Rapport Principes d’économie financière et évaluation des régimes de retraite au Canada Groupe de travail sur l’économie financière Septembre 2006 Document 206102 This document is available in English © 2006 Institut canadien des actuaires Note de service À: Tous les Fellows, affiliés, associés et correspondants de l’Institut canadien des actuaires De : Robert Stapleford, président Groupe de travail sur l’économie financière Date : Le 20 septembre 2006 Objet : Principes d’économie financière et évaluation des régimes de retraite au Canada Le Groupe de travail sur l’économie financière a déposé son rapport final à l’occasion de la réunion du Conseil d’administration de l’ICA, le 28 juin 2006. Ce rapport renferme des documents sur l’application de l’économie financière à l’assurance-vie et aux régimes de retraite à prestations déterminées. Le présent sommaire résume les principales questions soulevées dans les deux documents qui seront remis aux membres de l’ICA. Régimes de retraite à prestations déterminées Le groupe de travail appuie l’adoption des principes financiers dans le cadre de l’évaluation du passif des régimes à prestations déterminées. Le groupe de travail, dans le cadre de sa réflexion, a pris en compte un facteur clé, à savoir que les employés offrent leurs services dans l’attente de recevoir les prestations de retraite promises. Il faut reconnaître la valeur de cette promesse avec un degré élevé de certitude et la déterminer en ayant recours à des rendements d’instruments à revenu fixe de grande qualité avec attente minimale de perte de crédit. Selon nous, cette position est conforme aux attentes des participants et des organismes de réglementation. Cette position comporte les répercussions suivantes : • L’évaluation du passif des régimes à la liquidation doit occuper une place plus importante dans les travaux d’évaluation. Le rôle de l’évaluation classique des régimes sur une base de continuité deviendrait un budget à cotisations à long terme servant à reconnaître le besoin de calculs du provisionnement plus stables que ceux qui découleraient d’un régime en liquidation. • Le provisionnement des régimes de retraite serait axé sur la position de liquidation et serait assorti de périodes d’amortissement prévues par règlement afin d’atteindre le provisionnement intégral sur une base de liquidation en cas de déficit. • La base de calcul des valeurs de transfert des rentes adoptée en février 2005 englobe les principes de marché de l’économie financière, notamment le recours à des rendements à long terme pour les instruments à revenu fixe de grande qualité. Cette norme est actuellement à l’étude. Le rapport du groupe de travail appuie l’application soutenue de ces principes pour déterminer les valeurs de transfert. • L’adoption de principes financiers est rendue plus difficile par le traitement asymétrique de l’excédent; ainsi, le preneur de risque financier n’est pas nécessairement le bénéficiaire d’un gain éventuel. L’ICA doit poursuivre ses efforts auprès des intervenants des régimes de retraite pour établir une approche plus constante en matière de prise de risques et d’utilisation des excédents, et de fixation de marges à l’instar du montant mini mal permanent requis pour le capital et l’excédent (MMPRCE) en assurance-vie. Assurance-vie Le document traite de diverses méthodes de calcul des réserves qui sont fondées sur les principes d’efficience du marché en économie financière. Ces méthodes ne seraient pas conformes au cadre de comptabilité en vigueur au Canada (les principes comptables généralement reconnus (PCGR)) ni permises en vertu de celui-ci. Le groupe de travail a appuyé le principe fondamental à savoir que le passif d’assurance doit être évalué en toute indépendance des investissements sous-jacents. Cette position n’est pas conforme aux méthodes actuelles d’évaluation du passif d’assurance-vie au Canada. Dans sa démarche, le groupe de travail a sondé plusieurs actuaires qui ont joué un rôle important dans l’élaboration de nouvelles normes comptables internationales proposées en assurance-vie. Bon nombre de questions abordées par le groupe de travail sont examinées à l’échelle mondiale. Les changements apportés aux normes comptables devraient être appliqués d’ici trois à cinq ans. Même si les normes d’évaluation canadiennes doivent être modifiées à l’adoption des nouvelles normes internationales, il serait prématuré de les implanter avant l’adoption de ces dernières. En conséquence, le groupe de travail n’a