Appel à contribution de la revue Sciences Humaines Combinées

Appel à contribution de la revue
Sciences Humaines Combinées
Pour le 13ème numéro de notre revue commune, la thématique retenue par le comité de lecture
est : « Espace(s) en question »
S’interroger sur la notion d’Espace(s) n’est pas seulement commode. Certes le concept est
suffisamment large pour permettre des interprétations pluridisciplinaires (espaces
linguistiques, économiques, juridiques, géographiques…) ; comprendre des objets différents
(territoires, terroirs, environnement) ; révéler des cas de figure variés : uniformité/diversité à
l’intérieur d’un même espace ; et la thématique renvoie aux conditions spatiales des processus
culturels, sociaux, économiques, juridiques et historiques.
Mais la problématique spatiale est également une question d’actualité dans nos disciplines.
L’idée d’un tournant spatial comme phénomène interdisciplinaire dans les sciences sociales est
assez récent. Elle a été énoncée pour la première fois en 1989 par le géographe californien
Edward Soja dans son essai Postmodern Geographies. Au vu des différentes théorisations de
l’exploration spatiale notamment en Histoire [Osterhammel, 1998], Sociologie [Löw, 2001],
Littérature [Weigel, 2002] et Philosophie [Günzel, 2009], il semble justifié de parler aujourd’hui
de tournant1
Le développement des SIG, depuis une dizaine d’années, hors de ses disciplines traditionnelles
(Géographie et Archéologie) marquent bien l’intérêt croissant pour les dynamiques spatiales et
les outils qu’y s’y rattachent (modélisation) en SHS, que ce soit en Economie (économie et
économétrie spatiales), en Histoire voire en Droit. Ces nouveaux outils, méthodes et paradigmes
pourront par ailleurs évidemment être interrogés.
, même s’il faut reconnaître sa grande variété et admettre des chronologies
différenciées [Ponsard, 1955].
Références bibliographiques :
- Osterhammel, Jürgen, « Die Wiederkehr des Raumes. Geopolitik, Geohistorie und
historische Geographie », in Neue Politische Literatur, n° 43/3, 1998, pp. 374-397
- Löw, Martina, Raumsoziologie, Frankfurt, Suhrkamp Taschenbuch Wissenschaft, 2001 .
- Günzel, Stephan, Raumwissenschaften, Frankfurt, Suhrkamp, 2009.
- Weigel, Sigrid, « Zum “topographical turn”. Kartographie, Topographie und
Raumkonzepte in den Kulturwissenschaften », in KulturPoetik, n° 2/2, 2002, pp. 151-
165.
- Ponsard, Claude, Économie et espace. Essai d'intégration du facteur spatial dans l'analyse
économique, Paris, SEDES, 1955.
Consignes aux auteurs :
Votre proposition d’article devra être comprise entre 30 000 et 35 000 signes (espaces, notes de
bas de page et bibliographie compris) et vous devrez appliquer la feuille de style en ligne sur le
site de la revue : http://revuesshs.u-bourgogne.fr/lisit491/
Aucune illustration ne doit être intégrée au corps de texte mais vous pouvez évidemment joindre
des annexes en fichiers séparés (sous format Word obligatoirement).
Votre proposition sera soumise au comité de lecture de la revue qui rendra son avis en vue de la
publication.
La date limite de dépôt des articles est fixée au vendredi 31 octobre 2013 à l’adresse
suivante : edlisit@u-bourgogne.fr
1 http://geographielitteraire.hypotheses.org/474
Quelques pistes disciplinaires
Littérature : Les études littéraires ont longtemps considéré l’espace comme une
catégorie secondaire, sciemment négligée comme l’indique cette remarque de Gérard
Genette : « Je peux fort bien raconter une histoire sans préciser le lieu où elle se passe
[…] tandis qu’il m’est presque impossible de ne pas la situer dans le temps par rapport à
mon acte narratif » (Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 228). Ce n’est qu’au début des
années 80 que les études sur l’espace diégétique trouvent leurs lettres de noblesse en
particulier grâce aux travaux de Henri Mitterand pour qui l’espace est loin de n’être
qu’un simple circonstant : « C’est le lieu qui fonde le récit, parce que l’événement a
besoin d’un ubi autant que d’un quid ou d’un quando » (Le discours du roman, Paris, PUF,
1980, p. 194). La prise en considération de cet espace diégétique est d’autant plus
importante à un moment où l’immanence du texte littéraire a été mise en cause par de
nombreux théoriciens qui réhabilitent la capacité du texte à référer. On pourra
s’intéresser aux opérations de référence, que le texte construise un espace attesté dans
le hors-texte ou pas, à leurs modalités et à leur signification en fonction des époques
(dans cette optique les travaux des littéraires pourront croiser ceux des spécialistes de
civilisation).
