Chapitre 8 : Coagulation, anticoagulation et hémostase

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PAC 5
•
Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 08
COAGULATION, ANTICOAGULATION
ET HEMOSTASE
EN CHIRURGIE CARDIAQUE
Mises à jour : Janvier 2017
Table des matières
Introduction
Physiopathologie de l’hémostase
Cascade de la coagulation
Voie cellulaire
Systèmes régulateurs
Inflammation et complément
Hypercoagulabilité périopératoire
Les anticoagulants
Anti-thrombine indirects, héparines
Agents anti-thrombine directs
Agents anti-Xa directs
Agents anti-vitamine K
Antiplaquettaires et statines
Monitorage
Thrombocytopénie (HIT)
Chirurgie sous anticoagulants
3
4
5
6
14
17
20
24
28
33
35
40
41
43
46
51
Définition des risques
Gestion périopératoire
Antagonisme
Substitution
Coagulation en chirurgie cardiaque
Traitement préopératoire
Tests peropératoires (POC)
Coagulopathie peropératoire
Hémothérapie peropératoire
Epargne sanguine et transfusion
Normalisation des plaquettes
Facteurs de coagulation
Agents antifibrinolytiques
Thérapie anti-inflammatoire
Aspects techniques CEC
Conclusions
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
51
56
63
69
74
74
78
86
99
100
104
107
115
118
121
123
1
Auteurs
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Maître d’enseignement et de recherche, Faculté
de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne (UNIL), CH 1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV),
CH - 1011 Lausanne
Carlo MARCUCCI
Responsable
de
l’Anesthésie
Cardiovasculaire,
Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV),
CH - 1011 Lausanne
Former Assistant Professor of Anesthesiology, Duke University,
Durham (USA)
Lectures conseillées
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11 :693-703
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Recommandations
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"Rivaroxaban in Anesthesiology". Directives de la Société Suisse d'Anesthésie et de Réanimation (www.sgar-ssar.ch). Janvier
2017 (Directives: Rivaroxaban SSAR)
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Directives de la Société Suisse d'Anesthésie et de Réanimation (www.sgar-ssar.ch). Novembre 2009 (Directives: Fondaparinux
SSAR)
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
2
Introduction
Une certaine maîtrise des problèmes de la coagulation, de l’anticoagulation et de l’hémostase est
nécessaire à l’anesthésiste pour gérer correctement une opération de chirurgie cardiaque, parce que
toute utilisation de circuits extracorporels implique d’anticoaguler le patient, et parce que toute
chirurgie déclenche une réaction d’hypercoagulabilité et un syndrome inflammatoire qui sont
proportionnels au stress physiologique de l’intervention. De plus, nombreux sont les patients qui sont
sous anticoagulants ou antiplaquettaires en préopératoire, aussi bien en chirurgie cardiaque qu’en
chirurgie non-cardiaque.
Ce chapitre est un exposé succinct des données utiles au clinicien pour comprendre les phénomènes
coagulatoires et pour maîtriser les problèmes liés à l’anticoagulation, en chirurgie cardiaque comme en
chirurgie générale. Il est directement lié à quatre autres chapitres de cet ouvrage:




Chapitre 07: la circulation extracorporelle (Chapitre 7);
Chapitre 21: les coagulopathies congénitales et acquises (Maladies hématologiques) ;
Chapitre 28: l’épargne sanguine et la transfusion (Chapitre 28).
Chapitre 29: les antiplaquettaires (Chapitre 29)
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
3
Physiopathologie de l’hémostase
Un rappel succinct des phénomènes physiologiques de la coagulation est utile à la compréhension de
l’anticoagulation, obligatoire pour tous les circuits extracorporels, et à la prise en charge des malades
souffrant de coagulopathies, que ce soit en chirurgie cardiaque ou en chirurgie non-cardiaque, en soins
intensifs ou au déchocage.
La coagulation dans l’évolution animale
Les invertébrés les plus développés possèdent déjà un système simple pour assurer l’hémostase. Chez
les crabes, par exemple, une lésion vasculaire provoque l’agrégation des hémocytes circulants et la
formation d’un gel protéique (coaguline) obtenu par clivage d’une protéine circulante (coagulogène)
sous l’effet d’une protéase sérique (coagulase localisée dans les granules des hémocytes) [3]. On
retrouve là un schéma simplifié mais identique à celui de la cascade de la coagulation telle qu’on la
connaît chez les mammifères. Il est rendu nécessaire parce que le sang est devenu le principal
transporteur d’oxygène (ce qui n’est pas le cas chez les insectes, par exemple) et parce que la pression
artérielle est plus élevée (40-60 mmHg) chez les invertébrés supérieurs (crabes, poulpes) ; il est donc
impératif de colmater rapidement les brèches de l’arbre vasculaire.
Les ancêtres des vertébrés sont les chordés (voir Annexe C, page 3), qui sont actuellement représentés
par des poissons primitifs dont sont issues les lamproies, apparues il y a 450 millions d’années. Ces
animaux possèdent déjà une cascade coagulatoire pratiquement identique à celle des mammifères. Ce
système s’est donc mis en place dès la bifurcation entre les invertébrés et les vertébrés, durant la
période de – 550 à – 450 millions d’années. Il consiste en une chaîne d’activations successives de
facteurs qui circulent dans le plasma à l’état inactivé et soluble, mais qui peuvent donner naissance à
de la fibrine lorsqu’une rupture endothéliale entraîne l’agrégation de plaquettes au niveau de la lésion.
Cette réaction doit rester localisée à la zone pathologique afin d’en assurer l’imperméabilité, ce qui est
impératif à cause de la pression artérielle élevée (60 à 150 mmHg), mais elle ne doit pas se disséminer
dans tout l’arbre vasculaire. Un certain nombre d’éléments empêche le sang de coaguler inopinément
[1].
 Un courant sanguin laminaire.
 Un endothélium intact.
 Un excès relatif de substances antiplaquettaires et anticoagulatoires sécrétées par
l’endothélium; presque chacune des étapes de la coagulation possède sont inhibiteur
plasmatique.
 Des facteurs de la coagulation circulant à l’état inactif et soluble.
 La nécessité d’un stimulus local pour déclencher la coagulation.
 Le développement de la cascade coagulatoire uniquement sur des surfaces cellulaires
adéquates (plaquettes).
 La présence de protéases sériques capables de dégrader des facteurs activés qui se seraient
échappés dans la circulation générale.
Tout ce système complexe fonctionne sur un équilibre dynamique entre agents procoagulants et agents
anticoagulants.
Références
1
3
ADAMS RLC, BIRD RJ. Review article: Coagulation cascade and therapeutic update: Relevance to nephrology. Part I: Overview
of coagulation, thrombophilia and history of anticoagulants. Nephrol 2009; 14:462-70
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
4
Cascade de la coagulation
Le concept d’une cascade de réactions successives dans laquelle chaque élément devient l’enzyme ou
le cofacteur nécessaire à la réaction suivante date de 1964 [1]. Il a permis d’éclaircir l’enchaînement
des étapes qui ont lieu dans un tube in vitro. Il est basé sur l’existence d’une voie intrinsèque,
purement sérique, et d’une voie extrinsèque initiée par une lésion endothéliale. Ces deux voies se
rejoignent en une voie commune pour aboutir à la formation de fibrine. De manière simplifiée, les
réactions sont les suivantes (Figure 8.1).
Voie intrinsèque
XII
Tests:
TTPa
TP
XIIa
XI
Voie extrinsèque
XIa
IX
IXa
+
VIIIa
VIII
X
V
Voie
commune
VII
VIIa
+
FT
Xa
+
Va
II
Prothrombine
Lésion
X
Ca
2+
Fibrinogène
IIa
Thrombine
Fibrine
© Chassot 2013
Figure 8.1: Cascade de la coagulation dans sa représentation classique. Elle ne tient compte que des facteurs
sériques tels qu’ils peuvent être testés in vitro, mais est très utile pour comprendre l’utilité des différents tests de
coagulation. Elle est répartie en voie intrinsèque, purement sérique, et en voie extrinsèque, initiée par une lésion
endothéliale. Ces deux voies se rejoignent en une voie commune au niveau du facteur Xa (FXa). La plupart des
facteurs forment une cascade enzymatique, alors que les facteurs V et VIII sont des cofacteurs pour les facteurs
X et IX respectivement. TTPa: temps de thromboplastine activé (aPTTt actvated partial thromboplastin
time); évalue la voie intrinsèque et la voie commune. TP: temps de prothrombine; évalue la voie extrinsèque et
la voie commune. FT: facteur tissulaire [2,3].
 Voie intrinsèque: l’activation du facteur XII (facteur Hageman) en F XIIa conduit à celle du
facteur XI puis du facteur IX; associé au facteur VIIIa, ce dernier active le facteur X. Ce
facteur Xa est au centre de la cascade, à la jonction des trois voies.
 Voie extrinsèque: le facteur tissulaire (FT) est un élément déclencheur qui se trouve dans des
tissus (fibrocytes, collagène) normalement extérieurs à l’endothélium vasculaire et protégés du
sang par celui-ci; il active le facteur VIIa et fonctionne comme son récepteur.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
5
 Voie commune: le facteur Va est le cofacteur du facteur Xa; ensemble, ils forment le
complexe prothrombinase qui va transformer la prothrombine (facteur II) en thrombine
(facteur IIa). Cette dernière est l’élément final qui transforme le fibrinogène soluble en un gel
de fibrine.
Le temps de thromboplastine activé (aPTT, activated partial thromboplastin time) reflète le
fonctionnement des éléments de la voie intrinsèque et de la voie commune, alors que le temps de
prothrombine (TP) traduit celui de la voie extrinsèque et de la voie commune. Les deux voies
intrinsèque et extrinsèque ne sont pas indépendantes l’une de l’autre et ne peuvent pas se remplacer
l’une l’autre lorsqu’un facteur est insuffisant, comme lors de déficience en facteur IX (voie
intrinsèque) ou en facteur VII (voie extrinsèque). Le complexe FT-FVIIa peut activer aussi bien le
facteur X que le facteur IX, mais il ne peut pas compenser un manque en complexe IXa/VIIIa [181].
Bien qu’elle explique correctement la coagulation in vitro, cette cascade n’est pas appropriée à la
situation in vivo, dans laquelle les thrombocytes et l’endothélium jouent un rôle capital.
Cascade de la coagulation
La cascade de la coagulation illustre un enchaînement de facteurs sériques s’activant les uns les
autres in vitro. Elle comprend une voie intrinsèque, purement sérique, et une voie extrinsèque, dont
l’origine est une lésion tissulaire. Ces deux voies convergent vers une voie commune aboutissant à la
formation de thrombine et à la transformation de fibrinogène en fibrine. Le PTT reflète le
fonctionnement des éléments de la voie intrinsèque et de la voie commune, alors que le TP traduit
celui de la voie extrinsèque et de la voie commune. Cette cascade explique bien les évènements qui
ont lieu dans le sang isolé à l’intérieur d’un tube, mais elle rend mal compte de ce qui se passe à
l’intérieur d’un vaisseau.
Références
1
2
3
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HOFFMAN M, MONROE DM. A cell-based model of hemostasis. Thromb Haemost 2001; 85:958-65
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Voie cellulaire
Une nouvelle conception a vu le jour il y a une quinzaine d’années, basée sur le rôle prépondérant des
éléments cellulaires [3,5]. Elle permet de mieux comprendre comment la coagulation reste localisée au
vaisseau lésé sans se répandre instantanément dans tout l’arbre vasculaire. Elle est basée sur le rôle
déclencheur du facteur tissulaire (FT) mis à nu par une lésion endothéliale et sur celui du complexe
FT/VIIa ancré à une cellule pariétale normalement abritée du courant sanguin par l’endothélium [4].
Elle implique deux types de cellules:
 La cellule tissulaire porteuse du FT (fibrocytes, myocytes, lipocyte, mononucléaire,
macrophage, collagène);
 Le thrombocyte circulant, qui offre une surface phospholipique chargée négativement pour
l’ancrage des facteurs de la coagulation.
La voie cellulaire comprend trois phases se recoupant partiellement: l’initiation, l’amplification et la
propagation.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
6
Initiation
Le contact entre deux types de cellules normalement séparées, les cellules sous-endothéliales et les
thrombocytes, est la clef qui amorce le démarrage de la coagulation. Les cellules porteuses du FT
entrent en relation avec les éléments sanguins lors d’une lésion endothéliale (traumatisme, rupture de
plaque instable). Le FT, une glycoprotéine transmembranaire de 47’000 Da, active le facteur VII
(FVIIa), qui lui adhère immédiatement. Ce complexe FT/VIIa active à son tour les facteurs IX (FIXa)
et X (FXa). Ce dernier s’associe à son cofacteur, le facteur Va, qu’il a lui-même activé; le calcium
(Ca2+) est requis pour cette séquence. L’ensemble Va/Xa forme le complexe prothrombinase, fixé à la
cellule pariétale porteuse du FT. Ce complexe déclenche la transformation de la prothrombine (facteur
II) en thrombine (facteur IIa) (Figure 8.2). Cette phase dure 5-7 minutes.
Fibrocytes, myocytes
Collagène
Endothélium
X
IX
VII
VIIa
Lésion
FT
II
Xa
IXa
VIIa
FT
V
Xa
VIIa
FT
V
IIa
Thrombine
(minime
quantité)
Va
a
Lésion
© Chassot 2013
Figure 8.2: Phase d’initiation. Les cellules porteuses du facteur tissulaire (FT) sont mises au contact du sang lors
d’une lésion endothéliale (traumatisme, rupture de plaque instable). Le FT active le facteur VII (fVIIa), qui lui
adhère immédiatement. Ce complexe TF/VIIa active à son tour les facteurs IX (fIXa) et X (fXa). Ce dernier
s’associe à son cofacteur, le facteur Va, qu’il a lui-même activé. L’ensemble Va/Xa forme le complexe
prothrombinase, fixé à la cellule pariétale. Ce complexe déclenche la transformation de la prothrombine (facteur
II) en thrombine (facteur IIa), en quantité encore minime pendant cette phase.
A ce stade, la thrombine apparaît en quantités minimes (concentration picomolaire) et ne conduit pas à
la formation d’un caillot, car les thrombocytes, le facteur VIII et le facteur von Willebrand ne sont pas
encore activés. Ils circulent dans le sang sous forme soluble et inactive. L’enchaînement décrit
jusqu’ici reste localisé au niveau de la lésion endothéliale. Les molécules de facteur Xa qui
s’échappent dans le courant sanguin sont rapidement inhibées par l’antithrombine (AT III), alors que
le facteur IXa est bloqué beaucoup plus lentement par l’AT III. La prolifération du complexe FT/VIIa
est limitée par son inhibiteur circulant (TFPI, tissue factor pathway inhibitor) (voir Systèmes
régulateurs).
Amplification
La phase d’amplification se déroule à la surface des plaquettes. Elle ne commence que lorsque la
lésion vasculaire est suffisante pour que les plaquettes soient activées et que le facteur von Willebrand
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
7
franchisse la barrière endothéliale et adhère aux cellules porteuses de FT. La petite quantité de
thrombine formée pendant la phase d’initiation a plusieurs fonctions (Figure 8.3) [3,5].
Fibrocytes, myocytes
Collagène
Endothélium
VIIIa
+
FvW
Plaquette
Pl activée V
XIa
PAR1
Va
Xa
VIII-FvW
XI
Ampl
X
IX
VII
V
II
FT
Xa
IXa
VIIa
Xa
FT
VIIa
FT
VIIa
Va
Va
IIa
Thrombine
(grande
quantité)
Endothélium
Fibrocytes, myocytes
Lésion
Lésion
© Chassot 2013
Figure 8.3: Phase d’amplification. La petite quantité de thrombine formée pendant la phase d’initiation a
plusieurs fonctions: 1) activation de plaquettes par stimulation de leurs récepteurs à la thrombine (PAR1); 2)
activation du facteur V des thrombocytes; le fVa se lie au fXa produit localement pour former un complexe
prothrombinase (Va/Xa); 3) activation du facteur XI des plaquettes (XIa); 4) dissociation du complexe circulant
formé par le facteur VIII et le facteur von Willebrand (VIII/FvW). La présence de complexe prothrombinase
(Va/Xa) à la surface des plaquettes crée un système amplificateur (Ampl), puisqu’il transforme la prothrombine
(fII) en thrombine (fIIa), elle-même à l’origine de l’activation plaquettaire. FT: facteur tissulaire.
 Activation des plaquettes par stimulation de leurs récepteurs à la thrombine (PAR-1, proteaseactivated receptor-1); elles changent de forme et développent des spicules.
 Activation du facteur V des thrombocytes, dont la forme activée (Va) apparaît à leur surface;
le FVa se lie au FXa produit localement pour former un complexe prothrombinase (Va/Xa).
 Activation du facteur XI des plaquettes (XIa).
 Dissociation du complexe circulant formé par le facteur VIII et le facteur von Willebrand
(VIII/FvW); le FvW, également présent dans les tissus sous-endothéliaux, permet l’adhésion
de la plaquette sur le site de la lésion vasculaire par son récepteur GP Ib/V/IX. Le facteur
VIIIa reste lié à la surface plaquettaire.
La présence de complexe prothrombinase (Va/Xa) à la surface des plaquettes crée un système
amplificateur, puisqu’il transforme la prothrombine en thrombine, elle-même à l’origine de
l’activation plaquettaire. Cette rétro-action positive augmente exponentiellement le nombre de
plaquettes activées au niveau de la lésion vasculaire. La présence de calcium (Ca2+) est requise pour
que le complexe prothrombinase (Va/Xa) convertisse la prothrombine en thrombine. La position
centrale du facteur Xa comme déclencheur de l’amplification explique l’impact qu’ont sur la
coagulation les substances qui l’inhibent directement, comme le rivaroxaban ou l’apixaban.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
8
Propagation
La phase de propagation est caractérisée par la formation de fibrine et par l’installation d’un caillot au
niveau de la lésion endothéliale. Elle a lieu à la surface des plaquettes (Figure 8.4) [3,5].
Fibrocytes, myocytes
Collagène
Endothélium
X
VIIIa
+
FvW
Plaquette
IXa
VIIIa
Pl activée V
XIa
PAR1
Va
Xa
Xa
VIII-FvW
XI
Ampl
X
IX
VII
V
II
FT
Xa
IXa
VIIa
Xa
FT
VIIa
FT
VIIa
Va
Va Ca
IIa
2+
Thrombine
(quantité
massive)
Endothélium
Fibrocytes, myocytes
Lésion
Lésion
© Chassot 2013
Figure 8.4: Phase de propagation, caractérisée par la formation de fibrine et par l’installation d’un caillot au
niveau de la lésion endothéliale. Elle a lieu à la surface des plaquettes: 1) liaison du facteur IXa produit pendant
la phase d’initiation, avec le facteur VIIIa dissocié du facteur von Willebrand (complexe IXa/VIIIa ou complexe
ténase); 2) production de davantage de facteur Xa par le complexe IXa/VIIIa; 3) liaison du facteur Xa avec le
facteur Va plaquettaire et formation de complexe prothrombinase Va/Xa en présence de Ca2+; 4) le facteur XIa
favorise la formation de facteur IXa à la surface des thrombocytes, ce qui va augmenter l’apparition de facteur
Xa; ce dernier a une place centrale dans la coagulaiton. Le résultat de cette activité est une flambée dans la
production de thrombine (thrombin burst), assez puissante pour déclencher la transformation massive de
fibrinogène en fibrine.
 Liaison du facteur IXa produit pendant la phase d’initiation, avec le facteur VIIIa dissocié du
facteur von Willebrand; ce complexe IXa/VIIIa (complexe ténase) est situé à la surface des
plaquettes.
 Production de davantage de facteur Xa par le complexe IXa/VIIIa.
 Liaison du facteur Xa avec le facteur Va plaquettaire et formation de complexe
prothrombinase Va/Xa.
 Le rôle du facteur XIa est de favoriser la formation de facteur IXa à la surface des
thrombocytes, ce qui va augmenter l’apparition de facteur Xa.
Il existe donc plusieurs boucles rétroactives positives. Le résultat de cette activité est une flambée dans
la production de thrombine (thrombin burst), assez puissante pour déclencher la transformation
massive de fibrinogène en fibrine. La plaquette est l’élément central de cette phase, car elle seule offre
la surface adéquate et le positionnement requis pour forger les complexes ténase et prothrombinase. La
fixation des plaquettes activées et agréguées au niveau de la lésion endothéliale survient en parallèle à
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
9
la stimulation de la chaîne coagulatoire. La condition essentielle pour que ce système fonctionne est la
présence d’une quantité suffisante de fibrinogène et de plaquettes.
La thrombine produite en masse clive les molécules de fibrinogène en monomères de fibrine qui vont
spontanément polymériser en un gel agglutinant les thrombocytes (uncross-linked fibrin). Chaque
molécule de thrombine peut activer 1'000 molécules de fibrinogène. Le degré de stabilité finale de
l’ensemble thrombocytes-fibrine, qui détermine la qualité de l’hémostase et la fin du saignement,
dépend des conditions locales: pH, température, concentration de calcium (Ca2+), quantité de
thrombine, de plaquettes, de fibrinogène et de facteur XIII [6]. C’est le facteur XIII activé par la
thrombine et le Ca2+ (XIIIa) qui assure l’essentiel de cette stabilité (Figure 8.5). Il crée des ponts entre
les éléments de fibrine (cross-linked fibrin) et les rigidifie [2]. Un second facteur de stabilisation est
l’inhibiteur de la fibrinolyse activé par la thrombine (TAFIa, thrombin-activated fibrinolysis inhibitor),
qui réduit les points d’attache pour la plasmine. Ces deux facteurs protègent le thrombus de la
fibrinolyse.
Fibrocytes, myocytes
Collagène
Endothélium
Fibrinogène
F
TAFI
Thrombine
IIa
Pl activée
Fibrine
Thrombine
(production
IIa
locale
mais massive)
TAFIa
GP2b/3a
F
FXIII
GP2b/3a
Pl activée
FXIIIa
Pl activée
GP2b/3a
F
GP2b/3a
Plaquette
activée
GPIb/V/IX
FT
FvW
GP2b/3a
F
GP2b/3a
Plaquette
activée
GPIb/V/IX
FvW
Endothélium
Fibrocytes, myocytes
Lésion
Lésion
© Chassot 2013
Figure 8.5: Formation de fibrine. Les plaquettes activées, fixées au niveau de la lésion endothéliale par le
facteur von Willebrand (FvW) lié au récepteur GP Ib/V/IX, offrent son support mécanique à la chaîne
coagulatoire. Elles sont agréguées par le lien entre leurs récepteurs GP IIb/IIIa et le fibrinogène (F). La
thrombine (IIa) produite en masse clive les molécules de fibrinogène en monomères de fibrine qui vont
spontanément polymériser en un gel agglutinant les thrombocytes (uncross-linked fibrin), dont le facteur XIIIa
activé par la thrombine assure la stabilité; il crée des ponts entre les éléments de fibrine (cross-linked fibrin) et
les rigidifie. Un second facteur de stabilisation est l’inhibiteur de la fibrinolyse activé par la thrombine (TAFIa,
thrombin-activated fibrinolysis inhibitor), qui réduit les points d’attache pour la plasmine.
Plaquettes
Les plaquettes et les molécules de fibrinogène circulent de manière fluide dans le courant sanguin tant
que l’endothélium est intact. Une rupture dans la continuité de ce dernier, qu’elle soit due à une brèche
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vasculaire ou à une rupture de plaque athéromateuse instable, met en contact avec le flux sanguin des
éléments normalement camouflés dans la paroi du vaisseau : collagène, facteur von Willebrand
(FvW), macrophages, lipides, etc. Ce phénomène va déclencher l’activation plaquettaire, qui procède
en trois phases (Figure 8.6) [1].
Figure 8.6 A : Les plaquettes et les
molécules de fibrinogène (F) circulent
fluidement dans le courant sanguin
tant que l’endothélium est intact. Le
récepteur GP Ib/V/IX rest inactivé ; le
facteur von Willebrand est à l’intérieur
de la paroi vasculaire. Le sang n’a
aucun contact avec les éléments sousendothéliaux tels le collagène ou les
lipides.
Collagène
Endothélium
F
b
Plaquette
GPIb/V/IX
von Willebrand
Collagène
Endothélium
TXA2
ADP
Activation
Plaquette
F
Plaq*
GPIb/V/IX
von Willebrand
i
b
Collagène
Endothélium
TXA2
ADP
Activation
Plaquette
GPIb/V/IX
von Willebrand
Plaq*
F
i
b
Figure 8.6 B : Lorsque survient une
lésion endothéliale, les plaquettes
entrent en contact avec les lipides,
avec le collagène et avec le facteur
von Willebrand, ce qui active le
récepteur GP Ib/V/IX et provoque une
dégranulation
plaquettaire ;
la
libération de thromboxane A2 (TXA2)
et d’ADP active les plaquettes, qui
adhèrent à l’endothélium lésé. Les
plaquettes activées (Plaq*) développent des spicules typiques.
Figure 8.6 C : La stimulation des
récepteurs correspondants par la TXA2
et l’ADP active le récepteur GP
IIb/IIIa plaquettaire qui se lie alors au
fibrinogène circulant. Les molécules
de fibrinogène forment des ponts entre
plusieurs plaquettes et la chaîne ainsi
formée amorce le bouchon plaquettaire
(thrombus blanc).
© Chassot 2013
Figure 8.6 : Activation des plaquettes et formation d’un thrombus plaquettaire (thrombus blanc) lors de lésion
endothéliale mettant à nu le collagène normalement recouverts d’endothélium : plaquettes et facteurs inactivés
(8.6 A), phase d’initiation (8.6 B) et phase d’extension (8.6 C). Les agents antiplaquettaires (aspirine,
clopidogrel, etc) agissent en bloquant la phase d’activation (ou initiation) des plaquettes. Plaq* : plaquette
activée.
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 Phase d’initiation, pendant laquelle les plaquettes adhèrent à la lésion ; le facteur von
Willebrand est un des éléments principaux qui fixent la plaquette à la lésion vasculaire ;
 Phase d’extension, caractérisée par un recrutement et une agrégation d’autres plaquettes ; il se
forme un thrombus blanc (plaquettes liées entre elles par des molécules de fibrinogène) ;
 Phase de perpétuation, marquée par la stabilisation du thrombus au moyen de la fibrine
(thrombus rouge).
Lorsque survient une lésion endothéliale, les plaquettes entrent en contact avec le collagène et avec le
facteur von Willebrand. La rencontre entre les structures sous-endothéliales et les thrombocytes
circulants active spécifiquement le récepteur GP Ib/V/IX et provoque une dégranulation
plaquettaire qui libère de la thromboxane A2 (TXA2 ), de l’adénosine-diphosphate (ADP) et de la
thrombine. Ces substances stimulent à leur tour les récepteurs correspondants de chaque plaquette et
ceux des thrombocytes voisins ; elles amplifient ainsi la réaction par recrutement de nouveaux
éléments [7]. Les plaquettes activées changent de forme et développent des spicules typiques.
La stimulation des récepteurs plaquettaires par la TXA2, l’ADP et la thrombine transmet un signal
intracellulaire qui conduit à une hausse du Ca2+ ionisé sarcoplasmique et à une baisse de la production
d’AMP cyclique (cAMP) ; ce phénomène active les quelques milliers de complexes GP IIb/IIIa situés
à la surface de chaque plaquette. Une fois activés, ces derniers se lient au fibrinogène circulant. Cette
liaison forme des ponts entre plusieurs plaquettes et devient la colle qui agglutine les thrombocytes
entre eux. La chaîne ainsi formée amorce le bouchon plaquettaire, squelette du futur caillot.
Lorsqu’elles sont stimulées, les plaquettes libèrent des agents activateurs de la coagulation (TXA2,
ADP, sérotonine, thrombine) dont certains sont aussi des vasoconstricteurs locaux (TXA2, sérotonine),
alors que l’endothélium sécrète des substances qui freinent l’activité plaquettaire et ont un effet
vasodilatateur : le NO• (baisse du Ca2+ ionisé intracellulaire), la prostacycline PGI2 (augmentation du
cAMP, modulation de la réponse au TXA2) et l’ecto-ADPase (suppression de la phase de recrutement
plaquettaire).
Terminaison
Le caillottage doit rester limité à la zone de la lésion et ne pas se disséminer à tout l’arbre vasculaire.
Plusieurs systèmes empêchent cette diffusion (voir Systèmes régulateurs) (Figure 8.7).
 La thrombine est rapidement inactivée par l’antithrombine III (ATIII) et par la
thrombomoduline (TM);
 Le complexe TM-thrombine active la protéine C qui bloque les facteurs Va et VIIIa;
 Le complexe FT/VIIa est limité par son inhibiteur circulant (TFPI, tissue factor pathway
inhibitor) qui inhibe rapidement tout complexe circulant en-dehors de la zone lésée.
A plus long terme, la fibrinolyse assure la dégradation progressive des amas de fibrine et la résorbtion
du thrombus.
Triade de Virchow
La triade de Virchow (Rudolf Virchow, 1821-1902) résume les trois éléments en jeu dans la
thrombose: la paroi vasculaire, le sang et le flux sanguin. La thrombose artérielle et la thrombose
veineuse n’ont pas la même genèse et sont rarement simultanées [8].
 Thrombose artérielle: elle est associée à une rupture de plaque athéromateuse qui met au
contact du sang des éléments normalement abrités par l’endothélium: facteur tissulaire,
collagène, macrophage, lipocytes, lipides. Le thrombus mural, initialement formé de
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plaquettes, crée une sténose qui provoque des forces de cisaillement (shear stress) et des
turbulences, potentiellement génératrices de davantage de thrombus.
 Thrombose veineuse: typiquement associée à une hypercoagulabilité, elle est liée à une
activité procoagulante de l’endothélium suite à une stimulation inflammatoire; le
ralentissement du flux sanguin y est un élément capital.
Fibrocytes, myocytes
Collagène
Thrombomoduline
Endothélium
TM
Prot C
tPA
Kallicréine
Prot Ca
Inhibition
GP2b/3a
Plaquette
activée
GP2b/3a
F
Xa
GP2b/3a
Plaquette
activée
TFPI
VIIa
IIa
IIa
Thrombine
AT III
Plasminogène
Plasmine
PGI2
NO
GPIb/V/IX
FT
IIa
XIIa
F
VIIIa
TM
Thrombomoduline
AT, TM
TFPI
FvW
Endothélium
Fibrocytes, myocytes
Lésion
Lésion
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Figure 8.7: Limitation. Plusieurs systèmes empêchent la diffusion de la coagulation: 1) la thrombomoduline
(TM) endothéliale inhibe la thrombine circulante; 2) le complexe TM-thrombine active la protéine C (Prot Ca)
qui bloque les facteurs Va et VIIIa; 3) l’antithrombine III (AT III) inactive rapidement la thrombine et plus
lentement le facteur IXa; 4) la prolifération du complexe FT/VIIa est limitée par son inhibiteur circulant (TFPI,
tissue factor pathway inhibitor); 5) la fibrinolyse assure la dégradation progressive des amas de fibrine et la
résorbtion du thrombus; elle est assurée par la plasmine issue du plasminogène sous l’action de la kallikréine, du
facteur XIIa et de l’activateur endothélial (tPA, tissue plasmin activator). PG: prostaglandine.
Références
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Voie cellulaire de la coagulation
La coagulation se déroule en 3 phases (initiation, amplification et propagation) qui se développent à
la surface de deux types de cellules :
- Cellules extravasculaires normalement isolée par l’endothélium (fibrocytes, macrophages)
- Plaquettes circulantes activées
1 - La lésion endothéliale met des cellules porteuses du facteur tissulaire (FT) au contact du sang. La
chaîne de la coagulation est activée (initiation) :
- Formation de complexe FT/FVIIa (voie extrinsèque)
- Activation du facteur X en F Xa
- Formation de complexe Xa/Va (complexe prothrombinase)
- Transformation de la prothrombine (facteur II) en thrombine (F IIa) (quantité minime)
2 - La petite quantité de thrombine formée a plusieurs effets (amplification) :
- Activation de plaquettes
- Libération de F VIIIa (à partir de complexe avec le facteur von Willebrand)
- Activation de facteur V plaquettaire en F Va et de F IX en F IXa
- Formation de complexe Xa/Va (complexe prothrombinase)
- Rétroaction positive sur la transformation de F II en F IIa (thrombine) (grande quantité)
3 - La thrombine est produite en masse ; elle transforme le fibrinogène en fibrine, qui forme un
caillot avec les plaquettes (propagation) :
- Formation de complexe IXa/VIIIa (voie intrinsèque)
- Formation de davantage de complexe Xa/Va (complexe prothrombinase)
- Rétroaction positive avec formation massive de F Xa et de thrombine
- Clivage du fibrinogène en fibrine, qui polymérise et forme un gel englobant les plaquettes
L’agrégation des plaquettes procède également en 3 phases :
- Adhésion à la lésion vasculaire par les récepteurs GP Ib/V/IX
- Recrutement de plaquettes et agrégation par liaison entre le récepteur GB IIb/IIIa et les
molécules de fibrinogène (thrombus blanc)
- Stabilisation par la fibrine (thrombus rouge)
Systèmes régulateurs
Il est capital que la réaction coagulatoire ne s’emballe pas. Elle doit rester localisée à l’endroit de la
lésion vasculaire afin de stopper l’hémorragie, mais ne doit en aucun cas provoquer des thromboses
intempestives disséminées dans tout l’arbre vasculaire. Plusieurs mécanismes permettent ce contrôle
(voir Figure 8.7).