pas proposé de modifier la méthode de calcul du passif d’assurance canadien. Il a encouragé l’ICA à prévoir l’adoption des normes internationales qui devraient appliquer les principes de l’économie financière. L’adoption de ces principes entraînera vraisemblablement des changements parallèles au mode de calcul du MMPRCE. Au moment de l’élaboration de ce rapport, les membres du Groupe de travail sur l’économie financière étaient John Duralia, Steven Easson, John Gilfoyle, Vivek Gupta, Larry Miller, William Moore, Robert Stapleford (président) et Phillip Watson. RS Rapport 1. Septembre 2006 INTRODUCTION La Commission des rapports financiers des régimes de retraite a demandé au Groupe de travail sur l’économie financière (GTEF) d’examiner quatre enjeux touchant l’évaluation des régimes de retraite dans le contexte des principes relatifs à l’économie financière, tout particulièrement : 1. le traitement de la prime du risque des capitaux propres; 2. le recours à des techniques de lissage; 3. l’uniformité des valeurs de l’actif et du passif; 4. la divulgation de l’état de provisionnement. Le présent rapport résume les points de vue du GTEF au sujet de ces quatre enjeux. Les conséquences éventuelles de l’économie financière sur l’évaluation des régimes de retraite et l’investissement sont plus étendues que ne le laissent entrevoir les points de vue que nous partageons au sujet de ces enjeux. Cependant, le présent rapport se limite à ces quatre enjeux. 2. L’ENTENTE DE RÉGIME DE RETRAITE L’interprétation et les points de vue des membres du GTEF dans le présent rapport découlent de la prémisse selon laquelle le provisionnement préalable des régimes de retraite repose fondamentalement sur la sécurité des prestations promises. Les régimes de retraite à prestations déterminées constituent une composante de la rémunération des services courants offerts à l’employeur — mais reportée et payable sous forme de rente viagère à la retraite. Au Canada, la notion de régime de retraite à prestations déterminées a évolué au point où elle est maintenant considérée de nature purement contractuelle. À tout le moins, nous croyons que les organismes de réglementation et le public partagent ce point de vue. Selon toute vraisemblance, le public s’attend que notre profession fasse en sorte que les promesses prises à l’égard des régimes de retraite soient respectées. Par conséquent, nous estimons que l’élément fondamental au plan de la politique publique consiste à assurer la suffisance de l’actif pour garantir le versement de toutes les prestations prévues, y compris les prestations à verser en cas de cessation de régime. À notre avis, le rôle de la profession actuarielle consiste à orienter et à éclairer le processus. Dans notre rapport, nous notons que les normes actuarielles n’ont peut-être pas suffisamment évolué pour tenir entièrement compte des ententes actuelles en matière de régime de retraite ou pour s’adapter aux principes applicables de l’économie financière. 3. LA PRIME DU RISQUE DES CAPITAUX PROPRES En vertu de la pratique actuarielle conventionnelle appliquée aux évaluations de régime de retraite, l’actuaire doit déterminer la meilleure estimation possible du rendement futur prévu de l’actif d’un régime de retraite. Il utilise ensuite cette estimation, en lui appliquant ou non une marge pour écarts défavorables, afin d’actualiser les flux monétaires futurs du régime dans le but de déterminer le passif actuariel. Le calcul de ce rendement prévu englobe l’estimation du taux de rendement prévu des répartitions en titres à revenu fixe et en actions de l’actif du régime. Le rendement prévu de la 4 Rapport Septembre 2006 proportion investie en actions serait généralement perçu comme le rendement de l’actif à long terme dénué de risque, majoré d’une provision pour la prime du risque des capitaux propres prévue. La prime du risque des capitaux propres représente la récompense supplémentaire qu’exige l’investisseur pour accepter la volatilité et le risque de saisie qui accompagnent la propriété de titres de participation. En effet, le rendement supplémentaire prévu des actifs à risque équivaut à la valeur du risque pris en charge. La pratique actuarielle conventionnelle appliquée aux évaluations des régimes de retraite et à la comptabilité de ces régimes consiste à anticiper la prime des capitaux propres, mais en général, le risque pris en charge n’est pas évalué en entier. Les économistes financiers1 notent plusieurs infractions au titre des principes de