Des autorités religieuses d`Etat

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Des autorités religieuses d’Etat? Le cas du Conseil Français du Culte
Musulman
Boubekeur Amel,
Doctorante en Sciences Sociales
EHESS-ENS
Amel.boubekeurwanadoo.fr
Draft
pour
le
L’impact
colloque
des
international
migrations
“Migrations,
sur
les
religions
et
sécularisation.
modèles
nationaux
(Europe et Amérique du Nord) »
Vendredi 17 et samedi 18 juin 2005
Texte provisoire
Quelle légitimité l’Etat apporte-t-il aux autorités religieuses islamiques et quelles sont les
positionnements de ces autorités face à l’Etat et à la question de la laïcité ?
C’est à travers l’exemple de la constitution du Conseil Français du Culte Musulman que l’on
abordera ici la question de la laïcité en France et son rapport aux communautés musulmanes,
à leur culte et à leur citoyenneté.
Historiquement les relations des autorités musulmanes et de l’Etat français, représente un long
processus de collaboration et de gestion du fait religieux et du fait identitaire. On l’observe
ainsi, durant la colonisation, dans une Algérie qui elle n’est pas sous le régime de laïcité 1905
établi en métropole, à travers le rôle de contrôle de l’Etat « par le haut » des Oulémas, Imams
et autres lettrés musulmans.
Plus récemment, on a assisté lors de l’arrivée sur le territoire français métropolitain de
populations musulmanes immigrées (turques, maghrébines, noires africaines), à la
constitution d’autorité religieuses bricolées cette fois « par le bas » répondant à la demande
des premiers immigrés et de leurs enfants.
Les années 90 marquent le retour de l’Etat sur la question de l’organisation du culte
musulman mais aussi sur la gestion de l’identité des communautés musulmanes, et dès lors le
monopole de la définition de l’autorité mais aussi de celle de la laïcité, se disputera entre
l’Etat et les acteurs associatifs musulmans de terrain.
Cette demande d’Etat corrobore donc également (parfois elle la suscite) avec une inclusion
nouvelle du religieux dans la sphère publique, à travers la sollicitation grandissante des
autorités religieuses qui vont se sentir investis d’un devoir de définition et de représentation
de la communauté musulmane vis-à-vis de l’Etat français, et de l’espace public français. Il
sera intéressant de considérer comment le capital social de ces autorités, pourra tirer sa
légitimité d’anciens éléments d’appréciation coloniaux (attachement à une citoyenneté
d’exception, capacité à mobiliser les populations indigènes, capital social ainsi que le
positionnement face à la notion de laïcité et à la place du religieux dans la sphère publique).
Avec la création du CFCM, organe qui va tenter de réifier les différentes autorités en
présence, l’autorité religieuse en islam de France devient une affaire d’Etat (Benbassa, 2004).
Mettant à mal le postulat de la séparation du religieux et de l’Etat, l’islam influençant même
désormais les configurations politiques du régime de laïcité, divisant les acteurs publics sur
les questions du financement des mosquées, de la création d’instance de régulation du culte,
ou bien encore de l’intervention des acteurs d’autorité islamique dans le champ scolaire à
travers la question des aumôneries ou du port du voile.
L’identité nationale laïque française est donc questionnée et modifiée par l’intervention de ces
autorités dans le débat public et l’apparition des acteurs du CFCM acquiert également une
dimension inter religieuse, en questionnant à leur tour les autres cultes sur leur comptabilité
avec le régime de laïcité (on a vu ainsi comment la question du voile a obligé l’Etat et les
cléricaux à se positionner face à la kippa, au turban sikh ou encore aux aumôniers catholiques
dans les lycées).
Vis-à-vis de la communauté musulmane le CFCM, du fait de son caractère de légitimité
étatique, peut avoir des effets de consécration ou de déligitimation de ses membres.
Le rôle de ces acteurs publics comme des forces de proposition politique nationales reste à
évaluer. Il sera également intéressant de noter que les autorités religieuses musulmanes de par
le fait qu’elles aient étaient plébiscitées par l’Etat et par la communauté musulmane de façon
différentielle, comprendront leur rôle public différemment des autres autorités religieuses
chrétiennes ou juives, oscillant en permanence entre gestion pure et administrative du culte,
positionnement politique sur les droits sociaux et culturels des populations musulmanes
discriminées, représentativité, recherche de légitimité et profit personnel de construction
d’une carrière publique.