La fibrinolyse;
Les inhibiteurs circulants;
L’activité endocrine des plaquettes;
L’endothélium vasculaire sain;
La contrainte pour la chaîne coagulatoire de se dérouler à la surface de plaquettes activées par
la lésion endothéliale.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Fibrinolyse
Une fois l’hémostase réalisée et la paroi vasculaire étanche, le thrombus doit disparaître. La
fibrinolyse consiste en un clivage de la fibrine en fragments sans activité coagulatoire (D-dimères).
Elle est réalisée par la plasmine, transformée à partir du plasminogène circulant par deux déclencheurs
principaux [1].
 L’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA, tissue plasminogen activator), synthétisé dans
l’endothélium vasculaire en réponse au thrombus et à la stase;
 L’activateur sérique du plasminogène, ou urokinase (u-PA, urokinase plasminogen activator),
activé à partir de la pro-urokinase par la plasmine, le facteur XIIa et la kallikréine ; il se
rencontre en plus grande quantité dans le système urinaire.
La fibrinolyse est également contrôlée par deux systèmes freinateurs: des inhibiteurs de l’activation du
plasminogène (plasminogen activator inhibitors PAI-1 et PAI-2), et l’inhibiteur de la fibrinolyse activé
par la thrombine (TAFI, thrombin-activated fibrinolysis inhibitor) qui réduit les points d’attache pour
la plasmine.
La fibrinolyse peut elle aussi déraper et devenir excessive, au point que la plasmine dégrade également
le fibrinogène. Elle est donc régulée par un inhibiteur de ses activateurs spécifiques. Dans les cas
cliniques, elle peut être freinée par des agents antifibrinolytiques comme l’aprotinine, l’acide
tranexamique ou l’acide ε-aminocaproïque. L’acide tranexamique et l’acide ε-aminocaproïque se
fixent sur la lysine du plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine. L’aprotinine est un
inhibiteur non spécifique des protéases, qui bloque directement la plasmine. En chirurgie cardiaque,
ces substances diminuent les pertes sanguines de 30% et les reprises pour hémostase de 60% [2,6].
Inhibiteurs
Comme on l’a déjà mentionné, plusieurs mécanismes associés à la cascade coagulatoire jouent un rôle
capital pour limiter l’extension du caillot. Lorsqu’ils s’échappent dans la circulation, les facteurs de
coagulation sont ainsi rapidement maîtrisés [1,5,7].
 La prolifération du complexe FT/VIIa en-dehors de la lésion endothéliale est limitée par son
inhibiteur circulant (TFPI, tissue factor pathway inhibitor), essentiellement produit par
l’endothélium; il inhibe rapidement tout complexe s’échappant en-dehors de la zone lésée.
 La thrombomoduline (TM) endothéliale inhibe la thrombine.
 Le complexe TM-thrombine active la protéine C et la protéine S qui bloquent les facteurs Va
et VIIIa.
 L’antithrombine III (AT III) inactive rapidement la thrombine et le facteur Xa, plus lentement
les facteurs IXa, XIa et XIIa; elle est responsable de plus de la moitié de l’effet inhibiteur
total. L’héparine agit comme un cofacteur le l’AT III et rend la réaction inhibitrice de la
thrombine 2’000 fois plus active.
 La thrombine en excès est liée à la fibrine qui vient de se former (antithrombine I).
 Le facteur VIIIa est instable et se dissocie spontanément.
Endothélium
L’endothélium est une couche cellulaire extrêmement active qui possède un rôle crucial dans la
protection contre les thromboses. L’endothélium sécrète des substances qui freinent la coagulation et
modifient la perfusion locale.
 Inhibiteur du complexe FT/VIIa (TFPI, tissue factor pathway inhibitor).
 Activateur tissulaire de la plasmine (tPA): activation de la fibrinolyse.
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 Thrombomoduline : inhibition des facteurs IIa (thrombine) et Xa.
 Récepteur de la protéine C : inhibition des facteurs Va et VIIIa.
 NO•: principal agent vasodilatateur distal (baisse du Ca2+ ionisé intracellulaire), inhibition de
l’agrégation plaquettaire.
 Prostacycline PGI2: augmentation du cAMP, diminution de l’agrégation plaquettaire.
 Ecto-ADPase: suppression de la phase de recrutement plaquettaire.
 Endothéline: vasconstricteur puissant, dont la sécrétion est stimulée par la thrombine,
l'angiotensine II, l'adrénaline et la vasopressine.
Un endothélium malade réagit de manière pathologique. Lors de réaction inflammatoire majeure ou
d’athéromatose, par exemple, la balance physiologique entre les effets du NO• et ceux de l’endothéline
sont modifiés au profit d'une vasocontriction et d’une stimulation plaquettaire [9]. Ainsi, des stimuli
qui entraînent normalement une vasodilatation (hypoxie, exercice et augmentation de la demande en
O2, par exemple) peuvent conduire à une vascoconstriction et à une augmentation de l’adhésivité
plaquettaire dans des vaisseaux artériosclérotiques. Dans certaines situations anormales, l’endothélium
peut exprimer le facteur tissulaire (FT), et de ce fait devenir un déclencheur de la coagulation. C’est le
cas dans l’exposition à certains lipopolysaccharides bactériens (sepsis), aux cytokines inflammatoires
ou au LDL oxydé [1]. Par ailleurs, le FT est un composant majeur des plaques athéromateuses [8].
Plaquettes
Lorsqu’elles sont stimulées, les plaquettes libèrent des agents activateurs de la coagulation (TXA2,
ADP, sérotonine, thrombine) dont certains sont aussi des vasoconstricteurs locaux (TXA2, sérotonine),
alors que l’endothélium sécrète des substances qui freinent l’activité plaquettaire et ont un effet
vasodilatateur : NO•, prostacycline PGI2 et ecto-ADPase. La situation peut évoluer de deux manières
différentes [4].
 Prédominance des agents vasodilatateurs et inhibiteurs des plaquettes : résolution spontanée
du thrombus ; la circulation est rétablie, mais la cicatrisation et la fibrose de la plaque
athéromateuse accroissent progressivement sa taille.
 Prédominance des agents vasoconstricteurs et stimulateurs des plaquettes comme le stress, la
fumée ou l’inflammation : recrutement massif de thrombocytes et de facteurs de coagulation ;
le thrombus devient occlusif et provoque une ischémie ou une nécrose distale.
L’activité endocrine opposée des plaquettes et de l’endothélium maintient un équilibre dynamique au
niveau artériolaire. Mais certaines situations sont accompagnées d’une excitabilité plaquettaire
exagérée : obésité, tabagisme, hyperlipidémie, hypercholestérolémie, hypertension artérielle,
vieillissement, diabète, insuffisance rénale [3]. La balance penche alors en faveur de la thrombose.
Systèmes régulateurs de la coagulation
Plusieurs mécanismes permettent à la coagulation de rester cantonnée à l’endroit de la lésion
vasculaire sans risque de dissémination :
- Fibrinolyse : clivage de la fibrine par la plasmine
- Inhibiteurs circulants : anti-thrombine (AT III), thrombomoduline (inhibiteur de thrombine)
inhibiteur du complexe FT/VIIa
- Dissociation spontanée : facteur VIIIa
- Endothélium (action inhibitrice) : inhibition du complexe FT/VIIa, activation de plasmine,
sécrétion de NO, de prostacycline PGI2, d’endothéline
- Présence obligatoire de plaquettes : seule des plaquettes activées et localement fixées
offrent une surface adéquate pour le déroulement de la cascade coagulatoire
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Références
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Inflammation et complément
L’inflammation est une réaction de défense de l’organisme contre un envahisseur. C’est un système
complexe et redondant, qui comprend de nombreux circuits de rétroaction amplificateurs, mais aussi
des circuits inhibiteurs qui en limitent la portée. Dans une plaie, la barrière cutanée ou muqueuse est
brisée. Le corps doit à la fois s’y protéger des toxines et y empêcher la perte de sang. C’est la raison
pour laquelle la réaction inflammatoire est intimement liée à la coagulation. Normalement, le sang
n’est en contact qu’avec l’endothélium vasculaire, avec lequel il entretient un équilibre constant.
Lorsqu’il rencontre une surface non-endothélialisée comme une lésion ou un corps étranger, il
déclenche toute une cascade de phénomènes protecteurs. Le processus inflammatoire est conçu pour
rester localisé, mais il arrive que la réponse soit exagérée ou que l’agression soit systémique, comme
c’est le cas lorsque le sang rentre en contact avec des surfaces étrangères dans une CEC. La réaction
de défense de l’organisme se transforme alors en un syndrome inflammatoire systémique (Systemic
Inflammatory Reaction Syndrome ou SIRS). Le tableau clinique est caractéristique : fièvre,
tachycardie, hypotension, leucocytose, accumulation liquidienne et insuffisance poly-organique [4].
En chirurgie cardiaque, le SIRS est déclenché par une série de phénomènes : le contact avec les
surfaces du circuit de CEC, le contact avec l’air dans les aspirations de cardiotomie, l'hypothermie,
l'héparinisation et les complexes héparine-protamine, les lésions d'ischémie et de reperfusion, ou
encore les toxines libérées dans le tube digestif. Environ 20% des patients à bas risque développent
des complications liées au SIRS [3]: coagulopathie, accumulation liquidienne interstitielle, oedème
cérébral, oedème pulmonaire (péjoration des échanges gazeux), dysfonction multiorganique (troubles
neurologiques, insuffisance cardiaque, rénale et hépatique).
La réaction inflammatoire comprend deux phases distinctes liées à des déclencheurs différents [7,9].
 Phase précoce ; elle est mise en route par le contact du sang avec une lésion endothéliale ou
une surface non-endothélialisée comme le circuit de CEC (voie de contact), et comprend deux
composantes intimement imbriquées :
o La voie humorale, qui comprend 3 éléments, la coagulation, le complément et les
cytokines ;
o La voie cellulaire, constituée par les globules blancs et l’endothélium.
 Phase tardive : elle est liée aux lésions d’ischémie et de reperfusion, et à la libération
d’endotoxines, essentiellement par le tube digestif.
Voie humorale
La voie du complément est le plus ancien moyen de défense de l’organisme, puisqu’on le retrouve
déjà chez les oursins. Il consiste en un ensemble de 35 molécules qui assistent la réaction antigène-
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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anticorps ou la défense anti-bactérienne, et qui convergent vers des protéines particulièrement
redoutables puisqu’elles sont capables de perforer les membranes cellulaires (MAC : membrane attack
complex) (Figure 8.8) [8].
Voie
classique
Voie de la
lectine
Ag-AC
Bactér
C3
Voie
alternative
Contact
+
C3a
C5
Anaphylatoxine I
C3b
C5a
+
Anaphylatoxine II
Histamine
C5b
C6,C7,C8,C9
Activation
leucocytes
MAC
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Figure 8.8 : Schéma simplifié de l’activation du complément. La chaîne du complément comprend 3 voies qui
sont initiées par des déclencheurs distincts : la voie classique (réaction antigène-anticorps Ag-Ac), la voie
alternative (activation directe par contact) et la voie de la lectine (site des membranes bactériennes). Par
différentes étapes intermédiaires, elles convergent vers le clivage du facteur C3 en C3a (anaphylatoxine I,
libération d’histamine) et C3b, lequel clive à sont tour le facteur C5 en C5a (anaphylatoxine II, activateur
leucocytaire) et C5b qui est le premier composant du complexe MAC (MAC : membrane attack complex),
complexe protéique qui attaque les membranes cellulaires et qui est le résultat ultime des voies du complément.
Les nombreuses étapes intermédiaires ne sont pas représentées ici.
Très imbriquée avec la cascade de la coagulation, la chaîne du complément comprend 3 voies
distinctes (classique, alternative et de la lectine) qui convergent vers le clivage du facteur C3 en C3a
(anaphylatoxine I, libération d’histamine) et C3b, lequel clive à sont tour le facteur C5 en C5a
(anaphylatoxine II, activateur leucocytaire) et C5b qui est le premier composant du complexe MAC.
Le système kinine-kallikréine comprend un groupe de protéines sériques impliquées dans la régulation
du tonus et de la perméabilité vasculaires. Elles circulent sous forme de kininogènes inactives, qui sont
activées par les kallikréines libérées dans les tissus lésés. Cette réaction donne naissance à la
bradykinine qui est vasodilatatrice (sécrétion de NO et de prostacycline). Il existe une kallikréine
plasmatique qui circule sous forme de prékallikréine inactive et qui est activée par le Facteur XIIa de
la coagulation (voie intrinsèque). Comme la bradykinine formée est elle-même un activateur du
Facteur XII, il se forme ici un système auto-amplificateur du lien avec la cascade de la coagulation.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Les cytokines sont des polypeptides qui assurent la communication entre cellules et déclenchent des
activités spécifiques selon leurs cibles [7].
 TNF-alpha (Tumor necrosis factor) ; sécrété par les monocytes, les mastocytes et les
lymphocytes-T en réponse aux endotoxines bactériennes, il active la chaîne inflammatoire. A
haute concentration, il provoque une symptomatologie de choc septique avec des effets
cardiodépresseur, vasodilatateur, thrombogène et perméabilisant capillaire.
 Interleukines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, IL-8) ; sécrétées par les leucocytes, elles activent
la production de protéine C-réactive, de fibrinogène et de catécholamines ; elle provoquent
une hyperglycémie, une leucocytose et de la fièvre.
 Interleukines anti-inflammatoires (IL-10) ; elles assurent un feed-back négatif qui empêche
l’emballement de ces réactions en chaîne.
La cascade de la coagulation (voir Figure 8.1) est intimement connectée à la réaction inflammatoire.
La thrombine, par exemple, en potentialise plusieurs effets : activation des polymorphonucléaires et
des plaquettes, sécrétion l’IL-6 et d’IL-8, activation de C3. De leur côté, les plaquettes stimulent
l’adhésion des leucocytes à la paroi vasculaire.
Voie cellulaire
Les neutrophiles polymorphonucléaires chargés de phagocyter les pathogènes contiennent des
granules pouvant libérer des enzymes protéolytiques, des radicaux oxygénés et des médiateurs
inflammatoires. Lorsque survient une lésion vasculaire, ils roulent d’abord à la surface de
l’endothélium par l’accrochage de molécules appelées sélectines, puis ils adhèrent à l’endothélium lésé
par l’ancrage de molécules appelées intégrines (molécules d’adhésion). En troisième lieu, ils migrent
dans l’espace interstitiel par chimiotactisme pour y libérer leurs substances bactéricides [6].
Les basophiles, activés par la voie du complément, sécrètent essentiellement de l’histamine, qui
augmente la perméabilité capillaire et facilite le passage des éléments figurés ; elle provoque aussi une
vasodilatation et une bronchoconstriction. Les mastocytes ressemblent aux basophiles mais sont
cantonnés dans l’espace périvasculaire des organes et ne circulent pas ; lorsqu’ils sont stimulés par le
complément ou la thrombine, ils sécrètent différents médiateurs inflammatoires dont de nombreuses
interleukines. Les monocytes, enfin, sont des macrophages qui libèrent une série de facteurs
inflammatoires (interleukines, TNF-alpha) et phagocytent les éléments étrangers [7].
Les cellules endothéliales sont les régulatrices naturelles de la coagulation et de l’inflammation. Elles
répondent à la présence de thrombine, de facteur C5a, de cytokines et d’interleukines par la sécrétion
de sélectines et d’intégrines qui immobilisent les leucocytes. Elles gèrent le tonus vasculaires par la
libération de substances vasodilatatrices comme le NO, l’histamine et la bradykinine ou de substances
vasoconstrictrices comme l’endothéline-1 ou la noradrénaline ; par ailleurs, le NO inhibe la fonction
plaquettaire.
Phase tardive
La phase tardive comprend deux composantes principales.
 Les lésions d’ischémie et de reperfusion. Après avoir été privée d’O2 pendant l’ischémie, la
cellule en reçoit en masse au moment de la reperfusion, ce qui déclenche une cascade
d'évènements pathologiques plus graves que ne l’étaient les dégâts de l’ischémie, notamment
par la formation massive de radicaux libres (ROS reactive oxygen species) qui contiennent un
nombre impair d'électrons sur leur orbite externe: peroxyde (O2•-), H2 O2, hydroxyl (•OH) (voir
Chapitre 24 Mécanismes). Les ROS libérés dans le cytoplasme par les mitochondries sont
normalement réduits par des antioxydants naturels (superoxide dismutase, catalase, glutathion,
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
19
vitamine E), mais ces derniers sont débordés par l’abondance de peroxydes formés lors de la
reperfusion. Les ROS peuvent alors attaquer les phospholipides des membranes, le DNA et
diverses protéines [1,2,4]. Les mitochondries intoxiquées par l’excès d’O2 laissent également
échapper des cytokines qui, de concert avec les peroxydes, activent de dangereux enzymes
cytoplasmiques (caspases) impliqués dans l’apoptose et susceptibles de lyser les éléments de
la cellule et de conduire à la nécrose.
 Les endotoxines stimulent massivement la production de complément, de TNF-alpha et
d’interleukines. La libération d'endotoxines par les bactéries Gram-négatives qui hantent le
tube digestif est liée à la baisse de débit splanchnique en CEC et en hypothermie; le flux dans
la muqueuse gastrique, par exemple, est diminué jusqu'à 60% par le bas débit (< 2 L/min/m2)
et par la vasoconstriction pendant la CEC [5].
Inflammation et complément
La réaction inflammatoire est un système rapide, complexe et redondant qui sert à la protection de
l’organisme contre des agresseurs. Elle est très imbriquée avec la cascade de la coagulation. Si la
réponse est exagérée ou l’agression systémique, l’inflammation donne lieu à un syndrome
inflammatoire systémique (SIRS). Elle comprend trois aspects.
- Voie humorale : cascade du complément produisant des molécules capables de lyser les
cellules étrangères, cytokines (déclencheurs spécifiques), kinines (régulateurs du tonus et
de la perméabilité vasculaires)
- Voie cellulaire : neutrophiles (phagocytose), basophiles (libération d’histamine),
endothélium (facteurs régulateurs)
- Phase tardive : lésion d’ischémie-reperfusion, relargage d’endotoxines digestives
Références
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Hypercoagulabilité périopératoire
Le sang est maintenu en équilibre entre des forces procoagulantes et des forces anticoagulantes. Cet
équilibre peut être rompu en faveur de la coagulation par augmentation de l’activité coagulatoire ou
par diminution de la fibrinolyse. Ceci peut survenir dans des affections congénitales ou lors de
maladies acquises [7].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
20
 Hypercoagulabilité congénitale (risque thrombotique augmenté 5-9 fois) :
o Effet procoagulant : facteur V Leiden (facteur V résistant au clivage par la protéine
C), mutation G20210A de la prothrombine, hyperfibrinogénémie.
o Réduction dans l’efficacité de l’anticoagulation : déficience en protéine C et S, défaut
en antithrombine III.
o Réduction de la fibrinolyse : défaut en inhibiteur du plasminogène, lipoprotéine (a).
 Hypercoagulabilité acquise (risque thrombotique augmenté 8-15 fois) :
o Anticorps antiphospholipides (lupus érythémateux), cardiolipine.
o Affections comme les carcinomes, les états inflammatoires, les brûlures sévères ou les
traumatismes majeurs.
o Thrombocytopénie induite par l’héparine (voir HIT).
o Causes pharmacologiques : contraceptifs oraux, colles tissulaires, utilisation excessive
de facteurs coagulants (rFVIIa, desmopressine).
L’origine d’une thrombo-embolie est multifactorielle, et la cause déclenchante est très souvent la
chirurgie. Les trois éléments de la triade de Virchow (sang, débit et paroi vasculaire) sont gravement
perturbés par l’acte opératoire et par les lésions tissulaires ; l’équilibre de la coagulation est déstabilisé
par le stress métabolique et par le syndrome inflammatoire systémique en faveur d’une
hypercoagulabilité [4].
 Accélération de la formation de thrombine et diminution de l’activité antithrombine,
correspondant à une stimulation de la cascade coagulatoire.
 Hyperfibrinogénémie (jusqu’à 6 g/L). L’élévation spontanée du taux de fibrinogène au cours
de la chirurgie augmente la fermeté du caillot mais aussi le risque de thrombose.
 Thrombocytose. Les plaquettes augmentent en nombre et en agrégabilité. Cette hyperactivité
peut conduire à une consommation excessive et à une baisse de fonctionnalité postopératoire,
particulièrement importante lors de contact avec des surfaces étrangères comme dans la CEC
ou l’assistance ventriculaire [5].
 Hypofibrinolyse. La dissolution du caillot est retardée.
La cascade coagulatoire est un système très puissant, car bloquer la perte de sang est capital lors d’une
agression ou d’une blessure. Ce phénomène, apparu avec les premiers vertébrés il y a 450 millions
d’années, a constitué un avantage évolutif certain pour les animaux qui en sont pourvus.
L’hypercoagulabilité périopératoire, avec son cortège d’occlusions artérielles, de thromboses
veineuses et d’embolies, est la manifestation d’un élément primordial pour la survie des êtres
complexes. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit si difficile à inhiber correctement.
Examens
Le diagnostic d’occlusion vasculaire est évidemment basé sur l’ischémie des organes-cibles (infarctus,
occlusion vasculaire), la stase veineuse et l’embolie (le plus souvent pulmonaire). La présence de
complexes thrombine-antithrombine (TAT) ou de D-dimères confirme la genèse d’un thrombus. Mais
il n’existe pas d’examen qui puisse prédire quels sont les malades à risque. En périopératoire, deux
types d’examens de laboratoire réalisables en salle d’opération (POC test, point-of-care test)
permettent d’avoir une idée du degré de stimulation de la coagulation et de ses éventuelles déviances.
 Thrombo-élastogramme (TEG) (ROTEM™); il évalue le temps nécessaire à obtenir un caillot,
la vitesse de sa formation, sa fermeté, et le délai pour sa disparition.
 Test de fonction plaquettaire (VerifyNow™, Multiplate™, etc).
Malheureusement, ces examens sont peu standardisés et n’ont pas été validés par de larges études
multicentriques. Il n’existe pout l’instant qu’un embryon de consensus sur leurs valeurs limites.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
21
Prophylaxie
La thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire sont les risques les plus courants de
l’hypercoagulabilité postopératoire. Elles sont favorisées par un certain nombre de facteurs.










Age avancé;
Coagulopathies;
Anamnèse de thrombo-embolie;
Maladie cancéreuse active;
Obésité;
Syndrome inflammatoire: infection, sepsis, maladie rhumatismale;
Chirurgie orthopédique, chirurgie du cancer;
Immobilisation, compression veineuse;
Grossesse et postpartum, prescription d’oestrogènes;
Cathéter veineux central, sonde de pace-maker.
Outre la mobilisation précoce et la physiothérapie intense, la prophylaxie thrombo-embolique est
basée sur l’anticoagulation. Plusieurs régimes différents sont actuellement considérés comme adéquats
[2,6].
 Héparine non-fractionnée, 5’000 UI 2-3 x/jour sous-cut;
 HBPM: première dose en préopératoire ou 3-6 heures postopératoire;
o Enoxaparine (Clexane®, Lovenox®), 40 mg/jour ou 30 mg 2 x/jour sous-cut;
o Nadroparine (Fraxiparine®) 5700 U/j sous-cut ;
o Dalteparine (Fragmin®) 5’000 U/j sous-cut ;
 Fondaparinux (Arixtra®), 2.5 mg/jour sous-cut;
 Dabitagran (Pradaxa®), 110 ou 220 mg/jour per os;
 Rivaroxaban (Xarelto®), 10 mg/jour per os.
Le traitement est en général de courte durée (7-10 jours), mais il est prolongé (4-6 semaines) dans les
situations à haut risque comme la chirurgie pelvienne ou orthopédique majeure.
Le risque que présente un malade de souffrir de thrombo-embolie peut être quantifié par différents
scores cliniques, dont l’un des plus pertinents est le score de Padoue (Padua Prediction Score) [1].
 Cancer actif
3 points
 Anamnèse de thrombo-embolie
3 points
 Mobilité réduite
3 points
 Syndrome d’hypercoagulabilité
3 points
 Trauma ou chirurgie récents (< 30 jours)
2 points
 Age > 70 ans
1 point
 Insuffisance cardio-respiratoire
1 point
 Infarctus ou AVC
1 point
 Status inflammatoire
1 point
 Obésité (BMI > 30)
1 point
 Hormonothérapie
1 point
En-dessous de 4 points, le risque est faible ; > 4 points, il est élevé et justifie une prophylaxie [1].
Le diagnostic d’embolie pulmonaire est suspecté d’après sa probabilité clinique, telle qu’on peut
l’établir par un score comme le score de Genève révisé (voir Tableau 17.11) [3].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
22
Hypercoagulabilité périopératoire
La coagulabilité sanguine est augmentée proportionnellement au stress métabolique et inflammatoire
d’une opération. Différents processus sont en jeu :
- Accélération de la formation de thrombine
- Hyperfibrinogénémie
- Augmentation du nombre et de l’agrégabilité plaquettaire
- Baisse de la fibrinolyse
Régimes prophylactiques contre le risque de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire :
- Héparine non-fractionnée, 5’000 UI 2-3 x/jour sous-cut
- HBPM, première dose en préopératoire ou 3-6 heures postopératoire
- Enoxaparine (Clexane®, Lovenox®), 40 mg/jour ou 30 mg 2 x/jour sous-cut
- Nadroparine (Fraxiparine®), 5700 U/j sous-cut
- Dalteparine (Fragmin®), 5’000 U/j sous-cut
- Fondaparinux (Arixtra®), 2.5 mg/jour sous-cut
- Dabigatran (Pradaxa®), 110 ou 220 mg/jour per os
- Rivaroxaban (Xarelto®), 10 mg/jour per os
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
23
Les anticoagulants
Les anticoagulants actuellement utilisés en clinique peuvent être classés sous quatre catégories en
fonction de leurs sites d’action (Figure 8.9).
Voie intrinsèque
Anti-vitamine K
XII
XIIa
XI
Voie extrinsèque
XIa
IX
IXa
+
VIIIa
VIII
Fondaparinux
(indirect
via AT III)
X
V
Voie
commune
VII
VIIa
+
FT
Xa
+
Va
II
Prothrombine
Lésion
X
Rivaroxaban
Apixaban,
Edoxaban
(directs)
Dabigatran
Argatroban
Bivalirudine
IIa
Thrombine
Héparines
(indirects)
Anti-thrombine
(AT III)
Fibrinogène
Fibrine
© Chassot 2013
Figure 8.9: Points d’impact des différents anticoagulants sur la cascade de la coagulation: agents anti-vitamine
K (bleu), agents anti-Xa (jaune), agents anti-thrombine directs (orange), héparines (vert) (agents anti-thrombine
par l’intermédiaire de l’AT III). Les héparines à bas poids moléculaire ont un effet anti-Xa important (flèche
pontillée). AT: antithrombine.
 Inhibiteurs indirects de la thrombine: héparines, pentasaccharides (fondaparinux) (voie
intraveineuse ou sous-cutanée);
 Inhibiteurs directs de la thrombine: intraveineux (lépirudine, bivalirudine, argatroban) ou
oraux (dabigatran);
 Inhibiteurs directs du facteur Xa: rivaroxaban, apixaban, edoxaban (per os);
 Agents anti-vitamine K: warfarine, coumarines (per os).
Les anticoagulants classiques, en usage clinique depuis longtemps, ont plusieurs points d’impact dans
la chaîne coagulatoire, alors que les nouvelles substances (NACO: nouveaux anticoagulants oraux)
sont beaucoup plus sélectives. D’autre part, ces dernières sont plus rapides, présentent moins
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
24
d’interactions, et jouissent d’une pharmacocinétique mieux prévisible qui rend inutile un monitorage
de l’effet anticoagulant. D’une manière générale, les NACO sont plus efficaces que les AVK dans la
prévention thrombo-embolique (RR moyen 0.81), présentent bien moins de risque d’hémorragie
intracrânienne (RR 0.48), et offrent une faible baisse de mortalité (RR 0.90) [5]. Ils affichent par
contre davantage de risque hémorragique gastro-intestinal (RR 1.25), mais ce type de saignement
entraîne 10 à 30 fois moins de mortalité et d’invalidité qu’un AVC hémorragique. Malheureusement,
ces nouveaux médicaments présentent deux inconvénients.
 Absence d’antagoniste (sauf pour le dabigatran);
 Effets variables mais non quantitatifs sur les tests de coagulation habituels.
Le troisième défaut de ces substances est leur coût : un mois de traitement revient en moyenne à 76.00
euros, alors qu’il ne coûte que 12.50 € avec les AVK, dosage du TP inclus. Bien qu’elle soit différente
selon les substances, une réduction du dosage est souvent nécessaire en cas d’insuffisance hépatique
ou rénale, et en cas d’administration conjointe de substances modifiant le métabolisme des
anticoagulants, car les risques sont cumulatifs: l’addition de plusieurs effets non significatifs peut
donner un résultat dangereux. Pour les substances à élimination rénale (HBPM, dabigatran,
fondaparinux, xabans), la règle la plus simple est de donner une demi-dose en cas de dysfonction
rénale (clairance de la créatinine 30-50 mL/min) et de s’abstenir en cas d’insuffisance terminale
(clairance de la créatinine < 30 mL/min). Chez les obèses, il convient d’augmenter la dose de 30% [4].
Vu que les données concernant les interférences médicamenteuses sont encore incomplètes, il est
prudent de considérer comme valables pour tous les NACO les contre-indications pharmacologiques
signalées pour chacun individuellement, à savoir la prescription simultanée des substances suivantes
[1,2,6].






Les anti-protéases anti-VIH (ritonavir, indinavir, atazanavir, etc);
Les anti-fungiques azolés (kétoconazole, itraconazole, miconazole, voriconazole, etc);
Les immunosuppresseurs ciclosporine et tacrolimus;
Les antiarythmiques quinidine, amiodarone et vérapamil;
La rifampicine;
La carbamazépine, le phénobarbital et la phénytoïne.
Le traitement anticoagulant chronique présente des risques majeurs, puisqu’il est associé à environ
5'000 décès par année en France. L’association des anticoagulants avec des antiplaquettaires entraîne
un risque hémorragique rédhibitoire, mais peut se justifier en cas de syndrome coronarien aigu ou de
stents chez des patients en FA ou porteurs de prothèses valvulaires mécaniques [3].
Les principales données concernant les anticoagulants sont résumées dans le Tableau 8.1 et dans le
Tableau 8.2. Les dosages et l’adaptation des doses à l’insuffisance rénale figurent dans le Tableau 8.3.
Les données concernant les antiplaquettaires sont disponibles dans le Chapitre 29 (Chapitre 29) et
accessoirement dans le Chapitre 3 (Antiplaquettaires). Un résumé de ces données figure dans les
Tableaux 8.11 et 8.12, pages 124 et 125.
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Tableau 8.1 : Pharmacologie des anticoagulants et antiplaquettaires
Substances
Héparine non-fractionnée
Mécanisme
Idrabiotaparinux
Dabigatran (Pradaxa®)
inhib ind thrombine/fXa
(par antithrombine III)
inhib ind fXa/thrombine
inhib ind fXa/thrombine
inhib indirect fXa
(par antithrombine III)
inhib indirect fXa
inhib direct thrombine
Hirudine
inhib direct thrombine
Lépirudine (Refludan®)
Aspirine
inhib direct thrombine
(irréversible)
inhib direct thrombine
(réversible)
inhib direct thrombine
inhib direct thrombine
inhib direct thrombine
inhib direct fXa
inhib direct fXa
inhib direct fXa
inhib fact vit K-dépendants
(F II, VII, IX, X, prot C &S)
bloc irrévers récept COX1
Clopidogrel (Plavix®)
Prasugrel (Efient®)
Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®)
Tirofiban/eptifibatide
Abciximab (ReoPro®)
bloc irrévers récept ADP
bloc irrévers récept ADP
bloc révers récept ADP
bloc récept GP IIb/IIIa
bloc irrévers réc GP IIb/IIIa
HBPM prophylact
HBPM thérapeut
Fondaparinux (Arixtra®)
Bivalirudine (Angiox®)
Désirudine (Iprivask®)
Danaparoïde (Orgaran®)
Argatroban (Argatroban Inj®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Apixaban (Eliquis®)
Edoxaban (Lixiana®)
Coumarines
Indication
Monitorage
thrombose,
CEC, PCI
prophyl TVP
thrombose
prophyl TVP
PCI (+ héparine)
FA, emb pulm
FA, proph TVP
aPTT, ACT
Remarque
demi-vie allongée selon dose
antagoniste : protamine
anti-Xa (TT)
antagoniste partiel: protamine
anti-Xa (TT)
antagoniste partiel: protamine
anti-Xa
pas d’antagoniste (FVIIa ?)
↓ dose si fonct rénale ↓
anti-Xa
antagoniste: avidine
anti-IIa, dTT (aPTT) antagoniste: idarucizumab
Temps d’écarine
(hémodialyse?)
thrombose
aPTT/ACT
pas d’antagoniste
CEC, HITS
↓ dose si fonct rénale ↓
CEC, PCI, HIT
aPTT/ACT
pas d’antagoniste
↓ dose si fonct rénale ↓
CEC, PCI, HIT
aPTT/ACT, (TP)
pas d’antagoniste
↓ dose si fonct rénale ↓
HITS
aPTT/ACT
pas d’antagoniste
prophyl TVP, CEC anti-Xa (labo)
pas d'antag. Demi-vie 22 h
CEC, HIT
(aPTT/ACT)
pas d’antagoniste
TVP, emb pulm, FA anti-Xa (TP)
pas d’antagoniste (PCC)
TVP, FA
anti-Xa (TP)
pas d’antagoniste (PCC)
TVP, FA
anti-Xa (TP)
pas d’antagoniste (PCC)
TVP, FA,
TP, INR
INR thérapeutique: 2-3
proth valve
(impératif)
antagoniste : vit K
SCA, IdM, AVC,
bloc irréversible
revasc coronar
stent, SCA, IdM
bloc irréversible
Test
stent, SCA
bloc irréversible
d’agréstent, SCA, IdM
bloc réversible
gabilité
PCI
bloc révers thrombocyte
PCI
bloc irrévers thrombocyte
Les tests indiqués entre parnethèse sont modifiés, mais n’ont pas de valeur quantitative pour doser l’effet de la substance.
Test d'agrégabilité: test rapide (VerifyNow™, Multiplate™, etc) ciblé selon le récepteur (COX-1, ADP ou GP IIb/IIIa).
fXa : facteur X activé. aPTT : temps de thromboplastine partiel activé. ACT : temps de coagulation activé. TP : temps de
prothrombine. dTT: temps de thrombine dilué. INR : international normalised ratio. CEC : circulation extracorporelle.
PCI : intervention coronarienne percutanée. HIT : syndrome thrombocytopénique induit par l’héparine. TVP : thrombose
veineuse profonde. FA : fibrillation auriculaire. SCA : syndrome coronarien aigu. IdM : infarctus du myocarde. AVC :
accident vasculaire cérébral. Ind: indirect. Dir: direct.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
26
Tableau 8.2 : Pharmacocinétique des anticoagulants et antiplaquettaires
Substances
Voie
Demi-vie
Héparine non-fractionnée
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux (Arixtra®)
Idrabiotaparinux
Dabigatran (Pradaxa®)
Lépirudine
Désirudine (Iprivask®)
Bivalirudine (Angiox®)
Danaparoïde (Orgaran®)
Argatroban (Argatroban Inj®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Edoxaban (Lixiana®, Savaysa®)
Acénocoumarol (Sintrom®)
Warfarine (Coumadine®)
Phénprocoumone (Marcoumar®)
Aspirine
Clopidogrel (Plavix®)
Prasugrel (Efient®)
Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®)
Tirofiban (Aggrasta®)
Eptifibatide (Integrilin®)
Abciximab (ReoPro®)
iv, scut
scut
scut
scut
scut
po
iv, scut
scut
iv
iv, scut
iv
po
po
po
po
po
po
po
po
po
po
iv
iv
iv
1-2.5 h
4-5 h
4-5 h
16 h
130 h
9-15 h
1.5 h
2-3 h
30 min
7-25 h
1h
12 h
6-12 h
10-14 h
11 h
40 h
140 h
1.5 h
8h
4h
10 h
2h
2.5 h
30 min
Elimination
hépatique, SRE
rénale
rénale
rénale
rénale
rénale
rénale
rénale
plasma, reins (1/4)
rénale
hépatique
foie (3/4), reins (1/4)
foie (2/3), reins (1/3)
foie (1/2), reins (1/2)
hépatique
hépatique
hépatique
rénale
plasmatique/rénale
hépatique
foie (2/3), reins (1/3)
rénale
rénale
rénale
Délai préop
4-6 h
12 h
24 h
48 h*
>7j
≥ 48 h*
10 h
10 h
4h
48 h
4h
48 h*
24-48 h*
48 h*
4j
6j
10 j
5j
5j
7j
5j
6h
8h
72 h
Délai préop: délai d’attente recommandé entre la dernière prise ou l’arrêt de la perfusion et l’intervention
chirurgicale; correspond en général à 3 demi-vies sériques. Recommandation en cas d’ALR rachidienne ou de bloc
profond: 5 demi-vies. *: délais correspondant à 3 demi-vies, recommandés en cas de risque chirurgical standard; cas à
haut risque: attendre 5 demi-vies, soit 72 heures; délais standards à doubler en cas d’insuffisance rénale (clairance
créatinine < 50 mL/min). ALR rachidienne: attendre 5 demi-vies. HBPM : héparine à bas poids moléculaire.
Valeurs de laboratoire recommandées pour la chirurgie: INR < 1.5, TP > 75%, aPTT < ± 35 sec (selon norme du
laboratoire), ACT < 120 sec, thrombocytes ≥ 70’000 /mcL. SRE: système réticulo-endothélial
Tableau 8.3 : Dosages des anticoagulants usuels
Substance
Prophylaxie
Héparine non-fractionnée
Enoxaparine
(Clexane®, Lovenox®)
Nadroparine (Fraxiparine®)
Daltéparine (Fragmin®)
Fondaparinux (Arixtra®)
Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
®
Warfarine (Coumadine )
®
Acénocoumarol (Sintrom )
®
Phenprocoumone (Marcoumar )
5'000 UI 2-3 x/j
40 mg/j à
30 mg 2 x/j
5700 U/j
2500-5000 UI/j
5.0-7.5 mg/j
150-220 mg/j
2.5-5.0 mg 2x/j
10 mg/j
Thérapeutique
Voie
80 U/kg + 18 U/kg/h
iv
s-cut
s-cut
1 mg/kg/12 h
95 U/kg 2x/j
120 UI/kg/12h
7.5 mg/j
150 mg 2x/j
15-20 mg/j
5 mg/j*
4 mg/j*
2-6 mg/j*
s-cut
s-cut
s-cut
per os
per os
per os
per os
per os
per os
Insuff rénale
Prophyl: 0.5 mg/kg/j
Thérap: 1 mg/kg/j
50% de la dose
50% de la dose
contre-indiqué
contre-indiqué
50% de la dose
50% de la dose
-
* : variable selon la valeur de l’INR recherchée.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
27
Inhibiteurs indirects de la thrombine
Parmi les inhibiteurs indirects de la thrombine, on compte l’héparine non-fractionnée (HNF), les
héparines de bas poids moléculaire (HBPM), et des polysaccharides comme le fondaparinux et
l’idraparinux. Ces agents sont mal absorbés par voie orale et doivent être administrés par voie
parentérale (voir Tableaux 8.1, 8.2, 8.3, 8.11 et 8.12).
Héparine non-fractionnée (HNF)
L’héparine, primitivement extraite du foie et actuellement préparée à partir du tissu intestinal de porc,
est un mélange hétérogène de polysaccharides (glycosaminoglycane) (poids moléculaire 8’000-30'000
Da) qui se lient à l’antithrombine III (AT III) et accélèrent la capacité de cette dernière à inhiber les
facteurs IIa (thrombine) et Xa, accessoirement IXa, XIa et XIIa [1]. C’est donc un agent indirect dont
l’action dépend de la présence d’AT III en quantité suffisante. Sans héparine, la thrombine et le Xa
sont inhibés par l’AT III avec une demi-vie d’environ 1 minute. En présence d’héparine, cette réaction
est potentialisée 700 à 4’000 fois [2]. L'AT III est également dotée de propriétés anti-inflammatoires
indirectes en agissant sur la production de prostaglandines. La consommation importante d'AT III au
cours d’une héparinisation complète peut donc activer les cellules de la lignée blanche et contribuer à
la cascade inflammatoire après une CEC [10].
L’action de l’héparine sur l’AT III est double [14]. Premièrement, son fragment de haute affinité
induit un changement de configuration de l'AT III qui augmente considérablement l’affinité de celle-ci
pour les facteurs IIa et Xa. Deuxièmement, le fragment de faible affinité rapproche le facteur IIa du
site d’action de l’AT III. Pour que l’AT III désactive la thrombine (IIa), les deux mécanismes,
changement de conformation et rapprochement, sont aussi importants l’un que l’autre. Pour désactiver
le facteur Xa, par contre, le rapprochement ne joue pas de rôle (Figure 8.10).
Ces deux mécanismes différents expliquent les actions plus ou moins sélectives des différents dérivés
de l’héparine. L’héparine non-fractionnée (HNF) a un rapport d’activité anti-Xa / anti-IIa de 1:1. Les
héparines de bas poids moléculaire (HBPM), dont le fragment de faible affinité est plus court, ont un
rapport anti-Xa / anti-IIa de 2-4:1 et le pentasaccharide fondaparinux, qui ne contient que le segment
de haute affinité, inhibe sélectivement le facteur Xa. Une fois que l’AT III s’est fixée sur les facteurs,
un changement de conformation diminue son affinité pour l’héparine, qui est libérée et peut se lier à
une autre molécule d’AT III. Les héparines n’ont malheureusement aucune action sur la thrombine
déjà fixée à la fibrine au sein d’un thrombus.
Par voie intraveineuse, l’HNF a une action immédiate, alors que les dérivés HBPM ont un delai
d’action de 20 à 60 minutes. Les dosages recommandés par voie intraveineuse sont plus élevés en cas
de thrombo-embolie qu’en cas de syndrome coronarien aigu (SCA) [3].
 Bolus initial : 80 UI/kg, ou 5'000 UI
(SCA: 60-70 UI/kg) ;
 Entretien :
18 UI/kg/h, ou 32’000 UI/24 h (SCA : 12-15 UI/kg/h).
L’effet anticoagulant de l’HNF est très variable à cause d’une forte liaison à d’autres protéines, aux
macrophages, aux plaquettes et à l’endothélium [7]. Les HBPM et le fondaparinux, au contraire, sont
beaucoup moins liés et font preuve d’une action mieux prévisible. A cause de la variation
interindividuelle de son effet, l’HNF requiert donc un monitorage constant. Son activité anticoagulante
est bien corrélée à l’aPTT et à l’ACT (activated clotting time) (voir Monitorage). Les dérivés plus
courts n’ont pas d’effet prévisible sur ces deux paramètres et sont donc plus difficiles à monitorer,
mais leur surveillance n’est pas nécessaire parce que leur profil pharmacocinétique est plus stable.
L’HNF est résorbée et métabolisée par l’endothélium et le système réticulo-endothélial. Les
métabolites sont inactifs et sont éliminés par voie rénale. La demi-vie biologique est fonction de la
dose administrée : 30 minutes à la dose de 25 U/kg, 1 heure à la dose de 100 U/kg et 2.5 heures à la
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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dose de 400 U/kg [2]. L’hypothermie ralentit considérablement la clairance de l’héparine. L’HNF est
l’inhibiteur de thrombine le plus utilisé en CEC à cause de sa facilité d’administration, de sa
réversibilité par la protamine, et de la possibilité de mesurer son activité avec des tests de coagulation
comme l’ACT. Bien qu’il présente une relation quasi linéaire avec le taux d’héparine sérique, l’ACT,
n’est pas spécifique pour cette dernière, et peut présenter une certaine variabilité [12]. Mais une des
limitations majeures de l’HNF est son incapacité à inhiber la thrombine liée à la fibrine dans un
thrombus. En effet, la thrombine située dans les microthrombi formés sur les surfaces artificielles est
hors d'atteinte de l'héparine. Des inhibiteurs directs de la thrombine (lépirudine, bivalirudine,
argatroban) ont été développés pour mieux inhiber la thrombine intégrée dans le thrombus, mais leur
application de routine en clinique est limitée par leur absence d’antagoniste (voir Inhibiteurs directs de
la thrombine). Les HBPM et le fondaparinux, qui ne peuvent pas non plus être antagonisés, n’ont pas
suffisamment d’activité anti-IIa pour être utiles dans les systèmes circulatoires extracorporels.
A
+
Complexe
héparine - AT III
AT III
Héparine
F IIa
F Xa
AT III IIa
AT III
B
+
C
F IIa
F Xa
AT III
+
AT III
+
F Xa
Figure 8.10 : Mécanisme d’action des inhibiteurs indirects de la thrombine (inhibiteurs de l’antithrombine III,
ou AT III). A : héparine non fractionnée. Après la liaison avec son fragment de haute affinité pour l’AT III
(fragment jaune), l’héparine induit un changement de conformation au niveau du site d’action de l’AT III, qui
augmente sensiblement son affinité pour les facteurs IIa (thrombine) et Xa. Le fragment de basse affinité de la
chaîne d’héparine (en violet) sert à rapprocher le facteur IIa du site d’action de l’AT III ; ce mécanisme n’est pas
requis pour la fixation du facteur Xa. Une fois que l’AT III s’est fixée sur les facteurs IIa et Xa, un changement
de conformation diminue l’affinité pour l’héparine, qui est libérée et peut se lier à une autre molécule d’AT III
(flèche pointillée blanche). B : héparine de bas poids moléculaire. Le fragment de basse affinité est plus court, ce
qui ne permet pas le rapprochement du facteur IIa. L’inhibition du facteur Xa est plus marquée que celle du
facteur IIa. C : fundaparinux. La molécule ne possède que le fragment de haute affinité et ne peut donc induire
que la fixation du facteur Xa par l’AT III.
L'héparine en forte concentration (≥ 300 UI/kg) induit une libération de lipoprotéine-lipase et de lipase
hépatique, ce qui hydrolyse les triglycérides plasmatiques en acides gras non-estérifiés (FFA: free fatty
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
29
acids), dont le taux s’élève de 15-20%. Ces acides gras libres se lient aux protéines plasmatiques et
déplacent les substances qui y sont fixées, ce qui augmente la concentration libre de ces dermières,
donc leur activité pharmacologique. Ce processus a lieu en quelques minutes [11].
Il arrive que certains patients présentent une résistance à l’héparine : malgré une dose adéquate,
l’aPTT et l’ACT ne sont pas prolongés comme attendu. Plusieurs phénomènes expliquent cette
réponse insuffisante (voir Coagulopathie peropératoire) [3].
 Insuffisance en AT III, particulièrement fréquente chez les malades depuis plusieurs jours sous
des doses thérapeutiques d’héparine ;
 Haut degré de fixation de l’HNF aux protéines sériques ;
 Clairance accélérée de l’HNF ;
 Taux excessif de facteur VIII ;
 Taux excessif de fibrinogène.
Héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
Développées dans les années 1980, les HBPM sont dérivées de l’héparine par dépolymérisation. Leur
poids moléculaire varie de 2’000 à 9’000 Da. Avec leur segment de haute affinité, elles peuvent
induire le changement de configuration nécessaire pour que l’AT III fixent les facteurs IIa et Xa, mais
leur chaîne est trop courte pour bien affronter le IIa (thrombine), ce qui explique leur action plus faible
contre celle-ci. Par contre, elles ont une activité anti-Xa supérieure [1]. Leur taille plus petite explique
leur faible liaison plasmatique et endothéliale, ce qui rend leur action plus prédictible. Leur effet est
mal évalué par l’ACT, mais peut être mesuré par le dosage de l’effet anti-Xa. Leur demi-vie varie de 4
à 7 heures, mais elle est prolongée jusqu’à 17 heures lorsque la clairance de la créatinine est < 30
mL/min. Leur élimination par les reins les rend inappropriées en cas d’insuffisance rénale et oblige à
espacer ou à diminuer les doses de moitié lorsque la clairance de la créatinine est < 50 mL/min [9,13].
Les HBPM sont moins immunogéniques que l’HNF et induisent moins fréquemment des
thrombocytopénies (voir HIT). Leur dosage varie selon l’indication (voir Tableau 8.3). Un mg
d’enoxaparine correspond à environ 100 UI d’effet anti-Xa [3].
 Prophylaxie (sous-cutané):
o Enoxaparine (Clexane®, Lovenox®)
o Nadroparine (Fraxiparine®)
o Daltéparine (Fragmin®)
 Thérapeutique (sous-cutané):
o Enoxaparine
o Nadroparine
o Daltéparine
40 mg/j à 30 mg 2 x/j;
5700 U/j;
5’000 U/j.
1 mg/kg/12h;
95 U/kg/12h;
120 U/kg/12h.
Ces dosages sont réduits de moitié lors d’insuffisance rénale. En préopératoire, les délais entre la
dernière injection sous-cutanée et la chirurgie sont de 12 heures lors de prophylaxie et de 24 heures
lors de dose thérapeutique. La première injection postopératoire a lieu 6-12 heures après la fin de la
chirurgie en cas de prophylaxie, pour autant que l’hémostase soit contrôlée. Elle est prolongée à 24-48
heures en cas de dosage thérapeutique ou d’hémorragie postopératoire.
Protamine
La protamine, originellement extraite du sperme de saumon, est aujourd’hui produite par technologie
recombinante. C’est une molécule polycationique chargée positivement qui forme des complexes
stables avec l'héparine, qui est chargée négativement. La demi-vie plasmatique de la protamine est de
7 minutes, alors que celle de l’héparine est de 60-120 minutes [3]. Un mg de protamine (100 UI)
neutralise 1 mg d'héparine (100 UI). Habituellement, on administre une dose de protamine
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
30
correspondant aux 80% de la dose d'héparine, mais un dosage basé sur l’héparinémie réelle du patient
(système Hepcon™) conduit à donner des quantités moindres et réduit de ce fait la dysfonction
plaquettaire rencontrée après CEC. Un ACT fait 5 minutes après la fin de l’administration de
protamine doit être dans une limite de ± 10% par rapport à la valeur de départ avant CEC. La
neutralisation de l’effet des HBPM est possible à raison de 1 mg de protamine pour 100 UI d’effet
anti-Xa (dose maximale : 50 mg), à la condition d’être à moins de 8 heures après l’administration
d’HBPM ; cet antagonisme n’est que partiel (60%) [3]. La protamine ne se lie pas aux
pentasaccharides (fondaparinux), et ne peut donc pas les antagoniser.
La protamine présente plusieurs effets secondaires immédiats, dont l’incidence varie de 1 à 13% des
cas (moyenne 2.6%) [5,6].
 Libération d'histamine, qui se caractérise par une vasodilatation importante avec baisse de
précharge et de postcharge; elle est directement proportionnelle à la vitesse d'administration
(réaction de type I). Il est très fréquemment nécessaire d'accélérer les perfusions et de donner
un vasoconstricteur (néosynéphrine ou nor-adrénaline) pour contrecarrer cet effet.
 Hypertension pulmonaire ; le complexe héparine-protamine déclenche la libération de
thromboxane A2, qui est un vasoconstricteur pulmonaire ; la PAP s’élève de 25-50%.
 Réaction antigène – anticorps (IgG et IgE) (réaction de type II); plus rare, celle-ci se rencontre
chez les diabétiques traités par une insuline stabilisée avec de la protamine (protamine-Zn),
chez les malades réopérés qui ont déjà reçu de la protamine, chez les patients allergiques aux
poissons, et chez les hommes vasectomiés.
 Réaction anaphylactoïde déclenchée par le complexe héparine-protamine en activant
directement la voie classique du complément (C4a) sans l'intermédiaire d'une réaction
antigène-anticorps (réaction de type III, qui survient dans 1.5% des cas). Le tableau clinique
est celui d'une réaction anaphylactique majeure avec hypotension sévère; la libération massive
de thomboxane, déclenche une hypertension pulmonaire et une bronchoconstriction qui
peuvent être foudroyantes.
 En l’absence d’héparine, ou en excès par rapport à l’héparine, la protamine a un effet
anticoagulant.
Les patients allergiques peuvent être opérés avec des circuits de CEC pré-héparinés et une
héparinisation systémique réduite (100 UI/kg), ce qui permet éventuellement d’éviter l’administration
de protamine [8]. Une dose de stéroïde pendant la CEC (500 mg méthylprednisolone) et une injection
très lente (perfusion sur 20 minutes) par une voie périphérique peuvent diminuer l’intensité de la
réaction chez un malade allergique.
Pentasaccharides: fondaparinux (Arixtra®)
Les pentasaccharides sont des analogues synthétiques de la séquence de saccharides qui lie l’héparine
à l’AT III (voir Figure 8.10). Ils correspondent au segment de haute affinité, qui est la longueur de
chaîne minimale requise pour induire le changement de conformation, sans n'avoir aucune capacité de
rapprochement. Donc, incapables d’inhiber le facteur IIa (thrombine), ils inhibent sélectivement le
facteur Xa [13]. Ces agents ne se lient pas à d’autres protéines ni à des membranes cellulaires, et
présentent de ce fait une pharmacocinétique linéaire et une courbe dose-réponse bien prédictible. Ils ne
réclament pas de monitorage particulier, mais nécessitent une administration sous-cutanée.
Le fondaparinux (Arixtra®), dont la demi-vie est de 16-17 heures, n'est pas métabolisé mais
entièrement excrété par les reins. Il doit être évité en cas d’insuffisance rénale (clairance de la
créatinine < 20 mL/min), diminué à 1.5 mg/j si la clairance est de 20-30 mL/min et de moitié si elle est
de 30-50 mL/min [3]. Il est indiqué dans la prévention des évènements thrombo-emboliques. La
valeur-cible pour une concentration plasmatique à valeur prophylactique est 0.2-0.7 mcg/mL. L’effet
est mesuré par l’activité anti-Xa calibrée pour la substance, mais n'est pas nécessaire de routine. Le
dosage est 7.5 mg 1 fois par jour par voie sous-cutanée. Chez les obèses (> 100 kg), il est augmenté à
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
31
10 mg/j [4]. La protamine ne renverse pas l’effet du fondaparinux, qui n’a pas d’antagoniste spécifique
(voir Antagonisme).
L’idraparinux est un analogue du fondaparinux avec une longue demi-vie (130 heures); il suffit d’une
injection sous-cutanée par semaine. L’adjonction de biotine à la molécule (idrabiotaparinux) permet
l’action d’un antagoniste, l’avidine, qui se lie à la biotine [13].
Agents anti-thrombine indirects
L’héparine se lie à l’antithrombine III (AT III) et accélère 2’000 fois la capacité de cette dernière à
inhiber les facteurs IIa (thrombine) et Xa. Son action dépend d’une quantité suffisante d’AT III.
L’héparine non fractionnée (HNF) a un rapport d’activité anti-Xa / anti-IIa de 1:1. Les héparines de
bas poids moléculaire (HBPM) ont un rapport anti-Xa / anti-IIa de 2-4:1 ; le fondaparinux inhibe
sélectivement le facteur Xa.
L’HNF se lie à d’autres protéines et son activité est très variable, d’où la nécessité d’un monitorage
par l’aPTT et l’ACT. Par voie iv, son effet est immédiat, mais sa demi-vie biologique (1-2.5 heures)
est fonction de la dose administrée. Elimination par le système réticulo-endothélial. L’HNF n’inhibe
pas la thrombine liée à la fibrine dans un thrombus. Antagoniste: protamine; 1 mg de protamine (100
UI) neutralise 1 mg d'héparine (100 UI). Risque de thrombocytopénie (HIT): 1-5%. Délai
d’interruption préopératoire de la perfusion: 4 heures. Dosages iv :
- Thrombo-embolie aiguë: bolus 80 UI/kg (5'000 UI), entretien 18 UI/kg/h (32’000 UI/24h)
- Syndrome coronarien aigu: bolus 60-70 UI/kg, entretien 12-15 UI/kg/h
Les HBPM (Clexane®, Lovenox®, Fraxiparine®, etc) ont plus d’effet anti-Xa que d’effet antithrombine. Leur demi-vie varie de 4 à 7 heures, mais elle est prolongée jusqu’à 17 heures lorsque la
clairance de la créatinine est < 50 mL/min. En cas d’insuffisance rénale, diminution des doses de
moitié ou abstention. La protamine est un antagonsite partiel. Dosages sous-cut :
- Prophylactique : 5'000-10’000 UI /j ; délai d’interruption préopératoire: 12 heures
- Traitement : 20'000 UI/j (250 UI/kg/j) ; délai d’interruption préopératoire: 24 heures
Le fondaparinux (Arixtra®) inhibe sélectivement le facteur Xa. Sa demi-vie est de 16-17 heures, il est
excrété par les reins, En cas d’insuffisance rénale, diminution des doses de moitié ou abstention.
Dosage sous-cut : 7.5 mg/jour. Pas d’antagoniste. Délai d’interruption préopératoire: 48-72 heures.
Références
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Inhibiteurs directs de la thrombine
Il en existe deux catégories bien distinctes: les inhibiteurs intraveineux qui sont des alternatives
possibles à l’héparine en cas de thrombocytopénie induite par cette dernière (HIT, heparin-induced
thrombocytopenia), et les inhibiteurs oraux qui sont des alternatives aux agents anti-vitamine K. A
l'exception du dabigatran, il n’existe pas encore d’antagoniste pour ces substances (voir Tableaux 8.1
page 26, 8.2 et 8.3 page 27, 8.11 et 8.12 pages 124-125).
Agents intraveineux
L’hirudine est une substance isolée de la salive des sangsues, Elle se lie à la thrombine au niveau du
site de fixation de la fibrine et forme avec la thrombine un complexe irréversible. Elle n’est plus
utilisée en clinique mais est remplacée par des préparations recombinantes ou synthétiques,
essentiellement utilisées dans la thrombocytopénie induite par l’héparine (dosages particuliers pour la
CEC: voir HIT) [1,5,8,12].
 Bivalirudine (Angiox®) : inhibiteur synthétique et réversible de la thrombine ne générant ni
anticorps ni thrombocytopénie. Demi-vie : 25 min ; excrétion rénale. Dosage en cas de HIT :
0.15-2.0 mg/kg/h sans bolus. Le plus facile à manipuler pour la CEC. Test pour mesurer
l'effet: temps d'écarine (ECT); moins fiables: ACT, PTT.
 Argatroban (Argatroban Injection®) : petite molécule synthétique qui se lie sélectivement et
réversiblement à la thrombine. Demi-vie : 1 heure ; excrétion rénale minime et métabolisme
majoritairement hépatique. Dosage en cas de HIT : 2.0 mcg/kg/min sans bolus ; diminuer à
0.5-1.2 mcg/kg/min en cas d’hépatopathie ou après chirurgie cardiaque. Retour à une
coagulation normale 2-4 heures après l’arrêt de la perfusion.
 Danaparoïde sodique (Orgaran ®) : mélange d’héparine, de sulfate de chondroïtine et de
dermatane. Demi-vie de 7 heures pour l’activité anti-IIa et de 25 heures pour l’activité antiXa; élimination rénale. Dosage en cas de HIT : bolus 2'250 U, puis perfusion 400 U/H pour 4
heures, 300 U/h pour 4 heures et maintien avec 150-200 U/h.
 Désirudine (Iprivask®) : forme recombinante de l’hirudine, inhibiteur spécifique de la
thrombine. Demi-vie d’élimination : 2-3 heures (voie rénale). En usage clinique pour la
prophylaxie antithrombotique postopératoire (5-15 mg/j), expérience limitée en cas de HIT
(15-30 mg/12h). Administration sous-cutanée selon l’aPTT. Pas utilisable pour la CEC.
 Lépirudine (Refludan®) : forme recombinante de l’hirudine qui provoque une inhibition
irréversible de la thrombine. Demi-vie sérique de 10 min, demi-vie d’élimination 1-1.5 heure.
Elle est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale. La meilleure surveillance est l’ECT
(temps de coagulation par l’écarine du sang total citraté). La production de lépirudine a été
abandonnée en 2012 pour des motifs commerciaux.
Agents per os: dabigatran (Pradaxa®)
L’étexilate de dabigatran (Pradaxa®) est la forme orale absorbable du dabigatran ; sa biodisponibilité
est de 6.5%. C’est un inhibiteur compétitif direct de la thrombine, qui est actif sur la thrombine
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
33
circulante et sur la thrombine fixée dans le caillot. Le pic de concentration est atteint en 1.5-3 heures.
La demi-vie est de 9-11 heures chez le jeune et de 13-17 heures chez la personne âgée [4]; elle dépasse
28 heures lorsque la clairance de la créatinine est < 30 mL/min [2]; le dabigatran est contre-indiqué
dans l'insuffisance rénale. Les malades âgés de > 75 ans et ceux dont la Clcréat est de 30-50 mL/min
doivent recevoir une demi-dose. La liaison protéique est modeste (35% de la substance circulante). Le
dabigatran est rapidement métabolisé par des estérases sériques non-spécifiques; les résidus sont
excrétés par voie rénale. Le médicament n’est pas recommandé lorsque la clairance de la créatinine est
inférieure à 30 mL/min, ni en cas d’insuffisance hépatique ou de grossesse [2]. Il est également contreindiqué en association avec les anti-VIH, l’amiodarone, le verapamil, la rifampicine, les conazoles, la
ciclosporine et le tacrolimus [10,11]. Il existe un antidote spécifique pour le dabigatran: l'idarucizumab
(Praxbind®) est un anticorps monoclonal commercialisé depuis fin 2015; par voie intraveineuse, il a
une activité rapide et une durée d’action de 6 heures (voir Antagonisme). D'autre part, une
hémodialyse peut retirer environ 40-68% de la substance en 4 heures [9]. Le dabigatran présente une
tendance significative (OR 1.33) à augmenter l’incidence d’infarctus myocardique par rapport aux
AVK [7,10].
En préopératoire, il est recommandé d’interrompre le dabigatran 48 heures, et de préférence > 48
heures avant des interventions très hémorragiques. Si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min, le
délai est porté à 3-4 jours pour les opérations standards et à ≥ 4 jours pour les opérations à haut risque
de saignement [6,9]. Il est judicieux de contrôler l’effet résituel par un temps de thrombine (TT) 6-12
heures avant la chirurgie.
Les tests de coagulation sont différemment affectés par le dabigatran (150 mg, 2 fois par jour)
[2,7,9,13,17].
 Le TT est plus sensible au dabigatran que l’aPTT (> 55 et > 2.0, respectivement). Il n’offre
cependant aucune valeur quantitative et sa normalité n’exclut pas un effet résiduel de la
substance.
 Le TT dilué (dTT, Hemoclot™) calibré pour le dabigatran permet un dosage adéquat.
 Le temps d’écarine (ECT, ecarin clotting time > 5) mesure l’activité de la thrombine par le
biais d’un dérivé du venin de vipère ; il est très sensible au dabigatran.
 Le TCA (temps de céphaline activée) fournit une indication approximative de l’effet
anticoagulant du dabigatran, mais sa sensibilité est limitée.
 Le TP et l’INR sont modifiés de manière non prédictible (x 1.5-1.9) ; ils ne sont pas utilisables
pour l’évaluation de l’effet anticoagulatoire du dabigatran.
Les indications cliniques reconnues du dabigatran sont les suivantes [2,4,7,14,15,16].