l’économie financière qui découlent de l’anticipation de la prime du risque des capitaux propres prévue : • le transfert du risque aux générations futures; • la sous-tarification des régimes de retraite dans les décisions relatives à la rémunération; • les décisions d’investissement biaisées; • la dissimulation du risque par lissage; • l’amortissement de l’impact financier des gains ou pertes. Dans le présent document, nous abordons certaines de ces infractions dans le contexte de la pratique actuarielle canadienne relative aux régimes de retraite. Évaluation de la solvabilité2 La prime du risque des capitaux propres ne constitue pas un facteur déterminant dans le calcul du passif de solvabilité (c.-à-d. le passif de liquidation), comme le définissent actuellement les lois et règlements. Cependant, lorsqu’une partie de l’actif d’un régime de retraite est investie sur les marchés boursiers3, la volatilité des valeurs marchandes influe sur l’ampleur de la marge ou sur la provision pour écarts défavorables (PED) qui devrait être ajoutée au passif de solvabilité pour obtenir le niveau de sécurité souhaité. L’ampleur de la prime du risque des capitaux propres constitue également un paramètre pertinent des modèles stochastiques qui seraient utilisés pour déterminer la PED. Nous avons accès à des données historiques sur les niveaux et la volatilité de la prime du risque des capitaux propres, mais les économistes financiers nous rappellent que l’ampleur de cette prime ne peut être connue à l’avance. Par conséquent, il n’est pas possible de calculer avec précision la distribution de fréquence des positions de solvabilité future. 1 Voir Bader and Gold, Reinventing Pension Actuarial Science, 2003 Par « évaluation de solvabilité », on entend une valeur de liquidation lorsque toutes les prestations à verser par le régime sont constatées et que les actifs sont détenus à leur valeur de liquidation. 3 Le GTEF n’a pas analysé les répercussions de l’investissement dans des titres de participation par régimes de retraite du point de vue des actionnaires. Nonobstant la validité des propositions de non-pertinence de Modigliani et Miller, nous croyons que la plupart des promoteurs d’un régime de retraite continueront d’investir une partie importante de l’actif de régime sur les marchés boursiers dans un avenir prévisible, uniquement parce que l’offre d’actifs sans risque est insuffisante. 2 5 Rapport Septembre 2006 Il est vraisemblablement impossible dans le contexte actuel4 de justifier l’ajout d’une PED au passif de solvabilité lorsque les fonds d’un régime sont investis dans des actifs comportant des risques. Cependant, si la sécurité des prestations acquises constitue le principal motif de provisionnement du régime de retraite, il serait nécessaire d’établir une PED axée sur les risques, ou une réserve d’urgence, qui serait ajoutée au passif de solvabilité tenant compte du non-appariement de l’actif et du passif de solvabilité, de même que des risques opérationnels5. À notre avis, il incombe principalement au législateur/aux organismes de réglementation de déterminer le niveau de certitude qui doit être appliqué aux prestations de retraite promises. Si notre prémisse au sujet des prestations promises s’avère correcte, pourquoi alors les prestations acquises promises seraient-elles moins sûres qu’un contrat de rente acheté à un assureur canadien? La démonstration de solvabilité axée sur les risques imposée actuellement aux assureurs-vie canadiens pourrait constituer un modèle convenable pour le provisionnement des régimes de retraite. Nous appuyons la divulgation de l’ampleur du risque engendré par l’investissement de l’actif de régime de retraite dans des investissements à risque à titre de mesure provisoire. Cette divulgation doit vraisemblablement constituer une exigence du rapport actuariel et comprendre davantage qu’une description de vive voix des divers risques. Les promoteurs de régimes de retraite de plus grande taille commandent périodiquement des études stochastiques portant sur l’actif et le passif. Ces études sont facilement adaptées pour produire des évaluations de probabilité des déficits de solvabilité futurs. L’ICA pourrait aider les promoteurs de régimes de moindre envergure et leur actuaire en préparant des données sur la divulgation des risques à titre de fonction de répartition de l’actif et de l’état de provisionnement de régimes types. Évaluation en continuité Les économistes financiers font la preuve que le provisionnement