Les musulmans de France réagissent à la

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Les musulmans de France réagissent à la radicalisation de l’Islam en Europe.
Sans cacher une certaine impuissance face aux affaires Mohamed Merah et Mehdi
Nemmouche, les responsables musulmans français tentent de réagir, en ordre dispersé, pour
éviter les amalgames et lutter contre le processus de radicalisation jihadiste. La tuerie au
Musée juif de Bruxelles, un peu plus de deux ans après celle de Toulouse, a replacé dans une
position inconfortable l'islam de France, invité dans la presse à condamner des actes auxquels
il se dit parfaitement étranger. « La communauté musulmane vit très mal ces événements qui
ne sont pas l'islam, et dont elle est la première victime »,
souligne Abdallah Zekri, président de l'Observatoire contre l'islamophobie au Conseil français
du culte musulman (CFCM).
Faut-il y voir le signe d'un malaise? Lundi, au lendemain de l'annonce de l'interpellation de
Mehdi Nemmouche, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, n'a pas caché
l' « impuissance » des musulmans « devant la recrudescence de jeunes jihadistes recrutés
en prison et rapidement endoctrinés tant sur le web que par les réseaux terroristes »
. Deux jours plus tard,
« compte tenu de la situation actuelle »
, le président du CFCM a tenté de reprendre la main en présentant à la presse une
« convention citoyenne des musulmans de France pour le vivre-ensemble ».
Le texte postule que
« les musulmans dans leur totalité récusent la violence et font tout ce qui est en leur pouvoir
pour éviter que les jeunes succombent aux messages délétères qui incitent notamment à la
violence et au fanatisme ».
Mais il n'est pas sûr que la charte du CFCM, institution régulièrement rongée par des querelles
liées aux personnes ou aux pays d'origine (Algérie, Maroc, Turquie...), fasse l'unanimité.
Mohammed Moussaoui, ancien président du CFCM, a d'ailleurs lancé son propre chantier, « d
es états généraux contre le radicalisme religieux »
, qui doivent aboutir à l'automne.
Radicalité : par où la sortie ?
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Les musulmans de France réagissent à la radicalisation de l’Islam en Europe.
« Nous avons constaté que les imams ne sont pas outillés pour faire face à ce nouveau
phénomène de radicalisation des jeunes », souligne Mohammed Moussaoui, aujourd'hui
président de l'Union des mosquées de France
.
« C'est un fait aujourd'hui que ces jeunes qui basculent vers la radicalité sont en rupture
presque totale avec l'institution religieuse : il faut en chercher les causes »
, poursuit-il.
« On a fait un gros travail dans les mosquées, où le discours véhiculé est celui d'un islam
apaisé. Mais ce n'est pas ce que recherchent certains jeunes, ça ne les intéresse pas, donc ils
vont sur internet pour avoir des réponses à leurs fantasmes »
, se désole Aslam Timol, représentant de l'île de la Réunion au CFCM.
Pour l'anthropologue du fait religieux Dounia Bouzar, membre de l'Observatoire de la laïcité, « c'est très bien de rassurer, de redire ce qu'est l'islam. Mais les radicaux se fichent pas mal de
ce qu'est l'islam, c'est ça le problème ». « C'est pour ça que j'ai monté une cellule avec des
psychologues: il faut trouver d'autres façons de permettre des sorties de la radicalité »
, ajoute celle qui dirige le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam.
L'experte s'intéresse notamment à l'endoctrinement pratiqué par le groupuscule dit des
« véridiques »
, qui attire en Syrie des jeunes Français, notamment des filles, sous couvert d'engagement
humanitaire.
La radicalité de Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche est d'une autre nature. « Ils n'ont pas
fréquenté de mosquée, on ne peut pas dire que c'est le catéchisme musulman qui a été mal
fait. Mais dans notre inconscient, en Europe, nous sommes tous en train - politiques, médias,
sociologues, musulmans, non-musulmans - de construire une figure du musulman comme
guerrier »
,
déplore l'anthropologue.
« Or on observe une recherche de toute-puissance chez ces hommes sans père ni repère, qui
avaient le sentiment de ne pas avoir de place, n'avaient pas de lien au territoire »,
fait valoir Dounia Bouzar.
« Je pense qu'il faut former les imams afin qu'ils comprennent mieux les processus d'emprise
mentale »
, ajoute-t-elle :
« Je vois chez eux l'envie de se remettre en question dans la façon dont ils enseignent : on
travaille peut-être trop sur l'image du Prophète combattant, pas assez sur le messager de
paix ».
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Les musulmans de France réagissent à la radicalisation de l’Islam en Europe.
Photo principale: Des fidèles devant la Grande Mosquée de Paris, en 2012 © AFP/Archives
Miguel Medina.
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