Prophylaxie périopératoire de la thrombose veineuse profonde (150-220 mg/j);
Traitement de la thrombose veineuse aiguë (150 mg 2x/j) ;
Prévention de l’embolie systémique (AVC) en cas de fibrillation auriculaire (150 mg 2x/j) ;
Le dosage est divisé de moitié lorsque la clairance de la créatinine est < 50 mL/min et chez les
patients âgés de > 75 ans.
Le ximelagatran, un précurseur oral du melagatran, a été retiré du marché en 2006 à cause de sa
toxicité hépatique.
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Agents anti-thrombine directs
Inhibiteurs parentéraux de la thrombine (alternatives à l’HNF) :
- Bivalirudine (Angiox®, 0.15-2.0 mg/kg/h), demi-vie : 25 min ; excrétion principalement
rénale
- Argatroban (Argatroban Inject®, 2.0 mcg/kg/min), demi-vie : 1 heure ; excrétion hépatique
- Danaparoïde (Orgaran®, bolus 2'250 U, puis perfusion 150-200 U/h), demi-vie: 7 heures
(anti-IIa) à 25 heures (anti-Xa); élimination rénale
- Désirudine (Iprivask®, 5-15 mg/j scut), demi-vie: 2-3 heures, élimination rénale
Inhibiteur oral de la thrombine (alternative aux agents anti-vitamine K) : dabigatran (Pradaxa®).
Inhibiteur direct, actif sur la thrombine circulante et sur la thrombine fixée dans le caillot. Demi-vie :
9 heures chez le jeune, 13-17 heures chez la personne âgée, > 28 heures en cas d’insuffisance rénale.
Le TT est plus sensible au dabigatran que l’aPTT, alors que le TP/INR est prolongé de manière non
prédictible. Délai d’interruption préopératoire: minimum 48-72 heures. Dosages:
- Prophylaxie: 150-220 mg/j
- Thérapeutique: 150 mg 2x/j
A l'exception du dabigatran, ces substances n’ont pas d’antagoniste; antagoniste du dabigatran:
idarucizumab (Praxbind®).
Inhibiteurs directs du facteur Xa
Les trois inhibiteurs directs du facteur Xa actuellement sur le marché européen sont des substances
orales réclamant 1 à 2 prises par jour, mais ne nécessitant aucun contrôle de la coagulation (voir
Tableaux 8.1, 8.2 et 8.3, pages 26 et 27). Toute une série de grandes études randomisées multicentriques ont permis de préciser quelles sont les indications cliniques de ces nouvelles substances
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
35
[11,26]. Les délais d'interruption de ces médicaments avant une intervention chirurgicale sont exposés
sous Gestion périopératoire (voir Tableaux 8.7A et 8.7B pages 58 et 61, 8.11 et 8.12 pages 124-125).
Rivaroxaban (Xarelto®)
Le rivaroxaban est un inhibiteur compétitif direct du site actif du facteur Xa. Après ingestion orale, la
biodisponibilité est de 80%, et le pic de concentration est atteint en 2.5-4 heures. La demi-vie est de 59 heures, mais de 11-13 heures > 75 ans et en cas d’insuffisance rénale. La liaison protéique est très
forte (92-95% de la substance circulante). L’élimination se fait par métabolisation hépatique pour deux
tiers et par excrétion rénale pour un tiers [4]. Les taux sériques obtenus avec une dose de 20 mg sont
en moyenne de 250 ng/mL au pic de concentration (2-4 heures après la prise) et de 40-50 ng/mL au
nadir (12-24 heures) [23]. Cependant, les valeurs obtenues avec le même dosage affichent une
importante variabilité interindividuelle (47-93%) [23], entre autre liée à l’âge et à la fonction rénale
(Figure 8.11) [19].
Concentration
(mcg/L)
Normal
90 ans, cl créat 30 mL/min
clairence créat 35 mL/min
90 ans
45 kg
400
300
200
100
4
8
12
16
20
24
Temps après administration (heures)
Figure 8.11: Profils de concentration du rivaroxaban (20 mg 1 x/j) en fonction du temps dans différentes
situations: patients de 90 ans en insuffisance rénale (pointillé turquoise), patients avec une clairance de la
créatinine de 35 mL/kg (pointillé jaune), patients de 90 ans (pointillé violet), patients de 45 kg (pointillé vert). La
courbe d’un individu standard est représentée en bleu. En rouge, courbes des 5ème et 95ème percentiles; la valeur
supérieure représente environ 3 fois la valeur inférieure [modifié d’après réf 19].
Bien que l’inhibition du facteur Xa soit directement proportionnelle au taux plasmatique de la
substance, on ne dispose pour l’instant d’aucune donnée concernant la relation entre ce taux et le
risque hémorragique [20]. Il semble toutefois logique de penser qu’ils augmentent de manière
parallèle. Comme pour les autres xabans, il peut exister des interférences médicamenteuses avec
d’autres substances dont le métabolisme dépend aussi des cytochromes hépatiques CYP3A4 et du
transport par la P-glycoprotéine. Ainsi les antifongiques azolés, les antiprotéases anti-VIH, certains
antibiotiques (clarithromycine) et certains antiarythmiques (dronédarone) augmentent de 2.5 fois les
taux de rivaroxaban, alors que le phénobarbital, la carbamazépine, la phénytoïne, la rifampicine et le
millepertuis les diminuent de 50%. Il n’existe pas d’interaction avec les statines [13,14].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
36
Le rivaroxaban prolonge significativement le TP et non-significativement l’aPTT. Le TP ne peut pas
être utilisé pour quantifier l’effet; il ne permet pas de confirmer l’absence d’anticoagulation résiduelle
même s’il est normal. Le test spécifique est l’activité anti-Xa calibrée pour le rivaroxaban (voir
Monitorage) [1,11]. La substance est contre-indiquée chez les femmes enceintes, pendant l’allaitement
et chez les malades en insuffisance hépatique (Child-Pugh B et C) ou rénale (Cl créat < 30 mL/min)
[1].
En préopératoire, il est recommandé d’attendre 24 heures après la dernière dose (10 mg/j) pour
procéder à des interventions sans risque hémorragique chez des patients sans comorbidités [27]. Ce
délai est porté à 48 heures pour les doses de 15-20 mg, si le patient est âgé de > 75 ans ou si la
chirurgie est majeure; il est porté à 3-4 jours si la clairance de la créatinine est de 30-50 mL/min. Si la
Clcréat est < 30 mL/min, la substance est contre-indiquée. Pour procéder à une anesthésie locorégionale rachidienne (péridurale, intrathécale) ou à des blocs profonds, il est recommandé d’attendre
72 heures par souci de sécurité [13]. Le retrait du cathéter épidural doit être reporté à 48 heures après
la dernière dose. Un délai de 6 heures est à respecter entre la ponction ou le retrait du cathéter épidural
et la reprise du médicament [24].
En Europe, le rivaroxaban occupe le tiers du marché des anticoagulants et les trois quarts de celui des
NACO. Il est accepté dans les indications suivantes:
 Prophylaxie de la thrombose veineuse profonde postopératoire (10 mg/j), débutée 6-12 heures
après la chirurgie [28];
 Traitement de la thrombose veineuse profonde aiguë (TVP) et de l’embolie pulmonaire (15
mg 2x/j pendant 3 semaines, puis 20 mg/j) [5];
 Prévention de l’embolie systémique (AVC) en cas de fibrillation auriculaire (20 mg/j) [21];
 Traitement du syndrome coronarien aigu en appoint de la bithérapie (2.5-5 mg 2x/j) [18].
Apixaban (Eliquis®)
L’apixaban est aussi un inhibiteur compétitif direct du facteur Xa. Sa demi-vie est de 8-15 heures;
l’élimination se fait par métabolisation hépatique pour les trois quarts et par excrétion rénale pour un
quart [4]. Comme pour le rivaroxaban, des interférences médicamenteuses sont possibles avec des
substances dont le métabolisme dépend des cytochromes hépatiques CYP3A4. La substance est
également à éviter chez les femmes enceintes et chez les malades en insuffisance hépatique ou rénale
(Cl créat < 30 mL/min) [1]. L’apixaban (2.5-5 mg 2x/j) prolonge le TP de manière non-fiable et
modifie peu l’aPTT [11]. Le test de choix est le dosage de l’activité anti-Xa. En préopératoire, il est
recommandé d’attendre 48 heures après la dernière dose pour procéder à la chirurgie et, par sécurité,
72 heures pour une ALR rachidienne. Ce délai est porté à 3-4 jours si le patient est âgé de > 75 ans, si
la chirurgie est très hémorragique ou si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min.
En Europe, l’apixaban est accepté dans les indications suivantes:
 Prophylaxie de la thrombose veineuse profonde postopératoire (2.5-5.0 mg 2x/j) [15];
 Prévention d’embolie systémique en cas de fibrillation auriculaire [8].
Edoxaban (Savaysa®, Lixiana®)
L’edoxaban est introduit sur les marchés japonais, américain et européen depuis le printemps 2015
pour le traitement et la prévention de la TVP et pour la prévention de l’AVC dans la FA [6,7]. A la
dose de 60 mg/j, il diminue significativement le risque hémorragique par rapport à la warfarine [12].
Sa demi-vie est de 10-14 heures et son élimination est pour moitié rénale. Son dosage est de 60 mg 1
x/jour (indépendamment des repas), mais il doit être diminué de moitié en cas d’insuffisance rénale
(clairance créatinine 30-50 mL/min) [29]. Comme tous les xabans, il prolonge le TP de manière non-
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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quantitative, mais ne modifie que partiellement le TT et le PTT ; le test de choix est le dosage de
l’activité anti-Xa [10]. Comme on ne dispose pas encore de test spécifique pour l’edoxaban, il est
conseillé d’utiliser le dosage anti-Xa calibré pour l’HBPM. N’ayant aucune donnée sur sa gestion en
périopératoire, il est pour l’instant suggéré de l’arrêter 48 heures avant l’opération dans les cas
standards, 72 heures avant une ALR rachidienne et 3-4 jours en cas d’insuffisance rénale (Tableaux
8.7 pages 58 et 61, 8.11 et 8.12 pages 124-125). Les concentrés de complexe prothrombinique 4facteurs (50 UI/kg) antagonisent l’effet de l’edoxaban [30].
Contre-indications
D’une manière générale, les différents NACO (nouveaux anticoagulants oraux : dabigatran,
rivaroxaban, apixaban) partagent les mêmes contre-indications. Elles sont liées essentiellement au
risque hémorragique et à l’élimination rénale (totale ou partielle) de ces substances.






Hémorragie évolutive cliniquement significative, diathèse hémorragique, coagulopathie ;
Maladie gastro-intestinale ulcéreuse ;
Insuffisance rénale (clairance créatinine < 30 mL/min ou nécessitant une dialyse) ;
Hépatopathie sévère ;
Grossesse et allaitement ;
Prothèse valvulaire cardiaque (indication aux AVK).
Antidote
Contrairement au dabigatran, les agents anti-Xa n’ont pas d’antagoniste disponible en cas d'urgence.
Toutefois, deux agents sont actuellement en cours d'essai clinique et devraient arriver sur le marché
dans un proche avenir (voir Antagonisme) [3,17,22].
 Andexanet alfa (Annexa®); fonctionne comme un leurre du facteur Xa et séquestre les
inhibiteurs de ce facteur (xabans). L'activité anti-Xa est réduite de 92-94% en 5 minutes et
l'effet dure 2 heures [25] et l'hémostase est effective dans 79% des cas [9]. La durée d'action
de l'andexanet étant plus courte que celle des xabans, il y a un risque d'effet rebond de
l'anticoagulation. La substance est en voie de commercialisation pour renverser l'effet du
rivaroxaban, de l'apixaban et de l'edoxaban, mais elle n'est pas encore approuvée par la FDA
ni par l'EMA.
 Ciraparantag (aripazine, PER977); molécule polyvalente contenant 8 sites de fixation
covalente par l'H+, efficace pour renverser l'effet des xabans, de l'argatroban, du fondaparinux,
du dabigatran et des héparines. Le temps de coagulation est normalisé en 10 minutes [2], et
l'hémorragie diminuée de 90% chez l'animal [16]. Les essais cliniques n'étant pas encore
terminés, la substance ne sera pas sur le marché avant 1-2 ans.
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Agents anti-Xa
Inhibiteurs directs du facteur Xa, administrés par voir orale 1 fois par jour (2x pour l'apixaban). Le
test spécifique est l’activité anti-Xa calibrée pour le médicament, car les tests habituels sont modifiés
de manière non-quantitative; seul le TP est prolongé. Des interférences médicamenteuses sont
possibles avec des substances dont le métabolisme dépend aussi des cytochromes hépatiques
CYP3A4 et de la protéine de transport P-gp.
- Rivaroxaban (Xarelto®, 10-20 mg/j), demi-vie : 10 heures, 12 heures > 75 ans et en cas
d’insuffisance rénale. Délai d’interruption préopératoire : minimum 24 heures (10 mg/j)
avant intervention mineure ; 48 heures avant opération majeure, dosage 15-20 mg/j, ou
âge >75 ans ; 2-4 jours en cas d’insuffisance rénale (élimination rénale pour moitié)
- Apixaban (Eliquis®, 2.5-5.0 mg 2x/j), demi-vie 12 heures, élimination principalement par
métabolisation hépatique. Délai d’interruption préopératoire : 48 heures
- Edoxaban (Lixiana® 60 mg/j), demi-vie 10-14 heures, élimination pour moitié par voie
rénale. Délai d’interruption préopératoire : 48 heures, 72 heures si risque hémorragique ou
ALR rachidienne
- En règle générale : interruption de 3 demi-vies avant la chirurgie (48 h) et de 5 demi-vies
avant une ALR rachidienne (72 h)
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
39
Agents anti-vitamine K
Dans les années 1920, des hémorragies massives parmi le cheptel ayant mangé du foin moisi avaient
mis sur la piste de la warfarine. D’abord utilisée comme mort-aux-rats, celle-ci a ensuite été adaptée à
l’usage clinique chez l’homme comme anticoagulant oral (Coumadine®). Les coumarines comme la
phénprocoumone (Marcoumar®) ou l’acénocoumarol (Sintrom®) sont utilisées depuis les années
cinquante (voir Tableaux 8.1 page 26, 8.2 et 8.3 page 27, 8.11 et 8.12 pages 124-125).
Les anti-vitamine K (AVK) agissent en bloquant la synthèse hépatique des facteurs dépendant de cette
vitamine: facteurs II (prothrombine), VII, IX et X, protéine C et S (voir Figure 8.9). En début de
traitement, la déplétion en protéine C et S est plus rapide que celle en facteurs de coagulation, ce qui
induit passagèrement un état hypercoagulable, puisque ces deux protéines ont un effet inhibiteur sur la
cascade coagulatoire [1]. La demi-vie est de 8-11 heures pour le Sintrom® et 90-160 heures pour le
Marcoumar®. Etant principalement éliminés par voie hépatique, ces médicaments sont peu influencés
par la fonction rénale. La dose initiale est 5-10 mg par jour, réglée ensuite sur la réponse de l’INR.
Chez les personnes âgées, il est judicieux de rester < 5 mg/j [2]. L’incidence des saignements sous
AVK varie de 0.5% à 3.4% par an selon les études, en fonction de l’INR recherché [5].
Bien qu’ils soient utilisés depuis une soixantaine d’années, les agents anti-vitamine K présentent des
inconvénients majeurs [4,6].
 La réponse est lente; le pic d’action est atteint après plusieurs jours (4 jours pour le Sintrom, 7
jours pour le Marcoumar); lors de thrombo-embolie veineuse, l’AVK est débuté pendant les 25 premiers jours de traitement héparinique intraveineux.
 Le traitement nécessite une surveillance continue par l’INR / TP.
 La marge thérapeutique est étroite; l’INR thérapeutique est situé entre 2.0 et 3.0. Or la réponse
individuelle est très variable pour plusieurs raisons: polymorphisme génétique et ethnique
important, forte liaison à certains aliments, fluctuations dans l’ingestion de vitamine K,
interaction avec de nombreux autres médicaments.
o Potentialisation: antifungiques azole, céphalosporines, érythromycine, amoxicilline,
amiodarone, diltiazem, clofibrate, fluvastatine, simvastatine, phénylbutazone,
cimétidine, oméprazole, acétaminophène, alcool, AINS.
o Inhibition: rifampicine, barbiturés, carbamazépine, azathioprine.
Lors d’interruption préopératoire, le délai pour que l’INR soit ≤ 1.5 est en moyenne de 5 jours, mais il
varie considérablement selon les patients en fonction de la dose d’entretien, de la fonction hépatique,
de l’alimentation et des médications concomitantes. La routine est d’interrompre les AVK 5 jours
avant la chirurgie et de les reprendre le premier jour postopératoire (voir Chirurgie chez malades
anticoagulés) [3]. Comme on ne peut pas laisser les patients aussi longtemps sans anticoagulation, il
est recommandé d’assurer une substitution momentanée par une héparine (voir Substitution).
Références
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
40
Agents anti-vitamine K
Les AVK bloquent la synthèse hépatique des facteurs dépendant de la vitamine K: facteurs II
(prothrombine), VII, IX et X, protéine C et S. Le le pic d’action est atteint après plusieurs jours (4
jours pour le Sintrom®, 7 jours pour le Marcoumar®) ; la demi-vie est longue : 11 heures pour le
Sintrom®, 40 heures pour la Coumadine® et 140 heures pour le Marcoumar®. La réponse est très
variable individuellement, d’où la nécessité de monitorer régulièrement le TP/INR (niveau
thérapeutique : INR 2.5-3.0). Dose initiale : 5-10 mg/j ; entretien : 2-5 mg/j.
Lors d’interruption préopératoire, le délai pour que l’INR soit < 1.5 est en moyenne de 5 jours, mais
il varie considérablement selon les patients en fonction de la dose d’entretien, de la fonction
hépatique, de l’alimentation et des médications concomitantes. La routine est d’interrompre les AVK
≥ 5 jours avant la chirurgie et de les reprendre le premier jour postopératoire ; une substitution avec
une héparine est en général nécessaire.
Antiplaquettaires et statines
La thrombine active à la fois la formation de fibrine et l’agrégation des plaquettes; elle est un pont
entre le système de la coagulation et celui de l’agrégation plaquettaire. Mais les thrombocytes
possèdent leurs propres systèmes d’activation, et leurs nombreux récepteurs peuvent être bloqués par
différentes substances (Figures 8.12 et 8.13) (Tableaux 8.11 et 8.12 pages 124-125).
TXA2
ADP
Thrombine
TXA2
ADP
PAR1
PAR4
TPα
TPβ
COX-1
P2Y12
P2Y1
2+
↑ Ca
↓ cAMP
GPIb/V/IX
GP IIb/IIIa
© Chassot 2013
Facteur von
Willebrand
Collagène
Fi
b
Fibrinogène
FvW
Figure 8.12 : Plusieurs types de récepteurs sont localisés à la surface d’une plaquette. Lors de lésions
endothéliale, le facteur von Willebrand (FvW) et le collagène activent le récepteur GP Ib/V/IX. Ceci procoque
une libération de thromboxane A2 (TXA2), d’ADP, de thrombine et de sérotonine. Ces substances vont activer
les récepteurs correspondants de la plaquette et des thrombocytes du voisinage (TP α et β, P2Y1 et P2Y12, PAR1
et PAR4). La stimulation de ces récepteurs induit une élévation du Ca2+ intracellulaire et une baisse de l’AMP
cyclique, ce qui conduit à une activation du récepteur GP IIb/IIIa ; celui-ci se lie au fibrinogène, qui agglutine
plusieurs plaquettes entre elles, et au FvW qui ancre la plaquette à la paroi. PAR : protease-activated receptor.
TP : thromboxane/prostanoid.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
41
Inhib COX-1:
Aspirine
AINS
Inhib thrombine:
Vorapaxar
Atopaxar
Inhib ADP
irréversibles:
Clopidogrel
Prasugrel
Thrombine
TXA2
PAR1
PAR4
TPα
TPβ
COX-1
Inhib ADP
réversibles:
Ticagrelor
Cangrelor
Elinogrel
ADP
P2Y12
P2Y1
2+
↑ Ca
↓ cAMP
PDE3
TXA2
ADP
IPDE-3:
Cilostazol
GP Ib/V/IX
GP 2IIb-IIIa
Anti-adhésion:
DZ 697b
ARC1779
Facteur von
Willebrand
Collagène
Fi
b
Fibrinogène
FvW
Anti-GP IIb/IIIa:
Abciximab
Eptifibatide
Tirofiban
© Chassot 2013
Figure 8.13 : Les différentes catégories d’agents antiplaquettaires, classés selon le récepteur bloqué. Inhib :
inhibiteurs. IPDE : inhibiteur des phospho-diestérases. FvW : facteur von Willebrand. Fi : fibrinogène.
Sans être des anticoagulants proprement dits, les agents antiplaquettaires (AAP) inhibent l’agrégation
des thrombocytes et freinent à des degrés divers la formation du “thrombus blanc” qui est la base du
caillot dans les lésions vasculaires artérielles (rupture de plaque athéromateuse, par exemple) [1]. Le
sujet est traité en détail dans un autre chapitre (Chapitre 29 Les antiplaquettaires).
Les statines sont des inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-méthylglutaryl coenzyme A réductase, très
largement utilisés pour leurs effets hypolipémiants, anti-inflammatoires, anti-oxydants et stabilisateurs
des plaques athéromateuses (voir Chapitre 3 Les statines). Mais les statines ont encore des effets
directs à la fois sur la coagulation et sur l’agrégabilité plaquettaire [4].
 Inhibition de l’activité du facteur tissulaire (FT) et diminution de la synthèse du facteur Va;
 Activation de la thrombomoduline et de la voie de la protéine C inhibitrice de la coagulation;
 Inhibition de la formation de thromboxane A1 et activation de la synthèse de NO dans les
plaquettes.
Dans plusieurs situations cliniques, les statines ont effectivement démontré une réduction significative
du risque cardiovasculaire (44-63%), indépendante des autres conditions thérapeutiques : angioplastie
coronarienne, syndrome coronarien aigu, thrombo-embolie veineuse profonde [2,3]. Mais il s’agit le
plus souvent d’études impliquant de hautes doses de statines, qui tendent à augmenter le risque d’AVC
hémorragique.
Références
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Monitorage
Les tests de coagulation habituels font partie de l’évaluation du malade anticoagulé en préopératoire,
mais ont une portée limitée dans la prédiction du risque hémorragique, parce qu’ils évaluent
essentiellement la coagulation in vitro sans l’effet des cellules circulantes (plaquettes, leucocytes) ni
celui de l’endothélium. Leur standardisation est difficile [8]. Leur sensibilité dépend du réactif utilisé
[2,14].
 L’aPTT (activated partial thromboplastin time) est sensible aux facteurs I, II, V, X (voie
commune) et VIII, IX, XI, XII (voie intrinsèque); le seuil pathologique est fixé empiriquement
à ≥ 60 secondes (1.5-1.8 fois la valeur normale) ; la valeur normale (30-40 sec) est variable
selon les laboratoires.
 Le TP (temps de prothrombine) est sensible aux facteurs I, II, V, VII, X (voie extrinsèque) ; il
mesure les facteurs dépendant de la vitamine K. Le seuil pathologique est fixé empiriquement
à ≥ 40 secondes. Le rapport normalisé INR (International normalized ratio) est un mode
d’expression du TP qui tient compte de la sensibilité du réactif utilisé pour le test
(thromboplastine) et qui réduit les variations entre laboratoires ; il est spécifique aux agents
anti-vitamine K et ne s'applique pas aux autres substances. L’INR normal est < 1.5.
 Le TT (temps de thrombine) mesure la conversion du fibrinogène en fibrine; il est prolongé
par les inhibiteurs de la thrombine comme l'héparine, la bivalirudine ou le dabigatran.
 Le fibrinogène doit rester > 2 gm/L pour permettre une polymérisation adéquate de la fibrine
et éviter des saignements excessifs. La méthode de Clauss habituellement utilisée pour sa
mesure est sensible à la présence de colloïdes, ce qui conduit à une surestimation de son taux
en leur présence. Ni la technique de Clauss ni le FIBTEM de la thromboélastographie ne sont
standardisés.
 Le taux de thrombocytes ne prédit rien de leur fonction, mais doit être > 70’000/mcL pour
assurer un thrombus efficace.
Suivi des anticoagulants
Les tests de laboratoire sont essentiels pour le suivi des malades sous héparine ou antivitamine K
(AVK), parce que la réponse à ces médicaments est très variable selon les individus et selon les
circonstances (diète, comédication, etc). Il n’en est pas de même pour les nouveaux anticoagulants
oraux (NACO), qui ont précisément été mis au point dans le but d’offrir une réponse linéaire entre la
dose et l’effet, et d’éviter le recours à de fréquents dosages de laboratoire. De ce fait, on ne dispose pas
de monitorage fiable pour ces substances, qui tendent à modifier les tests de manière non spécifiques.
Pour les NACO, il est difficile d’évaluer avec certitude quel est le degré réel d’anticoagulation d’un
malade et quel est le seuil hémostatique à partir duquel la coagulation peut être considérée comme
satisfaisante. Les tests de laboratoire sont diversement influencés par ces différents anticoagulants
(Tableaux 8.4 et 8.11 pages 44 et 124), et les seuils de sécurité d’INR ou d’aPTT validés pour les
AVK ne s’appliquent pas aux nouvelles substances [3,13].
Il est d’usage d’évaluer l’effet de l’héparine non-fractionnée (HNF) par deux tests de laboratoire, vu
que la substance présente une pharmacocinétique non-linéaire [6].
 Le temps de thromboplastine (aPTT, activated partial thromboplastin time) est performant
aux dosages habituels; valeur recherchée: 2 à 3 fois la valeur de contrôle.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
43
 L’ACT (ACT, activated clotting time) est préférable aux dosages élevés comme lors de CEC;
valeur recherchée: ≥ 450 secondes pour un circuit de CEC standard, 250-300 secondes pour
un circuit pré-hépariné.
Tableau 8.4 : Effets des anticoagulants sur les tests de laboratoire
Substance
aPTT
TP
INR
↑
Héparine non-fractionnée
HBPM
TT
ACT
↑
↑
↑
↑
(↑)
↑
®
®
↑
Bivalirudine (Angiox )**
®
Argatroban (Argatroban Inj )
Dabigatran (Pradaxa )**
↑
↑
↑
↑
↑
↑
↑
(↑)
®
↑↑
Rivaroxaban (Xarelto )
↑
(↑)
↑↑
Apixaban (Eliquis®)
(↑)
(↑)
↑↑
↑
(↑)
↑↑
↑↑
↑↑
®
Edoxaban (Lixiana )
Anti-vitamine K
Anti IIa
↑
Fondaparinux (Arixtra )
®
Anti-Xa*
↑
↑
* Spécifiquement calibré pour la substance dosée
** Test spécifique: temps d'écarine (ECT); pour le dabigatran, également dTT (Hemoclot™)
L’INR a été spécifiquement conçu pour le suivi des AVK. La sensibilité des tests est la plus élevée pendant
les 4-8 premières heures après l’administration de la substance.
D’après:
Chassot PG, Barelli S, Blum S, Angelillo-Scherrer A, Marcucci C. Antiplatelet therapy and anticoagulation. In :
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La mesure de l’activité des HBPM, qui affectent peu l'aPTT, du fondaparinux et des substances antiXa (fondaparinux, xabans) se fait par le dosage de l’effet anti-Xa calibré pour la substance, dont le pic
est atteint 3 à 5 heures après l’administration. La valeur cible est 0.5-1.0 ou de 1.0-2.0 UI/mL en
administration prophylactique ou thérapeutique, respectivement [10]. Ce dosage n’est pas requis pour
le suivi des malades, excepté en cas d’obésité, de grossesse, d’insuffisance rénale, de surdosage ou de
décision préopératoire urgente.
La variabilité de la réponse individuelle et les effets de la diète ou des co-médications imposent de
suivre l’effet des anti-viatmine K par le temps de thromboplastine (TP ou temps de Quick) ou par
l’INR. Le niveau thérapeutique recherché est ≤ 30% pour le TP et 2.5 - 3.0 pour l’INR [1].
Les tests de coagulation sont affectés de manière variable par les NACO [4,5,7,9,12,15].
 Le TT (temps de thrombine) est très sensible au dabigatran, mais ne permet qu’une évaluation
qualitative, alors que le TT dilué (dTT) et calibré pour le dabigatran (Hemoclot™) permet une
détermination quantitative du taux plasmatique. Le TT est insensible aux xabans.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
44
 L’aPTT est sensible au dabigatran et permet de déterminer la présence ou l’absence d’effet
anticoagulatoire, mais non une quantification. Un effet résiduel de la substance est possible
même si l'aPTT est normal. L'aPTT est mal corrélé aux xabans.
 Le TP est sensible aux agents anti-Xa directs (rivaroxaban, apixaban, edoxaban), mais
insensible aux agents anti-IIa directs (dabigatran). Il est partiellement corrélé au taux
plasmatique de rivaroxaban et d’edoxaban, mais de manière très dépendante du réactif utilisé.
Il est peu corrélé au taux d'apixaban. Il n’est fiable que s’il est réalisé avec une
thromboplastine sensible aux xabans (Neoplastin Plus™, sensible à des taux ≥ 50 ng/mL). En
l’absence de normalisation entre les différents réactifs, le TP ne peut pas être envisagé pour
prédire l’intensité de l’anticoagulation. Un TP normal ne permet pas d’exclure une activité
anti-Xa résiduelle [9,12].
 Les tests chromatographiques mesurant l’activité anti-Xa calibrée pour chaque substance
permettent de quantifier l’effet des anti-Xa directs (rivoraxaban, apixaban) et indirects
(HBPM, fondaparinux) en U/mL; leurs résultats sont étroitement corrélés au taux sérique de
ces substances. Ce sont les tests préférentiels pour les xabans. Toutefois, on ne dispose
d’aucune donnée pharmacologique sur la relation entre les résultats de laboratoire et le risque
hémorragique du malade [12].
 Le temps d’écarine (ECT, ecarin clotting time) mesure le temps de thrombine avec un dérivé
du venin de vipère comme activateur de la prothrombine ; il est approprié pour l’évaluation du
dabigatran et de la bivaluridine.
Un TP ou un aPTT normaux signalent que l’activité résiduelle du rivaroxaban ou du dabigatran,
respectivement, est probablement faible, mais ne permettent pas en eux-mêmes d'autoriser la chirurgie
[11]. Les valeurs obtenues par les différents tests dépendent du délai entre l’examen et la dernière
prise du médicament ; elles sont les plus élevées pendant les premières heures (pic de concentration
sérique), période où les tests ont leur sensibilité maximale [12]. Il est donc recommandé d’effectuer
une mesure élective dans la période du taux résiduel, soit entre 12 et 18 heures après la dernière prise
pour avoir une idée de la concentration minimale de la substance à laquelle le patient est toujours
exposé [9,12]. L’identification et la mesure exacte de la concentration de ces substances sont possibles
par chromatographie liquide haute performance ou par spectrographie de masse, mais ces examens ne
sont pas disponibles partout et ne sont en général pas remboursés.
Monitorage des anticoagulants
Suivi des patients sous héparine non-fractionnée (HNF) en perfusion :
- Temps de thromboplastine (aPTT, activated partial thromboplastin time) ; valeur
recherchée: 1.5 – 2.5 fois la valeur de contrôle
- ACT (activated clotting time) ; préférable aux dosages élevés ; ≥ 450 secondes en CEC
Suivi des patients sous HBPM, fondaparinux et anti-Xa : dosage de l’effet anti-Xa calibré pour la
substance. Valeur cible : 0.5-1.0 UI/mL (prophylactique) ou 1.0-2.0 UI/mL (thérapeutique).
Suivi des patients sous agents anti-vitamine K (AVK) :
- TP (temps de Quick), valeur-cible : ≤ 30%
- INR (International normalized ratio), valeur-cible : 2.5 - 3.0
Suivi des patients sous nouveaux anticoagulants oraux (NACO) :
- TT, aPTT et ECT prolongés par le dabigatran ; Hemoclot™ (quantitatif)
- TP prolongé par le rivaroxaban et l'edoxaban (non fiable pour l’apixaban)
- Activité anti-Xa calibrée pour la substance comme mesure quantitative pour les xabans
- TP et aPTT sont prolongés de manière non-quantitative; leur normalité ne permet pas
d’éliminer une activité anticoagulatoire des xabans ou du dabigatran, respectivement
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Références
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Thrombocytopénie induite par l’héparine (HIT)
La thrombocytopénie induite par l’héparine (TIH), ou HIT (heparin-induced thrombocytopenia), est
un état prothrombotique déclenché par des anticorps IgG dirigés contre le complexe formé entre
l’héparine et le facteur-4 des plaquettes (PF4). Cet ensemble IgG-héparine-PF4 active la plaquette, qui
relâche alors le PF4, prêt à former d’autres complexes avec l’héparine. Il s’ensuit une activation
intense des plaquettes, qui libèrent leurs microparticules et déclenchent la cascade de la coagulation
par la voie extrinsèque (facteur tissulaire et facteur VIIa) avec production massive de thrombine. Ce
syndrome présente plusieurs caractéristiques [7,13,14].
 Exposition à un traitement d’héparine pendant 5-10 jours; le risque est de 1-5% avec
l’héparine non-fractionnée (HNF) et de 0.1-1% avec les héparines à bas poids moléculaire
(HBPM) ; il est de 1-5% après chirurgie cardiaque ou trauma [6].
 Thrombocytopénie: chute du taux de plaquettes d’au moins 50%.
 Thromboses veineuses et artérielles, avec leur cascade de complications (35-80% des cas):
embolie pulmonaire, infarctus myocardique, AVC, nécroses cutanées. En général, les
thromboses veineuses sont prédominantes, mais les thromboses artérielles sont plus fréquentes
en chirurgie cardiaque. Une CIVD est présente dans 10-20% des cas.
 Taux élevé d’anticorps anti-héparine. Ce taux est corrélé avec les complications
thrombotiques au cours de l’héparinothérapie, mais il se négative au-delà de 3 mois car les
anticorps ont une durée de vie inférieure à 100 jours.
Les problèmes cliniques sont liés à l’excès de thrombine, non à la thrombocytopénie [6]. Le syndrome
est suspecté chez tout patient sous héparine qui développe une thrombocytopénie ou une thrombose
dans les 5-15 jours après le début du traitement. Sa probabilité est évaluée par un score qui a une haute
valeur prédictive négative, mais une faible valeur prédictive positive (Tableau 8.5A) [13]. Il existe
également un score spécialement dédié à la situation après CEC (Tableau 8.5B) [12].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
46
Tableau 8.5A
Score de risque pour la thrombocytopénie insuite par l’héparine (HIT)
(4Ts score: Thrombocytopenia, Timing, Thrombosis, oTher cause)
Score = 2
Score = 1
Score = 0
Thrombocytopénie
Chute thrombos > 50%
Nadir 20-50’000/mcL
Pas de chirurgie < 3 j
Chute > 50%, mais
chirurgie < 3 jours
Chute < 30%
Délai
5-10 j après début héparine
> 1 j après début héparine,
mais héparine 5-30 jours
auparavant
5-10 j héparine douteux
> 1 j après début héparine,
mais héparine 30-100
jours auparavant
< 5 j, mais pas
héparine à <
100 jours
Thrombose
veineuse ou artérielle
confirmée
nécrose cutnaée
veineuse
érythème aux points
d’injection de l’héparine
suspicion
Autre cause de
thrombocytopénie
pas d’autre cause
autre cause possible
sepsis, IPPV
autre cause
probable, CIVD
Probabilité de HIT
Score 6-8: élevée
Score 4-5: modérée
Score 0-3:
exclusion de
HIT
Une probabilité élevée (score 6-8) n’est pas pour autant un diagnostic certifié de HIT.
D’après: Linkins LA, Dans AL, Moores LK, et al. Treatment and prevention of heparin-induced thrombocytopenia.
Antithrombotic therapy and prevention of thrombosis, 9th ed: American College of Physicians Evidence-Based Clinical
Practice Guidelines. Chest 2012; 141 (Suppl 2):e495S-e530S
.
Tableau 8.5 B:
Score de risque pour la thrombocytopénie insuite par l’héparine après CEC
Scénario Clinique
Taux de plaquettes
Points
Type A: recuperation après CEC,
puis rechute après > 4 jours
Type B: thrombopénie immédiate
post-CEC et persistence > 4 jours
2
Délai après CEC
≥ 5 jours
< 5 jours
2
0
Durée de CEC
≤ 120 minutes
> 120 minutes
1
0
1
Score total: ≥ 2 points: probabilité élevée de HIT; < 2 points: faible probabilité de HIT
D’après: Lillo - Le Louët A, Boutouyrie P, Alhenc-Gela M, et al. Diagnostic score for heparin-induced thrombocyto-penia
after cardiopulmonary bypass. J Thromb Haemost 2004; 2:1882-8
Les scores intermédiaire et élevé obligent à tester la présence d’anticorps anti-complexe héparine-PF4,
qui est diagnostique [14].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
47
 Tests immunologiques (ELISA): dosage direct des anticorps; la sensibilité de ces tests est
élevée, mais leur spécificité est modérée;
 Tests fonctionnels: activation plaquettaire en présence d’héparine et libération de sérotonine;
plus difficiles à réaliser, ces tests sont considérés comme la référence.
Certaines situations sont à risque élevé (> 1%) et réclament un dosage des plaquettes tous les 2-3 jours
pendant 2 semaines, particulièrement les jours 5, 7 et 9; ce sont tout particulièrement l’administration
d’héparine postopératoire (incidence en orthopédie 1-5%), les suites de la chirurgie cardiaque
(incidence 1-5%) et la chirurgie du cancer (incidence 1-2%). La prévalence est moindre en obstétrique
et dans les indications médicales à l’héparine. Les femmes sont deux fois plus souvent atteintes que les
hommes [13]. Après chirurgie cardiaque, l’apparition ou la persistance d’une thrombocytopénie audelà du 4ème jour est toujours suspecte, car la baisse des plaquettes liée à la CEC, qui débute dès la fin
de la pompe, se résout normalement après 4 jours. Le pic d’incidence de HIT survient entre le 5ème et
le 15ème jour postopératoire. La mortalité du syndrome est de 5 à 30%, en général liée aux
complications des thromboses. Leur prophylaxie est handicapée par le fait qu’elles peuvent survenir en
même temps que la thrombocytopénie [6].
Le traitement consiste à interrompre immédiatement l’administration d’héparine (HNF et HBPM) et
les contacts avec la substance (rinçage, cathéter enduit d'héparine). L'héparine est remplacée par un
agent qui bloque la cascade au niveau du facteur Xa: argatroban, bivalirudine, désirudine, danaparoide
ou fondaparinux. La transfusion de plaquettes n’est indiquée qu’en cas d’hémorragie grave, mais non
en fonction du taux de thrombocytes. En effet, le risque de saignement est faible et la transfusion
plaquettaire augmente le risque de thrombose. L’anticoagulaion doit être prolongée pendant 6
semaines en cas de thrombocytopénie isolée et 3 mois en cas de thrombose associée [7]. Un
antivitamine K (INR 2.0-3.0) est donc introduit dès que les plaquettes ont récupéré un taux normal (≥
150’000/mcL), avec un recouvrement d’au moins 5 jours par l'anticoagulant en perfusion.
Chirurgie cardiaque en cas de HIT
Lorsqu’un patient souffre de thrombocytopénie induite par l’héparine ou en a souffert dans son
anamnèse, deux possibilités se présentent [14].
 Les anticorps anti-héparine sont présents :
o Si la chirurgie est élective : attendre que les tests soient négativés ; on peut alors
utiliser de l’héparine pour la CEC.
o Si la chirurgie est urgente : utiliser des alternatives à l’héparine, à savoir bivalirudine
si la fonction rénale est normale, argatroban en cas d’insuffisance rénale. Adjonction
possible : protection plaquettaire.
 Les tests pour les anticorps anti-héparine sont négatifs :
o Utilisation d’héparine pour la CEC.
 Dans les deux cas, on évite l’HNF et les HBPM en pré- et en postopératoire.
Les anticoagulants à disposition en lieu et place de l’héparine n’ont pas d’antagoniste et ne sont pas
renversées par la protamine. Leur élimination dépend de leur demi-vie sérique (voir Inhibiteurs directs
de la thrombine, Tableau 8.1 page 26 et Tableau 8.2 page 27) et de l’utilisation d’un circuit
d’hémofiltration en fin de CEC [1,4,5,7,14].
 Bivalirudine (Angiox®) : inhibiteur réversible direct de la thrombine et de l'activation
plaquettaire. Demi-vie : 25 min (doublée en cas d'insuffisance rénale) ; élimination rénale. Le
plus facile à manipuler pour la CEC, mais avec un risque de thrombose dans le réservoir ou
dans l’oxygénateur si le débit de la machine est interrompu, car l’élimination de la
bivalirudine par protéolyse plasmatique continue dans le sang immobilisé. Il faut donc prévoir
des shunts artério-veineux, un CellSaver™ sur la récupération du sang, un rinçage intermittent
du réservoir veineux et un stockage du sang dans des poches citratées. La bivalirudine
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
48
augmente linéairement l'ACT, le TP, le PTT et le TT; le test le plus fiable est le temps
d'écarine (ECT, ecarin clotting time), mais il n'est pas réalisable dans tous les laboratoires.
Dosage : bolus 1 mg/kg + 50 mg dans le liquide d’amorçage de la CEC + perfusion 2.5
mg/kg/h. On vise un ACT ≥ 450 sec au moyen de bolus additionnels de 0.1-0.5 mg/kg [9];
l'ECT visé est 400-500 sec [14]. La perfusion est arrêtée 10-15 minutes avant la fin de la CEC.
L’ultrafiltration n’est utilisée qu’après la CEC pour acccélérer l’élimination de la bivalirudine.
 Argatroban (Argatroban Injection®) : molécule synthétique qui se lie sélectivement et
réversiblement à la thrombine. Demi-vie : 40-50 minutes ; élimination hépatique. Dosage :
bolus 0.1-0.2 mg/kg iv + 0.05 mg/kg dans le liquide d’amorçage de la CEC + perfusion 5-10
mcg/kg/min (immédiate et continue) pour ACT 350-400 sec et aPTT 1.5 à 3 fois la valeur de
base ; bolus supplémentaires si nécessaire : 2 mg. Retour à une coagulation normale 2-4
heures après l’arrêt de la perfusion. L’argatroban est le médicament de choix en cas de
dysfonction rénale.
 Danaparoïde sodique (Orgaran®) : inhibition prédominante du facteur Xa. Demi-vie de 7
heures pour l’activité anti-IIa et de 25 heures pour l’activité anti-Xa ; élimination rénale.
Dosage : bolus iv 1’500-2'000 U + 5’000-10'000 U dans le liquide d’amorçage de la CEC ;
ajout de 1'500 U après 2 heures. Très difficile à gérer en CEC et très hémorragipare dans le
postopératoire.
 Lépirudine (Refludan®) : forme recombinante de l’hirudine, inhibiteur irréversible de la
thrombine découvert chez la sangsue. Demi-vie sérique de 10 min, demi-vie d’élimination 11.5 heure, mais inhibition irréversible de la thrombine ; élimination rénale. La meilleure
surveillance est l’ECT (temps de coagulation par l’écarine du sang total citraté). Dosage :
bolus 0.25 mg/kg + 0.2 mg/kg dans le liquide d’amorçage de la CEC + bolus 5 mg pour ACT
> 350 sec (imprécis) ; perfusion 0.15 mg/kg/h. La production de lépirudine a cessé en 2012.
La bivalirudine, seule substance testée dans des études contrôlées, est considérée actuellement comme
le premier choix pour remplacer l’héparine en chirurgie cardiaque [8,9,13]. Deux autres substances
sont à disposition en cas de HIT, mais ne sont pas utilisables pour la CEC à cause de leur
administration sous-cutanée.
 Désirudine (Iprivask®) : forme recombinante de l’hirudine. Demi-vie d’élimination : 2-3
heures. Dosage suggéré en cas de HIT : 15-30 mg/12h sous-cutané selon l’aPTT, mais
l’expérience avec cette substance est très limitée.
 Fondaparinux (Arixtra®) : analogue synthétique de la séquence de pentasaccharides de
l’héparine, inhibition sélective du facteur Xa. Demi-vie : 16-17 heures ; excrété par les reins, il
doit être évité en cas d’insuffisance rénale ou diminué de moitié si la clairance de la créatinine
est de 30-50 mL/min. Dosage : 7.5 mg/jour par voie sous-cutanée (10 mg/j > 100 kg).
Toutefois, l'efficacité du fondaparinux n'est fondée sur aucune étude randomisée; la susbtance
a même été soupçonnée de pouvoir déclencher un HIT [14].
 Anticoagulants oraux anti-Xa (rivaroxaban, apixaban, edoxaban): en investigation.
La protection des plaquettes (thromboplégie) est une option additionnelle à l’anticoagulation. Elle
consiste à inhiber leur agrégation pendant la durée de l’intervention avec un antiplaquettaire de courte
durée d’action. Cette inhibition freine leur consommation et minimise le risque de thrombocytopénie
postopératoire.
 Prostacycline (Iloprost®) : augmentation de l’AMPc intraplaquettaire et inhibition de
l’activation. Demi-vie 15-30 min. Perfusion de 6-12 ng/kg/min réglée selon le test HIPA
(Heparin-induced platelet activation). Arrêt 20 minutes avant la protamine [3].
 Tirofiban (Aggrastat®) : bloqueur du récepteur GP IIb/IIIa des plaquettes, responsable de la
liaison de celles-ci avec le fibrinogène (voir Figures 8.12 et 8.13). Demi-vie : 2 heures. Bolus
0.4 mcg/kg, puis perfusion 0.15 mcg/kg/heure. Arrêt 1 heure avant la fin de la CEC [10].
 Cangrelor (Kengrexal®) : inhibiteur réversible direct du récepteur P2Y12 commercialisé dans
le cadre de la PCI et du syndrome coronarien aigu, encore en essai clinique dans cette
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
49
indication. Demi-vie 9 minutes. Perfusion 0.75 mcg/kg/min [2,11]. Interruption 30 minutes
avant la protamine.
Thrombocytopénie induite par l’héparine (HIT)
Le HIT (heparin-induced thrombocytopenia) est déclenché par des anticorps dirigés contre le
complexe formé par l’héparine et le facteur-4 des plaquettes (PF4), dont la conséquence est une
activation/consommation des thrombocytes et la mise en route de la chaîne de la coagulation.
Caractéristiques :
- Traitement d’héparine pendant 5-10 jours
- Thrombocytopénie (chute > 50%)
- Thromboses veineuses et artérielles
- Taux élevé d’anticorps anti-héparine (atténué au-delà de 3 mois)
- Incidence : 1-5% avec HNF, 0.1-1% avec HBPM, plus fréquent après chirurgie
- Mortalité : 5-10%
Traitement : arrêt de l’héparine et remplacement pas une alternative administrées par voie souscutanée (traitement à long terme) :
- Désirudine (Iprivask®)
- Fondaparinux (Arixtra®)
Substances utilisables pour l’anticoagulation de la CEC en cas de HIT :
- Bivalirudine (Angiox®), facile à manipuler
- Argatroban (Argatroban Injection®), préférable en cas d’insuffisance rénale
Références
1
2
3
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5
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
50
Chirurgie non-cardiaque chez les malades anticoagulés
Chaque année, 10% des millions de personnes qui prennent des agents antithrombotiques subissent
une intervention chirurgicale [1]. Cette situation est gérée en fonction du risque hémorragique si
l'opération se déroule sous anticoagulant et du risque thrombotique si le traitement est interrompu.
Dans le deuxième cas, le risque est proportionnel à la durée de l'interruption, qui est elle-même
fonction de la demi-vie du médicament. Schématiquement, plusieurs cas de figure peuvent se
présenter (voir les définitions de risque ci-après).
 Opération non-hémorragique: continuation du traitement sans interruption;
 Opération très hémorragique: interruption momentanée du traitement;
 Patient à bas risque thrombo-embolique: interruption possible pendant 1 à 3 jours selon la
substance;
 Patient à haut risque thrombo-embolique: continuation du traitement sans interruption;
 Patient à haut risque thrombo-embolique et opération hémorragique: substitution des agents à
longue durée d'action par de l'héparine non-fractionnée ou à bas poids moléculaire.
Dans tous les cas, la décision relève d'une entente conjointe entre l'anesthésiste, le chirurgien, le
médecin traitant et l'hématologue, discussion qui doit avoir lieu assez longtemps à l'avance pour
permettre une organisation cohérente de la prise en charge. Une consultation hématologique est
toujours bénéfique dans les cas complexes.
Références
1
BARON TH, KAMATH PS, McBANE RD. Management of antithrombotic therapy in patients undergoing invasive procedures.
N Engl J Med 2013; 368:2113-24
Définition des risques
Risque de thrombose
Le risque thrombo-embolique est classé en 3 catégories : faible, modéré et élevé. Il implique un
traitement anti-thrombotique continu, qui va de la simple aspirine jusqu’à l’anticoagulation
thérapeutique (INR > 3). La principale menace vient de cinq principales situations: la fibrillation
auriculaire (FA), l’anamnèse de thrombose veineuse profonde et/ou d’embolie pulmonaire, la maladie
cancéreuse, l’implantation de prothèse valvulaire et celle de stent coronarien [2,15]. Défini dans le
cadre de la FA, le score CHADS2 permet une certaine stratification du risque thrombo-embolique
(Tableau 8.6A); il a été raffiné ultérieurement sous forme du score CHA2 DS2-VASc (Tableau 8.6B)
[3,10].
 Fibrillation auriculaire (FA). Le risque annuel d’AVC varie de 2% à 7% et à 18% selon que le
score CHADS2 est de 0-2, 3-4, ou ≥ 5, respectivement. La FA secondaire à une valvulopathie
ou à une intervention mitrale est dans la catégorie à haut risque.
 Thrombose veineuse profonde (TVP) et embolie pulmonaire. Le risque de récidive est élevé
pendant les 3 premiers mois ou lors d’association à d’autres facteurs comme le cancer. En
préopératoire, le filtre cave inférieur n’est indiqué qu’en cas d’intervention urgente dans le
premier mois après l’accident thrombo-embolique.
 Maladie cancéreuse. Les néoplasmes viscéraux sont fréquemment accompagnés d’un
syndrome paranéoplasique thrombogène. D’autre part, les patients sont souvent sous radio-,
hormono- ou chimiothérapie, et peuvent être porteurs de cathéters implantés.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
51
Tableau 8.6A
Stratification des risques thrombo-emboliques
Risque
Prothèse valvulaire
mécanique
Elevé
Prothèse mitrale
AVC ou AIT récent
(< 6 mois)
Modéré
Faible
Fibrillation
auriculaire
Thrombo-embolie
veino-pulmonaire
Stents
coronariens
CHADS2 ≥ 5
AVC ou AIT récent
Valvulopathie, RAA
TVP/embolie < 3 m
Coagulopathie
BMS < 6 sem
DES < 3-6 m
SCA < 3-6 m
Prothèse aortique
mécanique avec: FA,
AVC, diabète, ICC,
âge > 75 ans
CHADS2 3-4
TVP/embolie 3-12 m
BMS 6 s - 3 m
Récidive de TVP DES 6 - 12 m
Cancer actif
SCA 6 - 12 m
Prothèse aortique
mécanique simple
CHADS2 0-2
TVP/embolie > 12 m
0 facteur de risque
BMS > 3 m
DES > 12 m*
SCA > 12 m
Note. CHADS2: score comprenant 5 éléments (congestive heart failure, hypertension, age, diabetes, stroke);
chaque élément compte pour 1 point, sauf l’AVC (stroke S2) qui compte double. ICC: insuffisance
cardiaque congestive. m: mois. s: semaine. TVP: thrombose veineuse profonde. BMS: bare-metal stent
(stent métallique passif). DES: drug-eluting stent (stent actif, à élution). SCA: syndrome coronarien aigu. *:
certains DES particulièrement délicats peuvent rester indéfiniment dans la catégorie à risque modéré.
D’après:
Baron TH, Kamath PS, McBane RD. Management of antithrombotic therapy in patients undergoing invasive procedures.
N Engl J Med 2013; 368:2113-24
Douketis JD, Spyropoulos AC, Spencer FA, et al. Perioperative management of antithrombotic therapy : Antithrombotic
therapy and prevention of thrombosis, 9th ed. American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice
Guidelines, Chest 2012 ; 141 (2 suppl) : e326S-50S
Tableau 8.6B
Définition du score CHA2DS2-VASc
Facteur de risque
Insuffisance cardiaque ou défaillance ventriculaire gauche
Hypertension
Age > 75 ans
Diabète insulino-requérant
Ictus, ischémir cérébrale transitoire ou thrombo-embolisme
Vasculopathie (infarctus, athérome aortique, artériopathie périphérique)
Age 64-74 ans
Sexe feminin
Points
1
1
2
1
2
1
1
1
D’après:
Lip GY, Nieuwlaat R, Pfisters R, et al. Refining clinical riak stratification for predicting stroke and thromboembolism in
atrial fibrillation using a novel risk factor-based approach: the Euro Heart Survey on Atrial Fibrillation. Chest 2010;
137:263-72
 Prothèse valvulaire. Le risque le plus élevé est représenté par les prothèses mécaniques
mitrales (jusqu’à 12% de risque thrombotique par an) ; en position aortique, les prothèses
mécaniques sont à risque modéré en cas d’association à d’autres facteurs ou à risque faible si
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
52
ce n’est pas le cas. Les prothèses biologiques ne réclament une anticoagulation que pendant
les 3 premiers mois.
 Stent coronarien. La présence de matériel étranger au sein d’un petit vaisseau présente un
grand danger d’activation plaquettaire et de thrombose tant que l’armature n’est pas
endothélialisée. Le recouvrement de la prothèse prend de 6 semaines (stents nus) à 6-12 mois
(stents à élution) ou davantage (stents à haut risque), durée pendant laquelle une bithérapie
antiplaquettaire est de rigueur. Au-delà, un traitement continu d’aspirine reste obligatoire (voir
Chapitre 29 Antiplaquettaires).
 Type de chirurgie. La chirurgie orthopédique majeure (PTH, prothèse de genou) et la chirurgie
du cancer présentent un risque thrombo-embolique plus de 10 fois supérieur à celui de la
chirurgie générale.
Risque hémorragique
Le risque hémorragique est essentiellement lié à trois données.
 Effet résiduel de l’anticoagulant (ou antiplaquettaire);
 Comorbidités du malade;
 Type de chirurgie.
Chez les patients chroniquement anticoagulés, l’incidence globale d’hémorragie peropératoire est de
5.1%, et l’incidence de pertes sanguines majeures de 2.1% [23]. Le patient peut souffrir de différentes
affections qui augmentent la probabilité de saignement au cours d’une intervention [4].
 Anamnèse de saignements spontanés ou prolongés, anémie ;
 Coagulopathie, thrombocytopénie, maladie de von Willebrand (congénitale ou secondaire à
des affections lymphoprolifératives, carcinomateuses ou immunologiques) ;
 Anticoagulants ou antiplaquettaires en cours ;
 Age > 70 ans, sexe féminin ;
 Insuffisance rénale ;
 Insuffisance hépatique, alcoolisme ;
 Pathologie cancéreuse active ;
 Risque vasculaire élevé (hypertension artérielle, anamnèse d’ictus, diabète).
Le score de Papworth (Papworth Bleeding Risk Stratification Score), développé exclusivement pour la
chirurgie cardiaque et partiellement validé, est une tentative pour déterminer à l’avance quels sont les
patients à haut risque de saignement. Il est basé sur cinq données dont chacune vaut 1 point [17].





