Ultra orthodoxes.
A propos de la loi proposant l’effectuation du service militaire aux ultra-
orthodoxes.
Du nationalisme sioniste. Extrait de « Comment la terre d’Israël fut inventée ».p 247 :
Les principaux rabbins s’unirent, en 1900, pour publier en commun la brochure : Livre
éclairant pour les honnêtes gens, contre le sionisme. Dès la préface ; les rédacteurs sont
explicites : Nous sommes le peuple du Livre, nous n’avons pas trouvé, nous n’avons pas vu
dans la Bible, le livre des livres, ni dans la Mishna, ni dans le Talmud, ni dans les études
homilétiques de nos saints maîtres, le mot « nationalisme» ni comme dérivé du mot hébreu
« nation », ni sous une autre appellation ou allusion dans la langue de nos Sages.[…] Les
rabbins ont effectué une mise au point : bien sûr, les juifs constituent le peuple que Dieu a
choisi de fonder, mais ce peuple est défini exclusivement par la Torah, et par aucun autre
critère extra religieux. Les sionistes réducteurs, guidés par des motivations tactiques,
prétendent que la nation peut inclure des croyants et des non-croyants, et que la Torah est
secondaire. Il y a là quelque chose de nouveau car l’affirmation d’une définition
nationale politique, et non pas religieuse, du judaïsme, était jusque-là inconnue dans la
tradition juive.
[…] Dans le sionisme, la terre remplace la Bible, et la prosternation devant le futur Etat
prend la place de la ferveur envers Dieu. Il n’y a, dans le cas du sionisme, aucune voie de
retour possible à la foi d’origine. (p 248)
[…] Le sionisme, ne faisant aucun cas de la tradition, des préceptes religieux ni de l’opinion
des rabbins, décida de parler au nom de ceux qui le récusaient totalement, et avaient même
exprimé publiquement leur rejet. Ce n’est pas le seul acte de substitution de ce type, dans
l’histoire : les jacobins s’étaient exprimés avec une assurance absolue au nom du peuple
français qui n’existait pas encore véritablement, les bolchéviques se présenteront avec la
même assurance absolue comme le substitut historique d’un prolétariat qui avait tout juste
commencé à se constituer.
« Droits historiques » p 257
Les premiers sionistes religieux voyaient l’Etat juif comme la solution à une détresse réelle,
non pas comme la concrétisation d’un droit divin. […] Ainsi le mouvement Mizrahi, lors de la
controverse sur l’Ouganda, avait soutenu la proposition de Herzl et voté en faveur d’une
« terre de refuge temporaire ». Ce n’est que plus tard (1967) que les porte-parole du
mouvement ont affirmé, non sans hésitations et contradictions internes, le « droit religieux sur
la terre d’Israël ».
[…] Si la Révolution française a donné naissance au principe des « droits naturels » sur un
territoire national, la guerre franco-prussienne de 1970 a amené la formulation d’une autre
conception : « les droits historiques ». De 1793 à 1871, le concept de patrie s’est renforcé
dans toute l’Europe, portant une nouvelle idée du droit. Lors de l’annexion de l’Alsace-
Lorraine en 1871, l’argument premier des des historiens allemands fut que ces régions avaient
appartenu, dans le lointain passé, à l’Empire allemand. Les Français, en revanche, faisaient
valoir le principe du droit à l’auto-détermination. Les droites nationales, et souvent aussi
libérales, ont eu tendance à s’appuyer sur les « droits historiques », alors que les gauches
libérales et socialistes ont adopté , en général, l’idée de l’auto-détermination par les habitant
résidant sur leur terre. Ainsi le fascisme italien revendiquait la côte de Croatie au motif
qu’elle avait appartenu dans le passé à l’Empire vénitien (et auparavant à l’Empire Romain),
tandis que les Serbes, invoquant la bataille de 1389 contre les musulmans ottomans et la
présence au Kosovo, jusqu’à la fin du XIX_ siècle, d’une majorité chrétienne parlant un
dialecte serbe, réclamaient la souveraineté sur cette région.
Préalable obligatoire pour justifier les « droits historiques :
Avant Herzl, Leib Lilienblum, fut un des premiers juifs à lire la bible comme un livre
laïc…(et de Lilienblum en 1882 jusqu’à la déclaration d’indépendance de lEtat d’Israêl, le
nationalisme juif s’est doté d’un système de justifications morales et juridiques dont le
dénominateur commun se ramène au « droit historique »n droit « d’antériorité », à savoir :
« nous étions là et nous sommes revenus ». Les trois supposés comme préalable obligatoire :
1) la Bible laïque, comme récit premier et fondateur de la « morale juive », dans l’expression
des droits éternels. 2) Un exil forcé en l’an 70. 3) Une origine « raciale » ou « ethnique » des
juifs contemporains, qui remonterait jusqu’aux anciens Hébreux.
[…] La Charte du mandat adoptée en 1922 par la Société des Nations, ne mentionnait certes
pas le « droit » des juifs sur la Palestine, mais elle faisait déjà référence à leur « lien
historique ». A partir de cette date, le droit historique, combiné au nouveau « droit
international » allait devenir la pierre angulaire de la propagande sioniste.
