Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch
–
16 avril 2014 861
atteinte oropharyngée
La sclérose de la muqueuse oropharyngée, des muscles
associés à la mastication et des glandes salivaires, peut
causer une diminution de l’ouverture buccale (atteinte de
la peau péri-orale), des problèmes de mastication ainsi que
des troubles de la déglutition.7 De plus, un syndrome sec
peut toucher jusqu’à 20% des patients sclérodermiques. En
effet, le chevauchement avec le syndrome de Sjögren est
bien documenté et semble être caractérisé par un décours
clinique moins sévère particulièrement au niveau de l’at-
teinte interstitielle pulmonaire. Dans ce contexte, les options
thérapeutiques comprennent des modifications hygiéno-
diététiques avec des aliments mous et l’augmentation des
apports liquidiens, une bonne hygiène buccale avec un
suivi dentaire régulier ainsi que des séances de physiothé-
rapie pour assouplir les tissus mous péri-oraux.
atteinte œsophagienne
L’œsophage est le segment du tube digestif le plus sou-
vent atteint dans la sclérodermie systémique avec une
prévalence de 50 à 80% des patients.8
Les manifestations cliniques les plus typiques sont le
reflux gastro-œsophagien et la dysphagie, mais peuvent
également être non spécifiques comme un pyrosis, des
brûlures rétrosternales ou une toux nocturne. Ces symp-
tômes sont liés à une dysmotilité due principalement à une
hypotonie du sphincter œsophagien inférieur, une réduction
du péristaltisme œsophagien ainsi qu’à un trouble de la
coordination entre l’œsophage distal et le sphincter œso-
phagien inférieur.
Plusieurs moyens diagnostiques existent pour évaluer la
fonction œsophagienne. La manométrie œsophagienne est
l’examen de référence en raison de sa grande sensibilité.
Elle montre en début de maladie une hyperactivité motrice
non coordonnée. En phase avancée, une réduction du pé-
ristaltisme des deux tiers inférieurs de l’œsophage asso-
ciée à une hypotonie du sphincter inférieur de l’œsophage
est mise en évidence.4 L’œsogastroduodénoscopie (OGD)
peut montrer une œsophagite, une sténose œsophagienne,
un œsophage de Barrett (endobrachyœsophage), une can-
didose œsophagienne ou encore mettre en évidence l’exis-
tence de télangiectasies. Le transit baryté peut montrer une
diminution ou une disparition du péristaltisme. Enfin, la
scintigraphie œsophagienne peut révéler une diminution
de la vidange œsophagienne.4
Le traitement de l’atteinte œsophagienne est principa-
lement symptomatique et consiste à traiter le reflux gastro-
œsophagien et ses complications. Il comprend l’adoption
de mesures hygiéno-diététiques, l’introduction d’un traite-
ment par inhibiteurs de la pompe à protons pour la préven-
tion des complications et l’utilisation de prokinétiques (dom-
péridone ou métoclopramide) qui augmentent le tonus du
sphincter inférieur de l’œsophage et accélèrent la vidange
gastrique.9 Si le reflux gastro-œsophagien est incontrôlable
sur le plan médicamenteux, un traitement chirurgical est pos-
sible, le plus souvent par une fundoplicature laparoscopique
selon Nissen.
atteinte gastrique
Les manifestations cliniques sont liées à la dysmotilité
et sont peu spécifiques : nausées, vomissements, douleurs
abdominales, dyspepsie, satiété précoce. Ces symptômes
touchent 50% des patients.4 Il peut également y avoir plus
rarement des hémorragies digestives hautes liées soit à un
ulcère, soit à des ectasies vasculaires (gastric vascular ecta-
sia, GAVE) ou «estomac pastèque» (figure 1).10 L’estomac
pastèque a été décrit pour la première fois en 1989 au cours
de la sclérodermie systémique.4 Bien que discutée, l’asso-
ciation du GAVE avec des anticorps anti-RNA polymérase III
(OR 4,6 ; IC 95% : 1,2-21,1) et un risque accru de crise rénale
sclérodermique (12 vs 2%, p l 0,01) ont été rapportés.11 Les
moyens diagnostiques comprennent la manométrie antrale,
l’électrogastrogramme, la scintigraphie gastrique et l’OGD.
L’électrogastrographie, le plus souvent pratiquée par enre-
gistrement cutané de l’activité électrique qui coordonne le
mouvement des muscles gastriques (pacemaker gastri que),
permet de déterminer si la fréquence est diminuée (moins
de trois mouvements lents par minute) ou augmentée (plus
de trois mouvements lents par minute).
Le traitement de l’atteinte gastrique repose en premier
lieu sur des modifications hygiéno-diététiques (petits repas
fractionnés, pauvres en graisse) et les prokinétiques. L’ap-
proche thérapeutique du GAVE se base sur la cautérisation
des ectasies vasculaires.
atteinte intestinale
La prévalence de l’atteinte de l’intestin grêle est éva-
luée à 40-70% des patients sclérodermiques.4 La dysmoti-
Localisations Manifestations
Oropharyngée • Diminution de l’ouverture buccale
• Problèmes de mastication
• Troubles de la déglutition
• Syndrome sec
Œsophage • Reflux gastro-œsophagien
• Œsophagite secondaire au RGO
• Sténose œsophagienne
• Dysmotilité œsophagienne
• Œsophage de Barret
Estomac • Gastroparésie
• Estomac pastèque ou GAVE
Intestin grêle • Syndrome de malabsorption
• Syndrome de pullulation bactérienne
• Pseudo-occlusions
• Pneumatose kystique intestinale
Côlon • Constipation
• Syndrome occlusif
• Pneumatose kystique colique
Anorectale • Incontinence fécale
• Prolapsus rectal
• Rectum pastèque
Foie et pancréas • Cirrhose biliaire primitive
• Syndrome de Reynolds
• Pancréatite aiguë
• Syndrome de malabsorption
Tableau 1. Manifestations digestives de la scléro-
dermie
RGO : reflux gastro-œsophagien ; GAVE : gastric antral vascular ectasia.
20_23_37830.indd 2 10.04.14 08:32