Journal Identification = VIR Article Identification = 0476 Date: February 19, 2013 Time: 1:0 pm
éditorial
Tableau 1. Validation de NS3-4A en tant que cible
thérapeutique pour lutter contre le virus de l’hépatite C (VHC).
Les critères de validation
1. L’effet antiviral de l’inactivation de NS3-4A est démontré
Dans un modèle cellulaire de réplication de VHC (1999)
Dans un modèle animal de l’hépatite C (2004)
Chez les malades, lors d’essais cliniques «preuve de
concept »(2003)
2. La structure tridimensionnelle de NS3-4A (1996)
Est connue et peut servir de guide pour l’optimisation de
candidats-médicaments
Ne révèle pas un domaine susceptible de lier avec une forte
affinité des «petites »molécules synthétiques
3. Un essai fiable et automatisé permet de mesurer l’effet
d’inhibiteurs
Seul le point 3 était satisfait dans les années 1990, les dates de publi-
cation associées aux autres points sont données entre parenthèses. Les
évaluations favorable ou défavorable des critères 1 et 2 sont indiquées res-
pectivement par les symboles et .
Tableau 2. Caractéristiques d’un candidat-médicament idéal.
Propriétés de la
substance active
Paramètres considérés lors la
conception du télaprévir
Pharmacocinétique
Solubilité et passage
des membranes
Taille, surface polaire
Biotransformation/
métabolisme
Liaisons peptidiques hydrolysables
Élimination
Réponse biologique
optimale
Efficacité Affinité nM pour NS3-4A
Effets secondaires
limités
Affinité réduite d’un facteur
≥500 pour les protéases
humaines
Un décapeptide centré sur la liaison peptidique clivée par
NS3-4A a constitué le point de départ de la conception
du télaprévir, et les changements réalisés ont globalement
tendu à la réduction de la taille et du caractère pepti-
dique de l’inhibiteur. Cette démarche a été facilitée par la
synthèse sur support solide, qui, en donnant accès rapi-
dement à une grande quantité d’analogues de peptides ou
de mimes de peptides, a permis de délimiter les prérequis
structuraux pour les inhibiteurs de NS3-4A. Des informa-
tions complémentaires ont été apportées par les structures
cristallographiques de la protéase (figure 1). Là encore,
les chercheurs ont été confrontés à une situation difficile,
puisque le site actif de NS3-4A ciblé par les inhibiteurs
est un sillon peu profond, flexible et globalement éloigné
des canons attendus pour des protéines dites « druggable »,
c’est-à-dire des protéines pouvant lier avec une haute affi-
nité une « petite » molécule (<500 Da) [3].
Le meilleur des inhibiteurs testés, le télaprévir, a été syn-
thétisé en 2000. Ce n’est qu’une dizaine d’années plus
tard qu’il a été approuvé par les autorités sanitaires. Ce
laps de temps recouvre plusieurs événements, dont le pre-
mier a été l’évaluation du potentiel thérapeutique de cette
molécule sur les modèles cellulaires et animaux. En 2003,
l’entrée en phase clinique du premier inhibiteur de NS3-
4A, le BILN2061 de chez Boehriger Ingelheim, a constitué
un élément décisif pour la continuation du programme de
recherche et développement du télaprévir. À ce stade, il
a fallu adapter les procédés de synthèse à la production
à l’échelle industrielle et les 20 étapes de la synthèse des
premiers lots employés dans les tests précliniques ont été
réduites à 14 pour la forme définitive employée dans les
essais cliniques (à titre de comparaison, la moyenne pour
un médicament est de 7 étapes). Pour passer à l’utilisation
chez l’homme, la formulation du télaprévir a été particuliè-
rement délicate en raison des propriétés physicochimiques
peu favorables à une bonne absorption par voie orale (masse
moléculaire et surface polaire élevées, très faible solubilité
dans l’eau) et d’une tendance à adopter des formes cris-
tallines polymorphes, dont les cinétiques de dissolution et
les limites de solubilité dans les fluides biologiques sont
différentes, compromettant la reproductibilité des lots et
leur efficacité. De nombreux essais infructueux ont été ten-
tés avant d’obtenir la formulation satisfaisante, à savoir
une dispersion de la forme amorphe stabilisée à l’aide
d’un polymère et d’un tensioactif dans un comprimé pel-
liculé qu’il faut s’abstenir de croquer ou d’écraser afin
de garder le bénéfice de la formulation. L’efficacité et la
sécurité du télaprévir ont ensuite été étudiées chez des
volontaires sains puis des patients atteints d’hépatite C. Si
l’antiprotéase diminue bien la charge virale, il sélectionne
aussi très rapidement des virus résistants, en particulier
chez les patients infectés par le virus de génotype 1a et
chez ceux en échec thérapeutique à l’issu du traitement
par la bithérapie IFN-␣/ribavirine. Les essais cliniques ont
par conséquent abouti à la mise en place d’une trithérapie
qui associe le télaprévir à la bithérapie IFN-␣/ribavirine,
dans un protocole qui vise à maîtriser les effets indési-
rables propres au télaprévir. Le télaprévir permet d’obtenir
un gain de 30 % pour l’élimination virale (40 à 45 % en
bithérapie versus 70 à 75 % en trithérapie chez les patients
naïfs), et par conséquent une durée de traitement réduite.
Malgré les efforts déployés, la trithérapie n’est pas LE trai-
tement idéal de l’hépatite C, car les effets secondaires du
télaprévir sont lourds et fréquents (troubles cutanées avec
rash et prurit, anémie pouvant nécessiter des transfusions,
notamment chez le patient cirrhotique) et s’additionnent à
ceux de l’IFN-␣et de la ribavirine. De plus, la trithérapie
4Virologie, Vol 17, n◦1, janvier-février 2013
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