Par ailleurs, parler d’espace en littérature ne peut se faire qu’au pluriel car c’est aussi
concevoir l’espace textuel dans toute ses dimensions : depuis la matérialité du livre, sa
mise en page, sa « mise en espace », jusqu’aux aspects visuels qui emplissent la page
imprimée et relèvent de la typographie ou de l’organisation textuelle (qui inclut le lien
texte/ image). A des époques où les auteurs jouent avec les collages, les juxtapositions, le
morcellement, la fragmentation, ces analyses sont d’une importance capitale et
rejoignent souvent les analyses de la temporalité dans la mesure où la mise en page
donne parfois le tempo, le rythme. On voit alors comment la question de l’espace est
indissociable de celle du temps.
Didactique/Sciences de l’éducation : L’enquête peut être menée autour de l’espace
scolaire vs social (l'un dans l'autre, ou l'autre dans l'un ? Quelles porosités, quelles
intersections et interactions ? Quels divorces, quels malentendus ?) ou encore en
abordant l’espace à partir des catégories mentales et des mots servant à l’appréhender
(une exploration du lien entre espace physique et espace psychique sera alors possible :
que mettons-nous de nos émotions et sentiments dans l'espace vécu, perçu, habité,
comme dans l'espace vu ?)
Sociologie
L’espace évoque à la fois le fini et l’infini. C’est essentiellement le « fini » qui concernera
le sociologue.
L’espace est clos quand il définit un champ, un domaine, un secteur ; termes empruntés
à la géographie, mais dont le sociologue use pour circonscrire ses thèmes de recherche :
le champ du vieillissement, de la culture ; le domaine de la science, des arts ; le secteur
du travail, du bénévolat, etc
Ainsi, toute recherche en sociologie sera imprégnée par cette notion d’espace puisqu’elle
commencera par délimiter, parallèlement à son objet, son cadre de recherche. L’espace
est une notion-clé pour le sociologue qui devra pouvoir facilement la décliner sous
plusieurs aspects.
Histoire/Civilisation/Archéologie/Aménagement : La réflexion sur l’espace, pour
être classique, n’en est pas moins intéressante. On peut s’interroger sur les différentes
formes d’anthropisation des espaces qu’il s’agisse de l’espace national ou d’espaces
relevant d’une échelle plus réduite (région, ville, quartier voire même espaces de la vie
privée ou intime). La question de savoir si c’est l’individu qui façonne l’espace ou les
espaces qui façonnent les individus pourra par exemple être posée.
Philosophie
Mettre l'espace en questions implique de ne pas limiter l'espace à une forme de
spatialité, ni à confondre les différentes spatialités dans une réflexion par trop générale
mêlant toutes les formes d'espace.
L'espace est une mise en forme de notre expérience sans laquelle il nous est impossible
de nous donner à voir et à penser des objets extérieurs à nous-mêmes (il est pour Kant
la forme du sens externe). En tant que forme a priori, nous appréhendons en et par lui
tout ce qui nous entoure. La question serait plutôt de savoir ce que nous pouvons
appréhender sans le recours à l'espace : peut-on se représenter le temps sans le
représenter spatialement, par exemple.
Quand nous essayons de saisir ce qu'est l'espace, nous le pensons infini, sans limites, ce
qui n'est pas sans poser question quant à sa nature : s'il devait être quelque chose il
serait une chose infinie, et infiniment décomposable, ce qui implique contradiction. Tout
espace donné est toujours dans l'espace en général.
Cette question de la nature de l'espace a évolué, car l'espace objectif a été profondément
modifié dans la physique contemporaine avec les géométries non-euclidiennes en
géométrie, puis les espaces à n dimensions, qui deviennent une autre forme
d'abstraction, très éloignée de l'espace au sens classique et de l'espace vécu.
L'espace objectif doit en effet être distingué de l'expérience vécue de l'espace, centrée
sur le corps vécu qui devient à lui-même son propre référentiel : on peut être incapable
de se positionner dans l'espace objectif, mais être en capacité de se situer dans la
spatialité développée par l'action (selon l'opposition proposée par Merleau-Ponty entre
spatialité de position et spatialité de situation). On peut sentir cet espace vécu se
déployer autour de soi sans qu'il soit question d'une augmentation quantitative : le "plus
grand" de l'expérience vécue n'est pas un plus grand espace représenté, mais un
déploiement du rapport au monde.
L'espace se décline selon des topologies imaginaires et des topologies quotidiennes (la
poétique de l'espace de Bachelard) où l'espace de la rêverie (immensité de l'espace
intérieur, de l'intime) est bien plus qu'un espace simplifié nous servant à nous repérer
dans nos déplacements et actions sur la matière, un espace à une dimension nous
servant à nous représenter le temps, etc.
Sur ce plan de la quotidienneté peuvent être pensés des espaces distincts, soit sociaux
(les hétérotopies dont parle Michel Foucault) soit fictifs (ceux des utopies). On pourra
interroger l'existence et la fonction des lieux particuliers (lieux sacrés, espaces privés ou
publics, espaces réels ou virtuels) qui sortent d'une acception géographique de l'espace
sans être strictement symbolique, dont la spatialité doit être interrogée.
Ces exemples ne sont évidemment pas limitatifs
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