Intervention urgente ;
Chirurgie autre que pontages aortocoronariens simples ;
Maladie aortique ;
BMI > 25 ;
Age > 75 ans.
Les tests de coagulation conventionnels ont une assez faible valeur prédictive positive pour le risque
de saignements peropératoires, alors que leur valeur prédictive négative est élevée [6]. Il en est de
même pour la thromboélastographie, bien que sa valeur prédictive soit globalement supérieure à celle
des tests conventionnels [8]. Une anamnèse dirigée sur les problèmes d’hémorragie et
d’anticoagulation a davantage de valeur que les examens de laboratoire de dépistage [7].
Toute une série de substances naturelles fréquemment consommées interfèrent avec la coagulation et
peuvent entraîner un risque accru d’hémorragie, notamment par potentialisation des effets des
anticoagulants et des antiplaquettaires [1]: anis, céleri, clou de girofle, curcuma, danshen, dong quai,
gingko, fenugrec, gingembre, camomille, marronier d’Inde, mélilot, papaïne, trèfles, vitamine E,
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
53
pamplemousse. L’avocat, le soja, le ginseng, le persil et le thé vert antagonisent les anticoagulants, en
particulier les anti-vitamine K.
L’acte chirurgical est en général réparti en trois catégories en fonction du risque hémorragique propre
à l’intervention [5,11,16].
 Risque faible : interventions non-hémorragiques qui se déroulent sans transfusion (chirurgie
de paroi, dermatologie, dentisterie, endoscopie, cataracte).
 Risque intermédiaire : interventions qui nécessitent occasionnellement une transfusion
sanguine (chirurgie générale, laparotomie, thoracotomie, ORL, orthopédie), endoscopie avec
geste invasif, angioplastie coronarienne (PCI).
 Risque élevé :
o Interventions très hémorragipares au cours desquelles l’hémostase est difficile et la
transfusion sanguine habituelle (chirurgie hépatique, aortique, cardiaque) ;
o Interventions dans un espace clos (crâne, canal médullaire, chambre postérieure de
l’oeil), où toute hémorragie peut causer des dommages irréversibles ;
o Les interventions rétropéritonéales, intrathoraciques et intrapéricardiques sont en
général assimilées à des opérations en espace clos;
o Thrombolyse (AVC, syndrome coronarien aigu);
o Anesthésie loco-régionale sous-duremèrienne ou péridurale, ponction lombaire.
Mais la définition de l’hémorragie est elle-même hétérogène et varie selon les études. Elle est souvent
empruntée à des essais cliniques liés au traitement des stents coronariens (TIMI, GUSTO, TRITON,
etc). Une codification homogène a récemment été proposée par le Bleeding Academic Research
Consortium (BARC) pour les hémorragies non-chirurgicales et peropératoires ; elle est très utile pour
l’évaluation du risque avant une intervention [12].
 Type 0 : absence de saignement.
 Type 1 : pétéchies, hyperménorrhagies, epistaxis ou saignements hémorrhoïdaires ne
réclamant pas d’intervention médicale.
 Type 2 : saignements réclamant une intervention médicale, mais ne remplissant pas les critères
des types 3, 4 ou 5.
 Type 3 : saignement occasionnant une chute de l’Hb de ≥ 30 g/L, justifiant une ou plusieurs
transfusions, ou nécessitant une reprise chirurgicale ; tamponnade cardiaque (3b) ; hémorragie
intra-crânienne (3c).
 Type 4 : hémorragie grave liée à la chirurgie cardiaque en CEC : transfusion de ≥ 5 poches de
sang, perte de de ≥ 2 L/24 heures par les drains thoraciques, hémorragie intra-crânienne
(AVC).
 Type 5 : hémorragie entraînant le décès.
Le risque hémorragique chez les malades sous agent anti-vitamine K est défini par le score HASBLED (Hypertension, Abnormal renal/liver function, Stroke, Bleeding history or predisposition,
Labile INR, Elderly, Drugs/alcool concomitantly) [9].








Hypertension (Pas > 160 mmHg);
Néphropathie (créatinine > 200 mcmol/L), hépatopathie (bilirubine, transaminases élevées);
AVC;
Anamnèse d'hémorragie majeure;
INR labile (< 60% du temps dans la zone thérapeutique);
Age > 65 ans;
Médications à risque hémorragique (antiplaquettaires, AINS);
Alcoolisme (> 8 boissons/semaine)
Chaque élément vaut 1 point.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
54
Balance des risques
L’interruption du traitement anticoagulant ou antiplaquettaire fait immédiatement courir au malade un
risque majeur de thrombose et/ou d’embolie [14]. C’est une décision lourde de conséquence qui doit
être bien pesée, même si le but est de diminuer le risque opératoire en améliorant l’hémostase. Hormis
les opérations à risque hémorragique élevé, le danger représenté par les pertes sanguines est en général
moins grave que celui représenté par la menace thrombo-embolique. Le risque de séquelles lié à une
thrombose vasculaire est bien plus grand que celui lié au saignement. Même si elle est moins
fréquente, la thrombose est grevée d’une mortalité plus lourde que celle de l’hémorragie.
Les valeurs de laboratoire habituellement recommandées pour réaliser un acte chirurgical en sécurité
sont les suivantes:





INR < 1.5,
TP > 75%,
aPTT < norme-limite du laboratoire (30-40 sec selon les labos),
ACT < 120 sec,
Thrombocytes ≥ 70’000 /mcL.
Stratification du risque chez les patients anticoagulés
La gestion périopératoire des patients chirurgicaux anticoagulés est fonction du risque hémorragique
si l’opération se déroule sous anticoagulant et du risque thrombotique si le traitement est interrompu.
Le risque de thrombose est élevé en cas de :
- FA avec insuffisance ventriculaire, hypertension, diabète, grand âge ou ictus
- Maladie thrombo-embolique (surtout < 3 mois)
- Maladie cancéreuse
- Prothèse valvulaire mécanique (mitrale > aortique)
- Stents coronariens (BMS < 6 semaines, DES < 6-12 mois)
L’acte chirurgical est réparti en trois catégories en fonction du risque hémorragique :
- Risque faible : interventions non-hémorragiques, pas de transfusion
- Risque intermédiaire : transfusion occasionnelle
- Risque majeur : interventions hémorragiques (hémostase difficile, transfusion habituelle),
interventions dans un espace clos (crâne, canal médullaire, chambre postérieure de l’oeil),
ALR rachidienne
Valeurs de laboratoire recommandées pour la chirurgie hémorragique :
- TP > 75%, INR < 1.5
- aPTT ≤ norme du laboratoire
- ACT < 120 sec
- Thrombocytes ≥ 70’000 /mcL
D’une manière générale, la morbi-mortalité de la thrombose est plus importante que celle de
l’hémorragie.
Références
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Gestion périopératoire
D'une manière générale, la gestion d'une opération ou d'une hémorragie sous anticoagulant dépend de
la combinaison des risques.
 Risque hémorragique faible, risque thrombotique élevé: mesures locales (compression,
hémostase chirurgicale ou endoscopique), maintien de l'anticoagulation;
 Risque hémorragique élevé, risque thrombotique faible: arrêt des anticoagulants, antagonisme
en cas d'urgence;
 Risque hémorragique et risque thrombotique élevés: antagonisme prudent, solution au cas par
cas.
 Degré d'urgence: les lésions menaçant la vie ou les intervention urgentes très hémorragipares
réclament un renversement immédiat de l'anticoagulation. Lorsque l'intervention peut attendre
1-2 jours, la simple interruption du traitement suffit vu la demi-vie assez courte des nouveaux
anticoagulants oraux (4-16 heures); ceci ne s'applique pas aux agents anti-vitamine K (AVK)
dont la durée d'action dépasse 4-5 jours.
Dans les cas complexes, il est toujours prudent de consulter un hématologue.
Délais préopératoires
De manière simplifiée, le taux sérique d’un médicament baisse à 12.5% de sa valeur initiale après 3
demi-vies et à 3% après 5 demi-vies. La demi-vie d’élimination des substances (voir Tableau 8.2 page
27) conditionne donc le délai qu’il faut prévoir entre l’interruption du traitement et l’acte chirurgical.
Alors qu’il existe des recommandations pour les délais à respecter lors de traitement avec les
héparines et les anti-vitamine K, on ne dispose pas de suffisamment de données sur les nouveaux
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
56
anticoagulants pour pouvoir promulguer des règles concernant leur gestion préopératoire. Pour
l’instant, on est contraint de se satisfaire de propositions formulées par des groupes d’experts ; elles
sont basées sur la pharmacocinétique de ces substances [11,12,16,20]. Les délais d’interruption
préopératoire minimaux habituellement proposés sont les suivants (risque hémorragique standard,
fonctions hépatique et rénale normales).













Héparine non-fractionnée
4h
HBPM prophylactique
12 h
HBPM thérapeutique
24 h
Fondaparinux (Arixtra®)
48 h
Dabigatran (Pradaxa®)
48 h
®
Apixaban (Eliquis )
48 h
Edoxaban (Savaysa®,Lixiana®) 48 h
Rivaroxaban (Xarelto®)
24-48 h
(48 heures si insuffisance rénale)
(4-6 jours si insuffisance rénale)
(3-5 jours si insuffisance rénale)
(3-4 jours si insuffisance rénale)
(3-4 jours si insuffisance rénale)
selon risque hémorragique, âge et fonction rénale
(3-4 jours si clairance créatinine < 50 mL/min)
Coumarines
5 jours (Marcoumar® 10 jours)
®
Désirudine (Iprivask )
10 h
®
Bivalirudine (Angiox )
4h
Danaparoïde (Orgaran®)
48 h
Argatroban (Argatroban Inj®) 4 h
Ces délais sont basés sur une attente correspondant à 3 demi-vies d’élimination; en cas d’insuffisance
rénale, ils sont au moins doublés pour les substances éliminées par les reins. Le taux résiduel de
dabigatran et de rivaroxaban est d’environ 30-50 ng/mL après 4 demi-vies ; dans les études RE-LY
(dabigatran) et ROCKET-AF (rivaroxaban), ce taux a permis d’opérer les malades sans augmentation
du risque hémorragique [18]. A cause des risques inhérents à l’anesthésie loco-régionale, il est
préférable d’attendre 5 demi-vies avant une ponction neuraxiale pour s’assurer d’une élimination
complète du produit [4,5,8,16]. Vu le manque d’expérience clinique avec les nouveaux anticoagulants
et vu leur absence d’antagoniste disponible (sauf pour le dabigatran), il est nécessaire de rester
extrêmement prudent avec les indications à l’ALR rachidienne chez les patients recevant l’un de ces
médicaments. En comptant un délai de 3 demi-vies et en prenant les valeurs hautes pour la demi-vie
plasmatique de chacune des substances, on peut recommander, de manière simplifiée, d’attendre 48
heures pour tous les NACO, sauf pour le rivaroxaban (10 mg/j) dans les interventions simples chez des
malades sans comorbidité où ce délai peut être ramené à 24 heures. Les interventions mineures sans
risque hémorragique (dentisterie, ophthalmologie, chirurgie de paroi, etc) se déroulent sans
interruption des NACO, en prenant toutefois soin d’opérer lorsque le taux sérique est bas (entre 8 et 18
heures après la dernière prise) [2,12]. Pour l’ALR et les interventions très hémorragiques, il est
recommandé d’attendre 72 heures, soit 5 demi-vies.
Avec les tests spécifiques anti-Xa pour chacun des nouveaux agents, il est possible d’obtenir une
concentration sérique de la substance et d’avoir une bonne estimation du risque hémorragique ainsi
que du délai d’attente (pour autant que la fonction rénale soit normale) [6,18].




