effet indispensable que le patient puisse placer dans le médecin
du travail le même niveau de confiance que dans tout autre méde-
cin dans le cadre de son suivi médical ou de révélations intimes,
même si ce médecin particulier qu’est le médecin du travail est
un peu un confident... imposé, et non librement choisi. La bar-
rière du secret vis-à-vis de l’employeur se doit donc d’être tota-
lement étanche.
Le médecin du travail est sollicité pour se prononcer sur une apti-
tude à un poste dans le cadre de la procédure d’engagement d’un
salarié, ou de surveillance de son état de santé au cours de sa car-
rière dans l’entreprise. Mais son statut particulier, s’il lui impose
de procéder à la surveillance et au dépistage de pathologies pré-
sentées par le patient, liées ou non aux conditions de travail, ne
lui permet ni acte d’investigation ni démarche thérapeutique. Il
se doit de transférer cette charge au médecin traitant.
Le concept du secret partagé entre médecins remonte à l’époque
de la création de la Sécurité sociale, les médecins exerçant dans
ce cadre et réglant les dossiers devant connaître un minimum
d’éléments médicaux concernant le patient pour en gérer l’aspect
“administrativo-financier”.
La règle est que le secret ne se partage que dans l’intérêt du
patient, pour améliorer sa prise en charge médicale et l’efficacité
de la démarche tant diagnostique que thérapeutique. Ce partage
a lieu tant à l’hôpital que dans un exercice libéral, intéressant éga-
lement le personnel paramédical, ou des médecins de compé-
tences complémentaires. Cependant, là aussi, le respect du secret
doit rester une préoccupation, et les seuls éléments divulgués
doivent être ceux indispensables à l’avancement du dossier
dans l’intérêt du patient, chaque acteur de cette relation étant
lié par cette notion.
Toutefois, malgré ces situations de fait, qui sont indispensables
à la bonne marche d’un dossier médical, cette notion de secret
partagé n’a pas de véritable support juridique.
Tout médecin, et notamment le médecin du travail, se doit de
respecter le secret médical, avec toutefois la réserve que le
médecin traitant peut être, comme l’indiquent L. Fournier et
J. Proteau, considéré comme “spécialiste des soins”, par opposi-
tion au médecin du travail, “spécialiste de la surveillance dans le
cadre professionnel”. Le médecin du travail n’a pas statutaire-
ment la possibilité de se livrer à des actes d’investigations ou de
soins, et cette charge échoit au médecin traitant. Ainsi, dans cette
direction, le partage de l’information est admis. Le médecin du
travail a la possibilité de communiquer des informations médi-
cales au médecin traitant, afin de lui permettre – dans la limite
des informations nécessaires – la mise en route d’investigations
ou de traitements sur des éléments anormaux constatés en méde-
cine du travail.
A contrario, les informations connues par le médecin traitant,
qui peuvent avoir des conséquences graves sur l’avenir pro-
fessionnel du salarié, ne doivent transiter que par l’intermé-
diaire du patient lui-même, à l’exclusion de tout contact direct
entre le médecin traitant et le médecin du travail. Cette position
est, certes, contraignante, mais elle répond à l’application du
principe de protection de la personne privée. Elle se contente, en
pratique, de respecter l’obligation de secret qui est faite à tout
médecin, et qui ne peut ici être “modulée” par la nécessité d’une
mise en commun des informations pour l’amélioration de la santé
du patient. Le médecin traitant se doit également, lors de la remise
des éléments de son dossier, de s’entretenir avec son patient sur
le caractère éventuellement dangereux pour son avenir profes-
sionnel de certaines pièces médicales et d’attirer spécifiquement
son attention sur ce point.
A fortiori, le médecin traitant ne devra pas donner d’avis sur
l’aptitude de son patient à un poste de travail dont il ne connaît
pas les impératifs et les contraintes, contrairement au médecin
du travail, qui doit consacrer un tiers de son temps à la visite des
lieux de travail de ses consultants.
CONCLUSION
La règle du secret médical est donc très stricte et doit faire
l’objet d’une grande prudence dans notre exercice quotidien.
Elle s’exerce également entre le médecin du travail et le médecin
traitant.
La transmission d’informations médicales du médecin du travail
vers le médecin traitant est admise, car elle correspond à la néces-
sité d’information du médecin qui sera en charge de la démarche
diagnostique et thérapeutique par le médecin qui a détecté une
anomalie, mais qui, statutairement, n’est pas autorisé à exercer
une action ultérieure.
En revanche, du fait de l’obligation de respect du secret en dehors
de la nécessité de transmission d’informations dans l’intérêt du
suivi médical du patient, la communication de données médicales
du médecin traitant vers le médecin du travail ne peut se conce-
voir directement. Elle n’existera que par l’intermédiaire du patient
lui-même, qui, averti par le médecin traitant des conséquences
éventuelles de la communication de certaines pièces, sera libre
de confier ou non ces éléments au médecin du travail, avec, en
arrière-plan, le risque d’être déclaré inapte.
■
POUR EN SAVOIR DAVANTAGE...
❏Fournier L, Proteau J. Secret médical et médecine du travail : le médecin
traitant ne peut et ne doit communiquer librement avec le médecin du travail.
Rev Prat - MG - 109-8/10/90-99/101.
❏Gromp S. Le secret médical : un concept menacé. Journal de médecine
légale - Droit médical 1995 ; 38 (7-8) : 565-9.
❏Hoerni B, Benezech M. Le secret médical : confidentialité et discrétion en
médecine. Paris : Masson, 1996.
❏Manaouil C , Doutrellot-Philippon C, Gabrion A, Jarde O. Le secret profes-
sionnel en médecine du travail. Journal de médecine légale - Droit médical
2000 ; 43 (II) : 137-44.
❏Thouvenin D. Le secret médical et l’information du malade. Presses univer-
sitaires de Lyon 1982 (d’après sa thèse de doctorat, Lyon, 1977).
© La Lettre du Cardiologue 2003 ; 369 : 33-4.
VIE PROFESSIONNELLE
88
La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no2 - mars-avril 2004