Enquêter sur l’écriture scientifique peut révéler des recompositions en cours. Pour cela, il faut
considérer que les cadres discursifs de l’activité scientifique résultent d’arrangements à
caractère conventionnel (Fabiani, 2006). Nous pensons que les processus d’écriture et
d’évaluation de propositions d’articles scientifiques, sont un terrain privilégié d’observation
de ces arrangements. Par ailleurs, les écritures scientifiques de la spatialité n’ont été pas
abordées, à notre connaissance, par les New litteracy studies. Explorant l’écriture comme
activité située et observant son déploiement dans différents contextes (Fraenkel et Mobdj,
2010), elles l’ont abordée surtout dans les sciences dures, et commencent seulement à le faire
dans des sciences humaines et sociales (Tutin, 2010 ; Le Guern et Thémines, 2012).
L’écriture et l’évaluation d’articles pour des revues traitant de la spatialité, dans un contexte
de découpage du travail scientifique moins stable et étanche qu’auparavant, permettrait de
saisir l’établissement de conventions, potentiellement diverses, entre chercheurs auxquels ne
s’impose pas d’emblée une seule norme partagée d’écriture scientifique de la spatialité.
La proposition s'organise autour de deux études de cas, dans le cadre d’un atelier. La
production et le traitement des données issues des corpus réunis, seraient l’objet central de la
discussion. Même si une orientation initiale est donnée par les personnes qui présentent, le
collectif qui analyse les corpus précisera celle-ci. Tout participant à cet atelier peut aussi y
contribuer avec ses propres données.
Étude de cas n°1 : Il s’agit d’analyser la production de l’évaluation d’articles scientifiques
dans le cadre de numéros thématiques, entre projet éditorial, propositions d’articles répondant
à ce projet et chercheurs évaluateurs. Nous regardons comment ceux-ci réagissent aux textes,
conseillent et orientent les auteurs, installant les éléments d’un accord sur l’écriture finale
attendue. Le corpus appartient au champ de la didactique de la géographie : cela permet
d’observer la marque de divers univers disciplinaires ou de spécialités, ici géographique et de
sciences de l’éducation, sur les évaluations produites. L’analyse d’écrits d’évaluation
donneraient accès à des régimes d’inscription de la spatialité, c’est-à-dire, des façons de
concevoir la valeur formatrice et/ou heuristique de « sa » discipline ou spécialité concernant
la spatialité, et par là-même, de concevoir la transmission écrite de savoirs sur la spatialité.
Étude de cas n°2 : Il s'agit d'analyser le processus d'élaboration de l'écriture scientifique mis
en route lorsqu'un chercheur travaille son texte pour qu'il soit publié, répondant au projet
éditorial d'une revue, d'un numéro thématique, dans une tension entre cette réponse et la
volonté de poser l'originalité de sa proposition sur la spatialité. Les ajustements successifs, les
variations du discours, les outils argumentatifs, énonciatifs peuvent permettre de mettre en
évidence le travail cognitif du chercheur. A partir de ces interactions se dégageraient ainsi des
figures de l'auteur œuvrant à l'inscription évolutive de la spatialité, non seulement à partir de
ses publications mais à partir de la fabrique de celles-ci. Nous l'observerons à partir des
versions successives d'un article considéré comme un dispositif matériel et sémiotique lié aux
évaluations qui en sont faites.
Références bibliographiques :
Fabiani, Jean-Louis, 2006, « À quoi sert la notion de discipline », in : Boutier, Jean et al., Qu’est-ce
qu’une discipline ? Enquête. Editions de l’EHESS, p.11-34