Revirement des orthodoxes
Wikipedia : Dans un premier temps, les orthodoxes sont restés assez unis. Ainsi, la néo-orthodoxie
allemande et les conservateurs est-européens ont fondé ensemble le parti Agoudat Israël en 1912 en
Pologne. Ils sont à l’époque pénétrés des risques courus par les Juifs religieux en général, et se
rassemblent donc. Ils rejettent ensemble le sionisme, l’assimilation, le socialisme, l’athéisme, etc.
Mais dans l’entre-deux-guerres, les divergences entre orthodoxes « modernes », plus ou moins
influencés par les thèses du rabbin Samson Raphael Hirsch, et conservateurs se sont accentuées. On
peut alors parler de l’existence pleinement assumée d’une branche spécifique : l’ultra-orthodoxie. Les
orthodoxes « modernes » ont d’ailleurs quitté l’Agoudat Israël à cette époque.
Pour les ultra-orthodoxes, la Torah doit être la source de toute législation, et le refus de l’État juif
d’accepter ce principe lui retire sa légitimité Pour la même raison, il ne doit pas y avoir de
constitution en Israël. De fait, le mouvement sioniste a accepté ce principe et a seulement mis en
place des « lois fondamentales »3. La distinction est symbolique, mais les haredim y tiennent.
Autre prérogative du rabbinat : la juridiction matrimoniale. Extrait de « Comment le peuple juif fut
inventé » p 392 : « Dans la célèbre « lettre du statu quo » signée par D B Gourion, président de
l’agence juive, ce dernier s’engagea, notamment, à laisser la juridiction matrimoniale du futur Etat aux
mains du rabbinat.[…] En 1953, la promesse politique de ne pas instituer de mariage civil en Israël fut
légitimée par la loi sur la juridiction des tribunaux rabbiniques, stipulant que les affaires
matrimoniales des Juifs en Israël seraient placées sous leur monopole exclusif et soumises à la « loi
biblique ». Ainsi le sionisme socialiste alors au pouvoir commença –t-il à mobiliser les principes du
rabbinat traditionnel comme alibi arrangeant en faveur de son imaginaire craintif, tremblant devant le
spectre de l’assimilation et des « mariages mixtes ». Ce fut la première expression étatique de
l’exploitation cynique de la religion juive dans la mise en œuvre des objectifs du sionisme.
{…] Yeshayahou Leibowitz avait plus raison que d’autres lorsqu’il qualifiait Israël d’Etat laïque
« publiquement reconnu » comme religieux . »
Une assomption corroborée par certaines statistiques : Charles Enderlin reprenant Lundi 6 mars dans
« De Tokyo à Oslo, le monde radical des droites », les chiffres qu’il avançait déjà dans « Les
Radicaux du Temple » : « En 2009, une sociologue a fait une analyse de l’israélien juif, montrant que
52% des juifs israéliens croient en la venue du Messie, et que 67 % pensent que le peuple juif est le
peuple élu et a reçu la Torah des mains de Dieu. Cela veut dire que ça comprend des religieux, des
observants, des traditionnalistes qui parfois ne font pas le shabbat, mais observent certaines règles de
la cachrout ou autre. Il y a une vision de plus en plus religieuse nationaliste d’Israël dans le public, et
ça se retrouve dans les campagnes électorales ». Naftali Bennet, du parti d’extrême droite « La maison
juive « est ministre des finances, et Uri Ariel, ministre de l’habitat veut doubler le nombre de
logements juifs à Hébron. Moshe Feiglin, vice président de la Knesset, co-fondateur en 1993 du
mouvement « Zo Artzeinou » (C'est notre terre/patrie) pour protester contre les accords d’Oslo, essaie
régulièrement de monter sur l’esplanade. Il représente 30% du Likoud . […] Les ultras ont aussi
noyauté l’armée. De plus en plus d’officiers d’infanterie et d’autres unités appartiennent au sionisme
religieux, portant une kippa tricotée. A l’heure actuelle, le corps des officiers d’infanterie comporte 50
% de jeunes juifs sionistes religieux »
Conclusion
Eu égard à la pénétration du religieux dans le séculier, le syncrétisme en voie de réalisation, la
demande faite aux ultra-orthodoxes, (devenant de fait membres indistincts de l’Etat juif) d’effectuer
leur service militaire n’est pas déplacée. Dans le cas où l’Etat d’Israël deviendrait la Républiques de
tous ses citoyens, reléguant donc la religion à la sphère du privé, les croyants feraient leur service
militaire, comme le faisaient les français au temps de la conscription. La question est bien celle de
l’échec de la religion civile du sionisme, rattrapée actuellement par l’autre, comme on pouvait s’y
attendre. Comme dit Régis Debray dans « Un candide en Terre sainte p 165 » : Quoi qu’il en soit, dans
ce melting-pot multiculturel, quel autre point de rassemblement que le sacré ancestral ?Peut-on être
juif comme on est anglais, italien ou russe ? A la question de savoir s’il existe une identité juive hors
de la religion- qui fut le bel espoir du sionisme-les faits semblent répondre que non. Pas très gai ; Mais
pouvait-il en être autrement ? »
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