Taux résiduel < 30 ng/mL :
Taux 30-200 ng/mL :
Taux 200-400 ng/mL :
Taux > 400 ng/mL :
risque minime ;
attendre 12-24 heures ;
attendre > 24 heures (en général 48 heures) ;
renvoi.
Le test est répété toutes les 12 ou 24 heures jusqu’à ce que le taux passe en-dessous du seuil de
sécurité fixé à 30 ng/mL, cette valeur étant pour l’instant assez arbitraire. Ces recommendations
s’entendent pour des malades dont la fonction rénale est normale, subissant des interventions sans
risque hémorragique excessif.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
57
Gestion périopératoire détaillée
La gestion des anticoagulants en préopératoire peut se résumer comme suit (Tableau 8.7A, voir aussi
Tableaux 8.11 et 8.12 pages 124-125) [4,5,7,11,15,16,18].
Tableau 8.7A
Gestion des anticoagulants pour un acte chirurgical ou invasif
Substances
Interruption
Héparine non-fractionnée (HNF)
4h
HBPM prophylactique
12 h
HBPM thérapeutique
24 h
Fondaparinux (Arixtra®)
48 h
Dabigatran (Pradaxa®)
48 h
Apixaban (Eliquis®)
48 h
Rivaroxaban (Xarelto®)
24-48 h
Edoxaban (Lixiana®)
48 h
Coumarines
≥ 5 jours
Bivalirudine (Angiox®)
4h
Danaparoïde (Orgaran®)
48 h
Argatroban (Argatroban Inj®)
4h
Aspirine
3-5 j
Clopidogrel (Plavix®)
5j
Prasugrel (Efient®)
7j
Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®)
5j
Tirofiban (Agrasta®)
6h
Eptifibatide (Integrilin®)
8h
Abciximab (Rheo-Pro®)
72 h
Substitution
Antidote
HNF iv
HNF iv
HNF iv*
Non recomm*
Non recomm*
Non recomm*
Non recomm*
HNF/HBPM dès 2j
HNF dès 24 h
AINS
Tirofiban,
eptifibatide
-
Protamine
(protamine)
(protamine)
Aucun
Idarucizumab
Aucun disponible
Aucun disponible
Aucun disponible
Vitamine K
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
Aucun
TTT non-spécifique
Traitement local
Ac tranexamique
Desmopressine
PCC-4fact
FEIBA
Plaquettes
Transfusions
Le délai d’interruption correspond en général à 3 demi-vies sériques de la substance (5 demi-vies en cas d’ALR
rachidienne ou de bloc profond). En cas de risque hémorragique chirurgical élevé, le délai de sécurité pour
l’interruption des NACO (nouveaux anticoagulants oraux) est en moyenne de 2-4 jours.
*: une substitution n'est en général pas nécessaire; comme la pharmacocinétique des HBPM est identique à celle des
NACO, seule l'HNF aurait un sens, mais les patients à haut risque thrombo-embolique qui mériteraient cette
substitution ne sont en général pas sous NACO.
 Héparine non-fractionnée (HNF); interruption de la perfusion 4-6 heures préopératoires. En
chirurgie cardiaque lors de syndrome coronarien aigu ou de thrombose de prothèse valvulaire:
continuation de la perfusion jusqu’à l’induction. Idem pour la bivalirudine.
o Contrôle: aPTT, ACT.
o Antidote spécifique: protamine.
 Héparines de bas poids moléculaire (HBPM); la durée de l’interruption est fonction de la dose
sous-cutanée.
o HBPM prophylactique (10’000-12’000 UI/24 h): interruption 12 heures.
o HBPM thérapeutique (≥ 20’000 UI/24 h): interruption 24 heures; éventuelle
substitution par HNF intraveineuse pendant 12-20 heures.
o Contrôle de l’effet résiduel : effet anti-Xa.
o Antidote partiel: protamine.
 Fondaparinux (Arixtra®): interruption de 48 heures ; substitution par HNF intraveineuse
réservée aux cas à très haut risque thrombo-embolique.
o Délai étendu à 4-6 jours si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min.
o Contrôle de l’effet résiduel : effet anti-Xa.
o Pas d’antidote spécifique.
 Anti-vitamine K (AVK); arrêt préopératoire de 5 jours (warfarine, acénocoumarol) à 10 jours
(phenprocoumone). Une valeur d’INR < 2.0 est en général suffisante pour procéder à une
chirurgie à risque hémorragique modéré, alors qu’un INR < 1.5 est requis pour une chirurgie
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
58
majeure. Contrôler l’INR 24 heures avant la chirurgie. L’interruption des AVK n’est pas
nécessaire avant la chirurgie dermatologique, la dentisterie, l’ophthalmologie (cataracte),
l’endoscopie ou la pose de pace-maker (algorithme décisionnel: voir Figure 8.15) [3].
o Substitution si risque thrombo-embolique élevé: HNF ou HBPM dès 48-72 heures
après la dernière dose (voir ci-dessous).
o Antidote spécifique: vitamine K (Konakion®) 2.5-5 mg iv/12 h en cas d’urgence;
l’effet n’est obtenu qu’après 12 heures. Si opération élective et INR 1.5 - 2.0 : 1-2 mg
vitamine K per os.
o Non-spécifique (indiqué en cas d’hémorragie intra-crânienne ou d’hémorragie
massive): complexe prothrombinique à 4-facteurs (PCC prothrombin complex
concentrate) ; il est beaucoup plus efficace que le PFC et n’impose pas le risque d’une
surcharge de volume [13].
 Dabigatran (Pradaxa®); adaptation du délai d’interruption préopératoire en fonction de la
clairance de la créatinine et du risque hémorragique de l’intervention. Le risque hémorragique
chirurgical est le même en arrêtant le dabigatran 48 heures avant l’intervention qu’en stoppant
la warfarine pendant 5 jours [10].
o Délai d’interruption préopératoire: 48 heures (Cl créat > 50 mL/min), 3-5 jours si
clairance créatinine < 50 mL/min).
o Contrôle de l’effet résiduel : temps de thrombine dilué (dTT, Hemoclot™), temps
d'écarine, effet anti-IIa ; TT: sensible mais pas quantitatif.
o Antidote: idarucizumab (Praxbind®) (voir Antagonisme).
 Rivaroxaban (Xarelto®), apixaban (Eliquis®), edoxaban (Lixiana®); l’interruption du
traitement pendant 48 heures est en général suffisante, vu leur courte demi-vie.
o Délai étendu à 72 heures en cas d’opération à risque hémorragique élevé ou d’ALR
rachidienne.
o Délai étendu à 3-5 jours si la clairance de la créatinine est < 50 mL/min.
o Délai diminué à 24 heures pour le rivaroxaban à 10 mg/j pour une opération simple
chez un patient sans comorbidité.
o Contrôle de l’effet résiduel : activité anti-Xa. TP prolongé : persistance de l’effet
(non-quantitatif). TT, TPT, fibrinogène, facteur XIII et D-dimères ne sont pas
influencés [1].
o Pas d’antidote spécifique pour l'instant (en préparation) ; les complexes
prothrombiniques 4-facteurs sont probablement efficaces (voir Antagonisme).
La grande variabilité interindividuelle et l’effet de l’âge ou de l’insuffisance rénale induisent des
variations de 1 à 4 dans le taux résiduel de rivaroxaban 12 à 24 heures après la dernière prise ; le taux
de 50 ng/mL, considéré comme valeur limite autorisant la chirurgie, est atteint en 12 à 48 heures selon
les patients; le seuil de sécurité est à 30 ng/mL [17]. Cette grande variabilité oblige à beaucoup de
prudence en cas de risque hémorragique élevé ou lors d'anesthésie loco-régionale rachidienne (voir
Figure 8.11).
Chez les malades à risque ou dans les cas d’urgence, la durée de l’interruption préopératoire peut être
décidée en fonction du taux plasmatique (dosé par l’effet anti-Xa). Comme l’effet clinique est
proportionnel à ce taux, il n’y a pas lieu de prévoir une substitution lorsque le délai d’attente est
prolongé à cause d’une insuffisance rénale, puisque le malade est suffisamment anticoagulé par l'effet
résiduel.
En se basant sur leur demi-vie, on peut formuler une recommandation simple pour le délai
d’interruption préopératoire des nouveaux anticoagulants oraux (NACO) [18,20,21,22].
 Opération urgente: attendre au moins 1 demi-vie;
 Opération à risque hémorragique nul ou faible : pas d’interruption, mais préférence pour
intervenir 8-10 heures après la dernière prise;
 Opération à risque hémorragique modéré: attendre 3 demi-vies;
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
59
 Opération très hémorragique, âge > 75 ans ou insuffisance rénale: attendre ≥ 5 demi-vies (3-5
jours) ;
 Anesthésie loco-régionale (ALR) rachidienne, blocs profonds : attendre 5 demi-vies ;
 D’une manière générale, le délai de sécurité avant une intervention très hémorragique est de 3
jours.
 Dans l’attente d’antidote pour tous les NACO, on est contraint à une attitude plutôt
conservatrice et prudente.
Anesthésie loco-régionale
L’anesthésie loco-régionale rachidienne ne doit être envisagée que lorsqu’il est hautement probable
que l’effet anticoagulant de la substance a complètement disparu, soit après 5 demi-vies d’élimination.
La péridurale, la rachi-anesthésie et les blocs profonds doivent être pratiqués avec une extrême
prudence chez les patients sous NACO vu l’absence de données cliniques claires sur le sujet et la
possibilité d’une alternative moins risquée (anesthésie générale) [21]. Dans l'attente d'une meilleure
évidence et en accord avec le principe de précaution, il est prudent de renoncer à l'anesthésie
rachidienne, sauf en cas de force majeure, chez les malades sous un nouvel anticoagulant
(fondaparinux, dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban). Les délais recommandés doivent être
adaptés au risque hémorragique propre de la chirurgie et à la fonction rénale pour les substances à
élimination rénale. Le délai recommandé entre la dernière dose d’anticoagulant et le retrait du cathéter
épidural est le même que le délai prévu entre la dernière dose et la ponction rachidienne. Il est
recommandé d’attendre 6-12 heures après le retrait du cathéter péridural avant de démarrer le
traitement avec un anti-thrombine ou un anti-Xa [8,23]. Après thrombolyse, la loco-régionale est
proscrite pendant 10 jours. Ces données sont résumées dans le Tableau 8.7B [8,9,14]. Elles
s’entendent pour des ponctions atraumatiques; il est clair que le risque d’hématome spinal est
directement fonction du nombre d’essais. Pour les opérations sous anticoagulant comme la chirurgie
cardiaque, une ponction hémorragique commande le renvoi de l’intervention de 24 heures.
Postopératoire
En postopératoire, l’héparine ou l’HBPM est recommencée 24-48 heures après la fin de l’intervention,
en général avec une dose prophylactique; le dosage thérapeutique est atteint au 2ème jour, sauf en cas
de prothèse mécanique mitrale qui doit être protégée en permanence par une anticoagulation
pleinement efficace. Le délai pour la reprise de l’héparine dépend du risque hémorragique, de la
qualité de l’hémostase et du degré de menace thrombo-embolique [4,5].
Lors de la reprise postopératoire, l’effet des NACO s’installe en 1-2 heures ; il est donc recommandé
de les débuter 24-48 heures après l’opération ou 6-12 heures après le retrait du cathéter épidural, selon
le risque hémorragique. Il est concevable de débuter par un dosage plus faible pendant quelques jours
si la situation est inquiétante. Lorsque l'hémostase est difficile, il faut attendre 2 à 3 jours avant la
reprise, mais lorsque le risque thrombo-emblique est élevé, il est important de les recommencer le plus
vite possible, soit le lendemain de l'intervention [19,21]. Ces médicaments n'existant que sous forme
orale, ils sont broyés et administrés par une sonde gastrique si l'alimentation n'est pas possible. Ceci
n'est toutefois pas envisageable pour le dabigatran dont les capsules ne doivent pas être ouvertes; dans
ces conditions, il faut envisager une substitution par une HBPM [16].
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
60
Tableau 8.7B
Gestion des anticoagulants lors d’anethésie loco-régionale
Substances
Héparine non-fractionnée (HNF)
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux prophylactique
Fondaparinux thérapeutique
Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban prophylactique
Rivaroxaban thérapeutique
Edoxaban
Coumarines
Bivalirudine (Angiox®)
Danaparoïde (Orgaran®)
Argatroban (Argatroban Inj®)
Aspirine (< 300 mg/j)
Clopidogrel (Plavix®)
Prasugrel (Efient®)
Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®)
Tirofiban (Agrasta®)
Eptifibatide (Integrilin®)
Abciximab (Rheo-Pro®)
Alteplase, reptilase, streptokinase
Délai* acceptable
avant la procédure
Administration
sous ALR**
4 h (aPTT normal)
12 h
24 h
72 h
CI
72-96 h (selon créat)
72 h
72 h (créat normale)
72 h
72 h
INR < 1.4
10 h
CI
4 h (aPTT normal)
0
7 jours
7-10 jours
5 jours
8h
8h
> 48 h
10 jours
> 1 heure
prudence
non recommandé
non recommandé
non recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
pas de précaution
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
non-recommandé
contre-indiqué
Délai*** pour
administration
4h
4h
4h
6-12 h
12 h
6h
6h
6h
6h
6h
après retrait
6h
6h
6h
----6h
6h
6h
6h
6h
6h
10 jours
Remarque générale: dans l'attente de données cliniques claires et en accord avec le principe de précaution, il est
prudent de renoncer à l'anesthésie rachidienne, sauf en cas de force majeure, chez les malades sous un nouvel
anticoagulant (fondaparinux, dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban).
*: Le délai entre la dernière prise de la substance et le geste loco-régional correspond à au moins 5 demi-vies. CI:
contre-indication à l'ALR.
** Recommandations concernant l’administration de la substance pendant que le cathéter spinal ou épidurral est en
place (délai entre la pose et l’injection ou la prise orale).
***: Délai acceptable après la réalisation d’une ALR ou le retrait d’un cathéter pour administrer la dose suivante de
la substance.
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
61
Gestion périopératoire des anticoagulants
D’une manière générale, les délais d’interruption préopératoire sont basés sur la demi-vie de la
substance ; ils sont doublés en cas d’insuffisance rénale pour les substances éliminées par les reins.
- Opération urgente : attendre au moins 1 demi-vie
- Opération à risque hémorragique modéré : attendre 3 demi-vies
- Opération à risque hémorragique élevé, ALR rachidienne : attendre 5 demi-vies
Une substitution par de l’HNF est envisagée dans les cas à risque thrombo-embolique élevé si
l’interruption dure > 48 heures.
Délais recommandés :
- Héparine non-fractionnée
4h
- HBPM (prophylactique)
12 h
- HBPM (thérapeutique)
24 h
- Fondaparinux
48 h
- Dabigatran
48 h
- Apixaban
48 h
- Edoxaban
48 h
- Rivaroxaban
24-48 h
- Coumarines
(48 h si Cl créat < 50 mL/min)
(4-6 jours si Cl créat < 50 mL/min)
(3-5 jours si Cl créat < 50 mL/min)
(3-4 jours si Cl créat < 50 mL/min)
(3-4 jours si Cl créat < 50 mL/min)
selon âge et risque hémorragique
(3-4 jours si Cl créat < 50 mL/min)
5 jours (Marcoumar 10 jours)
En comptant un délai de 3 demi-vies et en prenant les valeurs hautes pour la demi-vie plasmatique de
chacune des substances, on peut recommander, de manière simplifiée, d’attendre 48 heures pour tous
les NACO, sauf pour le rivaroxaban dans les interventions simples chez des malades sans
comorbidité où ce délai peut être ramené à 24 heures. Pour l’ALR rachidienne, il est prudent de
prolonger ce délai à 72 heures. Le délai pour le retrait du cathéter est le même que celui pour la pose.
Celui pour la reprise de l’anticoagulant dépend du risque hémorragique, de la qualité de l’hémostase
et du degré de menace thrombo-embolique, mais il est en général de 12-48 heures. Dans les cas
complexe, il est toujours prudent de consulter un hématologue.
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Antagonisme en cas d'hémorragie
Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) anti-Xa et anti-thrombine présentent moins de risque
hémorragique que les AVK: réduction des hémorragies intracrâniennes de 51%, de l'ictus de 19% et
de la mortalité de 40% [33]. Cependant, leur risque de saignement reste de 1-3.6% par an selon les
substances et selon les indications [4]. Si une hémorragie grave sous anticoagulant menace la survie
du patient ou si l'urgence de la chirurgie empêche de respecter les délais imposés par l’élimination
spontanée de la substance, il est possible de renverser l’effet des anticoagulants, soit avec un antidote
spécifique, soit avec des facteurs de coagulation. Ceci n'est pas sans risque, et la manière de procéder
doit prendre en compte plusieurs données importantes.
 Le risque de la lésion hémorragique. Sont considérés comme saignement majeur sous
anticoagulant une baisse d'Hb de 20-50 g/L, une perte sanguine nécessitant la transfusion de >
2 unités de sang ou une hémorragie intracrânienne [31].
 Le risque hémorragique de la chirurgie. La plupart des opérations peut se dérouler sans danger
malgré un effet anticoagulant résiduel. Seules les interventions à haut risque hémorragique
imposent d’opérer dans des conditions coagulatoires normalisées. Ce sont essentiellement :
neurochirurgie intracrânienne ou intrarachidienne, interventions hémorragipares avec
hémostase difficile, chirurgie orthopédique ou oncologique majeures, chirurgie uro-génitale
majeure (à cause de l’urokinase endogène) [8].
 Le risque thrombo-embolique de la maladie. S’il est élevé, le renversement complet de
l’anticoagulation est toujours dangereux. Dans cette situation, il ne s'agit pas de rétablir une
coagulation normale, mais de freiner l'anticoagulation à un niveau compatible avec le risque
hémorragique de la lésion ou de la chirurgie. Le renversement prophylactique de
l’anticoagulation n’est pas recommandé, sauf dans les opérations à très haut risque
hémorragique chez des malades à faible risque thrombo-embolique [40].
 Le risque thrombotique de la chirurgie. Celle-ci s’accompagne d’une hypercoagulabilité,
d’une activation plaquettaire et d’une inhibition de la fibrinolyse qui augmentent le risque de
thrombose vasculaire. L’anamnèse d’accident vasculaire récent et les pathologies cancéreuses
présentent un risque particulièrement élevé. La thrombose est 6 fois plus fréquente en
chirurgie du cancer qu’en chirurgie générale ou vasculaire [9,10,39].
 Le risque thrombotique des agents utilisés pour l'antagonbisme. Les complexes
prothrombiniques activés et le facteur rVIIa peuvent occasionner des thromboses artérielles
dans 1 à 20% des cas [19,24].
 Le degré d’urgence. Si le délai d'intervention est trop court pour que l'effet s'atténue de luimême, l’anticoagulation peut être renversée par un antidote, s’il est disponible. A défaut, on
peut recourir à des facteurs de coagulation non-spécifiques.
 Les situations difficiles doivent être réglées au cas par cas avec l'aide d'un hématologiste.
Les tests de laboratoire conventionnels sont peu performants pour juger du degré d'anticoagulation
sous les NACO (voir Tableau 8.4 page 44) [20,37,41]. Le TT ou le TP sont sensibles au dabigatran et
aux xabans respectivement, mais la corrélation n'est absolument pas quantitative et des valeurs
normales n'excluent nullement des taux résiduels significatifs [34]. Le PTT est moins sensible que le
TT au dabigatran, et le TP l'est moins à l'apixaban qu'aux autres xabans [6]. Les tests spécifiques pour
le dabigatran sont le test anti-IIa, le temps de thrombine dilué (dTT) et le temps d'écarine (Ecarin
clotting time); pour les xabans, ce sont les tests anti-Xa calibrés pour chaque agent [6]. On estime
qu'un taux résiduel ≤ 30 ng/mL de dabigatran, de rivaroxaban ou d'apixaban, mesuré > 4 heures après
la dernière prise du médicament, ne nécessite pas d'intervention et permet d'opérer sans risque [11,28].
Malheureusement, les tests spécifiques ne sont pas universellement disponibles en urgence.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
63
Comme la demi-vie des NACO est courte (en moyenne 12 heures), la simple attente est la première
mesure à envisager si la situation le permet [4,16,17]. Plus on attend, plus le risque de saignement
diminue. Après 24 heures, le taux plasmatique n'est plus que de 25%, et un délai de 48 heures garantit
l'absence d'effet (taux résiduel de 6-7%). Comme l'élimination des NACO est en grande partie rénale,
ce délai doit être doublé lorsque la clairance de la créatinine est < 50 mL/min. Dans les interventions
vitales non-électives, la chirurgie est envisageable dès que le dosage de l'effet anti-Xa ou anti-IIa
correspond à un taux plasmatique < 50 ng/mL [11]. La prise en charge s'accompagne toujours de
mesures générales: compression locale, hémostase chirurgicale ou endoscopique, embolisation radiointerventionnelle, administration de volume, éventuellement transfusions de sang en cas d'anémie
aiguë ou de plaquettes en cas de thrombopénie. L'antagonisme des anticoagulants peut s'opérer soit par
des antidotes spécifiques lorsqu'ils existent, soit par des médicaments et des facteurs de coagulation
non-spécifiques.
Antidotes spécifiques
Les anticoagulants classiques possèdent un antidote qui permet d’en renverser intégralement l’effet.
 Héparine non-fractionnée (HNF): protamine. Un mg de protamine (100 UI) neutralise 1 mg
d'héparine (100 UI). Habituellement, on administre une dose de protamine correspondant aux
80% de la dose d'héparine.
 Héparines à bas poids moléculaire (HBPM): la protamine est un antagoniste partiel. Une
neutralisation de 60% de l’effet anticoagulant est possible à raison de 1 mg de protamine pour
100 UI d’effet anti-Xa (dose maximale : 50 mg), à la condition d’être à moins de 8 heures
après l’administration [5,12].
 Agents anti-vitamine K (AVK): vitamine K (Konakion®) intraveineuse (2.5-5.0 mg,
éventuellement 10 mg) administrée en > 20 minutes; effet maximal après 12-24 heures [2,50].
La préparation d'antidotes spécifiques pour les NACOs avance à grands pas. Il en existe actuellement
trois, dont un est déjà disponible [3,27,34].
 Idarucizumab (Praxbind®, actuellement commercialisé); anticorps monoclonal se liant de
manière irréversible avec le dabigatran (affinité 350 fois supérieure à celle de la thrombine).
Malgré sa courte demi-vie, il neutralise tout le dabigatran circulant. Normalisation du TT et de
l'ECT, hémostase chirurgicale normalisée dans 94% des cas [30,35].
o Début de l'action: < 5 minutes.
o Demi-vie: initiale 47 min, terminale 10.3 heures; élimination rénale.
o Dosage: 2 x 2.5 g iv en 10 min à 15 minutes d'intervalle.
 Andexanet alfa (Annexa®); fonctionne comme un leurre du facteur Xa et séquestre les
inhibiteurs de ce facteur (xabans) dans un rapport stochiométrique 1:1. L'activité anti-Xa est
réduite de 92-94% en 5 minutes et l'effet dure 2 heures [36]; sur une série de 67 malades,
l'hémostase est effective dans 79% des cas [7]. La durée d'action de l'andexanet étant plus
courte que celle des xabans, il y a un risque d'effet rebond de l'anticoagulation [25]. La
substance est en voie de commercialisation pour renverser l'effet du rivaroxaban, de l'apixaban
et de l'edoxaban, mais elle n'est pas encore approuvée par la FDA ni par l'EMA.
o Début de l'action: 2 minutes.
o Demi-vie: initiale 1 heure, terminale 6 heures.
o Dosage: 400-800 mg, bolus iv à 30 mg/min, puis perfusion 4-8 mg/min; dose requise
plus élevée pour le rivaroxaban que pour l'apixaban.
 Ciraparantag (aripazine, PER977); molécule polyvalente contenant 8 sites de fixation
covalente par l'H+, efficace pour renverser l'effet des xabans, de l'argatroban, du fondaparinux,
du dabigatran et des héparines. Le temps de coagulation est normalisé en 10 minutes [2], et
l'hémorragie diminuée de 90% chez l'animal [23]. Les essais cliniques n'étant pas encore
terminés, la substance ne sera pas sur le marché avant 1-2 ans.
o Début de l'action: 5-10 minutes.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
64
o
o
Durée d'action de 24 heures.
Dosage: 100-300 mg en bolus iv.
Les indications de ces antidotes sont les saignements menaçant la survie du patient, particulièrement
les hémorragies intracrâniennes, et les interventions chirurgicales majeures urgentes ne pouvant pas
être renvoyées de 12-24 heures. Ils ne présentent pas de danger de thrombose secondaire car ils sont
sans effet sur les facteurs de coagulation [4]. Dans la mesure où ils seront disponibles, ils seront
préférables aux agents non-spécifiques, mais leurs indications resteront limitées aux situations
incontrôlables. Ils n'ont aucune indication en cas de surdosage d'un NACO si le malade ne saigne pas.
Bien qu'il normalisent les tests de laboratoire et diminuent efficacement les saignements, ces antidotes
ont un effet relatif sur la survie des patients, qui souffrent d'une mortalité élevée liée à la pathologie de
base justifiant l'anticoagulation et aux conséquences de l'hématome, notamment intracrânien.
D'ailleurs, le devenir des malades hospitalisés en urgence pour hémorragie sous NACO, sans antidote
disponible, est comparable à celui des malades saignant sous AVK, pour lequel l'antidote est
d'utilisation courante [37]. Ajoutées à leur coût très élevé, ces remarques limitent les indications des
antagonistes à un secteur de niche.
Antagonisme non-spécifique
En l'absence d'antidote, on ne peut que recourir à un renversement non-spécifique, après s’être assuré
que la calcémie, l’équilibre acido-basique et la température du malade sont normaux (voir Facteurs de
coagulation) [19,26,34]. Il est possible d’atténuer les effets de l’anticoagulation par l’appoint de deux
substances [13,32,42].
 L’acide tranexamique (2 gm iv) ; cet antifibrinolytique peut freiner la production de plasmine
et l'activation excessive de la fibrinolyse. Il s'est montré relativement efficace dans des
situations telles que l'hémorragie traumatique majeure, la CEC ou le syndrome inflammatoire
postopératoire (voir Antifibrinolytiques).
 La desmopressine (0.3 mcg/kg iv) stimule la production de facteur VIII et de facteur von
Willebrand par l’endothélium et améliore l’adhésion plaquettaire (voir Pharmacothérapie).
Si ces deux substances n'améliorent pas la situation, l'étape suivante consiste à administrer des facteurs
de coagulation. Dans le cas des NACO, malheureusement, l'anticoagulant circulant bloque également
les facteurs administrés, ce qui les rend bien moins performants que dans le cas des AVK [16,17,27].
 Complexe prothrombinique (PCC prothrombin complex concentrate); contient les facteurs II,
IX, X (préparations à 3 facteurs) et du facteur VII (préparations à 4 facteurs), ainsi que de la
protéine C et de la protéine S. Dosage: 25-50 UI/kg. Permet le renversement partiel de l’effet
des xabans sur les tests de coagulation in vitro, mais inefficace sur le dabigatran [14,44]. Les
préparations à 4 facteurs sont préférables ; la dose efficace est 50 UI/kg [44]. Les demi-vies
des différents facteurs ne sont pas identiques et s’étalent de 5 heures pour le FVII à 60 heures
pour le FII.
 Complexe prothrombinique activé (aPCC) ou FEIBA® (Factor eight inhibitor bypass
activity), contient les facteurs II, IX, X et VII dont une bonne partie sous forme activée.
Dosage: 30-50 UI/kg. Bonne alternative contre l’effet du dabigatran, il est aussi plus efficace
que les PCC pour le renversement in vitro du rivaroxaban, mais il présente un risque
significatif de thrombose secondaire [29].
 Facteur VII activé (rFVIIa, Novo-Seven®), 90 mcg/kg; le rFVIIa active le facteur X en Xa, ce
qui génère davantage de thrombine. Il peut être indiqué pour contrecarrer les anti-Xa. Bien
qu’il normalise les tests de coagulation, le rFVIIa ne diminue pas significativement les pertes
sanguines [14]. Il présente un risque élevé de thrombose [1]. Bien qu’aucune étude clinique
n’ait démontré de succès clair dans le renversement de l’effet des NACO, le rVIIa pourrait
être utile en cas d’hémorragie sur fondaparinux [21].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
65
 L’ordre d’efficacité croissant pour renverser l’effet des xabans sur les tests de coagulation est :
PCC < rFVIIa < aPCC; toutefois l’effet est limité et ne dépasse pas 50% de correction [29].
 Transfusion de plaquettes en cas de thrombocytopénie ou de traitement antiplaquettaire
associé.
Le PCC et le FEIBA sont réservés aux pertes sanguines potentiellement létales qui ne répondent pas
aux mesures d'hémostase et de soutien, mais ils n'offrent aucune garantie de succès. Les travaux
prouvant l'efficacité des facteurs de coagulation dans l'hémorragie sur NACO sont très limités et peu
concluants, particulièrement pour le rFVIIa [4]. Ces agents ne doivent pas être utilisés de manière
prophylactique, ni en cas de taux d'anticoagulant suprathérapeutique sans saignement actif incontrôlé,
car le danger de thrombose secondaire est bien réel [34]. Le plasma frais décongelé (PFC) a peu de
chance d’être efficace car il contient de faibles concentrations des facteurs et fait courir un risque de
surcharge hémodynamique pour obtenir l’effet désiré (1-2 litres de PFC sont nécessaires pour
normaliser le taux des facteurs). Or il ne s’agit pas ici de compenser la déplétion des facteurs, comme
dans le renversement des AVK, mais de surmonter leur inhibition par une substance circulante
[1,18,19]. Dans ce cadre, le PFC n'est utile que comme expandeur plasmatique. Le renversement de
l'anticoagulation par les NACOs est excessivement onéreux: une dose de PCC activé (50 UI/kg)
dépasse CHF 5'000.-, et celle de Praxbind® s'élève à CHF 3'400.- [34].
Ces traitements sont basés sur la persistance des saignements et sur les altérations des tests de
coagulation (TP, aPTT, TT, thromboélastographie, anti-Xa). En l’absence d’héparine, une valeur antiXa < 0.1 U/mL suggère que l’effet a disparu. Un taux résiduel < 50 ng/mL de xaban ou de dabigatran
est compatible avec la chirurgie, et un taux ≤ 30 ng/mL permet d'opérer sans risque [11]. Le
thromboélastogramme est probablement le test le plus instructif. Bien que la plupart des tests
standards soit améliorée, leur éventuelle normalisation par le traitement n’assure malheureusement pas
que l’hémostase soit normale en cours d’opération [38]. D’autre part, l’administration de facteurs de
coagulation peut améliorer le bilan hémorragique sans que les tests de laboratoire ne soient
significativement modifiés [43]. Le couplage est donc assez lâche entre les valeurs de laboratoire et le
saignement clinique.
A défaut de renverser l’effet anticoagulant, on peut tenter de freiner l’absorption digestive du produit
avec du charbon actif si la dernière prise remonte à moins de 3-4 heures. On peut aussi éliminer la
substance par filtration [15]:
 Par hémodialyse pour le dabigatran, car sa fixation protéique est modeste (35%); 40-65% de la
substance sont éliminés en 4 heures, mais un effet rebond peut survenir à l'arrêt de la dialyse
[22].
 Par plasmaphérèse pour le rivaroxaban et l’apixaban, qui sont trop fortement liés aux protéines
plasmatiques (80-95%) pour être efficacement dialysés.
Toutefois, cette option est plus théorique que réaliste. L’installation d’une hémodialyse ou d’une
plasmaphérèse chez un patient qui saigne abondamment est aléatoire, et la ponction veineuse centrale
sous anticoagulation présente des risques évidents d’hémorragie potentiellement désastreuse.
Chez un malade qui saigne sous anticoagulants, l'élévation du TP et du TT, éventuellement du PTT,
doit faire suspecter l'utilisation d'un NACO et commander un test anti-IIa et anti-Xa, éventuellement
un dTT, pour s'en assurer. Répétés à 6 heures d'intervalle si la situation l'autorise, deux dosages
successifs permettent de situer le malade sur la courbe d'élimination de la substance et de décider si un
antagonisme est requis. La chirurgie est envisageable dès que le dosage de l'effet anti-Xa ou anti-IIa
est < 50 ng/mL, ce qui peut être atteint par une simple attente si la situation le tolère. Il est capital de
connaître le délai depuis la dernière prise du médicament, qui permet de savoir si l'on est au pic ou au
nadir de la concentration circulante, l'âge et la fonction rénale du patient, qui permettent d'évaluer la
vitesse d'élimination du produit, ainsi que ses comorbidités et comédications, qui permettent de juger
des éventuelles interférences. Un algorithme permet de clarifier l'enchaînement des diverses mesures
thérapeutiques (Figure 8.14).
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
66
Patient sous traitement par NACO
+
Saignements actifs ou
Chirurgie majeure non-élective
Délai depuis la dernière prise de NACO
Fonction rénale, co-médications, âge
Laboratoire
PTT*, TT* (dabigatran), TP* (xabans)
Dabigatran: dTT, ECT, anti-IIa
Xabans: anti-Xa
Hémorragie contrôlable
Chirurgie non-urgente
Hémorragie: moyens conventionnels
Chirurgie: délai 12-24 heures**
Stop NACO 24-48 heures
Tests anormaux
Antagonisme spécifique
Dabigatran: idarucizumab (Praxbind)
Xabans: andexanet ou aripazine
(si disponibles)
Hémorragie incontrôlable
Opération urgente
Acide tranexamique 1-2 g iv
Desmopressine 0.3 mcg/kg
Transfusions selon besoins
Laboratoire
Anti-IIa (dabigatran)
Anti Xa (xabans)
Tests normaux
Pas d’antagonisme
Antagonisme non-spécifique
PCC, éventuellement FEIBA***
© Chassot 2017
Figure 8.14: Algorithme de prise en charge des malades souffrant d'hémorragie ou devant subir une opération
urgente hémorragipare lors d'utilisation des nouveaux anticoagulants oraux (NACO): dabigatran, rivaroxaban,
apixaban ou edoxaban.
*: ces tests ont une valeur d'alerte, mais n'ont pas de valeur quantitative; en particulier, une valeur normale
n'exclut pas la présence d'un taux significatif de la substance.
**: la demi-vie des NACO est en moyenne de 12 heures; après 24 heures, le taux plasmatique est de 25%, et un
délai de 48 heures garantit l'absence d'effet (taux résiduel de 6-7%). La chirurgie est envisageable dès que le
dosage de l'effet anti-Xa ou anti-IIa correspond à un taux plasmatique < 50 ng/mL, ce qui peut être atteint par
une simple attente si la situation le permet.
***: le PCC activé (FEIBA) est réservé aux hémorragies potentiellement létales.
Moyens conventionnels: compression locale et hémostase chirurgicale ou endoscopique, embolisation radiointerventionnelle, administration de volume (cristalloïdes, expandeurs plasmatiques), charbon actif si ingestion <
4 heures.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Renversement de l’effet des anticoagulants
Le but est d’atteindre un niveau d’anticoagulation qui soit un compromis acceptable entre les pertes
sanguines spontanées ou peropératoires et le danger de thrombo-embolie. Antagoniser
l'anticoagulation n'a pas de sens en dehors de l'hémorragie majeure. Le renversement prophylactique
de l’anticoagulation n’est pas recommandé, sauf dans les opérations à très haut risque hémorragique
chez les malades à faible risque thrombo-embolique.
Antidotes spécifiques :
- Héparine non-fractionnée : protamine (1 mg protamine pour 1 mg héparine)
- HBPM : la protamine est un antagoniste partiel
- Agents anti-vitamine K : vitamine K (2.5-5 mg iv / 12 h)
- Dabigatran: idarucizumab
- Autres NACO: pas d'antidote commercialisé (andexanet alfa et aripazine en préparation)
Agents non-spécifiques :
- Acide tranexamique (2 gm), desmopressine (0.3 mcg/kg)
- Complexe prothrombinique (facteurs II, IX, X et une dose variable de facteur VII)*
- Complexe prothrombinique activé (aPCC), FEIBA® (facteurs II, IX, X et VII partiellement
activés)**
- Facteur VII activé (rFVIIa, Novo-Seven®)*** (mesure de sauvetage)
- Ordre d’efficacité pour renverser l’effet du rivaroxaban sur les tests de coagulation in vitro:
PCC < rFVIIa < aPCC
- Transfusion de sang en cas d'anémie aiguë et de plaquettes si thrombopénie
* : préférentiellement pour contrer les agents anti-Xa (rivaroxaban, apixaban, edoxaban)
** : préférentiellement pour contrer les agents anti-thrombine (dabigatran)
*** : pour contrer les anti-Xa, les anti-thrombine directs (dabigatran) et les anti-Xa indirects
(fondaparinux) ; l’efficacité du rFVIIa n’est cliniquement prouvée dans aucune de ces indications.
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Substitution (Bridging)
Lorsque l’anticoagulation est assurée pas un agent de longue durée et ne peut pas être interrompue,
comme c’est le cas dans la FA à haut risque ou la prothèse valvulaire mécanique, il est d’usage de
relayer le traitement par une héparine de courte demi-vie pour limiter à la durée de l’intervention
chirurgicale le temps pendant lequel le malade est hors de l’effet anticoagulant. Les mêmes remarques
faites pour le renversement s’appliquent ici: le but n’est pas la normalisation de la coagulation, qui
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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présenterait un danger majeur d’accident vasculaire, mais le meilleur compromis entre le risque
hémorragique chirurgical et le risque thrombo-embolique de la maladie. La substitution est
essentiellement justifiée par la mortalité plus élevée en cas de thrombose veineuse (embolie
pulmonaire) ou artérielle (infarctus, ictus) qu’en cas d’hémorragie majeure.
Bien qu’elle soit traditionnellement considérée comme une règle de l’art, la substitution par une
héparine est actuellement remise en question, particulièrement pour les nouveaux anticoagulants
[1,6,15]. En effet, les études récentes démontrent qu’elle augmente 3 à 5 fois le risque hémorragique
sans mettre à l’abri des complications thrombotiques (incidence inchangée). Une méta-analyse portant
sur 7'118 patients sous AVK ayant été substitués par une héparine en préopératoire montre que le
risque de saignement mineur et majeur est accru (HR 5.4 et 3.6, respectivement), alors que le risque
thrombo-embolique est inchangé (HR 0.84) [12]. Il se peut même que le taux d’hématome soit
supérieur avec la substitution par rapport à la continuation du traitement de base [3]. Un registre
prospectif de 2'179 patients sous NACO (rivaroxaban, apixaban et dabigatran) trouve une incidence
d’évènements thrombo-emboliques similaire chez les patients substitués (1.6%) et chez ceux qui ne le
sont pas (0.8%), mais des pertes sanguines cinq fois plus importantes chez les premiers (2.7%) par
rapport aux seconds (0.5%) (OR 5.0) [2]. Dans l’état actuel de nos connaissances, la substitution n’est
donc formellement indiquée que chez les malades à très haut risque thrombotique (score CHADS
élevé, prothèse valvulaire mécanique) qui sont sous AVK. Dans les autres situations, elle est n’offre
probablement aucun bénéfice et relève d’une décision au cas par cas. Hormis les très hauts risques
thrombotiques lors d'une interruption de > 96 heures, elle n’est pas justifiée pour les NACO, car elle
augmente le risque hémorragique (HR 3.5) sans diminuer le risque d’AVC ni de thrombo-embolie
[2,6,11]. Comme une bonne partie des saignements survient dans le postopératoire, il est recommandé
de ne pas redémarrer l’anticoagulation de substitution avant 24 à 72 heures, selon la qualité de
l’hémostase [14]. La prise en charge périopératoire des patients sous AVK peut être représentée par un
algorithme (Figure 8.15) [4,5,8]. Elle est basée sur une stratification du risque thrombo-embolique en
3 catégories comme décrites dans le Tableau 8.8.
 Les opérations mineures ou non-hémorragiques (dentisterie, excision cutanée, cataracte,
biopsie, endoscopie, pace-maker, etc) peuvent se dérouler sans interruption des AVK, bien
que le taux de saignement soit 3 fois plus élevé. Le bloc rétrobulbaire présente un risque
d’hématome de 0.7% seulement sous AVK [10]. En périopératoire, l’INR visé est à la limite
inférieure de la zone thérapeutique.
 Arrêt des AVK 5-6 jours avant les interventions à risque hémorragique intermédiaire ou
majeur (Marcoumar® : arrêt 10 jours).
 Substitution avec une héparine 3 jours avant l’opération en fonction du risque thromboembolique.
o Cas à risque thrombo-embolique élevé : HNF 12-15 UI/kg/h (20’000-30’000 UI/24 h)
en perfusion, sans bolus; arrêt 4-6 heures avant l’intervention. Alternative : HBPM à
dose thérapeutique (250 UI/kg/24 h, ≥ 20’000 UI/24 h) en 2 doses quotidiennes souscutanées; arrêt 24 heures avant l’intervention ; si le risque hémorragique est élevé, la
dernière administration (24 h préop) est une demi-dose.
o Cas à risque thrombo-embolique modéré : HBPM à dose thérapeutique (250 UI/kg/24
h) en 2 doses quotidiennes sous-cutanées; arrêt 24 heures avant l’intervention.
Alternative dans les cas à risque hémorragique élevé: HBPM à dose prophylactique
(10’000 UI/24h sous-cut); arrêt 12-24 heures avant l’intervention. Dans cette
indication, la substitution est contestable: dans les CHADS2 2-3, elle ne modifie pas le
risque thrombotique par rapport à l'arrêt simple, mais elle augmente le risque de
saignement [7].
o Cas à risque thrombo-embolique faible : pas de substitution.
o Préférence pour l’HBPM sous-cutanée autant que possible, sauf si la clairance de la
créatinine est < 30 mL/min, où l’HNF iv est recommandée.
o L’administration intraveineuse nécessite une hospitalisation, alors que la forme souscutanée permet un traitement à domicile.
o Patients avec anamnèse de HIT et anticorps anti-héparine: bivalirudine ou argatroban.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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 Interruption de l’héparine 4 heures (HNF intraveineuse) à 12-24 heures (HBPM) avant
l’intervention.
 Risque embolique élevé (< 1 mois après une thrombose veineuse des membres inférieurs ou
du petit bassin) et opération en urgence (substitution impossible): pose d’un filtre amovible
sur la veine cave inférieure.
 Reprise des AVK 12-24 heures postopératoires (le soir ou le lendemain de l’opération).
 Reprise de l’héparine dans les 24-48 heures postopératoires pour 4-6 jours ; le délai peut être
prolongé à 72 heures si le risque hémorragique est très élevé ; la reprise à moins de 24 heures
double le risque hémorragique postopératoire mais est préférable en cas de risque thromboembolique élevé [13]. L’héparine est arrêtée seulement lorsque l’INR est de retour dans la
zone thérapeutique.
Les nouveaux anticoagulants oraux (dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban) ont des demi-vies
d’environ 12 heures nécessitant une interruption de 48 heures, voir 3-5 jours chez les personnes âgées
et les insuffisants rénaux. Leurs antidotes ne sont pas encore disponibles, sauf pour le dabigatran.
Généralement, il n’y a pas lieu de mettre en route un relai avec une héparine pour ces substances, sauf
dans les cas à très haut risque de thrombose comme les prothèses valvulaires mécaniques, mais ces
derniers sont de préférence sous AVK [15]. Les NACO ayant une pharmacocinétique superposable à
celle des HBPM, une substitution par ces dernières n'a aucun sens ni aucune indication [2,9,11]. En
cas de doute dans le cadre préopératoire, la meilleure attitude est de doser l’anticoagulant (effet antiXa calibré pour la substance pour le rivaroxaban, l'edoxaban et l’apixaban, effet anti-IIa ou
Hemoclot™ pour le dabigatran). Si le taux est élevé, la substitution n’est pas nécessaire ; s’il est bas,
l’attente est inutile et le malade est opérable sans délai.
Lors de la reprise postopératoire dans les cas à haut risque hémorragique et haut risque thromboembolique, il est concevable de débuter le traitement anticoagulant pas de l'héparine non-fractionnée
pour laquelle la protamine est un antidote efficace et toujours disponible. Le NACO est repris lorsque
la situation est stabilisée, en veillant à ce que les deux substances ne soient jamais administrées
simultanément.
Substitution périopératoire des anticoagulants
La substitution des AVK par une héparine est réservée aux cas à haut risque thrombo-embolique.
Dans les autres situations, elle augmente 3 à 5 fois le risque de saignement sans diminuer le risque
thrombo-embolique. Elle n’est pas conseillée dans les interventions à haut risque hémorragique ni
chez les malades à bas risque thrombo-embolique. Elle n’est pas recommandée avec les nouveaux
anticoagulants oraux (dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban).
Dans les situations à risque thrombo-embolique élevé (thrombose veineuse profonde récente, FA
CHADS2 > 4, prothèse mécanique mitrale), l’AVK est remplacé par une héparine de courte demivie. Le but n’est pas la normalisation de la coagulation, qui présenterait un danger majeur d’accident
vasculaire, mais le meilleur compromis entre le risque hémorragique chirurgical et le risque
thrombo-embolique de la maladie.
Substitution des AVK :
- Stop AVK 5 jours préop (Marcoumar 10 j)
- Substitution avec une héparine 3 jours avant l’opération
- Interruption de l’héparine 4-6 heures (HNF iv) à 24 heures (HBPM scut) préopératoires
- Reprise des AVK à ≤ 24 heures postopératoires
- Reprise de l’héparine 12-48 heures postopératoires, stoppée lorsque que l’INR est dans les
valeurs thérapeutiques
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Patient sous traitement par des
agents anti-vitamine K (AVK)
Opération urgente
Vitamine K, 2-5 mg iv
PCC en perfusion*
Opération élective
Risque
hémorragique
modéré - élevé
Risque
hémorragique
faible
Stop AVK 5-6 jours préop.
Substitution par héparine selon le risque
thrombo-embolique
Risque thromboembolique faible:
Pas de substitution
J -1: si INR > 1.5,
vit K 1-2 mg po
Reprise AVK 24 h postop
Pas d’interruption
des AVK
Risque de
saignement triplé
Risque thromboembolique
modéré - élevé
J -3: début héparine
J -1: INR > 1.5, vit K 1-2 mg po si risque
hémorragique élevé
Risque thrombo-embolique modéré
Risque thrombo-embolique élevé
HBPM scut: 20’000 UI/24 h
Stop 24 heures préop.
HBPM scut: 10’000 UI/24 h
Stop 12 heures préop.
HNF iv: 20’000-24’000 UI/24 h
Stop 4 heures préop.
HBPM scut: 20’000 UI/24 h
Stop 24 heures préop.
Reprise AVK 24 h postop per os
Reprise héparine 24-72 h postop selon risque de saignements
et qualité de l’hémostase
Stop héparine lorsque INR thérapeutique (J + 5-7)
Figure 8.15 : Algorithme de prise en charge des malades sous agents anti-vitamine K (AVK) en préopératoire de
chirurgie non-cardiaque, basé sur le risque hémorragique chirurgical et sur le risque de la maladie thromboembolique [adapté d’après références [8,15]. PCC: prothrombin complex concentrate. *: selon pertes sanguines
et non à titre prophylactique.
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Tableau 8.8 : Stratification des risques thrombo-emboliques
et substitution des AVK par héparine
Risque &
INR visé
Prothèse valvulaire
mécanique
Elevé
INR ≥ 3
Prothèse mitrale
AVC ou AIT récent
(< 6 mois)
Modéré
INR = 2-3
Faible
INR = 2
Fibrillation
auriculaire
Thrombo-embolie
veineuse/artérielle
Substitution
CHADS2 ≥ 5
AVC ou AIT récent
Valvulopathie, RAA
TVP/embolie < 3 m
Thrombose artérielle
Coagulopathie
HNF iv:
12-15 UI/kg/h
HBPM scut:
250 UI/kg/24h
Prothèse aortique
mécanique avec: FA,
AVC, diabète, ICC,
âge > 75 ans
CHADS2 3-4
TVP/embolie 3-12 m
Récidive de TVP
Cancer actif
HBPM scut
10’000-20’000
UI/24h selon
risque hémorr*
Prothèse aortique
mécanique simple
CHADS2 0-2
TVP/embolie > 12 m
0 facteur de risque
En général pas
de substitution
*: La substitution dans les risques modérés est actuellement remise en question.
Note. Ce tableau reprend les données du Tableau 8.6 en y incorporant la substitution par l’héparine.
CHADS2: score comprenant 5 éléments (congestive heart failure, hypertension, age, diabetes, stroke); chaque
élément compte pour 1 point, sauf l’AVC (stroke S2) qui compte double. ICC: insuffisance cardiaque
congestive. m: mois. s: semaine. TVP: thrombose veineuse profonde. m: mois. INR visé: valeur d’INR
recommandée. HNF: héparine non-fractionnée. HBPM: héparine à bas poids moléculaire.
D’après:
Douketis JD, Spyropoulos AC, Spencer FA, et al. Perioperative management of antithrombotic therapy : Antithrombotic
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
73
Coagulation et anticoagulation en chirurgie cardiaque
La circulation extracorporelle (CEC) entraîne une formation de thrombine, une consommation des
facteurs de coagulation, un épuisement des plaquettes et une activation de la fibrinolyse. Plusieurs
mécanismes sont en jeu : l’hémodilution, le contact avec des surfaces étrangères et avec l’air, les
lésions traumatiques des pompes et des aspirations, l’hypothermie, le syndrome inflammatoire
systémique. Ces phénomènes exigent une prise en charge soigneuse pour éviter les thromboses
pendant la CEC et les hémorragies après celle-ci. La tendance actuelle est en faveur d’une gestion de
la coagulation peropératoire fondée sur un protocole et basée sur des examens de laboratoire réalisés
en salle d’opération (goal-directed blood management). La stratégie est triple :
 Traiter la coagulopathie ;
 Prévenir les thromboses ;
 Réduire l’hémorragie et les transfusions.
Cette attitude est exposée en détail plus loin dans ce chapitre (voir Hémothérapie peropératoire).
Impact de l’anticoagulation préopératoire
Anticoagulants
Il est fréquent que les malades de chirurgie cardiaque soient sous antithrombotiques en préopératoire.
Plusieurs cas de figure peuvent se présenter [17].
 Les anticoagulants coumariniques sont stoppés 5 jours avant l’opération et remplacés par de
l'héparine (10'000-15'000 UI/jour) dès le 3ème jour préopératoire ; on recherche un aPTT égal à
1.5 fois la valeur de départ.
 La dernière dose d’HBPM sous-cutanée est administrée 12-24 heures avant l’intervention.
 Une perfusion d'héparine en cours pour un syndrome coronarien instable n'est pas stoppée
avant l'opération, mais continuée jusqu'à l'incision; elle peut également être remplacée par une
dose de 5'000 UI iv d'héparine à l'induction.
 L’héparinisation intraveineuse continue pendant plus de 3 à 4 jours préopératoires peut épuiser
les réserves en antithrombine III de l’organisme, et empêcher une anticoagulation efficace en
CEC; le traitement est l’administration d’antithrombine III (500-1000 UI), éventuellement de
poches de plasma frais décongelé (voir Coagulopathie peropératoire).
 Les prothèses valvulaires mécaniques réclament une anticoagulation permanente, quelle que
soit leur position (aortique, mitrale ou tricuspidienne) ; l’INR visé est 2-2.5 en position
aortique et ≥ 3 en position mitrale ou tricuspidienne. Les bioprothèses valvulaires ne
nécessitent une anticoagulation par des AVK que pendant 3 mois.
 Avant chirurgie en CEC, les nouveaux anticoagulants oraux sont interrompus pour une durée
correspondant à 3 demi-vies de la substance, soit :
o Rivaroxaban : 48 heures
o Apixaban :
48 heures
o Edoxaban :
48 heures
o Dabigatran : 48-72 heures.
Chez les patients sous anticoagulants ou sous antiplaquettaires, la dose d’héparine utilisée lors de la
CEC ou lors d’OPCAB reste la même que la routine habituelle (ACT recherché : > 450 sec et > 250
sec, respectivement), car une inhibition incomplète de la thrombine peut conduire à une activation
plaquettaire secondaire [2].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
74
Antiplaquettaires
L’aspirine en prévention secondaire (50-160 mg/jour) est un traitement à vie qui n’est jamais
interrompu, même en préopératoire. Toutefois, lors de chirurgie cardiaque élective avec CEC, il est
traditionnellement recommandé d’arrêter l’aspirine 5 jours avant l’intervention à cause d’une
augmentation des saignements de l’ordre de 20% [4]. L’interrompre pendant une plus longue période
ne modifie pas l’incidence d’hémorragie ni d’accident cardiaque postopératoire, mais fait courir un
risque d’accident coronarien préopératoire, puisque 2-10% des patients font un syndrome coronarien
aigu 8.5 jours après l’arrêt de l’aspirine en prévention secondaire [8]. Actuellement, les dernières
recommandations européennes spécifient que l’aspirine à faible dosage (75-160 mg) doit être
maintenue chez tous les patients subissant des pontages aorto-coronariens avec ou sans CEC, et ne
doit être interrompue 3-5 jours que chez ceux qui présentent un risque hémorragique très élevé ou qui
refusent les transfusions [14]. De toute manière, la recommandation d’arrêter l’aspirine ne s’applique
pas aux situations suivantes, dans lesquelles elle est maintenue jusqu’à l’intervention [7] :




