la e-santé : effet de mode ou nouveau paradigme - GCS e

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LA E-SANTÉ : EFFET DE MODE OU NOUVEAU
PARADIGME ? UN CERTAIN REGARD EN DIABÉTOLOGIE
EROUKHMANOFF JULIETTE – SOUS LA DIRECTION DU PROFESSEUR LE COZ ANNÉE RECHERCHE – MASTER 2 ETHIQUE, SCIENCE, ET SANTÉ
ESPACE ETHIQUE MÉDITERRANÉEN - UNIVERSITÉ AIX-MARSEILLE -
I - LE CONTEXTE ACTUEL
1.
LE DIABÈTE
2.
LA E-SANTÉ
3.
LE CADRE LÉGISLATIF
4.
LA RELATION MÉDECIN-PATIENT ET LES PRINCIPES ÉTHIQUES MIS EN TENSION
LE DIABÈTE :
UNE MALADIE CHRONIQUE
Diabète de type 1
Diabète de type 2
•
Terrain : jeune, autoimmunité
•
Terrain : > 50 ans, obésité, ATCD familiaux
•
Traitement A VIE : INSULINE
•
Traitement A VIE :
 Contrôle de la glycémique pluriquotidien
 Règles hygiéno-diététiques strictes
 Injections sous-cutanées pluriquotidiennes
 Comprimés +/- insuline +/- autocontrôle
 Pompe délivrant l’insuline en continu
Difficulté : OBSERVANCE DU TRAITEMENT +++
LE DIABÈTE :
UN FLÉAU MONDIAL
 La prévalence mondiale du diabète chez les adultes (Rapport de l’OMS à Genève en 2016) :
•
4,7% en 1980 => 8,5% en 2014
•
108 millions en 1980 => 422 millions en 2014
 En France, la prévalence est de :
•
4,7% en 2014, soit plus de 3 millions de personnes
•
DT2 représente 92 % des diabètes traités / DT1 représente 6 %
LA E-SANTÉ :
DEFINITIONS
LA E-SANTÉ :
UN DOMAINE EN PLEIN ESSOR
61 % des médecins utilisent des applis médicales,
17 % ont conseillé leur utilisation à leurs patients
***
53% des mobinautes santé atteints
d’une maladie chronique souhaitent
des conseils des médecins ****
* Baromètre trimestriel du Marketing Mobile en France Mobile, 2013
** mHealthApp Developer Economics, 2014
*** 1er 2e et 3e Baromètre Vidal-CNOM, 2014
**** “A la recherche du ePatient”, http://www.patientsandweb.com, 2013
>100 000 applis mobiles santés
disponibles sur les plateformes de
téléchargement :
60% concernant le bien-être et
40% la santé**
27 millions de
possesseurs de
smartphones, soit
50% de la
population*
CADRE LÉGISLATIF
 Code de Déontologie médicale - Code de Santé Publique :
-
Secret médical et respect de la vie privée : article R.4127-4.
-
Information claire, loyale et appropriée : article R.4127-35.
-
Consentement : article R.4127-36.
-
Equité d’accessibilité aux soins : article R.4127-3.
 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : Article 1
« L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la
coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie
privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. »
LES PRINCIPES ÉTHIQUES (BEAUCHAMP ET CHILDRESS)
LA RELATION MEDECIN-PATIENT
 Principe de bienfaisance
 Principe de non-malfaisance
 Principe d’autonomie
 Principe de justice
Siècle des Lumières
Hippocrate
400 av J. C.
Bienveillance
Définition OMS de la santé Loi Weil
Pinel, Pussin, Bichat, Laennec
XVIIIe siècle
Liberté de choix,
Dignité de la personne
Loi Neuwirth
1946
1967
1975
« état de
Contraception
complet bien- Avortement
être »
Du paternalisme au consumérisme ?
Loi du 4 mars 2002
VIH Internet
1990
Droits des malades
II- L’ÉTUDE
1.
OBJECTIFS
2.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
3.
