Synthèse Quelle imagerie dans la sclérodermie systémique ? Y. Allanore* L e diagnostic de sclérodermie systémique est en général assez simple : il repose essentiellement sur l’examen clinique. Exploration d’un syndrome de Raynaud Dans les formes incomplètes ou très précoces, l’étude fine du syndrome de Raynaud peut être nécessaire et une capillaroscopie peut aider au diagnostic de vasculopathie organique, orientant vers une connectivite qui sera souvent une sclérodermie systémique, voire une dermatomyosite. Les signes les plus fréquents au cours de la sclérodermie sys- Figure 1. Capillaroscopie péri-unguéale montrant des méga­ capillaires et, sur le cliché de gauche, une grande plage déserte. Figure 2. Angio-IRM des mains avec mise en évidence de lésions artérielles et défaut de perfusion distale avec troubles trophiques sur l’index du cliché de gauche, correspondant au territoire le plus touché. témique sont la présence concomitante de plages désertes et de mégacapillaires (figure 1). Des séries en cours étudient la valeur prédictive de la capillaroscopie, mais il vient d’être montré que, face à un syndrome de Raynaud, les pertes capillaires étaient particulièrement évocatrices du développement ultérieur d’une sclérodermie systémique (1). Place de l’angio-IRM On développe actuellement l’angio-IRM pour l’étude des vaisseaux distaux de gros calibre dans les mains ; elle permet en effet une analyse des temps artériel, veineux et tissulaire (figure 2) [2]. D’autres méthodes telles que la thermographie, le doppler et le laser sont à l’étude ; elles pourraient permettre d’évaluer l’atteinte vasculaire microcirculatoire et des petits vaisseaux des mains. Atteintes cardiaques et pulmonaires Les complications cardio-pulmonaires font toute la gravité de la sclérodermie et en expliquent la surmortalité. L’hypertension artérielle pulmonaire survient chez 7 à 8 % des malades (3), et l’insuffisance cardiaque chez 5,4 % (4). L’atteinte pulmonaire interstitielle est plus fréquente ; elle touche environ 70 % des malades, mais elle n’est réellement symptomatique et génératrice de syndrome restrictif que chez 10 à 12 % d’entre eux (3). L’évaluation cardio-pulmonaire doit toujours être couplée, car, bien entendu, il existe des interactions entre ces complications. Parmi les marqueurs de première ligne, les peptides natriurétiques semblent apporter une réelle avancée dans l’identification des malades avec une souffrance cardiaque et des modifications de contraintes ventriculaires (5). En cas de perturbations, notamment du NT-pro-BNP, il faut compléter les explorations afin de déterminer le mécanisme en cause et d’envisager les possibilités thérapeutiques. Références bibliographiques 1. Koenig M, Joyal F, Fritzler MJ et al. Autoantibodies and microvascular damage are i n d e p e n d e n t p re d i c t i v e factors for the progression of Raynaud’s phenomenon to systemic sclerosis: a twentyyear prospective study of 586 patients, with validation of proposed criteria for early systemic sclerosis. Arthritis Rheum 2008;58:3902-12. 2. A l l a n o re Y , S e ro r R , Chevrot A, Kahan A, Drapé JL. Hand vascular involvement assessed by magnetic resonance angiography in systemic sclerosis. Arthritis Rheum 2007;56:2747-54. 3. Allanore Y, Avouac J, Kahan A. Systemic sclerosis: an update in 2008. Joint Bone Spine 2008;75:650-5. 4. Allanore Y, Meune C, Vonk MC et al. Prevalence and factors associated with left ventricular dysfunction in the EULAR Scleroderma Trial And Research group (EUSTAR) database of systemic sclerosis patients. Ann Rheum Dis 2009 Mar 10. [Epub ahead of print]. 5. Allanore Y, Wahbi K, Borderie D, Weber S, Kahan A, Meune C. N-terminal brain natriuretic peptide in systemic sclerosis: a new cornerstone of cardiovascular assessment? Ann Rheum Dis 2008 Dec 3. [Epub ahead of print]. * Univ ersité Paris -Descartes , rhumatologie A (hôpital Cochin), et Inserm U 781 (hôpital Necker), Paris. La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 2 au n° 353 - juin 2009 | 3 Synthèse Échographie Le deuxième examen cardiaque de première intention est l’échographie doppler, idéalement associée au doppler tissulaire ; il faut alors bien analyser la fraction d’éjection ventriculaire gauche (dysfonction VG systolique), les pressions de remplissage (dysfonction VG diastolique), l’estimation de pression artérielle pulmonaire, le ventricule droit (figure 3) et le péricarde. Figure 3. Hypertension artérielle pulmonaire : dilatation majeure des cavités cardiaques droites. En cas de suspicion d’hypertension artérielle pulmonaire (figure 3), l’examen de référence reste le cathétérisme droit, car il permet de mesurer directement la pression artérielle pulmonaire et d’en déterminer le mécanisme en mesurant les pressions capillaires. En cas de pressions normales (≤ 12 mmHg), le diagnostic sera une hypertension artérielle pulmonaire précapillaire, justifiant un traitement vasodilatateur, mais, en cas de pressions capillaires augmentées, le diagnostic sera celui d’une forme postcapillaire, donc d’origine cardiaque, et essentiellement par dysfonction diastolique. Dans ce dernier cas, l’élévation de la pression artérielle pulmonaire est une adaptation physiologique et il est délétère de tenter de la faire baisser ; le traitement consiste alors plutôt en petites doses de diurétiques. Les critères de réalisation d’un cathétérisme cardiaque ne font pas l’objet d’un consensus, mais des valeurs de pression artérielle