Patients souffrant d’un syndrome coronarien aigu ou d’un angor instable ;
Patients porteurs de stents coronariens ;
Patients porteurs de prothèses valvulaires mécaniques ou autre matériel prothétique ;
Opérations à cœur battant (sans CEC).
De nombreuses études ont maintenant démontré que l’aspirine n’augmentait le risque hémorragique
que de manière marginale et seulement avec de hauts dosages (≥ 325 mg/j), que les saignements
occasionnés sont diminués par les antifibrinolytiques, et que le maintien de l’aspirine jusqu’à
l’opération et sa reprise immédiate en postopératoire diminuent la mortalité hospitalière de 45% chez
les coronariens [11,15].
La bithérapie (aspirine + clopidogrel) maintenue jusqu’à l’intervention est un prédicteur indépendant
du risque hémorragique, des besoins transfusionnels, des reprises chirurgicales pour hémostase et du
séjour en soins intensifs. Bien que le nombre de poches de sang administrées (de 1.6 à 3 unités) soit
significativement augmenté (de 51% à 73% des cas), la mortalité des patients et leur devenir à long
terme ne semblent pas affectés [12]. Une étude portant sur 4'794 cas a démontré que la prise de
clopidogrel < 5 jours avant l’opération n’augmente pas significativement le risque hémorragique par
rapport à son arrêt > 5 jours préopératoires : OR 1.24 pour les reprises chirurgicales à visée
hémostatiques, OR 1.40 pour les transfusions sanguines [9]. Elle montre aussi un autre point capital :
le chirurgien qui réalise l’opération est le facteur le plus clairement associé à l’hémorragie ! Sous
ticagrelor, le risque hémorragique des PAC est identique au risque sous clopidogrel [16]. Par contre,
avec le prasugrel, qui est 10 fois plus puissant que le clopidogrel, le risque de saignements au cours de
PAC est augmenté de 4.7 fois [18].
Il est habituellement recommandé d’interrompre le clopidogrel 5 jours, le ticagrelor 3-5 jours, et le
prasugrel 7 jours avant des PAC électifs en CEC (voir Chapitre 29, Recommandations pour la
chirurgie cardiaque) [4]. Bien que conventionnelle, cette attitude fait courir un danger thrombotique
évident en échange d’une meilleure hémostase. Quelques faits le démontrent.
 Chez les porteurs de stents, le risque d’évènement coronarien augmente de 1-2% pendant la
durée de l’arrêt, mais peut s’élever à 2% par jour en cas de syndrome coronarien aigu (SCA)
[12].
 Le maintien du clopidogrel jusqu’à 24 heures préopératoires diminue significativement le taux
d’infarctus à 1 an (OR 0.57-0.63) [1,12].
 La comparaison du ticagrelor et du clopidogrel montre que le raccourcissement de la période
sans antiplaquettaire abaisse le taux de mortalité après PAC (HR 0.49) puisque le ticagrelor
est arrêté 24-72 heures avant l’opération et le clopidogrel stoppé > 5 jours préopératoires. Par
contre, il n’y pas de différence de mortalité entre les deux médicaments s’ils sont interrompus
la veille de l’opération ou plus de 5 jours avant celle-ci [6]. C’est donc la durée de l’arrêt qui
fait la différence.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
75
Comme pour l’aspirine seule, le double traitement n’est pas interrompu lorsqu’il est prescrit pour un
syndrome coronarien instable ou pendant la phase de ré-endothélialisation des stents (stents passifs :
minimum 6 semaines ; stents actifs 1ère génération: ≥ 6 mois; stents actifs 2ème génération: 3 mois).
Dans ces situations, il doit être continué jusqu'à 24-48 heures de l'opération. Lorsque la durée de
l’arrêt préopératoire fait débat, un test d’agrégabilité plaquettaire est précieux car ses résultats
permettent souvent de raccourcir le délai entre l’opération et la dernière prise de clopidogrel sans
augmenter pour autant les pertes sanguines [13]. Les patients dont les plaquettes conservent une
certaine activité résiduelle sous bithérapie antiplaquettaire ont moins de saignement majeur
postopératoire. La durée d’interruption des antiplaquettaires peut donc être réduite, car un faible
répondeur saigne moins qu’un individu normal. Ainsi, le délai d’attente moyen avant des PAC a pu
être abaissé à 2.7 jours sans augmentation du risque hémorragique chez les patients qui ont une
agrégabilité résiduelle satisfaisante au test préopératoire [10]. Les antifibrinolytiques peropératoires
permettent de réduire le risque hémorragique chez les patients sous antiplaquettaires. La
revascularisation à coeur battant, qui nécessite une héparinisation plus faible, est particulièrement
indiquée dans ces circonstances parce que moins hémorragipare [7].
Pontages de sauvetage en urgence
La situation est délicate lors de pontages aorto-coronariens (PAC) en urgence pour syndrome
coronarien aigu, parce que l’administration d’une dose de charge de clopidogrel (300-600 mg) ou de
ticagrelor (180 mg) est une recommandation formelle avant même de procéder à une coronarographie,
donc avant de savoir si le patient est susceptible de subir une revascularisation chirurgicale en urgence
ou en semi-urgence (0.3-0.5% des PCI) [2]. Eviter cette médication fait prendre trop de risque de
thrombose coronarienne en cas de traitement médical ou de PCI avec pose de stent, mais elle grève
d’éventuels PAC d’une morbidité hémorragique significative : l’incidence de saignements majeurs est
de 11-47% après 300 mg et de 73% après 600 mg de clopidogrel, mais elle est presque 5 fois plus
élevée après 60 mg de prasugrel [3,18]. L’angioplastie en urgence, sans que l’anatomie coronarienne
soit connue auparavant, est une excellente indication pour le ticagrelor, bloqueur puissant, rapide et
réversible, qui occasionne moins de pertes sanguines peropératoires que les autres substances. Lorsque
des PAC sont réalisés dans le cadre d’un syndrome coronarien aigu, l’aspirine et le clopidogrel ou le
ticagrelor ne sont pas interrompus plus de 24-48 heures ; ils doivent être repris le plus vite possible
dans le postopératoire et continués pour au moins 6 mois (voir Chapitre 29, Recommandations pour la
chirurgie cardiaque) [2,5].
Antiplaquettaires en chirurgie cardiaque
Opérations électives en CEC
- Stop aspirine 5 jours si risque hémorragique élevé ou refus de transfusion
- Stop clopidogrel 5 jours
- Stop ticagrelor 3-5 jours
- Stop prasugrel 7 jours
- Reprise de l’aspirine < 24 heures postopératoires
Exceptions pour l’aspirine (maintien jusqu’à la prémédication)
- Opérations à cœur battant (sans CEC)
- Syndrome coronarien aigu
- Patients porteurs de stents ou de prothèses, quel que soit le délai depuis la pose
Exception pour la double thérapie (maintien jusqu’à 24-48 heures préop)
- Opérations à cœur battant (sans CEC)
- Syndrome coronarien aigu
- Patients porteurs de stents non-endothélialisés (< 6 sem pour BMS, < 3-6 mois pour DES)
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
76
Reprise en postopératoire : aspirine < 24 heures, bithérapie 24-48 heures (selon risque hémorragique).
Opération à cœur battant (OPCAB) : maintien des antiplaquettaires.
Opération en urgence (sauvetage après PCI, patients sous dose de charge) : prévoir antifibrinolytiques
et transfusions plaquettaires, préférence à la chirurgie sans CEC (OPCAB).
L’interruption des antiplaquettaires en cas de SCA ou de stents récents fait courir un risque d’accident
thrombotique de 1-2% par jour d’arrêt et une augmentation jusqu’à 50% des complications cardiaques
per- et postopératoires.
Ces recommandations sont sujettes à controverse, car les pertes sanguines sont variables selon les
études et selon les chirurgiens. Dans la mesure du possible, il est souhaitable de maintenir les
antiplaquettaires jusqu’à 24-48 heures de l’intervention, éventuellement sous contrôle d’un test
d’agrégabilité plaquettaire.
Références
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
77
Tests de coagulation peropératoires
Les situations difficiles évoluent rapidement en salle d’opération. Les examens classiques de la
coagulation nécessaires à choisir la thérapeutique la plus appropriée occasionnent un délai souvent
trop long (45-90 minutes) et dépendent de la disponibilité d’un laboratoire d’hématologie. D’autre
part, les tests conventionnels (TT, aPTT, TP, INR, etc) ne reflètent que la mise en route de la cascade
coagulatoire in vitro et n’apportent aucun renseignement sur la participation des plaquettes, ni sur la
stabilité du caillot, ni sur la fibrinolyse [23]. Ils sont de faibles prédicteurs du risque hémorragique. Le
développement de tests faisables au lit du malade (POC tests : point-of-care tests) a changé la donne,
même si ces tests ne sont pas aussi fiables que ceux pratiqués dans un laboatoire spécialisé. D'un point
de vue pratique, on peut grouper ces tests en 3 catégories.
 Test de la cascade coagulatoire in vitro (ACT);
 Tests de résistance viscoélastique du caillot (TEG™, ROTEM™, Sonoclot™);
 Tests d'agrégabilité plaquettaire (Multiplate™, VerifyNow™, PFA-100™, etc).
L’implémentation de ces tests dans la routine de chirurgie cardiaque a pour objectif d'individualiser la
prise en charge et de gérer l'hémostase de manière dirigée au lieu de perfuser divers composants de
manière indiscriminée. On a déjà démontré qu’elle permet de diminuer le taux d’hémorragie
postopératoire, la consommation de produits sanguins et la morbidité par rapport à la prise en charge
conventionnelle [22]. Mais elle implique une formation adéquate du personnel d’anesthésie et un
contrôle de qualité permanent.
ACT
Le test le plus utilisé en chirurgie cardiaque est l’ACT (Activated clotting time) : du sang complet est
mis en contact avec un activateur de la voie intrinsèque (célite, kaolin, verre ou une combinaison de
ces produits), et réchauffé à 37°C. L’appareil mesure le temps nécessaire à transformer le sang liquide
en un gel coagulé. Les résultats sont prolongés en cas de déficience en facteurs de la voie intrinsèque
(facteur XII, prékallikréine) ou en fibrinogène, et en présence d’aprotinine; cette dernière allonge
l’ACT utilisant la célite comme activateur. Il est donc préférable de recourir à un test au kaolin lorsque
le patient reçoit de l’aprotinine [5]. L’ACT est essentiellement utilisé pour quantifier l’effet de
l’héparine ; bien qu’il soit très sensible, il est peu spécifique.
La valeur de l’ACT normal est situé entre 80 et 120 secondes. L’ACT minimal nécessaire pour éviter
des problèmes thrombotique ou hémorragique pendant une CEC est toujours discutée, mais une valeur
> 450 secondes, correspondant à une héparinémie de > 2 U/mL, est généralement acceptée comme
référence pour les circuits standards, et une valeur de > 250 secondes pour les circuits pré-héparinés.
Si l'ACT est < 400 secondes (ou < 250 secondes), il est recommandé de ne pas commencer la CEC
sans ajouter une dose supplémentaire d'héparine (5'000 – 10'000 UI) ; on procède à un nouveau
contrôle après 3 minutes [12]. Il se peut que l’ACT ne s’allonge pas suffisamment malgré une dose
adéquate d’héparine; il s’agit probablement d’une résistance à l’héparine liée à un défaut en AT III
(voir Coagulopathie peropératoire). Bien que linéaire, la corrélation de l’ACT avec la concentration
plasmatique d’héparine est n’est pas exacte: l’ACT tend à sous-estimer l’héparinémie réelle. De ce
fait, il se peut que le blocage de la thrombine et de la fibrinolyse soit moins complet qu’attendu [2].
Thromboélastographie
La thromboélastographie décrite par Hartert en 1948 est une manière élégante et rapide d’évaluer le
développement et la résistance physique du thrombus formé au cours du processus coagulatoire, et sa
dissolution au cours de la fibrinolyse. L’échantillon de sang complet est placé dans une petite cuve
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
78
chauffée à 37°C ; le développement de la fibrine se traduit par un couplage progressif des mouvements
rotatoires entre la cuvette et une tige qui y est plongée (Figure 8.16).
A
B
Axe de rotation
+/- 4.75°
Source
lumineuse
Cuvette
Ressort
Détecteur
Tige
Capteur
Support
Senseur
Cuve
oscillante
Caillot à
37°C
Cuvette (37°C)
Fibrine et agrégat
plaquettaire
Caillot à 37°C
Figure 8.16 : Systèmes de thromboélastographie. A: système TEG™; le couplage progressif
des mouvements de
la cuve (oscillation de 4°45’ autour de son axe) avec ceux d’une tige est enregistré par un capteur
électromagnétique ; il traduit la formation et la solidité des ponts de fibrine. B: système ROTEM™; les
mouvements oscillatoires sont impartis à la tige et non à la cuve et la transmission est optique et non électromagnétique [d’après référence 20].
Le signal électrique est affiché sous forme d’une trace dont la déflection est proportionnelle à la
solidité du caillot (Figure 8.17).
Cette trace permet de mesurer une série de paramètres correspondant aux propriétés visco-élastiques
du thrombus sous une force de cisaillement correspondant à celle qui règne dans la circulation
veineuse [20].
 TC (temps de coagulation) : temps écoulé entre le début de la mesure et le début de la
formation du caillot. Valeur normale : 55 secondes; la valeur normale varie selon le type de
test.
 TFC (temps de formation du caillot) : temps écoulé entre le début de la formation du caillot et
une amplitude de courbe de 20 mm. Valeur normale : 95 secondes; la valeur normale varie
selon le type de test.
 Angle alpha (pente du TFC) : vitesse de formation de la fibrine. Valeur normale : 22-38° (sang
natif), 53-67° (activation par kaolin).
 A10: amplitude 10 minutes après le temps de coagulation (TC); valeur normale : 43-68 mm.
Une amplitude de 0 mm signifie une absence totale de thrombus; le maximum de 100 mm
indique que le système est complètement bloqué par le caillot (au-delà de 10 minutes).
 FMC (fermeté maximale du caillot, exprimée en mm) : amplitude maximale du tracé, en
général à la 15ème minute ; il définit les propriétés visco-élastiques finales du caillot. Valeur
normale : 47-71 mm.
 IL, LM (index de lyse, ou lyse maximale) : pourcentage de la fermeté du caillot (FMC) à 30
ou 60 minutes. Valeur normale : < 18% à 60 minutes.
Il existe deux modèles de thromboélastographie en version utilisable au lit du malade (POC-test): le
thromboélastogramme (TEG™) et le thromboélastomètre rotatoire (ROTEM™). Dans le système
TEG™, le sang est placé dans une cuvette qui oscille sur son axe de 4°45’; le développement de la
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
79
fibrine se traduit par un couplage progressif des mouvements du tube avec ceux d’une tige, dont les
oscillations sont enregistrées par un capteur électromagnétique La technologie du ROTEM diffère en
ce sens que les mouvements oscillatoires sont impartis à la tige et non à la cuve et que la transmission
est optique et non électro-magnétique (Figure 8.16). Le système est plus stable et plus simple
d’emploi. L’échantillon consiste en sang citraté et recalcifié ; il est réparti en aliquots additionnés de
différents activateurs (figurant entre parenthèses dans la liste ci-dessous) permettant plusieurs analyses
en parallèle. Outre le temps de coagulation et la cinétique du caillot, le ROTEM™ offre ainsi plusieurs
autres données (Figure 8.18) [19].
A
A10
α
FMC
20 mm
TC
TFC
IL
60 min
Thrombose
B
Fibrinolyse
Normal
Anticoagulants
Antiplaquettaires
Fibrinolyse
Hyperrcoagulabilité
Figure 8.17 : Thromboélastogramme. A: représentation schématique d’un thromboélastogramme normal. TC:
temps de coagulation. TFC: temps de formation du caillot (temps écoulé entre le début de la formation du caillot
et une amplitude de courbe de 20 mm). A10: amplitude 10 minutes après le TC. FMC: fermeté maximale du
caillot. IL: index de fibrinolyse. α: angle représentant la pente du TFC, mesurée entre le point de démarrage du
caillot et une amplitude de 20 mm. B: Illustration de thromboélastogrammes correspondant à différentes
pathologies [d’après référence 20].
 INTEM (+ acide ellagique + phospholipide + calcium): information sur la voie intrinsèque ; le
TC de l’INTEM est équivalent à l’aPTT.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
80
A
B
C
D
Figure 8.18 : Exemples de tracés thromboélastographiques ROTEM™. A: tracé normal. B: tracé de
thrombocytopénie. C: tracé de fibrinolyse excessive. D: tracé sous héparinisation complète (CEC). MCF:
fermeté maximale du caillot. CT : temps de coagulation. ML : lyse maximale (pourcentage de MCF à 60
minutes) [d’après référence 19].
 EXTEM (+ facteur tissulaire + calcium): information sur la voie extrinsèque, équivalente au
TP.
 HEPTEM (acide ellagique + héparinase): neutralisation de l’héparine par de l’héparinase ;
permet de diagnostiquer des anomalies alors que le patient est sous héparine (CEC).
 APTEM (facteur tissulaire, calcium, + aprotinine): neutralisation de la fibrinolyse par de
l’aprotinine ; met en évidence une hyperfibrinolyse en comparaison avec l’EXTEM.
 FIBTEM (élimination de la participation plaquettaire au caillot par la cytochalasine D):
évaluation de la fonctionalité du fibrinogène, puisque la formation du thrombus ne dépend
plus que de ce dernier.
 ECATEM (+ écarine): information équivalente à l’Ecarin clotting time pour l’évaluation des
inhibiteurs directs de la thrombine (bivalirudine, desirudine, dabigatran).
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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L’EXTEM, l’INTEM et l’APTEM sont directement asociés aux taux de fibrinogène et de plaquettes
[21]. L'HEPTEM associé à l'INTEM autorise un diagnostic des anomalies de facteurs de la
coagulation alors que le patient est sous héparine en CEC; on peut ainsi prévoir quels seront les
éléments à corriger après la sortie de pompe [19]. Le prolongement du TC de l'INTEM (> 240 sec) et
de l'EXTEM (> 100 sec), ainsi que l'allongement de la FMC et la réduction de l'angle alpha, sont utiles
pour déterminer les besoins en PCC (Prothrombin complex concentrate), qui contient les facteurs II,
VII, IX, X [7]. Toutefois, un excès d'héparine ou de protamine peut également prolonger l'INTEMTC. Une valeur de FIBTEM A10 < 5 mm est un bon indicateur d'hypofibrinogénémie (< 1 g/L) ; un
FIBTEM de 10 mm correspond à environ 2 g/L de fibrinogène (méthode de Clauss) ; si la FMC de
l’EXTEM ne s’améliore pas après perfusion de fibrinogène, l’indication est posée à une transfusion de
plaquettes. La comparaison entre EXTEM et FIBTEM permet le diagnostic différentiel entre
thrombocytopénie et hypofibrinogénémie, ce qui offre la possibilité de n'administrer que l'élément en
défaut. Toutefois, la fonction plaquettaire n'est pas correctement investiguée par la
thromboélastographie, sauf dans une version spécifique du système TEG (TEG-PlateletMapping™).
Les premiers résultats de ces tests tombent en 5 à 10 minutes, mais il faut attendre jusqu’à 60 minutes
pour un examen complet (selon la durée de la fibrinolyse). Comme ces tests ont une haute valeur
prédictive négative, leur normalité en présence d’hémorragie est une indication formelle à une reprise
chirurgicale [15].
Agrégabilité plaquettaire
Le thromboélastogramme ne dit malheureusement rien sur la fonction plaquettaire. Il est donc
judicieux de lui adjoindre un test d’agrégabilité plaquettaire, mais celle-ci est un phénomène complexe
et multifactoriel, dont il est malaisé de juger la fonctionalité avec un examen standard, rapide et
univoque. Plusieurs examens sont disponibles mais ils évaluent des mécanismes différents du
fonctionnement des plaquettes ; leur degré de cohérence est modeste. De ce fait, il n’existe pas de
consensus clair sur la meilleure méthode à utiliser ni sur la valeur à considérer comme le seuil au-delà
duquel le risque hémorragique devient très élevé. Deux appareils sont fréquemment utilisés en
peropératoire (voir Chapitre 29, Tests d’activité plaquettaire) [3,4].
 Multiplate Electrode Aggregometry (MEA™). Il est fondé sur l’augmentation de l’impédance
électrique entre des électrodes plongées dans le plasma lorsque celles-ci se recouvrent d’amas
plaquettaires. Il mesure l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa, point
de convergence de la stimulation de tous les autres récepteurs plaquettaires. Il évalue
l’agrégation liée à différents agents selon l’agoniste utilisé: aspirine (acide arachidonique),
bloqueurs du récepteur ADP (ADP).
 VerifyNow™. Cet examen mesure la baisse de densité optique lorsque les plaquettes forment
des agrégats, facilités par la présence de microbilles recouvertes de fibrinogène. Il évalue
l’agrégation entre thrombocytes par les récepteurs GP-IIb/IIIa. Selon l’agoniste utilisé, il
mesure l’agrégation liée à différentes substances : acide arachidonique (aspirine) ou ADP
(clopidogrel, prasugrel, ticagrelor). Le test est simple, rapide, semi-automatique, basé sur
l’utilisation de cartouches ne réclamant aucun pipettage. Il se réalise au lit du malade. Il n’est
fiable que dans les limites normales du taux plaquettaire et de l’hématocrite. Il est
relativement peu sensible aux très hauts et très bas degrés d’inhibition plaquettaire. Le
VerifyNow™ est l’examen actuellement le plus utilisé et le mieux validé dans les essais
cliniques.
Ces tests d’agrégabilité plaquettaire effectués avant l’héparinisation permettraient de prévoir quels
sont les patients qui réclameront le plus de transfusions érythrocytaires et plaquettaires : une inhibition
de > 60% identifie 72-91% des patients polytransfusés. Ils ont une meilleure valeur prédictive que le
délai entre l’opération et la dernière prise de clopidogrel [18]. Lorsque leurs plaquettes sont inhibées à
> 70%, les patients ont 11 fois plus de risque d’être transfusés, quelle que soit la durée d’interruption
(surface sous la courbe ROC pour valeur-seuil à 70% : 0.77) [17]. Cependant, hormis quelques
applications spécifiques, aucun des tests utilisés actuellement ne détecte adéquatement les hypo- ni les
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hyper-répendeurs aux antiplaquettaires ; aucun ne permet d’individualiser le traitement de façon à
améliorer significativement les résultats cliniques [10]. La dysfonction plaquettaire liée à
l'hypothermie (< 33°C) étant réversible, il convient d'effectuer les tests sur du sang réchauffé à 37°C.
Prise en charge ciblée
Pendant longtemps, l’hémostase a été assurée de manière empirique et aveugle, car on ne disposait pas
de critères objectifs ni d’évidences cliniques sur lesquels fonder une attitude rationnelle pour
l’administration des procoagulants. La situation a beaucoup évolué ces dix dernières années avec la
mise au point de tests de coagulation spécifiques faciles à réaliser en salle d’opération. Ceci a permis
de définir des stratégies logiques dirigées sur des cibles précises (goal-directed), qui évitent de donner
à l’aveugle une quantité de produits sans rapport avec les besoins réels. Un algorithme basé sur
l'utilisation du thromboélastogramme et d’un test d’agrégabilité plaquettaire permet de déterminer
l’origine du saignement et de stratifier l'administration des différents facteurs hémostatiques en
fonction des lacunes décelées (exemple basé sur le ROTEM™ à la Figure 8.19) [6,11].
Dans sa version pour la chirurgie cardiaque, cet algorithme est variable selon les institutions, mais est
en général constitué de plusieurs étapes identiques (voir Hémothérapie peropératoire) [1,6,11,22,23].
 Correction des altérations physiologiques: maintien du pH > 7.3, de la température > 36°C, du
[Ca2+]i > 1 mmol/L, et de l'Ht > 25%.
 Hémostase chirurgicale soigneuse, compression, coagulation, colles tissulaires.
 Mesures thérapeutiques prises en fonction des résultats des gazométries, des thromboélastogrammes et des tests d'activité plaquettaire réalisés sur place (point-of-care tests),
complétés par des taux de plaquettes et de fibrinogène (laboratoire). La première batterie de
tests est effectuée pendant le réchauffement de CEC, avant la sortie de pompe, et le traitement
entrepris dès que la mise en charge est réalisée (la perfusion de facteurs de coagulation
pendant la CEC risque de thromboser les filtres).
o Si TCIN > 240 sec mais TCHEP normal: protamine (0.8 mg pour 1 mg d'héparine) pour
ACT < 130 sec.
 Administration d'un antifibrinolytique (LMAP > 15%): acide tranexamique ou acide e-aminocaproïque (voir Antifibrinolytiques).
 En cas de persistance des saignements malgré les mesures conventionnelles:
o Si TCIN et TCHEP > 240 sec + TCEX > 80 sec: fibrinogène (selon taux plasmatique), PFC
(si hypovolémie).
o Si FMCFIB < 9 mm: fibrinogène; maintenir le taux > 2.0 g/L avec Fibrinogène™ 25-50
mg/kg; assurer la correction du fibrinogène est la première mesure à prendre dans la
correction des facteurs de coagulation.
o Si FMCFIB > 9 mm et thrombopénie (taux < 50'000/mcL) : thrombocytes (5 U).
o Si agrégabilité plaquettaire abaissée (Multiplate™, VerifyNow™): desmopressine (0.3
mcg/kg), thrombocytes (2-5 U) (voir Normalisation des plaquettes).
o Si monomères de fibrine + FMC < 9mm: facteur XIII (Fibrogammin P® 10-30 UI/kg)
[14].
o Si baisse des facteurs II, VII, IX et X: concentré de complexe prothrombinique (PCC)
avec 3 ou 4 facteurs (20-30 UI/kg) (voir Facteurs de coagulation).
 Mesures extrêmes (sauvetage), pour autant que soient normalisés l'Ht (> 25%), le fibrinogène
(> 2.0 g/L), la calcémie (> 1 mmol/L) et les plaquettes (> 70'000/mcL), justifiée seulement en
cas d’hémorragie persistante malgré l’utilisation de tous les moyens hémostatiques, inclus la
chirurgie, l'endoscopie et la radiologie interventionnelle:
o PCC activé (FEIBA™, 50 UI/kg).
o Facteur rVIIa (NovoSeven™, 90 mcg/kg).
 La chute de l'Hb < 70 g/L commande la transfusion de poches de sang; à partir de 4 unités, il
est de routine d'administrer simultanément du PFC dans un rapport 1:1 [6].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Traiter en premier lieu les éléments suivants (objectif):
2+
Hypothermie (T ≥ 36°C), hypocalcémie (Ca > 1 mmol/L),
acidose (pH > 7.3), érythrocytes (Hb > 70 gm/L)
HEPTEM
TCIN > 240 s
TCHEP normal
TCHEP/TCIN < 0.66
Protamine
25-50 mg
INTEM
TCIN > 240 s
TCHEP > 240 s
EXTEM
TCEX > 80 s
PCC 30 U/kg
PFC 15 mL/kg
APTEM
LMAP > 15%
A tranexamique
15 mg/kg
FMC FIB < 9 mm
Fibrinogène
20-50 mg/kg
FMC FIB > 9 mm
Thrombocytes
2 – 5 unités
FIBTEM
Test fonct
plaquettes
Multiplate™,
VerifyNow™, etc
Desmopressine
0.3 mcg/kg
© ALG - CHUV 2017
Figure 8.19 : Exemple d’algorithme pour l’administration des agents hémostatiques basé sur l’utilisation du
ROTEM™ en fin de CEC et complété par un test de fonction plaquettaire (CHUV, Lausanne) [11]. Il est
recommandé de procéder à un nouveau test après le renversement de l’héparine par la protamine. TC: temps de
coagulation (secondes). LM: lyse maximale du caillot à 60 minutes (%). FMC: fermeté maximale du caillot
(mm).
Cette manière de faire est basée sur une utilisation sélective des différents éléments impliqués dans
l’hémostase, et non dans une administration à l’aveugle du maximum de composants qui rappelle la
phrase fameuse du Maréchal Ney (1769-1815) : "L’abondance de la mitraille compense l’imprécision
du tir ".
Plusieurs études cliniques ont déjà démontré les bénéfices de cette attitude. L’adoption d’un
algorithme précis permet d’économiser les transfusions sanguines (-8% à -62%) et surtout le plasma
frais décongelé (PFC : 10-15 x moins) ; elle réduit l’incidence de transfusions massives de 2.5 fois ;
elle diminue de moitié le taux de ré-exploration chirurgicale pour hémostase et celui d’évènements
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thrombo-emboliques. Par contre, elle double l’utilisation de fibrinogène et de PCC (concentré de
complexe prothrombinique) [8,9]. Une première étude contrôlée et randomisée (100 patients de
chirurgie cardiaque) comparant un guidage par des tests conventionnels à un guidage par
thromboélastographie (ROTEM™) et agrégométrie plaquettaire (Multiplate™) démontre clairement
que le suivi ciblé diminue les transfusions (5 versus 3 poches), l’administration de PFC (5 versus 0
unités) et l’utilisation de facteur VIIa (12 versus 1 patients traités), mais aussi la morbidité
(insuffisance rénale, sepsis, thrombose) et la mortalité (20% versus 4%, p = 0.013) [22]. Une
deuxième étude corrobore ces résultats : l’administration de produits sanguins selon un algorithme
basé sur le ROTEM™ diminue significativement le taux de transfusions érythrocytaires (OR 0.50), de
plaquettes (OR 0.22) et de PFC (OR 0.20) sans modifier les perfusions de fibrinogène [13]. Les
mesures de sauvetage comme les transfusions massives, la ré-exploration chirurgicale et le Facteur
VIIa sont moins fréquentes, sans que le taux de complications soit modifié. Dans les situations à haut
risque hémorragique comme la chirurgie cardiaque, les polytraumatismes ou la transplantation
hépatique, tout porte à croire qu’une gestion ciblée de la coagulation diminue les coûts globaux [16].
Tests de coagulation peropératoires
Tests réalisés en salle d’opération dans un délai de < 20 minutes qui permettent de stratifier
l'administration des différents facteurs hémostatiques en fonction des déficits spécifiques décelés au
lieu de perfuser divers agents de la coagulation de manière indiscriminée.
ACT : temps de coagulation activé (normal 80 - 120 sec), utilisé pour le suivi de l’héparinisation.
Valeur recherchée :
- CEC conventionnelle > 450 sec
- Circuit pré-hépariné 250-300 sec
- Allongement insuffisant après une dose adéquate d’héparine : déficience en AT III
Thromboélastographie (TEG™, ROTEM™) : mesure du développement et de la résistance physique
du thrombus, puis de sa dissolution au cours de la fibrinolyse.
- Temps de coagulation
- Temps de formation du caillot
- Vitesse de formation de la fibrine
- Fermeté maximale du caillot
- Lyse maximale du caillot
Permet de différencier les besoins en protamine, antifibrinolytique, fibrinogène, thrombocytes ou
facteurs de coagulation.
Agrégabilité plaquettaire : évalue l’effet résiduel des antiplaquettaires (transfusion de plaquettes
fraîches, desmopressine).
L’utilisation de ces tests au sein d’un algorithme basé sur l’administration ciblée de procoagulants
permet de diminuer le taux d’hémorragie postopératoire, la consommation de produits sanguins et la
morbidité par rapport à la prise en charge conventionnelle.
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Coagulopathie peropératoire
La chirurgie cardiaque s’accompagne d’une coagulopathie souvent importante, qui est par nature
multifactorielle mais en grande partie liée à la circulation extracorporelle (CEC) [18,46].











Médication anticoagulatoire ou antiplaquettaire préopératoire ;
Coagulopathie préopératoire ;
Hémodilution ;
Hypothermie, acidose ;
Héparinisation complète pour la CEC, héparinisation résiduelle après la protamine ;
Résistance à l’héparine ;
Activation et consommation des facteurs sur les surfaces étrangères ;
Activation et consommation par l’extravasation péricardique/pleurale et par les aspirations ;
Activation et consommation des plaquettes, thrombopénie et dysfonction plaquettaire ;
Hyperfibrinolyse ;
Syndrome inflammatoire systémique.
La CEC
Indépendamment de toute lésion tissulaire, la CEC déclenche directement la formation de thrombine et
de fibrine. Cinq minutes après sa mise en route, leur taux est déjà augmenté de 20 fois, alors que ces
substances ne se rencontrent normalement qu’au niveau de la plaie et non dans la circulation
systémique [4]. Plusieurs phénomènes interviennent [18,40].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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 Le système de contact. Au contact de surfaces étrangères chargées négativement comme le
verre ou les plastiques, le facteur XII (Hageman) se clive en XIIa (activé) qui transforme la
prékallikréine en kallikréine, le facteur XI en XIa et les kininogènes en bradykinine ; le taux
de cette dernière augmente de 10 fois. L’activation du FXIa aboutit à la formation active de
thrombine par la voie intrinsèque de la coagulation. Le facteur XIIa active également la voie
du complément et favorise la transformation de plasminogène en plasmine, provoquant la
fibrinolyse. Cependant, la balance penche en faveur de l’excès de thrombine et de l’effet
procoagulant ; cette situation perdure jusqu’au 5ème jour postopératoire [2].
 La voie extrinsèque. L’expression du facteur tissulaire (FT) et la concentration en facteur VIIa
sont anormalement élevées en CEC.
 La fibrinolyse. Le taux de plasmine circulante augmente 10-50 fois pendant la CEC ; les
vitesses de formation et de dégradation de la fibrine étant équivalentes, cette situation revient à
une consommation accrue de fibrinogène sans formation de caillots [5].
 Les plaquettes. Elles sont stimulées par le contact avec les surfaces étrangères, par l’héparine
et par l’excès de thrombine en circulation ; elle adhèrent aux surfaces, y forment des amas et
sécrètent de la thromboxane A2 vasoconstrictrice. Leur nombre et leur agrégabilité diminuent
de 30-50% au cours d’une CEC [38]. Leur fonction est réduite en hypothermie (< 30°C), mais
cette dysfonction est réversible au réchauffement ; toutefois, elle ne se manifeste pas sur le
résultat des tests d’agrégabilité qui sont effectués sur du sang réchauffé à 37°C. La plasmine
dissocie le récepteur GP Ib, ce qui active partiellement la plaquette mais la rend moins
sensible aux agonistes [11].
 La réaction inflammatoire. Les leucocytes sont activés par les surfaces étrangères ; ils vont
alors sécréter du facteur tissulaire (FT) qui contribue au développement de la cascade
coagulatoire et à la production de thrombine. Les surfaces étrangères stimulent aussi la voie
alternative du complément (la voie classique est déjà activée par le F XIIa) ; les facteurs C3a
et C5a se lient aux leucocytes circulants et contribuent à leur activation.
 L’hémodilution. Les taux de tous les facteurs sont abaissés de 20-30% par la dilution hydrique
de la CEC. Les colloïdes abaissent les taux de facteur VIII et von Willebrand ; ils freinent
l’adhésion plaquettaire [14,38].
 En fin de CEC, le taux de fibrinogène a baissé de 30-40% ; le 30% de l’antithrombine III est
consommé, ce qui tend à augmenter progressivement la « résistance » à l’héparine. Les
facteurs II, VII, IX et X sont diminués de près de 50% après la CEC [16].
 Le sang retransfusé. S’il n’est pas épuré par un système CellSaver™, le sang aspiré dans le
péricarde ou le médiastin contient du facteur tissulaire, des complexes thrombineantithrombine, des activateurs du plasminogène et des déclencheurs inflammatoires. Il
contribue massivement aux altérations de la coagulation.
 Hypothermie et acidose. Une coagulopathie s’installe dès 35°C, et la cascade de la coagulation
est complètement inactivée à 16°C. L’acidose aggrave la situation et freinant l’activité des
facteurs sensibles au pH comme le facteur VIIa.
L’expression du facteur tissulaire (FT) et de la voie extrinsèque sont essentiellement liées au
traumatisme chirurgical, à l’activation par les aspirations et à la réaction inflammatoire. Les leucocytes
activés s'infiltrent entre les cellules endothéliales et produisent des radicaux libres, des superoxydes et
des enzymes lysosomiques; c'est la cause de lésions endothéliales, d'augmentation de perméabilité
capillaire, d'accumulation liquidienne extracellulaire et de syndrome inflammatoire systémique (voir
Syndrome inflammatoire). Les lésions imparties aux plaquettes et aux facteurs de coagulation
(dénaturation protéique) sont directement liées à la durée de CEC, à la profondeur de l'hypothermie (≤
25°), aux aspirations, et au contact avec l'air (réservoir veineux, aspirations).
On peut réduire l’activation de la coagulation par différents moyens, mais, hormis l’anticoagulation,
leur efficacité est très variable.
 Anticoagulation complète par l’héparine non-fractionnée (HNF) ; l’activité de la thrombine est
bloquée lorsque l’ACT est > 480 secondes, à la condition que l’anti-thrombine soit présente en
quantité suffisante (voir Héparines). La dose de charge d’héparine pour obtenir une
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