RÉSULTATS MÉDECINS ET PATIENTS
L’ENQUÊTE
OBJECTIFS / PROBLÉMATIQUES ÉTHIQUES
1. La numérisation d’une partie de la prise en charge médicale entraine-t-elle une redistribution des rôles dans
la relation médecin-patient et si oui lesquelles ?
2. Les bénéfices en termes sanitaires et économiques des TIC sont-ils contrebalancés par le risque de
malfaisance dans la prise en charge du patient, comme la surveillance permanente du patient ? Le
principe d’autonomie du patient est-il respecté ?
3. Les TIC peuvent-elles entrainer une inégalité d’accès aux soins ?
L’ENQUÊTE
MATÉRIEL ET MÉTHODE
 33 entretiens semi-dirigés individuels : 13 médecins – 20 patients
 Pôle ENDO, Hôpital de la Conception à Marseille : Hôpital de jour et service d’Hospitalisation
 Club des Endocrinologues de Provence pour les médecins libéraux
 Critères d’inclusion : médecins spécialistes en diabétologie, patients DT1 ou DT2
 Critères d’exclusion : patients mineurs, compréhension difficile de la langue
 Analyse qualitative basée sur la Théorie ancrée des 31 entretiens enregistrés
L’ENQUÊTE
RÉSULTATS MÉDECINS
L’ENQUÊTE
RÉSULTATS MÉDECINS
L’ENQUÊTE
RÉSULTATS PATIENTS
L’ENQUÊTE
RÉSULTATS PATIENTS
L’ENQUÊTE
RÉSULTATS PATIENTS
L’ENQUÊTE
APPRÉHENSIONS GÉNÉRALES DES MEDECINS
« La e-santé représente pour vous… »
Nombre de médecins
Nombre de médecins
8
9
7
7
8
7
6
6
5
5
4
4
3
2
2
3
2
2
1
1
0
0
Bonne chose
Très bonne chose
Bonne et mauvaise chose
Indispensable
Non indispensable
Qui peut nuire
L’ENQUÊTE
APPRÉHENSIONS GÉNÉRALES DES PATIENTS
« La e-santé représente pour vous… »
Nombre de malades
Nombre de malades
9
18
8
16
7
14
6
12
5
10
4
8
3
6
2
4
1
2
0
0
Bonne chose
Très bonne chose
Bonne et mauvaise chose
Indispensable
Non indispensable
Qui peut nuire
L’ENQUÊTE
APPRÉHENSIONS GÉNÉRALES
POSITIVES
NEGATIVES
 Bénéfice économique pour la société
 Gadgetisation
 Meilleure efficience des soins face à une démographie
 Hypertechnicisation, deshumanisation
médicale en baisse (télémédecine)
 Meilleure observance du traitement
 Développement de leur autonomie
 Amélioration qualité de vie des patients
 Altération relation de confiance
 Suresponsabilisation du patient (seul face à la
machine)
 Déresponsabilisation du patient (la machine fait pour
lui)
 Discrimination de certains patients
Nécessité d’un encadrement/accompagnement médical +++
L’ENQUÊTE
RELATION MÉDECIN-PATIENT
L’ENQUÊTE
LE PILULIER ÉLECTRONIQUE (MEMS)
AVANTAGES
INCONVENIENTS
 Evaluation de l’observance à des fins de recherche
 Sentiment de « flicage », de surveillance
 Utilité pour certains patients précis après information
 Déresponsabilisation et perte d’autonomie
de la méthodologie
 Altération relation de confiance médecin-patient avec
retour au paternalisme
 Rappel constant de la maladie
 Surcharge de travail avec un manque de temps lors des
Pour les médecins
consultations (7 sur 11)
 Manque de rémunération pour le temps passé à utiliser
l’outil (4 sur 11)
L’ENQUÊTE - RÉSULTATS MÉDECINS APPLI MOBILE D’AIDE À L’INSULINE (DIABEO)
L’ENQUÊTE - RÉSULTATS PATIENTS APPLI MOBILE D’AIDE À L’INSULINE (DIABEO)
L’ENQUÊTE
APPLI MOBILE D’AIDE À L’INSULINE (DIABEO)
AVANTAGES
 Outil d’éducation thérapeutique supplémentaire avec
renforcement positif
 Gain d’autonomie pour certains
 Sentiment rassurant pour les patients
 Favorise la prise en charge ambulatoire
INCONVENIENTS
 Le côté fastidieux et contraignant altère la qualité de
vie du patient
 Perte d’autonomie pour certains et risque de mise
en danger du patient
 Non accessible et non adapté à tous les patients
donc discriminant
 Favorise les patients déjà autonomes et observants / Défavorise les patients en difficulté
L’ENQUÊTE - MÉDECINS L’IMPACT ORGANISATIONNEL ET FINANCIER
 Une codification de la consultation de télémédecine qui serait un acte rémunéré
 Un forfait de prise en charge pour les DT1 et pour les DT2 incluant un quota de consultations préfixées
(traditionnelles et télémédecines)
 Une rémunération proportionnelle au temps passé à l’utilisation de cette télémédecine
 Un remboursement des outils ayant fait preuve d’un réel bénéfice en terme de santé publique
 Une augmentation des effectifs médicaux et infirmiers spécialisés
III - DISCUSSION
1.