La laïcité remodule également la communauté politique musulmane elle-même, amenant la
constitution réflexive de contre-autorités face au CFCM , à travers l’émergence d’acteurs
politiques et religieux qui s’auto-définissent comme laïcs et/ou créant des CFCM concurrents
qu’ils jugent plus représentatifs de la majorité des musulmans non militants voire non
pratiquants.
Au regard du rôle de l’Etat dans la constitution des autorités du CFCM, ce dernier ne peut être
décrit comme une institution classique tant il est le théâtre d’affrontements, de conflits,
d’affiliations et de désaffiliations, qui ont font en réalité plus largement le champ privilégié de
positionements et de repositionnements internes et externes des acteurs islamiques en France.
La création du CFCM
L’intérêt de l’Etat pour une représentation de l’islam de France est concomitant des premières
affaires du voile de 1989. Pierre Joxe réunit un comité composé de « six sages » musulmans,
et un an plus tard crée le CORIF, le Conseil de Réflexion sur l’Islam en France. Cependant,
c’est en 1995, où cette fois se sont les attentats dans les métros parisiens qui retiennent
l’attention de l’espace médiatique français, que Charles Pasqua appuie Dalil Boubekeur,
Recteur de la mosquée de Paris, à la présidence du Conseil Représentatif des Institutions
Musulmanes.
En 1999, Jean-Pierre Chevènement lance le processus de « Consultation », après avoir invité
les musulmans à désigner leur interlocuteur, pas moins de 18 associations ou personnalités
vont participer à l’Istichara, le terme arabe traduction de consultation, employé par l’Etat luimême. Parmi elles, on retrouvera pour les lieux de cultes le Centre culturel islamique d’Evry,
la mosquée de Mantes-la-jolie, la grande mosquée de Paris, la grande mosquée de Lyon, la
grande mosquée de Marseille et enfin celle de Saint-Denis de la Réunion. Du côté des
associations, l’Union des Organisations Islamiques de France, la Fédération Nationale des
Musulmans de France, le Tabligh, la Fédération Française des Associations Islamiques
d’Afrique, des Comores et des Antilles ainsi que l’Union turco-islamique d’affaires
théologiques
en
France
participent,
entrant
elles
aussi
dans
ce
processus
d’institutionnalisation. Il faut ajouter un certain nombre de personnalités individuelles telles
que Saada Mamadou Ba, Soheib Bencheikh, le Cheikh Khaled Bentounes, Eric Geoffroy,
Bétoule Fekkar-Lambiotte et Mohsen Ismail.
En 2002 Sarkozy reprend ce dossier et crée en Octobre l'Association pour l'Organisation des
Elections du Conseil Français du Culte musulman (AOECFCM). Deux personnalités
démissionnent avant les élections, Bétoule Fekkar-Lambiotte et Mohsen Smail, mais celles-ci
ont tout de même lieu en avril 2003. Les élections sont décidées sur le mode du « mètre
carré », ce qui signifie que le nombre d’électeurs alloué à chaque mosquée dépendra de la
surface en mètres carré de celle-ci. 992 lieux de culte seront donc sollicités, avec 4042
« grands électeurs » et le taux de participation avoisinera les 87 %. Dalil Boubakeur sera
ensuite élu Président par le CFCM constitué par les élections, avec 54 voix pour et 9
abstentions. Il faut préciser que toutes les personnes composant le conseil d’administration du
CFCM ne sont pas issues de ce processus électoral, et ont été cooptées. Les 17 personnalités
faisant partie du bureau du CFCM dans la période 2003-2005 sont les suivantes :
Le président donc Dalil Boubakeur, Recteur de la mosquée de Paris, le Vice Président, Fouad
Alaoui, Secrétaire Général de l’UOIF, l’autre Vice Président, Mohammed Bechari, Président
de la Fédération Nationale des Musulmans de France, le Secrétaire Général, Haydar
Demiryurek du Comité de Coordination des Musulmans Turcs de France , le Trésorier, Kamel
Kabtane, Recteur de la mosquée de Lyon, auxquels s’ajoutent les Personnalités Qualifiées :
Dounia Bouzar et Fatiha Ajbli qui en ont démissionné, et Soheib Bencheikh. Quarante et un
membres ont été élus, auxquels il faut ajouter la constitution de 25 Comités Régionaux du
Culte Musulman, répartis dans toute la France.