anticoagulation adéquate est de 300-400 UI/kg. L'ACT est contrôlé 3-5 minutes plus tard. Les
doses supplémentaires sont titrées selon la réponse individuelle du patient à l’héparine.
En cas de résistance à l’héparine, supplémentation en anti-thrombine (AT III), car son taux
baisse de 40% en CEC à cause de l’hémodilution et de la consommation par l’héparine. Le
nadir de la concentration en AT III est atteint au 3ème jour postopératoire [10]. Administration
sous forme de concentré d’AT III (500-1’000 UI pour un adulte) ou de plasma frais décongelé
(voir ci-après) [47].
Chez les patients sous anticoagulants ou sous antiplaquettaires, la dose d’héparine utilisée lors
de la CEC ou lors d’OPCAB reste la même que la routine habituelle (ACT recherché : > 450
sec et > 250 sec respectivement), car une inhibition incomplète de la thrombine peut conduire
à une activation plaquettaire secondaire [3].
Antifibrinolytiques ; l’acide tranexamique et l’acide amino-caproïque se fixent sur la lysine du
plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine, donc la fibrinolyse. L’aprotinine est un
inhibiteur non spécifique des protéases, qui bloque directement la plasmine (voir Antifibrinolytiques).
Thromboplégie ; la CEC et l’héparine activent les plaquettes, qui relâchent leurs granules
(ADP, thrombexane), forment des agrégats et adhèrent aux surfaces ; 30-50% d’entre elles ne
sont plus fonctionnelles en postopératoire et ne réagissent plus à l’ADP ni au collagène [38].
Leur blocage momentané par un agent antagoniste du récepteur P2 Y12 (récepteur ADP) comme
le cangrelor en perfusion (demi-vie : 9 minutes) les protège de la stimulation et préserve leur
fonctionnalité pour le postopératoire [26]. Cette thérapeutique prometteuse est encore en phase
d’essai.
Modifications liées à la technologie de la CEC [18].
o Restriction des aspirations ; le sang récupéré est en contact avec l’air et contient des
activateurs de la coagulation (TF, thrombine), de la fibrinolyse (plasmine) et de
l’inflammation (interleukines, TNF, C3a, C5a). Les aspirations sont la source
principale d'hémolyse, de thrombopénie, de coagulopathie et de stimulation du
syndrome inflammatoire [40]. Les perturbations du système coagulatoire sont
nettement diminuées lorsqu’on ne recycle pas le sang aspiré ou lorsqu’on le filtre dans
un système CellSaver™, mais cette manoeuvre élimine malheureusement les
plaquettes, les protéines et les facteurs de coagulation [45].
o Restriction de la taille des circuits ; la miniaturisation des circuits et la suppression du
réservoir de cardiotomie minimisent le contact du sang avec des surfaces étrangères et
suppriment le contact avec l’air, ce qui freine la libération des activateurs de la
coagulation et des déclencheurs inflammatoires.
o Biocompatibilité des circuits ; les circuits préhéparinés et les circuits imprégnés de
polymères particuliers freinent la cascade du complément, l’agrégabilité plaquettaire
et l'activation leucocytaire. L’effet clinique est toutefois peu important et se limite à
une diminution du taux de FA postopératoire et du temps de séjour aux soins intensifs
[30]. La réduction des transfusions n’est pas constante [36].
o Ultrafiltration ; la filtration continue en fin de CEC, après la mise en charge (MUF,
modified ultrafiltration), permet de réduire l’hémodilution et de soustraire un grand
nombre de cytokines et de déclencheurs de la réaction inflammatoire.
Opération à cœur battant sans CEC ; l’absence de CEC n’élimine pas l’activation coaguloinflammatoire, mais la réduit ; la dysfonction plaquettaire est moindre [43].
L’anticoagulation et la coagulopathie liées à la CEC doivent être respectivement antagonisée et traitée
pour limiter les risques hémorragiques. L’antagoniste de l’héparine est la protamine, administrée à
raison de 1 mg de protamine pour 1 mg d’héparine (voir Protamine). Un excès de protamine peut
inhiber la cascade coagulatoire et l’activité plaquettaire. La protamine est injectée dès la décanulation
de CEC. Elle présente plusieurs effets secondaires:
 Vasodilatation systémique et hypotension artérielle ;
 Vasoconstriction pulmonaire ;
 Réaction antigène-anticorps ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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 Réaction anaphylactoïde foudroyante (choc anaphylactique).
Coagulopathie de la CEC
La coagulopathie de la CEC est liée à 3 phénomènes : l’hémodilution, l’activation et la
consommation. La CEC déclenche rapidement la formation de thrombine et de fibrine,
indépendamment de toute plaie tissulaire. Cinq systèmes sont activés par le contact avec des surfaces
étrangères:
- Le F XII activé déclenche la voie intrinsèque
- Le facteur tissulaire et le facteur VIIa sont augmentés
- Les plaquettes sont stimulées
- L’activation de la fibrinolyse détruit la fibrine formée mais consomme du fibrinogène
- L’activation des leucocytes et du complément déclenche une réponse inflammatoire
systémique massive
Plusieurs moyens sont mis en œuvre pour pallier cette stimulation :
- Anticoagulation complète (héparine 300-400 UI/kg)
- Antifibrinolytique
- Restriction des aspirations, CellSaver™
- Restriction des circuits, circuits biocompatibles
- Ultrafiltration
- Opération à cœur battant
Anticoagulation en CEC
L’héparine est indispensable au bon déroulement d’une CEC. C’est la raison pour laquelle elle est
injectée par voie veineuse centrale après avoir contrôlé le reflux sanguin, ou adminsistrée directement
dans l’OD par le chirurgien ; l’injection est suivie d'un rinçage pour être sûr que la totalité de la dose
soit injectée. Qu’elle soit administrée par le chirurgien ou par l’anesthésiste, son injection est
clairement annoncée de manière à ce que le/la perfusionniste puisse procéder à un ACT de contrôle 35 minutes plus tard. La dose de charge d’héparine pour obtenir une anticoagulation adéquate pour une
CEC est de 300-400 U/kg [11]. Ensuite, les doses supplémentaires doivent être titrées selon la réponse
individuelle du patient. L’ACT minimal nécessaire pour éviter des problèmes thrombotique ou
hémorragique pendant une CEC est toujours discutée, mais une valeur ≥ 450 secondes est
généralement acceptée comme référence pour les circuits standards, et une valeur de ≥ 250 secondes
pour les assistances avec circuits pré-héparinés. Si l'ACT est < 400 secondes, on ne commence pas la
CEC sans ajouter une dose supplémentaire d'héparine (5'000 – 10'000 UI) ; on procède à un nouveau
contrôle après 3 minutes.
Résistance à l’héparine
Il arrive que l’ACT n’atteigne pas les valeurs recherchées malgré une dose élevée d’héparine. Cette
résistance à l’héparine est due en général à un déficit en antithrombine (AT III) lié à plusieurs causes
[12].
 Déficience congénitale en AT III (incidence 1:3'000) ; le taux d’AT III est abaissé de 40-60%.
 Consommation de l’AT III par une héparinothérapie en cours ; la chute de l’antithrombine est
de 5-10% par jour. Un traitement préopératoire avec de l’héparine pendant plusieurs jours en
est la cause la plus fréquente.
 Hémodilution ; le taux d’AT plasmatique peut diminuer de 30%.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
89
 Baisse de production d’AT III en cas d’insuffisance hépatique, de malnutrition ou de
syndrome néphrotique.
 Consommation accrue d’AT III en cas de sepsis, de CIVD, d’embolie pulmonaire ou
d’assistance circulatoire mécanique.
La prise en charge est basée sur trois éléments.
 Augmentation des doses d’héparine. Toutefois, il existe un effet-plafond : l’anticoagulation ne
s’approfondit plus lorsque l’héparinémie est > 4 U/mL [28].
 Plasma frais décongelé. Le PFC contient environ 1 U d’AT III par mL. Deux poches de PFC
suffisent rarement à compenser le manque en AT III [10]. L’administration d’une quantité
suffisante pour normaliser l’AT III (1-2 L) fait courir le danger d’une hypervolémie. D’autre
part, le PFC présente tous les risques infectieux et allergiques liés aux transfusions d’éléments
sanguins.
 Concentré d’antithrombine, sous forme humaine purifiée ou recombinante (synthétisée dans
du lait de chèvre génétiquement modifiée). La demi-vie du produit est respectivement de 12
heures et de 3.8 jours. La dose recommandée est 500-1'000 UI pour un adulte [47], ce qui est
relativement modeste, car il faut jusqu’à 45 U/kg pour maintenir un taux d’ATIII normal [10].
Le coût de ce traitement est de CHF 1’200-2’500.-, mais il est plus efficace que le PFC.
L’attitude la plus logique est de doser l’ATIII et de ne donner du concentré d’antithrombine que
lorsque le taux est bas ; s’il est normal, une augmentation du dosage d’héparine suffit en général [12].
Héparine et protamine
La protamine antagonise l’héparine dans un rapport 1:1 (mg). Le dosage de la protamine est surévalué
si le calcul est effectué sur la base de la quantité totale d’héparine administrée, car il ne tient pas
compte de l’élimination progressive. Il est donc recommandé de ne donner que le 80% de la dose ou
de titrer l’héparine résiduelle. Un excès de protamine peut en effet augmenter l’hémorragie, car la
substance active la sécrétion endothéliale de plasminogène et se lie à la thrombine, bloquant ainsi la
transformation du fibrinogène en fibrine. Un dosage adéquat est d’autant plus important que la
protamine a des effets secondaires importants : libération d’histamine (hypotension artérielle
systémique), réaction anaphylactique, choc vasoplégique, hypertension artérielle pulmonaire.
Anticoagulation en CEC
Le contact du sang avec des surfaces étrangères et avec l’air oblige à une anticoagulation complète
au moyen d’héparine non-fractionnée (HNF). L’héparine est administrée avant la CEC par voie
centrale à raison de 300-400 UI/kg pour obtenir un ACT > 450 secondes. Si l'ACT est < 400
secondes, on ajoute une dose supplémentaire de 10'000 U et on procède à un nouveau contrôle. Une
impossibilité d’allonger l’ACT malgré une dose adéquate d’HNF (résistance à l’héparine) doit faire
suspecter une insuffisance en antithrombine III, qu’il faut remplacer sous forme de concentré (500 –
1'000 U/kg), éventuellement de plasma frais décongelé.
Les malades qui présentent une thombocytopénie induite par l’héparine peuvent être anticoagulés par
d’autres substances, malheureusement sans antagoniste et non réversibles par la protamine:
- Bivalirudine (Angiox®)
- Argatroban (Argatroban Injection®)
La protamine antagonise l’héparine non-fractionnée à raison de 1 mg pour 1 mg d'héparine (100 UI).
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
90
Hémodilution
Le mélange du sang avec le liquide d'amorçage (800-1’500 mL de solution hydro-électrolytique) est
responsable d'une hémodilution majeure qui abaisse soudainement l'hématocrite aux environs de 25%
et qui diminue la pression colloïdo-osmotique de 40% [21]. C'est la cause principale de la chute de
pression enregistrée au début de la CEC. La pression remonte ensuite parce que l'hypothermie
provoque une stimulation des résistances artérielles périphériques (RAS) et parce que la viscosité
augmente à mesure que la température du sang baisse. La chute de la pression osmotique aggrave la
fuite liquidienne extracellulaire dans l'espace interstitiel des poumons, du coeur, du foie, des reins, des
viscères abdominaux et des muscles.
L'hémodilution est avantageuse sur plusieurs plans (voir Chapitre 7, Liquide d’amorçage).
 Elle améliore la microcirculation en baissant la viscosité sanguine, ce qui est capital en
hypothermie ; la viscosité reste stable lorsque l'Ht en pourcent a la même valeur que la
température en degrés C° ;
 Elle diminue le besoin en sang allologue et les complications associées à la transfusion ;
 Elle est bien tolérée puisque la consommation d'O2 tissulaire est diminuée à froid.
En CEC normothermique, un Ht de 18% suffit juste à remplir les besoins en oxygène d'un malade
endormi et curarisé [29]. Lorsque l’Hb est < 70 g/L, le flux sanguin cérébral augmente de 45% et le
flux plasmatique rénal s’élève dans la zone corticale, mais la réserve coronarienne diminue de 50% et
la perfusion splanchnique est à la limite de l'ischémie [34,41].
L’hémodilution n’est bénéfique que dans certaines limites. Un Ht inférieur à 22%, par exemple, est un
facteur prédictif indépendant de morbi-mortalité postopératoire [20]. L'Ht a un impact particulier sur
la fonction cérébrale et sur la fonction rénale. Les troubles neurocognitifs deviennent plus importants
lorsque l’Ht minimal est de 15-17% [8] ; seul un Ht > 28% assure un status neurologique
postopératoire normal [44]. Chez les enfants, le score neurologique et le développement psychomoteur
sont meilleurs lorsque l’Ht en CEC est élevé (28%) que lorsqu’il est bas (21%) [23]. D’autre part, la
fonction rénale s’aggrave linéairement avec la baisse de l’hémoglobine lorsque l’hématocrite est <
30% [42]. Un Ht de 25-28% en cours de CEC est donc la limite inférieure de sécurité pour garantir la
reprise fonctionnelle des organes.
Hémolyse
Le contact avec des surfaces étrangères de différentes natures provoque une série de traumatismes
hématologiques plus ou moins sévères, et en général directement proportionnels à la durée de la CEC.
De plus, les pompes provoquent des lésions mécaniques des éléments figurés, qui sont fonction de leur
degré d'occlusivité et de leur vitesse de rotation. Enfin, les aspirations dans le champ opératoire sont
responsables d’une partie des dégâts inflammatoires et érythrocytaires, qui sont d'autant plus graves
que les aspirations sont puissantes et prolongées et que l'hémorragie est importante. L'hémolyse qui en
résulte est bien visible dans les urines qui deviennent rouge-bordeau. Dans ce cas, il est nécessaire de
maintenir un débit urinaire satisfaisant et d'alcaliniser les urines avec du bicarbonate de Na+ (50-100
mmoles i.v.) pour freiner la cristallisation de l'Hb libre dans les tubules [19].
Une autre cause d'hémolyse est la présence d'agglutinines froides. C'est une maladie autoimmune
caractérisée par la présence d'anticorps causant l'agglutination des érythrocytes en dessous d'un certain
seuil de température. Les agglutinines froides sont des anticorps IgM dirigés contre des antigènes
Anti-Ig présents sur la membranne des globules rouges. Elles causent une agglutination de ces derniers
à basse température. Au réchaufffement, ces aggrégats provoquent des thrombi microvasculaires et
sont hémolysés, ce qui dégage une grande quantité d'hémoglobine libre. Cette affection est une
maladie idiopathique, ou la séquelle d'un processus infectieux ou lymphoprolifératif. Son incidence est
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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inférieure à 1% des patients de chirurgie cardiaque. L'affection se manifeste par des thromboses
périphériques et une hémolyse (voir Chapitre 21 Coagulopathies).
Les agglutinines froides sont détectées au test de Coombs direct (présence de complément sur les GR
du patient) et indirect (présence d’anticorps sériques). Elles existent chez tous les individus, mais ne
réagissent normalement qu’à 0-4°C. Leur signification clinique tient à leur taux sérique et à la valeur
de la température à laquelle elles sont activées. Les valeurs considérées comme sûres pour la CEC sont
un titre inférieur à 1:32 à une température de 4°C, sans agglutination détectable à 28°C ou au-dessus.
Les probabilités de complications peropératoires deviennent significatives pour des taux supérieurs à
1:512 à 4°C, ou inférieurs à cette valeur si la température d'activation est supérieure à 25°C [32].
En salle d'opération, on prend une série de précautions.





Chirurgie en normothermie (CEC > 34°C) ou à cœur battant ;
Réchauffement de la salle d’opération et des perfusions ;
Cardioplégie chaude (> 34°C) cristalloïde ou au sang ;
Réchauffement des poches de sang en cas de transfusion ;
En cas de crise avec hémolyse :
o Réchauffer à 37°C ;
o Améliorer la perfusion périphérique avec un vasodilatateur (nitroprussiate) ;
o Alcaliniser les urines (50-100 mmoles bicarbonate de Na+) ;
o Méthylprednisolone (500 mg) : efficacité discutée ;
 Réduction des taux circulants par plasmaphérèse préopératoire si nécessaire.
Les crises se manifestent par une hémolyse et des occlusions vasculaires périphériques myocardiques,
hépatiques et rénales.
Hémodilution et hémolyse en CEC
Le volume d’amorçage de la CEC provoque une hémodilution (Ht 25-28%), nécessaire pour freiner
l’augmentation de la viscosité du sang à basse température. En hypothermie, la viscosité reste stable
lorsque la valeur de l'Ht en % est la même que celle de la température en degrés C°. Lorsque l’Ht est
< 25%, le status neurologique et la fonction rénale postopératoires sont péjorés. Un Ht de 25-28% est
la limite inférieure de sécurité pour garantir la reprise fonctionnelle normale des organes.
La CEC provoque une hémolyse, en général infra-clinique. En hypothermie, celle-ci peut devenir
massive en présence d’hémagglutinines froides (mises en évidence par un test de Coombs).
Chirurgie cardiaque en cas de HIT
Lorsqu’un patient souffre de thrombocytopénie induite par l’héparine (voir HIT), d’autres
anticoagulants sont à disposition, mais ces substances n’ont pas d’antagoniste et ne sont pas renversées
par la protamine. Leur élimnination dépend de leur demi-vie sérique (voir Inhibiteurs directs de la
thrombine, Tableau 8.1 page 26 et Tableau 8.2 page 27) et de l’utilisation d’un circuit d’hémofiltration
en fin de CEC [1,6,15,24].
 Bivalirudine (Angiox®) : inhibiteur réversible direct de la thrombine. Demi-vie : 25 min ;
élimination rénale. Le plus facile à manipuler pour la CEC, mais avec un risque de thrombose
dans le réservoir ou dans l’oxygénateur si le débit de la machine est interrompu, car
l’élimination de la bivalirudine par protéolyse plasmatique continue dans le sang immobilisé.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
92
Il faut donc prévoir des shunts artério-veineux, un CellSaver™ sur la récupération du sang, un
rinçage intermittent du réservoir veineux et un stockage du sang dans des poches citratées.
Dosage : bolus 1 mg/kg + 50 mg dans le liquide d’amorçage de la CEC + perfusion 2.5
mg/kg/h. On vise un ACT ≥ 2.5 fois la valeur de base au moyen de bolus additionnels de 0.10.5 mg/kg [25]. Le temps d'écarine (ECT, ecarin coagulation time) est un test spécifique. La
perfusion est arrêtée 10-15 minutes avant la fin de la CEC. L’ultrafiltration n’est utilisée
qu’après la CEC pour acccélérer l’élimination de la bivalirudine. Un retour en pompe est
impossible après sevrage.
 Argatroban (Argatroban Injection®) : molécule synthétique qui se lie sélectivement et
réversiblement à la thrombine. Demi-vie : 1 heure ; élimination hépatique. Dosage : bolus 0.10.2 mg/kg iv + 0.05 mg/kg dans le liquide d’amorçage de la CEC + perfusion 5-10
mcg/kg/min (immédiate et continue) pour ACT 350-400 sec ; bolus supplémentaires si
nécessaire : 2 mg. Retour à une coagulation normale 2-4 heures après l’arrêt de la perfusion.
L’argatroban est le médicament de choix en cas de dysfonction rénale.
 Danaparoïde sodique (Orgaran®) : inhibition prédominante du facteur Xa. Demi-vie de 7
heures pour l’activité anti-IIa et de 25 heures pour l’activité anti-Xa ; élimination rénale.
Dosage : bolus iv 1’500-2'000 U + 5’000-10'000 U dans le liquide d’amorçage de la CEC ;
ajout de 1'500 U après 2 heures. Très difficile à gérer en CEC et très hémorragipare dans le
postopératoire.
 Lépirudine (Refludan®) : forme recombinante de l’hirudine, inhibiteur irréversible de la
thrombine. Demi-vie sérique de 10 min, demi-vie d’élimination 1-1.5 heure, mais inhibition
irréversible de la thrombine ; élimination rénale. La meilleure surveillance est l’ECT (temps
de coagulation par l’écarine du sang total citraté). Dosage : bolus 0.25 mg/kg + 0.2 mg/kg
dans le liquide d’amorçage de la CEC + bolus 5 mg pour ACT > 350 sec (imprécis) ;
perfusion 0.15 mg/kg/h. La production de lépirudine a cessé en 2012 pour des motifs
commerciaux.
CEC lors de thrombocytopénie induite par l’héparine (HIT)
Le HIT (heparin-induced thrombocytopenia) est déclenché par des anticorps dirigés contre le
complexe formé par l’héparine et le facteur-4 des plaquettes (PF4), dont la conséquence est une
activation de la chaîne de la coagulation. Caractéristiques :
- Traitement d’héparine pendant 5-10 jours
- Thrombocytopénie (chute > 50%)
- Thromboses veineuses et artérielles
- Taux élevé d’anticorps anti-héparine (atténué au-delà de 3 mois)
- Incidence : 1-5% avec HNF, 0. 1-1% avec HBPM, plus fréquent après chirurgie
- Mortalité : 5-10%
Traitement : arrêt de l’héparine et remplacement pas une alternative. Substances utilisables pour
l’anticoagulation de la CEC :
- Bivalirudine (Angiox®), facile à manipuler
- Argatroban (Argatroban Injection®), préférable en cas d’insuffisance rénale
- Danaparoïde sodique (Orgaran®), très lent, fort risque hémorragique
- Lépirudine (Refludan®), retirée du marché
Syndrome inflammatoire systémique (SIRS) lié à la CEC
La CEC est le cas le plus emblématique de la stimulation par la voie de contact du complément
(Figure 8.20) (voir Chapitre 07, Syndrome inflammatoire systémique).
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
93
Eléments
inactivés
Stimulation par la
voie de contact
CEC
XII
XIIa
Voie intrinsèque
de la coagulation
Complément
Voie alternative
Prékallikréine
Thrombine
Kallikréine
Plasmine
Fibrinolyse
Bradykinine
Activation
neutrophiles
Complément
Voie classique
MAC
© Chassot 2015
Figure 8.20 : Activation par la voie de contact. Dans un vaisseau bordé d’endothélium intact, les différents
facteurs circulent sous forme inactive. Mais en présence de surfaces chargées négativement comme le verre, les
métaux ou les plastiques (CEC), le Facteur XII se clive en F XIIa (activé). Celui-ci transforme la prékallikréine
en kallikréine, les kininogènes en bradykinine et le facteur XI en F XIa ; ce dernier processus aboutit à la
formation de thrombine par la voie intrinsèque de la coagulation. Le F XIIa favorise aussi la transformation de
plasminogène en plasmine, provoquant la fibrinolyse. Le contact active directement le complément par la voie
alternative, et indirectement par le F XIIa (voie classique). MAC (membrane attack complex) : complexe
protéique qui attaque les membranes cellulaires, résultat ultime des voies du complément.
En présence de surfaces chargées négativement comme le verre, les métaux ou les plastiques, le
Facteur XII se clive en F XIIa (activé). Celui-ci transforme la prékallikréine en kallikréine, les
kininogènes en bradykinine et le facteur XI en F XIa ; ce dernier processus aboutit à la formation de
thrombine par la voie intrinsèque de la coagulation. Le F XIIa favorise aussi la transformation de
plasminogène en plasmine, provoquant la fibrinolyse. Le contact active directement le complément par
la voie alternative, et indirectement par le facteur XIIa (voie classique). D’autres phénomènes de la
CEC concourent au déclenchement du complément, comme le relargage d’endotoxines par le tube
digestif et la formation de complexes héparine-protamine. La voie cellulaire est également stimulée
par le contact, soit par l’intermédiaire du facteur XIIa et de la kallikréine, soit directement par
l’activation des neutrophiles. Mais le circuit extracoroprel ne possède pas d’endothélium pour limiter
ces différentes réactions, qui peuvent donc prendre une ampleur excessive et se distribuer dans tout
l’organisme.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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La durée de CEC, la profondeur de l'hypothermie et le degré d'hémodilution ont tous été évoqués
comme facteurs aggravants, mais ils ne paraissent avoir qu'un rôle secondaire dans la genèse du SIRS
[22]. Les lésions mécaniques de la pompe, de l'oxygénateur et des filtres, le contact du sang avec les
surfaces étrangères (circuits) et avec l'air (aspirations, réservoir veineux), sont les éléments
déclencheurs principaux. Plus de 50% des neutrophiles sont séquestrés dans les poumons durant le
réchauffement; leur dégranulation contribue aux dommages cellulaires pulmonaires. Le SIRS se
déclenche dans les premières minutes de la CEC et s’éteint vers le 4ème – 5ème jour postopératoire ; il
est suivi d’une période de relative immunodépression [37]. Le pic des marqueurs inflammatoires
survient vers la 5ème heure après la CEC. Au cours d’une CEC, la stimulation inflammatoire conduit
donc à un état instable caractérisé par une série de phénomènes (Figure 8.21).








Elévation de tous les marqueurs inflammatoires (TNF-alpha, interleukines, cytokines, CRP) ;
Activation du complément et des leucocytes ;
Production de thrombine et stimulation de la cascade de la coagulation ;
Production de plasmine et stimulation de la fibrinolyse (élévation des D-dimères) ;
Activation et consommation des plaquettes ;
Relargage d’endotoxines et de TNF-alpha ;
Relargage de radicaux libres et d’oxydants ;
Libération de bradykinine, d’histamine et d’anaphylatoxines : augmentation de la perméabilité
capillaire, vasodilatation systémique, vasoconstriction pulmonaire ;
 Altérations de la fonction cardiaque, pulmonaire, rénale et cérébrale ; l’incidence de
fibrillation auriculaire est proportionnelle à l’élévation des marqueurs inflammatoires [13].
La question de déterminer la part de la CEC par rapport à celle de la chirurgie cardiaque elle-même
dans la genèse du SIRS peut être approchée par l'observation de la chirurgie à coeur battant. Cette
dernière est associée à une réduction, mais pas à une disparition, des taux postopératoires de
marqueurs de la réaction inflammatoire comme le C3a, le C5a, le TNF-alpha ou l'interleukine-6 et
l’IL-8 [7,9,17]. Toutefois, la signification de ces variations est incertaine, puisque l'IL-8 et le C3a sont
liés au traumatisme tissulaire direct et que l'IL-10 a des propriétés anti-inflammatoires [31]. Les effets
de la CEC dépendent largement de l'équilibre entre la libération des médiateurs pro-inflammatoires et
celle des médiateurs anti-inflammatoires [27]. Certaines populations affichent une réaction proinflammatoire dominante, telles les personnes âgées ou celles qui souffrent de dysfonction
ventriculaire gauche [39]. Elles pourraient bénéficier particulièrement de la chirurgie à coeur battant.
Dans les groupes à risque faible, les taux de complications liés au SIRS sont identiques entre les
opérations avec ou sans CEC [33,35]. Le circuit de CEC est donc un facteur déclenchant majeur, mais
il n'est pas le seul responsable de la réaction inflammatoire (voir Thérapie anti-inflammatoire) [43].
Syndrome inflammatoire et CEC
Le contact direct du sang avec le circuit de CEC et avec l’air induit une réaction inflammatoire
systémique (SIRS) massive déclenchée par l’activation du Facteur XII (FXa), du complément et des
leucocytes. Elle est caractérisée par :
- Elévation de tous les marqueurs inflammatoires
- Activation du complément et des leucocytes
- Production de thrombine et stimulation de la cascade de la coagulation
- Production de plasmine et stimulation de la fibrinolyse
- Activation et consommation des plaquettes
- Relargage d’endotoxines, de TNF-alpha et d’interleukines
- Relargage de radicaux libres et d’oxydants
- Libération de bradykinine, d’histamine et d’anaphylatoxines
- Augmentation de perméabilité capillaire, baisse des RAS, augmentation des RAP
- Altérations de la fonction cardiaque, pulmonaire, rénale et cérébrale
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Contact avec
des surfaces
étrangères
Endotoxines
Complément
Cytokines
Kallikréine
Facteur XIIa
Bas débit
Dépulsation
Ischémie
Reperfusion
Activation et adhésion
leucocytes-endothélium
Activation
plaquettes
Thrombose
Ischémie
Hyperfibrinolyse
Consommation
Hypocoagulation
Migration leucocytes
Libération protéases +
radicaux libres (ROS)
Lésions
polyorganiques
© Chassot 2013
Figure 8.21 : Représentation schématique des mécanismes mis en jeu dans la genèse du syndrome
inflammatoire systémique [d'après références 22,40].
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98
Hémothérapie peropératoire
La transfusion et l’hémostase ont été longtemps assurées de manière empirique, car on ne disposait pas
de critères objectifs sur lesquels fonder une stratégie rationnelle pour l’administration du sang et de ses
dérivés. La situation s’est modifiée ces dix dernières années avec la découverte d’une hausse de
mortalité postopératoire liée aux transfusions et avec la mise au point de tests de coagulation faciles à
réaliser en salle d’opération. Ceci a permis de définir des stratégies logiques basées sur les données de
l’expérience clinique. Comme pour la prise en charge en sortant de CEC ou pour l’utilisation des
catécholamines, un algorithme d’hémothérapie, établi à l’avance et épaulé par des examens de
laboratoire, donne des résultats supérieurs à ceux d’une improvisation répétée de cas en cas. Cet
algorithme est constitué de plusieurs étapes [1,3,4,5].
 Evaluation préopératoire du risque hémorragique: anamnèse de saignements, coagulopathie
congénitale ou acquise, prise d'anticoagulants ou d'antiplaquettaires, insuffisance hépatique ou
rénale, etc (voir ci-dessus Anticoagulation préopératoire). Recherche et traitement de l’anémie
3-4 semaines avant l’opération.
 Chez les patients sous antiplaquettaires, envisager une intervention sans CEC (pontages à
cœur battant, par exemple) pour réduire la dose d’héparine administrée et diminuer les risques
hémorragiques.
 Correction des altérations physiologiques: maintien du pH > 7.3, de la température > 36°C, du
[Ca2+]i > 1 mmol/L, et de l'Ht > 25%.
 Seuils de transfusion restrictifs : Hb 70-90 gm/L ; utilisation de poches de sang déleucocyté et
âgé si possible de < 14 jours. Utilisation de Cell-Saver™.
 Administration prophylactique d'un antifibrinolytique: acide tranexamique ou acide e-aminocaproïque, (aprotinine) (voir Antifibrinolytiques).
 Renversement de l'héparine (pour ACT < 130 sec): protamine selon l’héparinémie résiduelle
ou à raison de 0.8 mg pour 1 mg.
 Maintien des facteurs de coagulation (selon thromboélastogramme): fibrinogène > 2.0 g/L
(concentré de fibrinogène), facteurs II, VII, IX et X (concentré de complexe prothrombinique
avec 3 ou 4 facteurs), facteur XIII (voir Facteurs de coagulation).
 Maintien des plaquettes (selon tests d’agrégométrie): concentrés plaquettaires pour taux >
70'000/mcL, éventuellement desmopressine (DDAVP) (voir Normalisation des plaquettes).
 Mesure de sauvetage: PCC avec 4 facteurs partiellement activés (FEIBA™) et facteur rVIIa
(NovoSeven™), pour autant que soient normalisés l'Ht (> 25%), le fibrinogène (> 2.0 g/L), la
calcémie (> 1 mmol/L) et les plaquettes (> 70'000/mcL). Justifié seulement en cas
d’hémorragie persistante malgré l’utilisation de tous les moyens hémostatiques, inclus la
chirurgie, l'endoscopie et la radiologie interventionnelle.
Cette manière de procéder réduit clairement le nombre de poches de sang et d’unités de PFC
administrées ; elle diminue aussi la morbidité (reprise chirurgicale pour hémostase, événement
thrombo-embolique, insuffisance rénale). Par contre, elle double l’utilisation de fibrinogène et de PCC
(concentré de complexe prothrombinique) [2,4].
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
99
Epargne sanguine et transfusion
La transfusion sanguine fait l’objet d’un chapitre particulier (voir Chapitre 28) et ne sera abordée ici
que sous trois aspects succincts : la gestion globale de l’épargne sanguine du patient (Patient blood
management), les risques de la transfusion et les recommendations en chirurgie cardiaque.
Gestion globale de l’épargne sanguine
La transfusion sanguine n’est qu’une composante au sein d’une stratégie intégrée d’épargne sanguine
qui considère le sang du malade comme un bien irremplaçable méritant une protection maximale. Elle
repose sur cinq principes [3,17].





Correction de l’anémie et/ou de la coagulopathie préopératoire ;
Economie des globules et facteurs de coagulation du patient, limitation des pertes sanguines ;
Administration rationnelle des produits sanguins, seuils de transfusion restrictifs ;
Utilisation d’algorithmes basés sur des examens de laboratoire réalisés en salle d’opération ;
Amélioration du DO2 tissulaire par optimisation hémodynamique et ventilatoire.
Cette stratégie comprend de nombreuses mesures qui sont énumérées dans le Tableau 8.9 et détaillées
dans le chapitre 28 (Stratégie globale de la gestion du sang) [2].
L'anémie préopératoire mérite une mention spéciale parce qu'elle est aussi facile à corriger qu'elle est
dangereuse pour la survie. Une anémie modérée (100-120 g/L) est grevée d'une morbidité augmentée
de 40% [17] et d'une mortalité augmentée de 16% [6]. Or elle est présente dans environ 30% des cas
[6]. Le traitement préopératoire est simple, puisque la majeure partie des cas est due à une anémie
ferriprive: fer, acide folique, vitamine B12, éventuellement EPO; la transfusion n'est pas une option
cohérente, car un seul flacon augmente le risque périopératoire de 2-3 fois [16]. A cette anémie de
départ, s'ajoute les pertes sanguines peropératoires et celles liées aux prélèvements pour les examens
de laboratoire; ces derniers représentent en moyenne 450 mL en chirurgie cardiaque et 1'000 mL pour
2 semaines de soins intensifs [8].
Le but de la transfusion est d’améliorer le transport d’O2 vers les tissus (DO2), non de corriger le taux
d’hémoglobine (Hb). Il se base sur le déséquilibre hémodynamique, sur le dysfonctionnement
ischémique des organes et sur la réserve cardiopulmonaire du patient. Toutefois, l’Hb est un repère
pratique qui reste très utilisé et qui permet de définir des critères simples. Pour autant que le malade
soit normovolémique et la source d’hémorragie contrôlée, la transfusion est indiquée pour les valeurs
d’Hb suivantes [11].
 Chez un individu sain dont l’hémodynamique est normale, la transfusion est indiquée si l’Hb
est < 60 g/L.
 En périopératoire, la transfusion est raisonnable si l’Hb est < 70 g/L.
 Dans les populations à risque (ischémie coronarienne, insuffisance ventriculaire, AVC,
néphropathie, âge avancé), le seuil de transfusion peut être relevé à 80-90 g/L ; il en est de
même chez les patients fébriles, septiques ou souffrant de SDRA.
 Il est improbable que la transfusion améliore le DO2 lorsque l’Hb est ≥ 100 g/L, sauf en cas de
cardiopathie cyanogène (shunt D-G, hypertension pulmonaire) ou de SDRA.
Une poche de sang augmente le taux d’Hb d’environ 1 g/L et l’Ht de 3% chez un adulte. La
transfusion érythrocytaire a une incidence sur la coagulation. En effet, elle améliore la fonction
plaquettaire en augmentant la production de thromboxane et la libération d’ADP ; elle augmente aussi
la production de thrombine [12]. De plus, la marginalisation des plaquettes dans le flux sanguin par la
masse des érythrocytes qui reste au milieu du courant augmente les chances de fixation des
thrombocytes à la paroi vasculaire [14].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
100
Tableau 8.9
Stratégie intégrée: mesures multimodales d’épargne sanguine
(Patient blood management)
Préopératoire :
o Correction des coagulopathies, gestion optimale des anticoagulants/antiplaquettaires
o Correction de l’anémie : préparation par fer, acide folique, vitamine B12, érythropoïétine
(EPO)
o Prédonation de sang autologue
Peropératoire :
o Seuils de transfusion bas: 70-80 g/L Hb selon pathologies (60 g/L en CEC < 35°C)
o Evaluation du transport d’O2 (SaO2, SvO2) et de l’oxygénation tissulaire (ScO2)
o Utilisation de sang déleucocyté
o Hémodilution aiguë isovolémique (Ht 28-30%)
o Récupération de sang (Cell-Saver™)
o Hémodilution limitée en CEC (mini-circuits, microplégie)
o Circuits pré-héparinés (Heparin-coated) et biocompatibles
o Ultrafiltration continue et ultrafiltration modifiée
o Normothermie peropératoire
o Augmentation du DO2: ventilation à FiO2 0.8-1.0
o Baisse de la VO2: anesthésie et curarisation profondes
o Augmentation du débit cardiaque: catécholamines
o Pression artérielle contrôlée, pression veineuse basse
o Chirurgie: hémostase compulsive, colles tissulaires, agents hémostatiques
o Opération sans CEC : pontages à cœur battant (OPCAB), endoprothèse, endovalve
o Détermination des besoins par thromboélastographie (ROTEM™) et test d’agrégabilité
plaquettaire
o Substances antifibrinolytiques (acide tranexamique, acide ε-amino-caproïque), desmopressine
o Facteurs de coagulation isolés (VIII, IX, XIII, antithrombine III), fibrinogène, complexe de
prothrombine)
o Maintien de l’équilibre acido-basique et de la calcémie
o Transfusion/plasmaphérèse plaquettaire
o Sauvetage: facteur VIIa
Postopératoire :
o Baisse de la stimulation sympathique
o Normothermie
o Baisse de la VO2 (lutte contre frissons, fièvre, douleur)
o Limitation et micro-échantillonnage des prises de sang
o Substances antifibrinolytiques (acide tranexamique, acide ε-amino-caproïque)
o Facteurs de coagulation (thromboélastogramme), fibrinogène
o Erythropoïétine (EPO), fer, acide folique, vitamine B12
Adapté de :
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Risques liés à la transfusion
Environ 4% des patients transfusés développent des complications. Les risques de la transfusion de
produits sanguins peuvent se grouper en plusieurs rubriques (voir Chapitre 28 Risques).
 Transmission de maladies bactériennes, virales ou liées au prion ;
 Réaction transfusionnelle ABO ;
 Réaction liée aux consitutants des poches de sang (hyperkaliémie, hypocalcémie, etc) ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
101
 Immunomodulation (réactions liées aux leucocytes) : pneumopathie aiguë (TRALI,
Transfusion-Related Acute Lung Injury), récidive cancéreuse, flambée inflammatoire.
 Risque économique (coût, difficultés d’approvisionnement).
La transfusion est directement impliquée dans la morbi-mortalité postopératoire après chirurgie
cardiaque. Une analyse comparative de la survie des patients qui reçoivent 1-2 poches de sang par
rapport à ceux qui ne sont pas transfusés dans un collectif de 3'254 cas démontre une augmentation
globale de la mortalité de 16% chez les transfusés ; le risque de décès est multiplié 1.7 fois (HR 1.67)
à 6 mois, mais la différence n’est plus significative à 5 ans (HR 1.06) [13]. Les "dommages
collatéraux" de la transfusion semblent pourtant se retrouver sur le long terme. Dans une série de
1'915 patients de chirurgie cardiaque suivis à 5 ans, la transfusion (34% du collectif) a entraîné une
augmentation de mortalité de 70% (HR 1.7) sur le long terme, même après correction pour les
comorbidités et les facteurs associés; en analyse multivariée, la transfusion reste un déterminant
indépendant de la mortalité [1]. Une étude de suivi à 10 ans de 10'289 patients opérés de pontages
aorto-coronariens a montré une réduction significative de la survie des malades transfusés qui est
proportionnelle au nombre de poches de sang reçues (Figure 8.22A) [7]. Dans cette étude, le risque à
long terme de 3 poches de sang est équivalent à celui d'une réopération, d'une maladie du tronc
commun ou d'une fraction d'éjection basse; le risque de 6 unités de sang est le même que celui d'une
insuffisance rénale ou d'une insuffisance ventriculaire. Une analyse du devenir à 7 ans de 8'724
patients a démontré une odds ratio respectivement de 3.38 et de 3.35 pour les infections et les
complications ischémiques (infarctus, AVC, insuffisance rénale) chez les malades transfusés par
rapport aux non-transfusés (Figure 8.22B) [9].
Recommandations en chirurgie cardiaque
Quelques mesures simples peuvent considérablement diminuer la consommation de produits sanguins
et modifier le pronostic des malades [10].
 Traiter l’anémie péropératoire. Trop de patients arrivent en salle d’opération avec une Hb à
100-110 g/L. Or un taux d’Hb < 120 g/L chez les femmes et < 130 g/L chez les hommes est
responsable d’une aggravation de la morbi-mortalité périopératoire [15], et ce risque est
doublé en cas de transfusion [4,5]. Un traitement de fer, de vitamine B12, d’acide folique et,
si nécessaire, d’érythropoïétine (EPO) permet de normaliser les valeurs en préopératoire et
d’aborder la chirurgie avec une meilleure réserve.
 Restreindre les transfusions : seuil restrictif (Hb < 80 g/L, Hb < 90 g/L chez les personnes
âgées ou à risque), hémodilution normovolémique pré-CEC, récupération sanguine,
ultrafiltration.
 Eviter la coagulopathie peropératoire : normothermie, équilibre acido-basique, calcium,
antifibrinolytique. Utilisation routinière de la thromboélastographie pour évaluer les déficits
en facteurs de coagulation et les compenser sélectivement : protamine, acide tranexamique,
fibrinogène, PCC, facteur XIII.
 Améliorer la tolérance à l’anémie : FiO2 0.8-1.0, myorelaxation, anesthésie profonde,
normovolémie.
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Survie (%)
A
100
90
1
80
70
2
60
50
3
40
30
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Années postop
Mortalité (%)
B
25
20
Patients
transfusés
15
10
Patients
nontransfusés
5
0
1
2
3
4
5
6
7
Années postop
Figure 8.22 : Effet des transfusions sur la mortalité postopératoire en chirurgie cardiaque. A: Réduction de la
survie à 10 ans des patients transfusés proportionnellement au nombre de poches de sang reçues au cours de
pontages aorto-coronariens [7]. 1: aucune transfusion (trait jaune). 2: transfusion de 3 unités (trait bleu). 3:
transfusion de 6 unités ou plus (trait rouge). B: Augmentation de la mortalité après chirurgie cardiaque chez les
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
103
malades transfusés par rapport à ceux qui de le sont pas. La différence survient essentiellement pendant les six
premiers mois, mais les courbes continuent à diverger légèrement à long terme [9].
Transfusion sanguine
Le but de la transfusion érythrocytaire est d’améliorer le DO2 tissulaire. Indications (patient
normovolémique et hémorragie contrôlée) :
- La transfusion est indiquée si l’Hb est < 60 g/L
- En périopératoire, la transfusion est en général indiquée si l’Hb est < 70 g/L
- Dans les populations à risque (ischémie coronarienne, insuffisance ventriculaire, AVC,
néphropathie, âge avancé), le seuil de transfusion peut être relevé à 80-90 g/L
Il est improbable que la transfusion améliore le DO2 lorsque l’Hb est ≥ 100 g/L, sauf en cas de
cardiopathie cyanogène (shunt D-G, hypertension pulmonaire) ou de SDRA.
La transfusion augmente le risque d’infection, de SDRA et d’insuffisance rénale ; elle augmente la
mortalité postopératoire d’environ 15% (en valeur relative).
Normalisation des plaquettes
Les plaquettes sont des corpuscules anucléés dont la durée de vie est de 7-10 jours. Produits dans la
moëlle, ils sont éliminés par le système réticulo-endothélial dans la rate et le foie. Les plaquettes
dépendent étroitement des globules rouges pour leur approvisionnement en lipides précurseurs de la
thromboxane ou des prostaglandines et en substrat pour le métabolisme de l’ADP [8]. De plus, la
marginalisation des plaquettes dans le flux sanguin par la masse des érythrocytes qui reste au milieu
du courant augmente les chances de fixation des thrombocytes à la paroi vasculaire [14]. En cas
d’anémie sévère, la transfusion érythocytaire améliore donc le fonctionnement des plaquettes.
Transfusion plaquettaire
Une unité de plaquettes contient environ 2 x 1011 thrombocytes. Chez un adulte, elle augmente le taux
circulant au maximum de 20'000/mcL, souvent moins. La majeure partie des interventions
chirurgicales peut se dérouler sans difficulté avec un taux de thrombocytes situé entre 50'000/mcL et
75'000/mcL; seules les intervention intracrâniennes nécessitent une valeur > 100'000/mcL.
Les incidents transfusionnels et les risques de contamination virale ou batérienne sont plus fréquents
avec les perfusions de plaquettes (11‰) qu'avec celles d'érythrocytes (3.5‰) ou de PFC (0.8‰) [11].
Le risque de TRALI (transfusion-related acute lung injury) est également plus élevé : en moyenne
1:2'000 pour les plaquettes, alors qu’il est 1:5'000 pour les concentrés érythrocytaires [13]. Un épisode
fébrile ou hypotensif est fréquent lors de la perfusion (voir Chapitre 28 Risques liés aux produits
sanguins). La mortalité est de 1:40'000 transfusions.
L’administration de plaquettes ne se justifie que dans les interventions hémorragipares réalisées chez
des malades dont les thrombocytes sont soit dysfonctionnels soit en nombre insuffisant : patients sous
antiplaquettaires ininterrompus et patients en aplasie médullaire ou en consommation aiguë. En effet,
la transfusion de plaquettes en chirurgie générale est associée à un risque augmenté d’AVC et de
thromboses artérielles (OR 1.55) et à un excès de mortalité (OR 2.40) [4]. La même association se
retrouve en chirurgie cardiaque, avec un excès d’AVC (OR 2.56) et de mortalité (OR 4.76) chez les
patients thrombo-transfusés [12]. D’autre part, normaliser la fonction plaquettaire des malades sous
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
104
antiplaquettaires leur fait courir un risque accru de thromboses vasculaires, en particulier dans les
stents et les endoprothèses. Il est donc évident qu’une administration prophylactique de thrombocytes
présente plus de danger que de bénéfice ; elle n’est recommandée qu’en cas d’aplasie médullaire ou de
situation équivalente.
Sous traitement antiplaquettaire avec un agent irréversible (aspirine, clopidogrel, prasugrel), les
plaquettes sont inhibées pour toute leur durée de vie, mais la substance est fixée sur les thrombocytes
de manière définitive. Dès que l’équilibre est atteint entre le plasma et les récepteurs plaquettaires,
l’agrégabilité thrombocytaire ne dépend plus du taux sérique de l’agent. Lorsque celui-ci baisse en
fonction de l’élimination (12.5% après 3 demi-vies), les plaquettes fraîchement mises en circulation ou
les plaquettes transfusées fonctionnent normalement, ce qui est la cas 12 heurs après l’ingestion
d’aspirine ou de prasugrel et 24 heures après celle de clopidogrel, quand bien même les thrombocytes
du patient sont encore bloqués pour plusieurs jours. La situation est différente avec les
antiplaquettaires réversibles comme le ticagrelor, car la substance est en équilibre constant entre le
plasma et les récepteurs, que les plaquettes soient celles du patient ou celles d’une transfusion (Figure
8.23).
A
Thrombos
du
patient
Sang
Thrombos
transfusés
AP
AP
Excrétion
B
Thrombos
du
patient
Sang
Thrombos
transfusés
AP
AP
AP
Excrétion
Figure 8.23 : Agents antiplaquettaires (AP) et transfusion thrombocytaire. A : les agents irréversibles comme le
clopidogrel ou le prasugrel diffusent du sang vers les plaquettes et y restent fixés pendant que le taux sérique
baisse en fonction de la demi-vie plasmatique. Le degré d’inhibition plaquettaire ne dépend pas du taux sérique
de la substance. Les plaquettes transfusées rencontrent d’autant moins d’agent circulant que le délai depuis la
dernière prise est long : 50% après 1 demi-vie, 25% après 2 demi-vies et 12.5% après 3 demi-vies ; elles
fonctionnent normalement au-delà de 2-3 demi-vies, alors que les plaquettes du patient restent définitivement
bloquées. B : avec les agents réversibles comme le ticagrelor, il s’établit un équilibre dynamique entre le sang,
les plaquettes du patients et les plaquettes transfusées ; la substance s’y répartit en fonction des gradients de
concentration. Le degré d’inhibition plaquettaire dépend directement du taux sérique de la substance. Comme la
liaison du ticagrelor aux récepteurs ADP est forte, la rétrodiffusion vers le plasma est ralentie, mais la substance
peut diffuser entre plaquettes (cross-diffusion), ce qui altère également la fonction des thrombocytes transfusés.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
105
Dans ce cas, l’inhibition de l’agrégabilité est directement proportionnelle au taux sérique pour toutes
les plaquettes, et la transfusion ne sera efficace qu’après au moins 3 demi-vies, en l’occurrence au-delà
de 36 heures. Comme le ticagrelor a une affinité élevée et une liaison forte avec les récepteurs ADP, la
rétrodiffusion depuis les plaquettes est lente, donc l’effet clinique tend à se prolonger au-delà de la
durée pharmacocinétique théorique. En dépit de son risque d’hémorragie spontanée inférieur à celui du
clopidogrel ou du prasugrel, le ticagrelor pose un grave problème lorsque le saignement nécessite une
transfusion plaquettaire, car celle-ci sera moins efficace pendant les 2-3 jours qui suivent la dernière
prise [6]. Une étude conduite in vitro a monté que l’addition de plaquettes à des échantillons de sang
de patients sous antiplaquettaires permet de supprimer l’effet de l’aspirine, de diminuer
significativement celui du clopidogrel, mais est moins efficace pour renverser celui du ticagrelor [3].
Lors d’interventions cardiaques, la transfusion de concentrés plaquettaires devrait se restreindre aux
conditions suivantes :