UNE RELATION MÉDECIN-PATIENT BOULEVERSÉE PAR LES TIC
2.
LA E-SANTÉ : BALANCE ENTRE BÉNÉFICES ET RISQUES POUR LE PATIENT
3.
LA E-SANTÉ RÉPOND-ELLE AU PRINCIPE DE JUSTICE ?
1. UNE RELATION MÉDECIN-PATIENT BOULEVERSÉE
PRINCIPE DE CO-DECISION
TELECONSULTATIONS
UNE RELATION MÉDECIN-PATIENT BOULEVERSÉE
LES TÉLÉCONSULTATIONS
 Hyperesponsabilisation du patient / Déresponsabilisation du médecin ? Quid des patients vulnérables ou
peu autonomes ?
 Hypertechnicisation de la médecine : chiffres > humain
 Nouvelle interface entre le patient et le médecin : une relation sans Visage ?
•
E. Levinas, Ethique et Infini : « Le visage est signification, et signification sans contexte. […] Mais la relation au visage
est d’emblée éthique. Le visage est ce qu’on ne peut tuer, ou du moins ce dont le sens consiste à dire « Tu ne tueras
point. » »
•
La disparition du visage n’est-elle pas la disparition de l’empathie ?
•
Relation neutre, peu propice à la confidence, où seules compteront les responsabilités juridiques
1. UNE RELATION MÉDECIN-PATIENT BOULEVERSÉE
LES OUTILS CONNECTÉS/APPLIS MOBILES
OUTIL D’EDUCATION
1. UNE RELATION MÉDECIN-PATIENT BOULEVERSÉE
DE NOUVEAUX RÔLES ?
 Mouvement d’« empowerment » des patients => démocratie sanitaire
 Le patient « expert » va collaborer avec son médecin « conseiller » : relation d’égal à égal ou relation
complémentaire ?
 Importance de replacer au centre l’intérêt des patients au sein des projets d’innovation en santé: engagement des
associations de patients (Diabet’lab)
 Savoir respecter la volonté et les capacités de chaque patient au sein de la relation car pour certains une sur-
autonomisation représente un fardeau => prise en charge personnalisée +++
2. LA E-SANTÉ : DE RÉELS BÉNÉFICES ÉCONOMIQUES POUR
LA SOCIÉTÉ ?
 La e-santé : marché en plein essor, facile et propice pour de jeunes start’ups
 Hypothèse : susciter l’intérêt des individus en rendant l’information sur la santé plus accessible et attractive ;
favoriser l’observance ; améliorer le suivi…
 MAIS aucune preuve satisfaisante dans la littérature scientifique sur le rapport coût-efficacité
56% des essais randomisés contrôlés étudiant les impacts de la m-santé au sein des maladies
chroniques ont montré une amélioration significative de l’adhésion au traitement
39% ont montré une amélioration significative des paramètres de chaque maladie.
Hamine S et al. , J Med Internet Res. , févr 2015
2. LA E-SANTÉ : UNE AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE VIE
DES PATIENTS ?