préalable du passif futur d’un régime de retraite dans une caisse à l’abri de l’impôt favorise nettement les actionnaires. Par conséquent, dans un contexte où les employeurs ne se préoccupent pas des fuites de l’excédent, bon nombre envisageraient d’établir des provisions supérieures au seuil de solvabilité. À notre avis, il s’agit d’un exercice de budgétisation visant à gérer la demande future de cotisations au comptant pour le régime de retraite. Une évaluation en continuité serait habituellement effectuée pour orienter une politique de provisionnement à long terme. Compte tenu de la nature de ces cotisations budgétisées ou discrétionnaires, nous croyons que l’actuaire n’est nullement justifié de ne pas tenir compte de la prime du risque des capitaux propres prévue pour calculer le passif sur une base de continuité de la même façon qu’il tiendrait compte d’autres paramètres « prévus ». Cependant, la pratique 4 Les problèmes de propriété de l’excédent doivent être réglés et des changements doivent être apportés à la Loi de l’impôt sur le revenu avant qu’il soit possible d’imposer ce niveau de provisionnement aux promoteurs de régime. Il faudrait prévoir une période de transition suffisante pour éviter des répercussions excessives sur les flux monétaires de certaines sociétés. 5 Le GTEF n’a pas examiné le niveau correct de la prime du risque des capitaux propres qui doit être appliqué au calcul de la PED, le niveau de certitude que devrait engendrer la marge ou la période au cours de laquelle la PED doit engendrer le niveau souhaité de certitude. 6 Rapport Septembre 2006 actuarielle conventionnelle a évolué au point où, pour bon nombre de régimes de retraite, le passif de solvabilité dépasse le passif sur base de continuité. Pour nombre de régimes de retraite privés à employeur unique, cette situation a découlé de l’intention de minimiser les exigences de provisionnement pour réduire la probabilité d’excédents qui pourraient être compromis à l’avenir. Au cours de cycles économiques antérieurs, le taux d’actualisation utilisé dans des évaluations en continuité était généralement du même ordre de grandeur, ou même moins important, que le taux de rendement des obligations à long terme sans risque. Par conséquent, le passif sur base de continuité dépassait le passif de solvabilité, et une marge pour écarts défavorables était ajoutée implicitement à la pratique. De nos jours, le taux d’actualisation dépasse généralement de 200 points de base le rendement sans risque, et la marge entre le passif sur base de continuité et le passif de solvabilité est en grande partie disparue pour bien des régimes. Les actuaires prévoient une place plus importante pour la prime du risque des capitaux propres dans les évaluations actuelles. Ainsi, les participants à des régimes de retraite ont été exposés à un plus grand risque. La divulgation de l’état de provisionnement par rapport à l’évaluation en continuité en vertu d’un taux d’actualisation sans risque révèlerait le niveau du risque ou une anticipation des primes de risque des capitaux propres futures, comprises dans les évaluations conventionnelles en continuité. Autres évaluations en continuité Le GTEF a tenu compte de quatre autres situations où l’on peut demander à l’actuaire de calculer un passif actuariel ou des cotisations pour provisionner le passif d’un régime de retraite d’après des évaluations en continuité, notamment : • l’évaluation de régimes de retraite du secteur public; • l’établissement des coûts relatifs à la bonification des prestations, avec ou sans négociation syndicale; • le transfert du passif entre des régimes de retraite; • l’évaluation de régimes interentreprises. La prise en compte de la prime du risque des capitaux propres dans le taux d’actualisation des évaluations de régime de retraite exécutées en continuité (lorsque l’actif du régime est partiellement investi sur les marchés boursiers) produit une constatation préalable et engendre un crédit à l’égard du rendement supplémentaire prévu, mais n’accorde aucune valeur au risque supplémentaire découlant de l’investissement sur les marchés boursiers. Cette pratique donne les résultats suivants : • dans les évaluations des régimes de retraite du secteur public, le risque est transféré de la génération actuelle de contribuables aux générations futures. Les contribuables et les participants de la génération actuelle profitent de l’avantage certain de cotisations moins élevées. Les générations futures assument le risque que la