Suivront d’autres démissions, ou menaces de démission, réintégrations etc. De Villepin,
nouveau ministre de l’Intérieur, va instituer des débats en rencontrant fréquemment les
membres du bureau du CFCM. Aidé par les CRCM, le CFCM va se voir chargé d’aborder les
questions de la formation d’imams maîtrisant la culture française, le financement du culte, la
négociation avec les administrations locales, l’organisation des fêtes religieuses comme l’aïd,
l’organisation du pèlerinage, la construction de lieu de culte, la question des carrés
musulmans, de la viande halal, de l’aumônerie dans les prisons, les hôpitaux, et dans
l’enseignement…
Aujourd’hui, le CFCM arrive au terme de son mandat, décidé par l’accord avec le ministère
de l’Intérieur, pour une durée de deux ans. Les élections qui devaient avoir lieu en avril 2005
ont été reportées et auront lieu le 19 juin 2005. Les mécanismes de cooptation laisseront place
pour la totalité des membres au processus d’élection. Pour 2005, ce sont 1221 lieux de culte et
5 232 délégués qui prendront part au vote.
Le processus du CFCM semble être devenu une obligation pour les acteurs islamiques qui
souhaitent se faire entendre dans l’espace public, qu’il s’agisse de se positionner pour ou
contre cette institution. Les logiques dialectiques qu’il entraîne structurent de plus en plus la
question de la représentativité et de la légitimité. Une analyse des débats auxquels participent
les membres du CFCM met en exergue cette tension entre stature institutionnelle vis-à-vis de
l’Etat et recherche de légitimité dans l’espace public.
Les débats
Dès sa création, la dualité séculaire, en tant qu’organisme religieux supporté par un Etat laïc,
et religieuse, en tant que processus de « représentation » menée par des autorités musulmanes,
du CFCM s’affirme dans les débats publics auxquels il prend part. Le CFCM va d’abord se
lier à des questions internationales. Ainsi, une délégation partira à Bagdad en septembre 2004,
afin de demander la libération des deux journalistes français otages et pour lesquels les
ravisseurs avaient demandé à Jacques Chirac de retirer la loi d’interdiction sur les signes
religieux. Plus récemment Dalil Boubakeur va lui enregistrer un message télévisé destiné aux
télévisions du monde arabe, et demander « au nom de l’islam » la libération de la journaliste
de Libération et de son guide. Cet investissement sur le monde arabe, outre les liens
consulaires existants entre les différents « Etats d’origine » et leur volonté d’influencer la
gestion de l’islam de France, intervient après que Nicolas Sarkozy se soit rendu en Egypte
afin de demander une fatwa au cheikh d’Al Azhar Tantawi sur la loi d’interdiction des signes
religieux, les deux déclarant alors de concert « la laïcité, c’est notre tradition ». Sarkozy niant
ainsi la capacité d’action et de résolution du CFCM en tant qu’institution française, sur des
enjeux franco-français. Il semble donc que le CFCM soit plus efficace et loquace sur les
enjeux liés au monde arabe, que sur un réel investissement dans l’identité musulmane
européenne. Pour exemple, il n’a réagit que très tardivement sur le referendum sur la
constitution européenne, se positionnant sur l’appel au « oui » gouvernemental, et pas sur une
réflexion sur la place de l’islam et des musulmans dans l’Europe. Cette évènement a été vécu
par de nombreux musulmans comme un divorce des élites institutionnalisées du CFCM avec
les musulmans qui récusent sa représentativité1. En effet, il est intéressant de constater que le
CFCM se positionne plus sur une représentativité politique que religieuse. Les musulmans
seraient donc passés d’un groupe religieux à un groupe social (De Galembert, Belbah, 2005),
amenant l’Etat, en tant que garant de l’ordre public (Césari, 2004), à participer activement à la
structuration du champ islamique français. La communication du CFCM se fera donc
principalement à travers un islam social, considérant les musulmans comme des sujets
politiques devant être encadrés de façon stricte dans leur accès à une citoyenneté qui leur
serait particulière à travers des lois, des institutions… Parfois des conflits de définition
peuvent apparaîtrent et le CFCM en acteur zélé, tentera alors de se faire entendre sur la
catégorie islam. On prendra ici l’exemple des récentes émeutes de Perpignan entre
« maghrébins » et « gitans » (l’espace médiatique a en effet eu beaucoup de mal à leur
accorder la catégorie de « français »), où Dalil Boubakeur appellera « au calme ».