pulmonaire systolique supérieures à 40 mmHg, une altération très profonde (< 50 %) de la diffusion du monoxyde de carbone ou une dyspnée inexpliquée ont été retenus dans différents travaux. IRM cardiaque A B C Figure 4. Apport de l’IRM pour l’évaluation cardiaque des malades sclérodermiques avec visualisation de lésions ischémiques (A), d’une myocardite (B) et de lésions fibreuses sur des temps tardifs (C). En cas de suspicion d’atteinte myocardique primitive touchant le ventricule gauche, ou, parfois le ventricule droit, l’IRM nucléaire peut aider à l’évaluation cardiaque. Cet examen sera très discriminant pour mettre en évidence des atteintes ischémiques microcirculatoires (figure 4A), une éventuelle myocardite (figure 4B) [plutôt rencontrée dans les formes de chevauchement ou associée à une myosite], voire des lésions fibrosantes (figure 4C). Tomodensitométrie thoracique Figure 5. Pneumopathie infiltrante diffuse très sévère, avec atteinte très étendue comportant des images en rayon de miel et des bronchectasies. 4 | La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 2 au n° 353 - juin 2009 L’atteinte parenchymateuse pulmonaire doit être étudiée par scanner en haute résolution en coupes millimétriques. Les principaux éléments radio­ logiques des pneumopathies infiltrantes diffuses sont les suivants : ▶▶ les opacités en verre dépoli (augmentation de la densité pulmonaire n’effaçant pas les contours des vaisseaux pulmonaires et des parois bronchiques), qui peuvent traduire une alvéolite ou un épaississement du tissu interstitiel alvéolaire, considérées par beaucoup comme un stade débutant ; ▶▶ les opacités réticulaires, qui traduisent l’épaississement du tissu interstitiel interlobulaire ; Synthèse ▶▶ les images kystiques et microkystiques souspleurales, réalisant un aspect en “rayons de miel” (figure 5) ; ▶▶ les opacités micronodulaires interstitielles ou linéaires (lignes au sein du parenchyme pulmonaire) ; ▶▶ l’irrégularité des interfaces (irrégularité et distorsion des scissures, de la plèvre viscérale, des gaines péribronchovasculaires) ; ▶▶ des bronchectasies de traction, souvent présentes au cours de la sclérodermie systémique (figure 5). Le retentissement des lésions est évalué grâce aux tests fonctionnels pulmonaires, avec la recherche d’un syndrome restrictif et de troubles de la diffusion du monoxyde de carbone. Ce dernier point peut refléter l’atteinte capillaire, et il semble que la mesure du rapport ­DLCO/­volume alvéolaire permette de mieux analyser la composante vasculaire. La mesure des gaz du sang peut être utile, mais ce sont surtout les tests d’effort qui se développent. Si le test de marche de 6 minutes paraît fortement biaisé par l’­atteinte systémique (articulaire, musculaire, fatigue générale…), la mesure de la désaturation à l’effort semble, quant à elle, importante. A B Figure 6. Calcinose du pouce : le scanner 3D révèle l’envahissement des gaines tendineuses. Autres atteintes L’atteinte de l’appareil locomoteur nécessite aussi des examens d’imagerie ; les radiographies standard, voire l’IRM, peuvent aider à l’évaluation ostéo-articulaire, voire musculaire. La calcinose est une complication parfois sévère et souvent déroutante de cette maladie ; le scanner avec reconstruction peut aider à son évaluation, notamment si une chirurgie est envisagée (figure 6). ■ Ah, que c’était beau Chicago !… D. Lœuille* C omme chaque année, le congrès de la Société américaine de radiologie, la RSNA (Radiological Society of North America), a eu lieu à Chicago. Du 30 novembre au 5 décembre 2008, la “cité des Vents” a été la “Mecque” de la radiologie internationale réunissant 35 000 participants dans un ballet parfaitement réglé ! ▶▶ Dans l’arthrose, Roemer et al. ont montré en IRM sur 347 genoux explorés à J0 et à 30 mois, que la présence d’un épanchement et d’une synovite à l’inclusion est le seul paramètre IRM associé à une chondrolyse rapide en analyse multivariée (OR = 5,79 ; IC95 : 2,49-13,45). Les lésions méniscales sont incriminées dans les deux types de perte de cartilage lente et rapide (1). ▶▶ Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), Esched et al. ont étudié en IRM les lésions élémentaires (synovites ténosynovites et érosion) aux mains et aux poignets, qui seraient prédictives du diagnostic de PR. Une population de 95 patients, souffrant soit de rhumatismes indifférencés soit de polyarthrites suspectées sans lésion érosive radiographique, est étudiée en IRM à J0. Le diagnostic de certitude est établi par le rhumatologue référent à partir d’un suivi effectué entre 6 et 42 mois. Les ténosynovites des tendons fléchisseurs sont les seuls paramètres IRM associés au diagnostic de PR précoce avec une sensibilité de 60,3 % et une spécificité de 73,4 %. La sensibilité augmente à 78,9 % lorsque l’analyse est faite avec les anti-CCP tandis que la spécificité reste identique (2). ■ congrès RÉUNION * Service de rhumatologie, Vandœuvre-lès-Nancy. Références bibliographiques 1. Roemer FW. Guermazi A, Lynch JA, Crema MD, Marra MD, Zhang Y. MRI – detected fast tibiofemoral cazrtilage loss during a 30- months interval and its association with baseline risk factors: the most study. Radiology 2008:298. 2. Esched I, Tel Hashomer I, Feist E, Bachaus M, Konen E. Tenosynovitis of the flexor tendons of the hand detected by MRI: ana indicator for early Rheumatoid arthritis. Radiology 2008:296. La Lettre du Rhumatologue • Suppl. 2 au n° 353 - juin 2009 | 5