prime du risque des capitaux propres ne sera pas versée ou que les niveaux de cotisation seront volatils. En outre, le risque financier pour les intervenants futurs est accru lorsque les générations antérieures utilisent l’excédent (souvent transitoire) pour accroître les prestations ou réduire les cotisations; 7 Rapport Septembre 2006 • la valeur économique d’une bonification des prestations, qu’elle soit ou non négociée, doit être établie à l’aide d’un taux d’actualisation obtenu à partir d’un portefeuille d’actifs à risque réduit. Toute autre démarche sous-évalue au plan économique les prestations additionnelles futures. Le bénéficiaire des prestations supplémentaires profite de la certitude de la prestation, mais le payeur doit en assumer le risque financier; • les actifs sont couramment transférés entre des régimes de retraite à la suite de fusions ou d’acquisitions d’entreprises. La pratique conventionnelle consiste à transférer des actifs déterminés en fonction du passif actuariel sur base de continuité — habituellement évalués à l’aide d’un taux d’actualisation qui tient compte du rendement prévu de l’actif du régime. Cette pratique a pour effet de transférer le risque de l’employeur cédant (qui obtient le crédit du rendement prévu intégral) à l’employeur prenant (qui doit assumer le risque financier, mais qui n’a reçu qu’une partie de la valeur de l’actif sans risque); • les régimes interentreprises se caractérisent par des cotisations fixes (à moins/jusqu’à ce qu’elles soient négociées à la hausse) et une structure de prestation fixée à un niveau qui peut être pris en charge par le niveau des cotisations. Si la structure de prestation est déterminée en fonction du rendement prévu de l’actif du régime, la génération actuelle de participants obtient la certitude d’une prestation, tandis qu’une génération future assume le risque que la prime du risque des capitaux propres ne soit pas versée et que les prestations futures acquises soient inférieures. Ces infractions aux principes de l’économie financière sont comprises et acceptées par un nombre croissant de nos clients, professionnels financiers et maîtres à penser au sein de la profession actuarielle. Dans ce contexte, nous appuyons la divulgation du passif actuariel déterminé sans risque6, quel que soit la façon de calculer le transfert des actifs, les niveaux de cotisation ou les structures de prestation. Excédent des régimes de retraite Le traitement conventionnel de l’excédent des régimes de retraite dans la loi et en vertu des décisions judiciaires représente également une infraction aux principes de l’économie financière. Les récompenses offertes aux actionnaires de régime de retraite sont parfois expropriées par les participants. Si l’on oblige les promoteurs à provisionner un niveau minimal du passif de solvabilité, majoré d’une marge (que ce soit en vertu de la loi ou des normes actuarielles), la situation posera problème à moins que le traitement de l’excédent ne soit rationalisé. Une telle rationalisation tiendrait probablement compte de la notion du sens commun, à savoir que le preneur de risque doit être le détenteur de l’excédent. Peut-être devons-nous fournir une précision quant à la signification de l’expression « excédent ». Pour un régime de retraite actif, il n’y a excédent que si les fonds du régime sont investis dans des actifs sans risque et que la valeur marchande de l’actif est supérieure à celle du passif déterminée sur base de continuité. Les économistes financiers 6 Nous reconnaissons qu’il est en général impossible de déterminer un passif sans risque parce que l’actif immunisateur exact n’est pas disponible. Il conviendrait peut-être davantage d’utiliser l’expression « minimisé en fonction des risques ». 8 Rapport Septembre 2006 soutiendraient que l’excédent n’en est pas un à moins que l’actuaire évalue la prime de risque des capitaux propres prévue et le risque lié à l’investissement dans l’actif à risque. La pratique conventionnelle qui consiste à justifier l’existence d’un excédent d’après l’évaluation en continuité d’un régime provisionné à l’aide d’actifs à risque est reconnue comme une infraction aux principes de l’économie financière. La notion conventionnelle d’excédent relève davantage d’un écart de budgétisation. La divulgation de l’excédent ou du déficit déterminé sur la base d’absence de risque serait conforme à notre mandat d’orienter et d’informer. Répercussions pour la comptabilité du coût des régimes de retraite La profession