Les Juifs religieux et le sionisme
Au IIe siècle av JC sur le territoire actuel d'Israël/Palestine, un conflit divise les Juifs entre ceux qui acceptent
l'Hellénisation et ceux qui la refusent. La dynastie des Maccabées qui s'installe à l'issue d'une révolte contre les
Séleucides symbolise l'indépendance juive et s'appuie sur un fort sentiment à la fois religieux et national.
Cette question religieuse va devenir centrale lors de la conquête romaine. Traditionnellement, les peuples soumis
finissent par accepter les institutions romaines et superposent les dieux romains à leurs propres dieux (c'est clair en
Grèce ou en Gaule). En Palestine, une partie des Juifs va accepter cette « romanisation », mais une autre va
totalement la refuser, pour des raisons à la fois religieuses et nationales. L'historien juif Flavius Josèphe sera d'abord
révolté contre les Romains. Puis, il se ralliera à l'empire dont il deviendra citoyen. Dans son introduction au livre de
Flavius Josèphe (« la guerre des Juifs »), l'historien Pierre Vidal-Naquet décrit une véritable guerre civile entre Juifs
à l'intérieur de la ville de Jérusalem assiégée par les troupes de Titus. Avant de se révolter contre Rome, les zélotes
commettront de nombreux massacres contre les Juifs romanisés. Et à Massada, ils préfèreront le suicide à la
reddition. Ce courant à la fois religieux et nationaliste préfigure un peu ce qui est à l'oeuvre aujourd'hui. Il y avait
déjà, il y a 2000 ans, un antagonisme entre Juifs acceptant le monde extérieur et Juifs estimant que le mélange est
impossible et que les Juifs ne peuvent vivre qu'entre eux. En même temps, cette époque est celle d'une très grave
crise de la religion juive avec l'apparition de nombreux courants ou sectes. Et bien sûr du christianisme qui a été au
début une branche du judaïsme.
De nombreux historiens ont longtemps affirmé qu'après la prise de Jérusalem par Titus (70 av JC), des centaines de
milliers de Juifs auraient quitté la Palestine et se seraient répandus autour de la Méditerranée. C'est en contradiction
avec l'histoire de la dernière révolte juive (Bar Kokhba, 132-135 ap JC) contre laquelle Rome a été obligée de
dépêcher 12 légions (1/3 de l'armée !). On sait aujourd'hui qu'il était impossible que la terre puisse nourrir à cette
époque une population supérieure à 700 000 ou 800 000 habitants dans cette région. Shlomo Sand a recherché des
livres ou des documents sur cet exil, il n'en a pas trouvé. Et il conclut dans son livre qu'il n'y a eu « ni exil, ni retour ».
Pourtant, il y a consensus sur l'idée que les Juifs représentaient entre 5 et 10% de la population de l'empire romain
au moment de son apogée et on trouve des synagogues de cette période un peu partout. D'où viennent ces Juifs ?
Quand la crise de la religion romaine traditionnelle est devenue aiguë, de nombreuses religions se sont trouvées en
concurrence : christianisme, culte de Mithra et ... judaïsme. Cette religion était alors prosélyte et il y a eu des
convertis dans toutes les régions de l'empire. Cette phase prosélyte du judaïsme va s'arrêter dans l'empire quand
l'empereur Constantin fait du christianisme la religion officielle au début du IVe siècle ap JC. De nombreux Juifs vont
rallier la nouvelle religion dominante alors que les conversions au judaïsme vont se poursuivre plus tard au Yémen
avec le royaume juif Himyarite, en Afrique du Nord où de nombreuses tribus Berbères se convertissent, au Kurdistan
ou dans l'empire Khazar, empire à la fois turc et slave entre Caspienne et Mer Noire (IX et Xe siècle ap JC).
Il n'y a pas de race juive. Les Juifs d'aujourd'hui sont principalement des descendants de convertis alors que les
descendants des Hébreux sont essentiellement la population qui est toujours restée en Palestine. La diaspora juive
correspond à la dispersion de la religion mais pas à la dispersion d'un peuple. Elle a donné lieu à la naissance de
plusieurs peuples (séfarade, judéo-arabe, ashkénaze, falasha ...) ayant une communauté de destin liée à la religion.
La diaspora n'est pas une parenthèse de l'histoire juive. Elle est son centre. C'est dans la diaspora que sont apparus
les langues juives, les traditions, les rites et même les hérésies (Caraïtes, Sabbatéens).
Au Moyen Age, la majorité des Juifs vivent en petites communautés dans des pays musulmans ou chrétiens. Les
musulmans leur appliquent le statut de dhimmi, réservé à toutes les religions du livre, qui codifie les droits et les
devoirs de ces religions. Ce statut a permis aux Juifs, jusqu'à l'apparition du colonialisme occidental, de pouvoir
partiellement s'auto administrer autour de leur religion et leurs traditions. Contrairement à ce qui s'est passé dans le
monde chrétien, il n'y a pas eu de massacre spécifique contre eux en terre d'islam.
Dans le monde chrétien, l'antijudaïsme est apparu très tôt et a provoqué dans de nombreux pays des expulsions ou
des confiscations de biens. Les chrétiens ont inventé toute une série de stéréotypes contre les Juifs, le plus grave
étant celui de déicide. Ils leur ont interdit, sauf rares exceptions, la possession de la terre. Ils les ont enfermés dans
des quartiers spécifiques (juderias, ghettos ...). S'il y a eu quelques moments fastes dans l'histoire du judaïsme
européen (sous Charlemagne, dans les premiers temps de l'Espagne chrétienne ou du royaume de Pologne), cette
histoire est ponctuée de nombreux massacres (les croisades, l'inquisition...). Dans l'Europe chrétienne, les Juifs
jouent un rôle original (banquiers ou usuriers, artisans, intermédiaires entre les seigneurs et la population) qui fait
qu'on a besoin d'eux, mais qu'il est très pratique de se débarrasser d'eux et de les spolier. Parce qu'ils sont « le
peuple du Livre », les Juifs savent lire et ont parmi eux des médecins et des intellectuels.
Les différentes communautés juives dispersées ont des relations entre elles. C'est d'ailleurs par des Juifs andalous
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