Cette homogénéisation des catégories a amené des acteurs islamiques qui étaient jusqu’ici
plutôt individualistes et oppositionnels dans la définition et l’utilisation de leur référence
musulmane, à s’inscrire dans le collectif que représente le CFCM, au risque d’une
pluralisation artificielle parfois. En effet l’apparition de listes nouvelles pour les élections de
2005, hors des alliances traditionnelles du CFCM dans sa pluralité, en est un signe.
Un réinvestissement du religieux par l’Etat
L’initiative étatique du CFCM a dans un premier temps restreint le champ possible de la
représentation des musulmans, bon nombre d’acteurs islamiques ont effet décidé de s’y
insérer plus par peur de l’exclusion de débats que le CFCM allait centraliser que par réelle
vocation de représentativité. Cependant on assiste parfois à des formes de subversion des
identités islamiques étatiques assignées aux différents acteurs, ainsi Dounia Bouzar nommée
en tant que « femme » choisira de se positionner comme représentante des musulmans nés en
France. L’assignation des musulmans à une gestion religieuse de leur identité va également
être contestée par tout une mouvance composée d’acteurs se décrivant comme « musulmans
laïcs » et souhaitant créer des CFCM alternatifs laïcs (Fregosi, 2005). Ce réinvestissement de
l’Etat dans la définition d’un « bon islam » doit également être lu à travers le besoin de
renationaliser la référence islam pour des enjeux électoraux certes, mais également à travers
1
Cf. la chronique sur le site musulman
http://www.oumma.com/article.php3?id_article=1543
Oumma.com,
« Non
aux
benni
oui
ouif »
les changements profonds que l’intervention de l’islam dans l’espace public a provoqué dans
la conception de la laïcité (Gole, 2002, Roy, 2005).
En effet l’Etat français dans son utilisation du symbole du CFCM et des dialogues avec ses
interlocuteurs musulmans, a déplacé l’intérêt institutionnel de la laïcité vers une demande plus
idéologique de justification de l’identité musulmane en France, de sa caducité ou de son
adaptabilité.
Ici encore l’enjeu semble plus être issu de la tension pour la définition de l’identité nationale
que de la résolution pragmatique de problèmes de culte.
Le CFCM est en tous cas un organe central dans l’espace public en ce qu’il suscite non pas
des velléités religieuses concurrentes, mais un repositionnement de nombreux acteurs sur la
place de la référence islam dans l’identité nationale. Du mouvement Ni Putes Ni Soumises qui
se prononce sur le bien-fondé religieux du voile, aux mouvements posant la question du statut
d’indigénat d’un grand nombre de la population française, le dénominateur commun de ces
discours est le souci de reconnaissance et d’intégration aux enjeux du bien commun à travers
la redéfinition de la référence islam, qu’il s’agisse pour ce faire de s’appuyer sur une
institution étatique (à travers le CFCM) ou sur un mouvement social revendicatif.
Ce réinvestissement religieux commun à l’Etat et à la société civile, semble advenir dans un
climat post-loi sur les signes religieux, où bon nombre de musulmans se sont sentis
dépossédés à travers l’impossibilité d’une définition autonome de l’islam en France.
Principalement justifiée par le caractère « jeune et inexpérimenté » de l’islam en France, cette
intervention volontariste qui est à la base de la création du CFCM, avait également été
légitimée par une mise à niveau avec les autres cultes, une nécessaire reconnaissance
officielle de l’identité musulmane (Sarkozy souhaitait ainsi sortir « l’islam des caves »), une
citoyenneté musulmane de la fierté, de la considération, mais qui sera par conséquent
extrêmement affective et émotionnelle.
Les initiatives prises par l’Etat face au CFCM sont toujours perçues et représentées en termes
de soutien, il s’agirait donc moins ici d’un problème de laïcité que d’autonomisation. La
laïcité proposée dans les débats autour de l’islam amènera donc irrémédiablement une
distinction propre au fait d’être musulman. Une laïcité non plus seulement liée au
cantonnement du culte dans l’espace privé, mais une laïcité publique (Bowen, 2004) qui
dépasse son cadre juridique pour devenir une norme publique à partir de laquelle chacun doit
s’exprimer, spécifiquement lorsqu’il s’agit d’islam.