comptable a établi des règles comptables qui englobent les principes de l’économie financière pour le taux d’actualisation utilisé afin de déterminer le passif des régimes de retraite. Le rendement AA des obligations de société représente une approximation du taux d’actualisation sans risque modifié pour tenir compte du risque de crédit de la société « moyenne ». Toutefois, ces mêmes règles précisent que le taux de rendement prévu de l’actif du régime doit être intégré aux charges du régime de retraite de l’exercice. En principe, le montant intégral de la prime de risque des capitaux propres prévue est pris en compte au cours de l’exercice même si elle n’a pas encore été acquise. Le risque inhérent à l’investissement dans des titres de participation est reporté aux périodes comptables futures. En outre, lorsque des écarts par rapport au rendement prévu sont enregistrés, leurs répercussions sont encore une fois reportées à l’aide de mécanismes de lissage. Ces deux pratiques enfreignent les principes de l’économie financière. Nous craignons que la profession actuarielle porte atteinte à sa crédibilité si elle n’appuie pas le passage de la comptabilité d’évaluation à la valeur du marché et à la transparence intégrale. Parmi les objectifs secondaires du présent document, nous notons que les règles comptables actuelles précisent que le passif des régimes de retraite doit être déterminé sur une base de continuité et reconnaître sans détour l’impact financier des hausses salariales futures prévues. Il s’agit d’un problème que doit régler la profession comptable, mais les économistes financiers soutiennent que la constatation du passif supplémentaire des régimes de retraite pour tenir compte des hausses salariales futures prévues dans les comptes actuels d’une société n’est pas conforme aux principes de l’économie financière. Il convient de souligner que ce point de vue est appuyé par l’observation selon laquelle aucun élément de passif n’est conservé pour tenir compte des hausses de rémunération prévues. 4. RECOURS À DES TECHNIQUES DE LISSAGE Les actuaires déterminent couramment la valeur actuarielle de l’actif d’un régime comme étant la moyenne des valeurs marchandes antérieures, c’est-à-dire une valeur lissée. Le recours à ces techniques a pour effet de reporter la constatation d’une partie de la fluctuation de la valeur marchande actuelle et passée à des dates d’évaluation futures. Cette pratique appuie l’effort bien intentionné de lisser les cotisations obligatoires. Cependant, elle comporte des conséquences malheureuses, notamment elle obscurcit la 9 Rapport Septembre 2006 valeur marchande de l’actif d’un régime7 et donne l’impression que l’actuaire connaît davantage la valeur marchande réelle que les marchés financiers. Si le lissage des cotisations obligatoires constitue un objectif souhaitable, nous croyons qu’il conviendrait d’utiliser un mécanisme de lissage intégré dans le calcul du passif. L’actif doit toujours être déclaré à sa valeur marchande. 5. CONSTANCE DES ÉVALUATIONS DE L’ACTIF ET DU PASSIF Selon un principe de longue date de la pratique actuarielle relative aux régimes de retraite, l’actif et le passif doivent être évalués de façon constante. Ce point de vue a probablement évolué depuis le temps où la valeur de l’actif d’un régime correspondait à la valeur actualisée des capitaux futurs, de l’intérêt et des dividendes, d’après le taux d’actualisation du passif. Selon l’économie financière, la valeur d’un élément d’actif correspond à la valeur marchande du portefeuille d’actif qui reproduit les obligations du passif. La valeur de l’actif correspond sans équivoque à la valeur marchande de l’actif déterminé sur les marchés financiers. Par ailleurs, la pratique actuarielle conventionnelle tend vers la constance en déclarant une valeur d’actif lissée et en déterminant le passif sur base de continuité à l’aide d’un taux d’actualisation qui est fonction du rendement prévu de l’actif du régime. Du point de vue de l’économie financière, ces deux valeurs actuarielles sont inconvenantes et ne sont donc pas constantes. 6. DIVULGATION La transparence et la divulgation sont des valeurs essentielles de marchés financiers efficients. Les sociétés sont maintenant exploitées de façon de plus en plus rigoureuse et selon des exigences de divulgation plus serrées. À notre avis, les rapports et la divulgation des régimes de retraite ne sauraient être exonérés de ces initiatives de transparence. Plus particulièrement, nous préconisons la divulgation de l’état de provisionnement fondé sur la relation entre la valeur marchande de l’actif et le passif à base de continuité établi sans risque. La divulgation de la solvabilité doit comprendre une évaluation du risque assumé par les participants à l’égard du non-appariement de l’actif et du passif, et de tous les risques opérationnels. 