 Réduction de certaines contraintes : gain de temps et de déplacement (télémédecine)
mais création
d’autres contraintes…
 Assistance du patient dans certaines situations : réassurance et amélioration du vécu
 Faire oublier la maladie au patient : la machine s’occupe de la maladie et le patient devient « normal » (pancreas
artificiel)
 Autonomisation du patient pour un gain de liberté
surveillance permanente du patient induisant une perte de liberté, plus insidieuse ?
ou
2. LA E-SANTÉ ET LE CONCEPT DE SURVEILLANCE : MISE EN
TENSION DES PRINCIPES ÉTHIQUES
 Les TIC, omniprésentes, ont un pouvoir de surveillance permanente de l’individu
 Leur objectif premier est de venir en aide au patient, de le soigner
 principe de bienfaisance
 Mais en est-il pleinement informé ? A-t-il donné son consentement ?
 principe d’autonomie
 Ces données peuvent-elles arriver entre les mains de personnes malveillantes ?
 principe de non-malfaisance
2. LA E-SANTÉ ET LE CONCEPT DE SURVEILLANCE : UN
POUVOIR SUR LE PATIENT ? A QUELLES FINS ?
 M. Foucault, Surveiller et punir : « Dans la discipline, ce sont des sujets qui ont à être vus. Leur éclairage assure
l’emprise du pouvoir qui s’exerce sur eux. C’est le fait d’être vu sans cesse, de pouvoir toujours être vu, qui
maintient dans son assujettissement l’individu disciplinaire »
 « un état conscient et permanent de visibilité qui assure
fonctionnement automatique du pouvoir »
le
2. LA E-SANTÉ : DES RISQUES POUR LE PATIENT ?
VIE PRIVÉE ET LIBERTÉ INDIVIDUELLE EN JEU
 Absence de régulation du marché + vide juridique pour les objets connectés et les applis mobiles ≠ « dispositifs
médicaux » bénéficiant d’une évaluation par la Commission Européenne
 3 impératifs pour garantir une véritable sécurité au patient :
1. Créer un système de labellisation de ces outils garantissant :
•
des critères de fiabilité (amorcé par la société dmd)
•
la sécurisation et la confidentialité des données (la CNIL depuis 2011)
•
une validité scientifique émanant directement des sociétés savantes
2. Formation des médecins à ces outils pour guider leurs patients
3. Eveiller/informer les citoyens à ces grandes problématiques éthiques
3. LA E-SANTÉ RÉPOND-ELLE AU PRINCIPE DE JUSTICE ?
 Accessibilité de la e-santé conditionnée par :
•
le niveau de vie (50% n’ont pas de smartphone, 20% n’ont pas accès à internet)
•
le niveau d’éducation et de maîtrise de la langue : contexte social
 Une fracture numérique, déjà présente, accentuée par la e-santé ?
 Plusieurs défis pour réduire cette fracture numérique :
•
Instaurer des programmes publics de formation et d’éducation des citoyens aux TIC
•
Optimiser les interfaces et l’ergonomie des TIC
•
Rembourser des outils d’e-santé ayant fait leurs preuves scientifiquement
EN CONCLUSION, LA E-SANTÉ…
 Bouscule la relation médecin-patient : une meilleure collaboration ou une plus grande déshumanisation ?
 Promet des bénéfices encore peu tangibles alors que les risques qu’elle comporte sont bien plus
palpables, menaçant la sécurité et la liberté des individus.
 Discrimine certains groupes de la population et pose une réelle problématique d’équité des soins, ceci
dépendant essentiellement des acteurs économiques et politiques.
 Il ne s’agit pas de la technique mais de son utilisation qui doit nous alerter, dans le but de veiller au respect des
droits fondamentaux de l’être humain.
« Tout est-il possible, tout possible est-il souhaitable, tout souhaitable est-il permis ? Permis pour qui et pour quoi ? » - Georges
CANGUILHEM -
« On entre dans l’âge de l’examen infini et de l’objectivation contraignante » - Michel FOUCAULT-
JE VOUS REMERCIE POUR VOTRE ATTENTION…
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