Autorités du CFCM et identifications nationales
Si on ne peut pas conclure à l’acquisition d’une légitimité par le CFCM dans le champ
religieux, aussi bien auprès des musulmans que de l’Etat, on peut remarquer son
omniprésence dans le débat social. Cette légitimité, le CFCM l’acquiert car il est capable de
proposer plusieurs niveaux d’interventions et fait s’agréger à lui des dynamiques très
différentes qui lui confèrent sa centralité. Le CFCM a cette particularité que l’on peut y être
légitime et y participer aussi bien en ayant une position intérieure, qu’extérieure. En effet, son
institutionnalisation crée une sorte d’altérité desinstitutionnalisée, qu’illustre parfaitement
Tariq Ramadan, qui paradoxalement confère à ses détenteurs une capacité à dialoguer avec les
institutions puisque se trouvant dans l’altérité. Ainsi Sarkozy n’a pas sollicité un des membres
du CFCM afin d’entamer un dialogue télévisuel avec lui, mais bien Tariq Ramadan. L’altérité
dans laquelle se positionne ce dernier face à un CFCM « nationalisé », lui permet également
de ne pas être enfermé dans une référence nationale, et ainsi d’élargir son champ de
négociations avec les pouvoirs publics européens et non pas seulement français.
Un deuxième niveau de pluralisation de l’identification (même oppositionnelle) suscitée par la
création du CFCM, se situe sur la question du national et du régional. En effet, avec la
création des CRCM, les conseils régionaux du CFCM, ce n’est plus seulement le ministère de
l’Intérieur qui se mobilise en tant qu’interlocuteur mais également les institutions régionales
et locales.
Cet échange régional a souvent pour effet de rappeler au CFCM sa mission première
d’organisation du culte, puisque ce sont principalement les types de problèmes qui se posent
concrètement au niveau local. Et c’est sans doute à la possibilité d’agir localement pour les
acteurs concernés, que le CFCM doit sa mobilisation électorale. Notons que dans sa relative
opposition médiatique nationale au CFCM, c’est dans les CRCM que Tariq Ramadan va
encourager un certain nombre de ses jeunes collaborateurs à s’investir.
Il est vrai que l’islam est encore considéré parfois comme une affaire de politique étrangère
pour l’Etat français, l’adoption du terme Istichara pour un processus français en est une
manifestation (Amiraux, 2003). Cependant l’interpénétration des niveaux nationaux,
régionaux et internationaux dans la gestion de l’islam de France (Amghar, 2005) est aussi le
fait des acteurs du CFCM eux-mêmes et de leur capacité à transformer leur réseaux et
soutiens divers en une autorité religieuse nationale, qu’ils peinent à acquérir.
Encore une fois, la réactivation des débats sur le caractère « néocolonial » de la gestion du fait
musulman français chez les jeunes musulmans nés en France, est intéressante en ce qu’elle
signifie aussi le besoin d’autorités dont la proximité et la capacité de générer de
l’identification, est plus culturelle et en rapport avec l’identité nationale française, que
simplement religieuse. En effet, ces débats peuvent également être le signe de la volonté chez
ces français de confession musulmane d’insérer leur histoire et celle de leurs parents dans la
réalité et l’héritage français, et ainsi de l’extraire d’un espace privé familial (Dakhlia, 2005)
Bibliographie :
Amghar Samir, « Acteurs Internationaux de l’Islam de France », Politique Etrangère, Vol. 701, Printemps 2005.
Amiraux Valérie, “Islam, un Conseil à contresens », Libération, 19 décembre 2002.
Amiraux Valerie, « «CFCM : A French Touch ? », ISIM Newsletter, 12, Juin 2003.
Benbassa Esther, La république face à ses minorités, Mille et Une Nuits, 2004.
Bowen John, « Muslims and citizens », Boston review, Février/Mars 2004.
Césari Jocelyne, L’Islam à l’épreuve de l’Occident, La Découverte, 2004.
Dakhlia Jocelyne, Islamicités, PUF, 2005.
De Galembert Claire, Belbah Mustapha, “Le Conseil Français Du Culte Musulman à
l’épreuve des Territoires », French Politics, Culture & Society Vol. 23-1, Spring 2005.
Fregosi Franck, « Les musulmans laïques, une mouvance plurielle et paradoxale », Maghreb
Machrek, 183, Printemps 2005.
Gole Nilüfer, “Islam in Public: New Visibilities and New Imaginaries”, Public Culture, Vol.
14-1, 2002.
Roy Olivier, La laïcité face à l’islam, Stock, 2005.
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