7. RÉSUMÉ Si notre prémisse au sujet des prestations promises s’avère correcte, le passif des régimes constitue une dette pour la compagnie et les actionnaires. Les exposés effectués récemment par des analystes financiers et des organismes de notation du crédit confirment leur point de vue, à savoir que le passif des régimes de retraite constitue une dette pour l’entreprise — ou est au moins « apparenté à une dette ». En pareil cas, il est difficile de soutenir que les principes de l’économie financière ne s’appliquent pas à l’évaluation des régimes de retraite à prestations déterminées. 7 Il s’agit particulièrement d’un problème dans un marché en régression où la valeur actuarielle dépasse la valeur marchande réelle. 10 Rapport Septembre 2006 Il est probable que la dichotomie entre l’économie financière et la pratique actuarielle conventionnelle découle en grande partie du fait que : • l’entente relative aux régimes de retraite a évolué et est passée des « meilleurs efforts » (un contexte où l’économie financière a peu à offrir) vers une promesse contractuelle de rémunération reportée (où le passif des régimes de retraite est une dette pour l’entreprise); • les incertitudes engendrées par la propriété de l’excédent ont fait en sorte que bon nombre de promoteurs de régimes de retraite privés ont adopté la politique de provisionnement minimal. La pratique actuarielle conventionnelle fait en sorte que la mesure du passif sur base de continuité représente une fonction de la répartition de l’actif du régime. Cette situation a engendré un résultat pervers, soit que l’ampleur du passif sur base de continuité diminue à mesure que le régime accepte davantage d’actifs à risque. Les économistes financiers définissent un passif comme une valeur marchande de l’actif de réplication — la valeur du passif économique est indépendante du type d’actif détenu dans le régime. Le passif de solvabilité prévu par la loi, dans la plupart des instances canadiennes, a quelque peu constitué un filet de sécurité. Pourtant, les pratiques de provisionnement minimales jumelées à des répartitions élevées en actions, ont entraîné d’importants déficits de solvabilité pour bon nombre de régimes et exposé de nombreux employeurs au risque de perdre une partie des droits à pension acquis. Pour bon nombre de régimes du secteur public et de régimes interentreprises, le problème ne se situe pas au niveau de la solvabilité mais plutôt à celui de l’affectation du coût et du risque aux générations actuelles et futures d’employés et d’employeurs, ou de contribuables. Pourtant, bon nombre de ces types de régime sont évalués essentiellement à l’aide des mêmes hypothèses économiques que celles actuellement appliquées aux régimes de retraite du secteur privé à employeur unique. Par conséquent, les évaluations actuarielles autorisées par nos normes actuelles se traduiront par d’importants transferts de risque entre les générations. Les actuaires font partie d’une profession qui cherche à « voir au-delà du risque ». Nous pouvons maintenant profiter de l’occasion pour concentrer une plus grande partie de notre activité sur l’analyse et la divulgation des risques attachés à l’investissement d’actifs de régime de pension dans des éléments à risque pour les principaux intervenants. L’analyse des risques financiers constitue une importante croisée de l’économie financière et des disciplines actuarielles. En général, les actuaires possèdent les compétences et la formation requises pour évaluer les risques qui se rattachent à la pratique actuarielle conventionnelle des régimes de retraite. À l’avenir, nous pourrons utiliser nos compétences pour trouver des façons d’atténuer certains risques financiers. À court terme, notre profession doit demander aux organismes de réglementation d’éliminer le traitement asymétrique de la propriété de l’excédent des régimes de retraite dans la mesure où l’actionnaire assume sans détour le risque financier. L’analyse et la divulgation intégrales des risques assumés par les employés et les actionnaires à l’égard des normes de provisionnement actuelles constituent une étape qui permettra d’accélérer ce processus. 11