre, «Les Mains sales», F. Bagot et M. Kaïl, coll. Études littéraires, PUF, 1985
- Sartre. 1905-1980, Albert Cohen-Solal, Gallimard, 1985
- Sartre dans sa vie, Jeanson Francis, Seuil, 1974
- Sartre par lui-même, Francis Jeanson, Seuil, 1969
- Le Problème moral et la pensée de Sartre, Francis Jeanson, Seuil, 1966
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-149 : “ Sartre et lʼexistentialisme“ - 24/06/2005 - page 19
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