La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 5 - septembre-octobre 2006
Cas clinique
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Cas clinique
les personnes atteintes de troubles anxieux pourrait être une
vulnérabilité commune aux deux troubles (37). L’étude de la
chronologie entre ces deux troubles montre que la PS survient
en premier dans 68,5 % des cas. Le diagnostic de la dépression
chez les sujets anxieux n’est pas toujours simple et certaines
particularités sémiologiques sont notables, les troubles dé-
pressifs s’accompagnant souvent d’une inhibition, d’un man-
que d’intérêt pour autrui et d’un retrait social (38, 39).
Place des inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine dans le sevrage tabagique
dans la littérature
Dans la Cochrane review, Hughes et al. concluent qu’il est
plus facile à des patients traités par le bupropion (19 études,
OR=2,06;IC
95 = 1,77-2,40) ou la nortriptyline (4 études,
OR=2,79;IC
95 = 1,70-4,59) de s’arrêter de fumer qu’à ceux
traités par les IRS (fluoxétine, sertraline, venlafaxine) [40].
Dans une étude randomisée (79 patients sous nortriptyline
et 79 sous substituts nicotiniques), l’abstinence à 6 mois était
respectivement à 23 % et 10 % (p = 0,52) (41). Ce résultat est
confirmé par une méta-analyse incluant 861 fumeurs, com-
parant placebo et nortriptyline, et objectivant une abstinence
augmentée à 6 mois avec la nortriptyline (OR = 2,4 ; IC95 = 1,7-
3,6) (42) ; Hitsman et al. (43, 44) ont montré que l’adjonction
d’un traitement de fluoxétine augmentait, par rapport à celle
d’un placebo, la probabilité d’abstinence chez des fumeurs
présentant des troubles dépressifs mineurs. Le traitement
semble à l’inverse sans effet chez des personnes sans troubles
dépressifs. Il semblerait également que les chances de succès
du sevrage augmentent avec les taux sanguins de fluoxétine.
Des études similaires ont été conduites avec la paroxétine,
confirmant l’efficacité de cet antidépresseur dans le sevrage
tabagique avec des taux d’abstinence à 26 semaines de l’ordre
de 33 % pour les patients traités avec 20 mg de paroxétine et
de 38 % pour ceux traités avec 40 mg de paroxétine, contre
24 % pour les patients sous placebo (45). Covey et al. ont étu-
dié l’apport de la sertraline dans l’aide à l’arrêt du tabac chez
des fumeurs avec antécédents de dépression. Il n’y a pas de
différence significative à la fin du traitement (46). Une autre
étude a montré une diminution du taux d’abstinence sous
fluoxétine par rapport à celui observé sous placebo (47). La
sertraline n’a pas montré d’effet sur l’arrêt du tabac (48), et le
citalopram, étudié sur une population d’alcooliques, mais n’ef-
fectuant pas de tentative d’arrêt, n’a pas montré d’effet sur la
consommation de cigarettes (49). Un traitement des troubles
anxiodépressifs est parfois délicat à proposer au fumeur. En
consultation de tabacologie, devant la fréquence et la difficulté
de la prise en charge des troubles dépressifs et anxieux, nous
nous sommes interrogés sur l’utilité de la prescription dans le
sevrage tabagique des IRS qui, d’après les recommandations
de l’Afssaps de mai 2003, ne font pas partie des thérapeutiques
recommandées dans l’aide à l’arrêt du tabac en tant que telles,
mais sont largement utilisés en pratique courante par les taba-
cologues (50), confrontés, chez leurs patients, à la fréquente
association de fortes consommations de tabac et d’une dépen-
dance avec des pathologies somatiques et des troubles anxio-
dépressifs. Si les IRS ou IRSNA (inhibiteurs de la recapture de
la sérotonine et de la noradrénaline) ne représentent pas en
soi des médicaments du sevrage tabagique (50), ils n’en ont pas
moins fréquemment une utilité dans la prise en charge des fu-
meurs fortement dépendants, qui représentent la majorité des
consultants des centres de tabacologie et présentent dans au
moins 50 % des cas des troubles anxiodépressifs (1, 13), causes
majeures d’échec du sevrage.
Place des IRS dans une stratégie
tabacologique d’un centre de référence
Pour Lagrue, trois situations cliniques nécessitant un traitement
d’IRS peuvent se rencontrer de façon schématique :
– des fumeurs avec troubles de l’humeur connus et traités : l’avis
du psychiatre traitant doit alors être pris pour renforcer le traite-
ment antidépresseur ;
– des fumeurs avec troubles de l’humeur latents et non traités : ces
fumeurs ont déjà fait des tentatives d’arrêt, mais accompagnées
d’un syndrome de sevrage intense avec humeur dépressive. Un
traitement par IRS est souvent nécessaire d’emblée ou secondai-
rement. Des antécédents dépressifs personnels sont fréquemment
retrouvés et les troubles anxieux sont souvent associés aux trou-
bles dépressifs. Les femmes sont plus difficiles à prendre en charge
du fait de la plus grande fréquence d’un syndrome dépressif, d’une
anxiété généralisée et d’une PS. Les troubles prémenstruels repré-
sentent plus rarement un facteur de difficulté à l’arrêt ;
– des fumeurs présentant un état dépressif grave qui apparaît
brusquement, 3 à 6 semaines après le sevrage en l’absence d’anté-
cédents de troubles thymiques ou d’anomalie au test de dépista-
ge, HAD ou par l’inventaire de dépression de Beck (1). Perriot et
al. (14) proposent un schéma de diagnostic et de prise en charge
de la dépression lors du sevrage tabagique dans lequel la place
des IRS est bien définie (tableau III). Il préconise un traitement
par les IRS chez des patients ayant une motivation à l’arrêt suffi-
sante et une dépression avérée ou des antécédents de dépression
dans l’année qui précède. Dans le cas d’une dépression avérée ou
dans celui de patients avec antécédents de dépression lors d’un
sevrage antérieur ayant induit la reprise du tabagisme, les IRS
sont prescrits pendant 4 à 8 semaines, avec, par la suite, l’arrêt du
tabac avec de fortes doses de substituts nicotiniques. La durée de
traitement par les IRS est supérieure à 6 mois. Pour des patients
ayant des antécédents de dépression dans l’année qui précède, les
IRS sont prescrits à demi-dose. Lorsque la dépression apparaît au
cours du sevrage, les patients sont pris en charge immédiatement
par des IRS et, éventuellement, par des substituts nicotiniques. La
durée du traitement par IRS peut s’étaler sur plus de 6 mois ; des
cas de dépressions récurrentes chez le patient en sevrage tabagi-
que, voire apparaissant à distance de l’arrêt, ont été décrits (51).
Apport des TCC dans la gestion
des troubles anxieux et/ou dépressifs
dans le cadre d’un sevrage tabagique
Les TCC ont démontré leur utilité dans la prise en charge des
troubles anxieux et/ou dépressifs lors du sevrage tabagique.
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