Thrombocytopénie < 50'000/mcL ;
Dysfonction plaquettaire prouvée par un test fonctionnel (Multiplate™, VerifyNow™, etc) ;
Hémorragie sur traitement antiplaquettaire ininterrompu en préopératoire ;
Hémorragie non contrôlée par les mesures habituelles.
Thromboplégie
En inhibant l’agrégation plaquettaire pendant la CEC avec un antiplaquettaire de courte durée
d’action, on devrait éviter la stimulation et la consommation des thrombocytes par le contact avec les
surfaces étrangères, qui conduisent à la thrombocytopénie et à la dysfonction plaquettaires
postopératoires. Cette thromboplégie, ou thrombo-anesthésie, est une option déjà utilisée chez les
malades ayant des anticorps anti-héparine (voir HIT). Plusieurs modalités sont envisageables.
 Prostacycline (Iloprost®) : augmentation de l’AMPc intraplaquettaire et inhibition de
l’activation. Demi-vie 15-30 min. Perfusion de 6-12 ng/kg/min réglée selon le test HIPA
(Heparin-induced platelet activation). Arrêt 20 minutes avant la protamine [2].
 Tirofiban (Aggrastat®) : bloqueur du récepteur GP IIb/IIIa des plaquettes, responsable de la
liaison de celles-ci avec le fibrinogène. Demi-vie : 2 heures. Bolus 0.4 mcg/kg, puis perfusion
0.15 mcg/kg/heure. Arrêt 1 heure avant la fin de la CEC [5].
 Cangrelor (Kengrexal®) : inhibiteur réversible direct du récepteur P2Y12, commercialisé
seulement dans le cadre de la PCI et du syndrome coronarien aigu. Demi-vie 9 minutes.
Perfusion 0.75 mcg/kg/min [1]. Interruption 30 minutes avant la protamine. Il bloque
l’activation plaquettaire induite par la CEC et l’hypothermie, et réduit les complications qui
leur sont associées in vitro et in vivo [7].
Desmopressine
La desmopressine (DDAVP : déamino-D-arginine vasopressine, Octostim®, Minirin®) stimule la
production de facteur VIII et de facteur von Willebrand par l’endothélium. Elle augmente leurs taux de
3 à 5 fois. Elle est thérapeutique dans certaines pathologies accompagnées de dysfonction plaquettaire
spécifique (hémophilie A non-sévère, maladie de von Willebrand type I congénitale ou acquise,
urémie, hépatopathie, sténose aortique sévère) (voir Chapitre 21, Maladies hématologiques). Bien que
la réactivité des plaquettes in vitro à différents stimulants de l’agrégation soit nettement améliorée par
la DDAVP [10], la réduction des pertes sanguines reste modeste en clinique [15]. Elle pourrait être
utile en cas d’inhibition par les antiplaquettaires, car elle réduit les pertes sanguines et les transfusions
lors de revascularisation coronarienne chirurgicale chez les malades sous aspirine. Elle pourrait
renverser partiellement les effets de la bithérapie aspirine + clopidogrel [9]. Son dosage est de 0.3
mcg/kg intraveineux en 30 minutes (demi-vie 4-5 heures). Il est recommandé d’administrer
simultanément de l’acide tranexamique car la desmopressine stimule aussi la fibrinolyse.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
106
Transfusion plaquettaire
Indications peropératoires en cas d’hémorragie active :
- Thrombocytopénie < 50’000/mcL
- Dysfonction thrombocytaire prouvée par un test d’agrégabilité plaquettaire
- Hémorragie sur traitement antiplaquettaire ininterrompu
- Hémorragie incontrôlable par les mesures habituelles
Les risques de contamination bactérienne ou virale (1.1%) sont beaucoup plus élevés que lors de
transfusions de sang ou de PFC. La surtransfusion plaquettaire comporte un risque certain de
thrombose vasculaire (infarctus, AVC). Recommandation: pas de transfusion plaquettaire
prophylactique en-dehors de l’aplasie médullaire.
Desmopressine : améliore l’agrégabilité plaquettaire, stimule la production de facteur VIII et de
facteur von Willebrand par l’endothélium. Potentiellement utile lors d’hémorragie sur
antiplaquettaires. Dosage : 0.3 mcg/kg.
Références
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Facteurs de coagulation
De nombreux facteurs de coagulation sont disponibles sous forme isolée ou combinée (Tableau 8.10).
Leur indication première, admise par les autorités sanitaires dans la plupart des pays, est le traitement
des coagulopathies congénitales. Certains ont été approuvés pour renverser l’effet des agents
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
107
antivitamine K (AVK). Mais leur usage le plus fréquent est lié à leur effet potentiel sur les
coagulopathies de consommation rencontrées lors des hémorragies massives. En réalité, cette
indication est souvent hors recommandation (off label). La plupart de ces facteurs présente une
certaine efficacité pour diminuer les pertes sanguines, mais les grandes études contrôlées, lorsqu’elles
existent, tendant à démontrer que cet effet est plutôt modeste, et qu’il s’accompagne d’un certain
risque thrombotique, probablement aux environs de 1-3% [10].
D’autre part, la valeur-seuil pour l’administration d’un facteur est basée sur la norme d’individus
sains. Elle n’a de sens que si le malade saigne; elle peut varier selon le risque hémorragique et le
contexte clinique [1]. A l’exception des coagulopathies congénitales identifiées chez des malades déjà
substitués, la transfusion prophylactique de facteurs n’est pas recommandée avant la chirurgie.
Tableau 8.10
Principaux facteurs de coagulation et leurs préparations
Facteurs
Taux normal
(µg/mL)
Taux
préop
requis
Fibrinogène
Prothrombine
Facteur V
Facteur VII
Facteur VIIa
Facteur VIII
Facteur IX
Facteur X
Facteur XI
Facteur XII
Facteur XIII
Fact von Willebrand
Protéine C
Protéine S
Antithrombine (AT)
2’000-4’000
100-150
5-10
0.5
0.01
0.1
4-5
8-10
5
30
2
5-10
4.5
25
0.2-0.4
> 1.5 g/L
> 40%
> 20%
> 50%
> 75%
> 75%
> 50%
> 20%
> 75%
> 60%
Demi-vie
(heures)
Produits
72-120
70
20
3-6
2-3
8-12
24
40
55
50
70-150
12
6-10
42
48-72
Fibrinogène-dp
CCP 3-4 facteurs
CCP 4 facteurs
CCP activés, rVIIa
rFVIII, FVIII-dp
CCP 3-4 fact, rF IX, FIX-dp
CCP 3-4 facteurs, FX-dp
FXI-dp
FXIII-dp, rFXIIIa
FvW-dp
CCP 4 facteurs, CCP activés
CCP 4 facteurs, CCP activés
rAT, AT-dp (CCP 4 facteurs)
CCP: concentré de complexe prothrombinique. r: recombinant. dp: dérivé du plasma. a: activé. Les demivies sont les valeurs physiologiques et ne s’appliquent pas en cas de consommation aiguë. Les CCP
activés contiennent les 4 facteurs et du facteur VII activé.
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Plasma frais congelé (PFC)
Le plasma frais décongelé est une source économique de facteurs de la coagulation et une manière
pratique de maintenir le pouvoir oncotique du plasma, bien qu’il faille respecter le groupe ABO.
Malheureusement, ses indications ne sont fondées que sur des données dont le degré d’évidence est
faible et sur des études, le plus souvent observationnelles, dont la qualité de preuve est modeste
[31,35]. Les indication habituellement reconnues sont les suivantes.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
108
 Renversement des AVK chez des patients souffrant d’hémorragie intracrânienne ou de
saignement massif lorsque des concentrés de complexe prothrombinique ne sont pas
disponibles ; en cas d’AVC hémorragique, la mortalité est significativement réduite (OR 0.29)
[25].
 Composant de la perfusion en cas d’échange plasmatique (purpura thrombocytopénique, par
exemple).
 Remplacement d’une déficience en facteur de coagulation qui n’existe pas sous forme isolée
(facteur V ou facteur XII, par exemple).
 Remplacement d’une déficience de multiples facteurs de coagulation entraînant des pertes
sanguines massives, lorsque le dosage des facteurs et leur remplacement ciblé ne sont pas
disponibles.
 Prévention de l’hémodilution chez des patients polytransfusés. Cette attitude n’est
recommandée qu’en cas de transfusion massive ; dans cette situation, elle diminue la mortalité
(OR 0.38) et l’incidence d’insuffisance multiorganique (OR 0.40) [25]. Aucun argument
statistique ne plaide pour ou contre un rapport fixe avec le nombre de poches de sang (1:1 à
1:3), mais ce dernier est un repère pratique dans les situations d’urgence [31].
En-dehors de la transfusion massive, l’administration de PFC lors de chirurgie hémorragique, de
chirurgie hépatique ou après CEC n’améliore pas le pronostic, mais tend au contraire à augmenter la
mortalité (OR 1.22-3.83) [25,30]. Du fait de leur faible corrélation avec les taux circulants de facteurs
de coagulation, les tests préopératoires (TP, INR, aPTT) ont peu de lien avec le risque hémorragique
chirurgical. Dès lors, l’indication au PFC basée sur une diminution des valeurs de laboratoire est
infondée et n’a pas démontré d’effet significatif sur le saignement peropératoire ni sur le taux de
transfusion [19].
Vu la faible concentration des facteurs dans le PFC (environ 0.5 g de fibrinogène par flacon), la
quantité à perfuser pour réapprovisionner un patient est considérable. La dose standard de 10-15
mL/kg est en général insuffisante, et seule une dose de 30 mL/kg est susceptible de normaliser les taux
sériques, au prix d’une augmentation du volume circulant d’environ 2 litres [6]. L’utilisation
prophylactique est inefficace pour compenser une coagulopathie de consommation chirurgicale et pour
diminuer le nombre de transfusions sanguines, mais présente un risque évident de surcharge de
volume et de complications immunologiques [4] (voir Chapitre 28 Transfusion de produits dérivés).
Une fois dégelé, le PFC se conserve encore 24 heures à 4°C; à la température ambiante, il doit être
perfusé dans la demi-heure [18].
La transfusion de PFC est grevée de quatre complications majeures (voir Chapitre 28 Risques liés aux
produits sanguins) [19].
 Hypervolémie et insuffisance hémodynamique congestive (TACO, transfusion-associated
circulatory overload) due à l’excès de volume transfusé ; son incidence augmente lorsqu’une
dysfonction ventriculaire est présente.
 Réaction fébrile (fréquente), contamination infectieuse (incidence 0.8‰).
 Réaction allergique (incidence 1-1.5%) avec urticaire, hypotension et bronchospasme.
 Lésions pulmonaires : TRALI (transfusion-related acute lung injury) déclenché par les
anticorps liés au plasma des donneurs. Son incidence est proportionnelle à la quantité de
plasma administrée; elle varie de 1:2'000 à 1:50 [19]. Quelle que soit son indication, la
transfusion de PFC triple le risque de complications pulmonaires (OR 2.92) [25]. Vu le taux
élevé d'anticorps anti-HNA et anti-HLA chez les femmes multipares, l'utilisation de sang
uniquement mâle pour la préparation du PFC a diminué l'incidence d'allergies et de TRALI.
Il arrive sur le marché de nouvelles préparations de PFC qui présentent certains avantages [35].
 Octaplas® : préparation purifiée à partir de 1'500 donneurs, sans virus ni prions; groupage
ABO nécessaire.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
109
 Uniplas® : variante dans laquelle les anticorps anti-A et anti-B sont extraits ; pas de groupage
ABO.
 LyoPlas® : plasma lyophilisé provenant d’un seul donneur, sans cellules sanguines, dont les
agents pathogènes et les virus sont détruits par irradiation ultraviolette ; avantage :
conservation à température ambiante pour 15 mois.
En résumé, les indications admises pour le PFC sont les transfusions massives, la non-disponibilité de
facteurs de coagulation isolés et l’échange plasmatique [31]. Dans les autres situations, les risques ont
une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés.
Fibrinogène
Le fibrinogène (facteur I) est une glycoprotéine de grande taille (340 kDa) qui circule sous forme
soluble à un taux de 2-4 g/L ; ce taux augmente jusqu’à 6 g/L lors de traumatisme ou d’intervention
chirurgicale. En l’absence de consommation, le fibrinogène a une demi-vie de 100 heures. Il a trois
actions principales [24].
 Sous sa forme soluble, il sert de liant entre les plaquettes par sa liaison avec les récepteurs GP
IIb/IIIa de ces dernières.
 Lorsqu’il est clivé par la thrombine (facteur IIa), il est converti en monomères de fibrine, qui
polymérisent pour former un réseau ferme et insoluble ; la fermeté visco-élastique du
thrombus est directement corrélée au taux de la substance : elle est maximale pour un taux de
3.6 g/L [27]. Le réseau de fibrine ne devient solidement et irréversiblement interconnecté que
lorsque le Facteur XIII s’y est lié de manière covalente (Figure 8.5).
 Il fonctionne comme inhibiteur de la coagulation par son action antithrombine I.
Le fibrinogène est le premier élément dont le taux s’abaisse en cas de pertes sanguines : il atteint le
niveau critique de 1.5 g/L lorsque la perte de volume circulant est de 50% [13]. Son rôle-clef dans la
coagulation fait que son administration dès le début de l’hémorragie à raison de 2-8 gm améliore la
fermeté du caillot et diminue significativement les pertes sanguines et les transfusions. Plusieurs
études randomisées démontrent une nette réduction dans les besoins en poches de sang allologue, en
plaquettes et en plasma chez les patients qui ont reçu du fibrinogène [17,27]. L'essai ZEPLAST dans
la chirurgie cardiaque complexe montre que la supplémentation en fibribogène réduit les hémorragies
et les transfusions postopératoires comparé à l'administration de PFC [29]. Toutefois, certains travaux
ne notent pas de gain dans les transfusions mais révèlent une amélioration dans la fermeté du caillot
mesurée au ROTEM™ (FIBTEM: MCF 14 mm) (voir Tests peropératoires) [7,28]. D'autres enfin ne
trouvent aucun bénéfice à la perfusion de fibrinogène, que ce soit à dose fixe [14] ou en fonction de la
perte de sang [26]. Le taux de 2 g/L semble être la limite en-dessous de laquelle l’hémostase est
altérée, mais il n’existe pas de seuil réel car le taux de saignement augmente linéairement et de
manière continue avec la baisse du taux de fibrinogène préopératoire [16]. De ce fait, les
recommandations actuelles ont relevé la valeur du fibrinogène souhaitable en cas d’hémorragie aiguë
et considèrent comme hypofibrinogénémie un taux < 2 g/L [2,32]. L’administration de 3 gm de
fibrinogène à un patient de 70 kg augmente son taux plasmatique d’environ 1 g/L [24]. La gestion la
plus précise consiste à se baser sur les résultats du FIBTEM : 25-50 mg/kg sont nécessaires pour
maintenir la FMC > 10 mm [36]. Par contre, la question de l’administration prophylactique de
fibrinogène avant ou après la CEC chez les patients de chirurgie cardiaque dont le taux est < 2.5 g/L
reste pour l’instant ouverte, d’autant plus que le dosage du fibrinogène par la méthode classique de
Clauss est assez imprécis.
Le remplacement du fibrinogène peut avoir lieu de trois manières différentes [24].
 Le plasma frais décongelé (PFC) contient environ 2 g/L (0.4 g/U) de fibrinogène, ce qui
oblige à donner de grande quantité de plasma (30 mL/kg), avec un risque de surcharge
volémique, de réaction immunologique et de contamination virale ou bactérienne.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
110
 Le cryoprécipité est un concentré de plasma humain, dont une unité contient 388 mg de
fibrinogène ; les risques de contaminations et de réactions immunologiques l’ont fait retirer
d’une majeure partie du marché européen.
 Le fibrinogène lyophilisé et pasteurisé ne présente pas ces risques ; la poudre (1 g/U) une fois
diluée, la concentration du produit s’élève jusqu’à 20 g/L, ce qui évite la surcharge
liquidienne. C’est la forme la plus adéquate, sauf que son coût est d’environ 200 € pour 1 gm.
Bien que la normofibrinogénémie soit un facteur clef du tarrissement hémorragique en chirurgie
cardiaque, la supplémentation en fibrinogène ne corrige pas les défauts qui ne sont pas liés à la genèse
de la fibrine, comme par exemple le manque de thrombine ou la dysfonction plaquettaire.
Facteurs de coagulation (I)
Plasma frais congelé (PFC). Indications :
- Hémorragie intracrânienne sur AVK
- Plasmaphérèse
- Hémorragie massive
- Non-disponibilité de facteurs de coagulation isolés
Dans les autres situations, les risques (surcharge hémodynamique, complication pulmonaire, réaction
allergique) ont une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés
Fibrinogène :
- Indiqué en cas d’hémorragie lorsque son taux est < 2 g/L (administration prophylactique
inefficace)
- Dosage : 25-50 mg/kg (3 gm nécessaires pour augmenter le taux sérique de 1 g/L)
- Administration : préparation lyophilisée
- PFC : contient seulement 2 g/L (0.4 - 0.5 g/U)
Concentrés de complexe prothrombinique
Les concentrés lyophilisés de complexe prothrombinique, ou PCC (Prothrombin complex
concentrates, anciennement PPSB), comprennent les facteurs dépendants de la vitamine K. Ils peuvent
se diviser en 3 catégories [10,34].
 Concentrés de 3 facteurs : facteurs II, IX, X (Prothromplex HT®) ; utilisés essentiellement en
Amérique du Nord pour antagoniser les AVK.
 Concentrés de 4 facteurs : facteurs II, VII, IX, X (Prothromplex T®, Kanokad®, Kaskadil®,
Cofact®, Beriplex®, Octaplex®) ; dosage : 20-25 UI/kg en cas d’hémorragie persistante, 30-50
UI/kg en cas de saignement intracrânien sur AVK.
 Concentrés activés : facteurs II, VII, IX, X, dont une partie sous forme activée (FEIBA®,
Factor eight inhibitor bypassing activity, Autoplex-T®) ; dosage : 50-100 UI/kg.
La concentration de chaque facteur est très variable selon les préparations. Certaines contiennent
également de l’antithrombine III et/ou des protéines C et S. Les unités (UI) correspondent aux unités
de facteur IX contenu dans la préparation (voir Tableau 8.10) [9].
Leurs indications sont premièrement la prévention ou le traitement de l’hémorragie chez les
hémophiles A et B et le renversement des AVK en cas de saignement aigu, notamment intracrânien.
La consommation de facteurs par une hémorragie massive nécessite leur remplacement lorsque la
perte excède 200-250% du volume sanguin [1]. Les concentrés de 4 facteurs pourraient être un
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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antidote partiel aux agents anti-Xa (rivaroxaban, apixaban), mais non aux agents anti-thrombine
(dabigatran) (voir Antagonisme) [9,12,21]. Les concentrés activés (FEIBA®) n’ont de sens qu’en
présence d’une inhibition des facteurs VIII et IX [11], mais ils pourraient être actifs comme
antagonisme du dabigatran [9]. Les PCC ne sont pleinement actifs que si la température, la calcémie et
l’équilibre acido-basique sont optimaux. Comme la demi-vie des facteurs qu'ils contiennent est plus
longue que celle des nouveaux anticoagulants oraux, il existe un risque de thrombose important; il est
donc recommandé de placer les patients sous une dose prophylactique basse d’héparine.
L'administration concommittante de vitamine K (Konakion®) est essentielle lorsque l'hémorragie est
due à un AVK [9].
Facteur VII activé
Le facteur VIIa recombinant (rFVIIa, NovoSeven®) est le moyen le plus rapide et le plus efficace de
générer de la thrombine si le taux de prothrombine est conservé. Il agit sur la coagulation par deux
mécanismes différents court-circuitant les facteurs VIII et IX (voir Figure 8.1).
 Formation de complexe avec le facteur tissulaire (FT) libéré au niveau des lésions
vasculaires ; le complexe FT-rFVIIa active la cascade coagulatoire par stimulation du facteur
X en Xa et provoque une production massive de thrombine (voie extrinsèque) ;
 Liaison aux plaquettes, qui activent la transformation du facteur X en Xa.
Le rFVIIa est indiqué dans l’hémophilie congénitale A et B, dans la thrombasthénie de Glanzmann, et
en cas de déficience en facteur VII. Il est possible que le rFVIIa puisse être un antagoniste partiel des
agents anti-thrombine (dabigatran) ou anti-Xa (rivaroxaban), mais il a une demi-vie brève et ne
restaure pas les facteurs IX et X, ni le facteur II (prothrombine), qui ne sont présents que dans le PCC
ou le PFC (voir Tableau 8.10) [9]. Le dosage recommandé est de 90 mcg/kg (au prix courant de 1.5
dollars US par mcg), à répéter après 2 heures. Un suivi de laboratoire est possible en mesurant le TP et
le TC/TFC du thromboélastogramme. En-dehors de ces indications reconnues, l’utilisation du rFVIIa
s’est rapidement répandue dans des domaines variés ne répondant pas aux indications recommandées
(off-label use), mais entraînant parfois des saignements difificiles à juguler : chirurgie cardiaque,
polytraumatisme, transplantation hépatique, hémorragie intracrânienne sous AVK, etc. Une pléthore
de publications a déferlé dans la littérature, rapportant les succès potentiels de ces nouvelles
applications. Toutefois, aucune donnée issue d’essais contrôlés ne met en évidence un gain significatif
sur la mortalité dans ces indications hors recommandations [37]. De toute manière, la substance ne
peut être efficace que si quatre éléments sont contrôlés [15].




Taux de plaquettes > 70’000/mcL ;
Calcémie > 1 mmol/L ;
Fibrinogénémie ≥ 2 g/L ;
Hémoglobine ≥ 80 g/L.
Une dose supraphysiologique de rFVIIa peut induire une thrombose intravasculaire disséminée [3]. Le
taux de thromboses artérielles sur rFVIIa est d’environ 2%, mais une méta-analyse a mis en évidence
une incidence d’évènements thrombo-emboliques jusqu'à 20% et un accroissement des AVC en
chirurgie cardiaque, alors que l’efficacité de la substance pour réduire la mortalité n’est pas prouvée
[22,23]. En l’absence de grande étude contrôlée et randomisée, l’utilisation du rFVIIa en-dehors du
syndrome hémophiliaque reste du domaine off-label de la substance et doit faire l’objet d’un jugement
clinique au cas par cas en fonction de la balance entre les risques et les bénéfices. Elle est une mesure
de sauvetage en dernier recours lors d’hémorragie incontrôlable malgré l’utilisation de tous les
moyens hémostatiques, inclus la chirurgie, l'endoscopie et la radiologie interventionnelle, mais elle
n’est en aucun cas une mesure prophylactique, d’autant plus que son coût est prohibitif (environ 1'000
€ pour une dose) [33].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
112
Facteur XIII
Le facteur XIII est responsable de la solidité du réseau des polymères de fibrine et a des propriétés
anti-fibrinolytiques. En chirurgie cardiaque, l’administration de FXIII (Fibrogammin P® 10-30 UI/kg)
après la protamine permet une réduction des pertes sanguines postopératoires, mais son utilité clinique
n’a été que partiellement investiguée jusqu’ici [33]. Il ne semble efficace que chez les patients dont le
taux de facteur XIII est abaissé (fermeté maximale du caillot diminuée au thromboélastogramme), ce
qui survient fréquemment lors de pertes sanguines importantes ou de larges plaies (brûlures, chirurgie
de la colonne, chirurgie hépatique) [8]. Comme dans le cas précédent, il ne se justifie que lorsque les
autres traitements ont échoué à tarir l’hémorragie.
Un déséquilibre entre la thrombine et le facteur XIII est typique de l’activation de la coagulation avec
abaissement des réserves en FXIII. Il se caractérise par la présence de monomères de fibrine dans la
circulation ; ces derniers sont dosables en laboratoire. Ainsi, mettre en évidence des monomères de
fibrine permet de prédire un défaut d’hémostase par manque de facteur XIII ; le TP et l’aPTT ne sont
pas modifiés par le manque de Facteur XIII. La substitution de ce dernier (10-20 UI/kg, 750-1'500 UI
pour un adulte) rétablit la FMC sur le thromboélastogramme et réduit les pertes sanguines [20].
Facteur von Willebrand
Le facteur von Willebrand (FvW) a trois effets principaux : d’un côté, il interagit avec le récepteur GP
Ib/V/IX des plaquettes et de l’autre il se lie au collagène du sous-endothélium ; d’autre part, il
maintient en solution le Facteur VIII. Il ancre donc les plaquettes à la paroi vasculaire lésée. Il peut
manquer à cause d’une déficience congénitale ou acquise (néoplasies, sténose aortique sévère) (voir
Chapitre 21, Maladies hématologiques). La substitution par 1 UI/kg (Haemate®, Wilate®) augmente le
taux d’environ 2%. Il est recommandé d’administrer 30 UI/kg en préopératoire, 20-30 UI/kg en cours
de chirurgie, et 20-30 UI/kg 3 x/j pendant 5 jours. La demi-vie du produit est de 14-17 heures. Le taux
requis pour une hémostase normale est > 80% du taux normal. Dans le cas particulier de la sténose
aortique sévère, la maladie de von Willebrand acquise touche plus de 25% des patients avec une
vavulopathie de type rhumatismal. Cependant, ces malades ne présentent pas de risque hémorragique
accru lors du remplacement valvulaire en CEC. D’autre part, le RVA rétablit l’intégralité fonctionnelle
du FvW et supprime les symptômes hémorragiques spontanés [5].
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Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
113
Facteurs de coagulation (II)
Concentrés de complexe prothrombinique (PCC) : contient les facteurs vitamine-K dépendants (II,
VII, IX, X) en concentrations variables selon les produits. Indications :
- Hémophilie A et B
- Hémorragie intracrânienne sur AVK
- Remplacement des facteurs II, VII, IX, X lors d’hémorragie massive (si possible objectivé
par des tests spécifiques)
- Possibles antagonistes des agents anti-Xa (?)
Facteur VII activé (rFVIIa, NovoSeven®). Vu son coût et ses risques de thrombose, le rFVIIa n’est
indiqué que comme mesure de sauvetage en cas d’hémorragie massive, une fois que les éléments
suivants ont été contrôlés : plaquettes > 70’000/mcL, calcémie > 1 mmol/L, fibrinogènémie ≥ 2 g/L,
Hb ≥ 80 g/L.
- Indication formelle : hémophilie A et B, thrombasthénie de Glanzman
- Possible antagoniste des agents anti-thrombine ou anti-Xa (?)
- Indication hors recommandations : sauvetage en cas d’hémorragie massive, après échec des
autres mesures
- Dosage : 90 mcg/kg, à répéter après 2 heures
Facteur XIII : la présence de monomères de fibrine au cours d’hémorragie massive indique un défaut
en facteur XIII. Mesure de sauvetage en cas d’échec des autres thérapies.
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Agents antifibrinolytiques
La production de plasmine et l'activation excessive de la fibrinolyse sont caractéristiques de la CEC et
du syndrome inflammatoire postopératoire. Trois substances antifibrinolytiques sont utilisées pour
contrecarrer cet effet : l'aprotinine (Trasylol®), l’acide tranexamique (ATX) (Tranex®, Anvitoff®,
Exacyl®, Cyclokapron®) et l'acide ε-amino-caproïque (AEAC) (Amicar®). L’ATX et l’AEAC se
fixent sur la lysine du plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine, donc la fibrinolyse.
L’aprotinine est un inhibiteur non spécifique des protéases, qui bloque directement la plasmine. En
clinique, ces substances diminuent globalement les pertes sanguines de 30-50% et les reprises
chirurgicales pour hémorragie de 60% [4,15].
L’aprotinine
L'aprotinine, qui est extraite du poumon de boeuf, a été isolée en 1930. C'est un inhibiteur des
protéases sériques, de la kallikréine, de la protéine C et de la trypsine. A cet égard, elle a été utilisée
dans le traitement des pancréatites aiguës pendant les années soixante. Elle a des effets antiinflammatoires, mais freine aussi la synthèse de NO. En 1987, Royston a décrit une diminution
importante des hémorragies après chirurgie cardiaque (286 ml versus 1509 ml) sous l'effet d'un
traitement prophylactique à haute dose (6 millions UI) d'aprotinine [23]. On a par la suite trouvé des
résultats similaires avec des doses de 2 millions UI seulement [3]. Il est certain que l’aprotinine
diminue significativement les pertes sanguines, particulièrement dans les situations à haut risque
hémorragique comme les réopérations et les patients sous antiplaquettaires [4,6,24]. L'aprotinine
diminue également l'intensité de la réaction inflammatoire systémique et la production de C1, de TNF
et de kallikréine [16]. Elle baisse environ de moitié (OR 0.5-0.65) l'incidence des séquelles
neurologiques dans certaines études [6,24], mais pas dans toutes [4]. Cependant, l'aprotinine est
responsable de réactions anaphylactiques dans 0.1-3% des patients. Le risque et l'intensité de la
réaction sont augmentés en cas d'exposition dans les 6 à 12 mois qui précèdent, ce qui demande
beaucoup de vigilance lors de reprise chirurgicale dans l’année qui suit une première opération en
CEC [2].
L'aprotinine inhibe la vasodilatation des artérioles glomérulaires afférentes. Cette vasoconstriction
préglomérulaire peut s’ajouter à la vasodilatation des artérioles efférentes postglomérulaires induite
par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : elle réduit encore davantage la perfusion
glomérulaire et la fonction excrétrice rénale chez les patients sous IEC. Une étude clinique a démontré
une association significative entre la combinaison d’aprotinine et d’IEC et l’insuffisance rénale après
chirurgie cardiaque (incidence 3.5%) [13] ; l’incidence d’élévation de la créatinine > 200 µmol/L est
de 11.8% dans la combinaison aprotinine + IEC au lieu de 5% chez les patients sans aprotinine (OR
2.9). Une augmentation du taux de dysfonction rénale sous aprotinine se retrouve dans plusieurs
études, particulièrement en cas de dosage élevé [4,6,12].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
115
Il y a quelques années, trois études observationnelles, groupant respectivement 898, 4'374 et 3'876
patients et utilisant un score de propension pour comparer les groupes, sont venues jeter le trouble
dans l'habitude extrêmement répandue d'administrer de l'aprotinine préventivement à la majorité des
malades de chirurgie cardiaque. La première compare les effets de l'aprotinine (6 millions UI) à ceux
de l'acide tranexamique (50-100 mg/kg) [12]. L'efficacité des deux substances en terme d'hémorragies
et de transfusions est identique, mais les complications rénales sont plus fréquentes avec l'aprotinine
(24% versus 17%, p = 0.01); cette association est renforcée chez les patients présentant une
dysfonction rénale préopératoire. La deuxième étude a démontré que l'utilisation de l'aprotinine (dose
≥ 2 millions UI) est associée à un accroissement du risque d'insuffisance rénale, d'infarctus et d'ictus
par rapport à l'acide tranexamique, à l'acide ε-amino-caproïque ou à un placebo [18]. L'aprotinine
augmente le taux d'insuffisance rénale (5.5% versus 1.8%), d'ictus (4.5% versus 1.6%), d'évènements
cardiaques (20.4% versus 13.2%), et de mortalité (2.8% versus 1.3%). Ces effets sont dosedépendants. Aucune de ces complications n'est augmentée dans les autres groupes. La diminution de
l'hémorragie n'est pas significative (753 ml versus 827 ml avec le placebo et 676 ml avec l'acide
tranexamique). La troisième étude reprend les observations de la deuxième mais avec un suivi de 5
ans ; la mortalité des patients ayant reçu de l’aprotinine (20.8%) est significativement supérieure à
celle du groupe contrôle (12.7%) (hazard ratio 1.48), alors que la mortalité des patients ayant reçu de
l’acide tranexamique ou de l'acide ε-amino-caproïque est inchangée [17]. Ces deux dernières études
ont été très critiquées à cause de leurs biais de sélection et divers problèmes méthodologiques ; de
plus, elles sont en contradictions avec les principales méta-analyses publiées à la même époque [1].
Dans les trois études, la dose d’aprotinine utilisée est de 2-4 millions d’unités.
En février 2006, la FDA a recommandé de limiter l'utilisation de l'aprotinine aux situations dans
lesquelles le bénéfice d'une réduction de l'hémorragie est essentiel au traitement médical et surpasse
les risques potentiels de toxicité. Jusqu’en automne 2007, on pouvait résumer le débat par les points
suivants [11].
 Les antifibrinolytiques sont essentiellement indiqués dans les situations à risque
hémorragiques élevés ;
 Les antifibrinolytiques réduisent le taux d'hémorragie d'environ 30-50% ;
 L'aprotinine est l'agent le plus efficace, mais pas de manière marquée; elle présente un taux de
réaction allergique de 0.1-2% ;
 L’aprotinine augmente l'incidence de complications rénales chez les patients avec une
dysfonction rénale préopératoire et chez les patients sous IEC ;
 L'aprotinine semble réduire l'incidence de complications neurologiques ;
 L'aprotinine est éventuellement suspecte d'augmenter la mortalité et le taux de complications
cardiaques ;
 L'aprotinine est au moins cinq fois plus chère que les autres antifibrinolytiques.
Début novembre 2007, une grande étude canadienne contrôlée et randomisée (BART: Blood
conservation using Antifibrinolytics: Randomized Trial in high-risk cardiac surgery) a démontré un
accroissement de mortalité et de complications cardiovasculaires dans le groupe aprotinine par rapport
aux groupes acide tranexamique et acide ε-amino-caproïque (RR 1.53) [8]. Même si elle diminue
davantage les saignements que les deux autres substances (RR 0.79), l’aprotinine semble augmenter le
risque de décès dans les hémorragies massives. En conséquence, la firme Bayer a retiré le Trasylol® du
marché mondial le 6 novembre 2007.
La rapidité de ce retrait a beaucoup surpris, d’autant plus que l’étude BART présente de sérieuses
faiblesses méthodologiques et que le poids de l’évidence dans la littérature penche en faveur de
l’aprotinine dans les pontages aorto-coronariens et chez les malades sous anti-thrombotiques [21].
Bien que les autorités sanitaires européennes et canadiennes aient clairement indiqué que les bénéfices
de l’aprotinine surpassent ses risques en chirurgie cardiaque [7,9], son utilisation n’a pas repris.
Toutefois, la substance pourrait revenir sur le marché, puisque la firme Nordic™ en a racheté la
licence et que l’agence européenne des médicaments (European Medicines Agency, EMA) en a levé
l’interdiction.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
116
Autres agents antifibrinolytiques
Dans l’attente, la plupart des centres ont choisi de remplacer l’aprotinine par l’acide tranexamique
(ATX). Cet analogue de la lysine se lie au plasminogène de manière réversible et inhibe sa conversion
en plasmine. L’acide tranexamique est légèrement moins efficace que l’aprotinine pour diminuer les
pertes sanguines et les reprises chirurgicales pour hémorragie, particulièrement lorsque celle-ci est
importante : les transfusions sont réduites de 34%, au lieu de 39% chez les patients traités par
aprotinine [10]. Cependant, le ATX ne déclenche pas de réactions allergiques ni de dysfonction rénale
postopératoire. En outre, il est moins onéreux. Les dosages décrits dans la littérature varient de 10 à
100 mg/kg ; la demi-vie du produit est de 2 heures. Il est important d’administrer une première dose
avant la CEC (10-30 mg/kg), suivie d’une perfusion (1-2 mg/kg/h) ou d’une répétition de la première
dose dans la CEC, et d’une dose après la CEC [5,26]. Le but est de maintenir une concentration
plasmatique de 20 mcg/mL. Une perfusion peut être mise en route dans le postopératoire si nécessaire.
La dose maximale mentionnée est 150 mg/kg. Il n’y a guère de données prouvant que des doses
supérieures à 10 mg/kg et 1 mg/kg/heure augmentent l’efficacité du produit [22]. Au contraire,
l’augmentation des doses accroît le risque de convulsions postopératoires jusqu’à 7 fois [15,19]. Dans
une étude portant sur 4'883 patients et utilisant un dosage modéré (24 mg/kg), le risque de convulsions
est augmenté de 70% (OR 1.70) dans le groupe sous ATX par rapport au groupe témoin ; ces
différences sont plus marquées dans la chirurgie à cœur ouvert (OR 2.03) que dans la chirurgie
coronarienne (OR 1.21) [14]. Toutefois, l’inocuité de l’ATX a été démontrée dans l’étude CRASH-2 :
l’administration de 2 gm dans les 3 premières heures qui suivent un traumatisme avec hémorragie
importante n’a pas entraîné d’effets secondaires sérieux, mais a réduit la mortalité due aux pertes de
sang (RR 0.85) [25].
L'acide ε-amino-caproïque est sensiblement moins efficace que l’ATX: le taux de transfusion est
réduit de 19% comparé à 34% pour l’ATX [10]. Le dosage est de 50 mg/kg en bolus suivi d’une
perfusion de 25 mg/kg/heure [22]. Chez les patients sous aspirine, les antifibrinolytiques réduisent
significativement le taux de transfusion (OR 0.37) [20].
L'incidence financière du choix de l'antifibrinolytique est considérable, parce que l'aprotinine est un
médicament coûteux: CHF 220.- pour 1 million UI (US$ 200.00); la dose équivalente d'acide
tranexamique revient à CHF 24.- (1 gm) (US$ 25.00) ; l’AEAC est le moins cher : US$ 5.00. A titre
de comparaison, une poche de sang coûte CHF 235.- en Suisse (valeur février 2012).
Antifibrinolytiques
Les antifibrinolytiques se fixent sur la lysine du plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine,
donc la fibrinolyse. En clinique, ils diminuent globalement les pertes sanguines de 30%. Trois
substances sont utilisées à cet effet.
- L’aprotinine, retirée du marché depuis 2007 à cause d’un excès d’insuffisance rénale, de
complications cardiaques et de mortalité ; pourrait être réintroduite en chirurgie cardiaque
- L’acide tranexamique ne déclenche pas de réactions allergiques ni de dysfonction rénale;
dosage: 10-30 mg/kg avant et après la CEC; dose totale maximale: 150 mg/kg; les hautes
doses acccroissent le risque de convulsions postopératoires.
- L’acide ε-aminocaproïque est légèrement moins efficace.
L’acide tranexamique (2 gm) et la desmopressine (0.3 mcg/kg) sont des agents potentiellement utiles
en cas d’hémorragie liée aux nouveaux anticoagulants pour lesquels il n’existe pas d’antidote
spécifique.
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Thérapie anti-inflammatoire
Le lien étroit qui existe entre la coagulation et la réaction inflammatoire (voir Inflammation et
complément) laisse à penser qu’une atténuation de cette dernière pourrait améliorer le risque
hémorragique ou thrombotique. Comme l’intensité du SIRS (Systemic Inflammatory Response
Syndrome) dépend d’une cascade d’éléments différents, il n’est pas étonnant que de multiples abords
soient potentiellement utiles pour la freiner [4].
Stéroïdes
Les corticostéroïdes maintiennent l’intégrité des membranes cellulaires, particulièrement dans le cœur
et les poumons, freinent l’adhésion leucocytaire et réduisent la production de complément et de
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
118
cytokines [5,15]. En dépit d’une nette atténuation de la réaction inflammatoire et d’une claire
diminution des marqueurs inflammatoires après CEC, ils ne préviennent les dysfonctions
multiorganiques que chez les malades en hypocorticisme, et leur impact clinique demeure incertain.
Diverses revues et méta-analyses ont synthétisé les résultats acquis jusqu’ici avec les stéroïdes
[1,2,8,16].
 La réduction de l’incidence de FA est significative.
 Le temps de séjour aux soins intensifs et le temps de séjour hospitalier sont diminués.
 La stabilité hémodynamique peropératoire est améliorée, l’utilisation de vasopresseur est
réduite.
 La réduction du taux d’hémorragie est marginale.
 La durée de ventilation mécanique est un peu raccourcie; certaines études ont montré une
atténuation des complications respiratoires, mais d’autres publications montrent une
aggravation des échanges gazeux postopératoires et un retard à l'extubation.
 Le réveil est amélioré : le taux de nausée, vomissement et frisson est diminué.
 Le taux d’infection de plaie est identique, et le taux d’infections générales peu modifié.
 Le taux d’épisodes hyperglycémiques est augmenté 1.5 fois dans une méta-analyse et celui
d’hémorragies digestives est doublé dans une autre.
 La mortalité n’est pas modifiée.
Bien que les protocoles des différentes études soient très variables, on peut en conclure que
l’administration prophylactique de stéroïdes pourrait diminuer la morbidité postopératoire, pour autant
qu’elle ne soit pas elle-même la cause d’un accroissement des infections et des hémorragies [1]. Les
dosages traditionnels étant assez élevés (méthylprednisolone 30 mg/kg, dexaméthasone 1 mg/kg), il
est possible que des doses plus faibles aient un meilleur rapport bénétice/complication tout en
conservant une activité satisfaisante sur la réduction de la réponse inflammatoire [8].
La question de savoir si une prophylaxie de routine avec des stéroïdes est recommandable a reçu une
réponse plutôt négative de deux essais contrôlés et randomisés. Le premier est une étude hollandaise
(DECS, DExamethasone for Cardiac Surgery) de 4'494 patients randomisés entre dexaméthasone 1
mg/kg et placebo, administrés à l’induction de l’anesthésie [3]. La mortalité et les complications
majeures (infarctus, ictus, insuffisance rénale) sont moindres dans le groupe stéroïde, mais de manière
marginale (OR 0.83), alors que d’autres morbidités sont significativement diminuées : infections (OR
0.64), délire (OR 0.79), insuffisance respiratoire (OR 0.69). Les patients à risque élevé (EuroSCORE
> 5) tirent le maximum de bénéfice (OR 0.77). Bien que ces résultats ne soient pas renversants, cet
essai a clairement démontré l’inocuité du traitement, qui n’a déclenché aucune aggravation du risque
hémorragique ni infectieux. Le second essai est une étude multicentrique (SIRS, Steroids In caRdiac
Surgery) de 7'507 patients assignés à recevoir 500 mg de méthylprednisolone ou un placebo [17]. La
mortalité n'est pas réduite de manière significative (OR 0.87), le taux de complications majeures est
inchangé (OR 1.03) et le taux d'infection n'est pas modifié, de même que l'incidence de delirium. Ces
deux études, méthodologiquement incontestables, n'incitent donc pas à l'utilisatoion de stéroïdes
comme routine pour diminuer la réaction inflammatoire liée à la CEC.
Autres substances pharmacologiques
Au fil des essais cliniques, toute une série de substances a été invoquée comme atténuateur possible de
la réaction inflammatoire, sans qu’aucune d’entre elles ne se détache par un effet évident [4].
 L’aprotinine diminue l'intensité de la réaction inflammatoire systémique et la production de
C1, de TNF et de kallikréine [6]. L’acide aminocaproïque et l’acide tranexamique ont moins
d’effet.
 Les statines ont un effet anti-inflammatoire et diminuent la mortalité après pontages aortocoronariens [13].
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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 Le bleu de méthylène est un anti-NO et de ce fait possède un effet anti-inflammatoire, mais
son usage est réservé aux situations d’hypotension réfractaire [7].
 L’insuline ; l’hyperglycémie est accompagnée d’une hypersécrétion de cytokines, et les
diabétiques sont connus pour une production excessive de superoxide par leurs mitochondries
[7]. De ce fait, le maintien d’une normoglycémie atténue la réaction inflammatoire, mais cette
dernière induit une résistance à l’insuline qui peut expliquer les difficultés rencontrées dans la
gestion de la glycémie peropératoire [11].
 La N-acétyl-cystéine (Salmucol®) ou l’allopurinol (Xyloric®) diminuent les marqueurs
inflammatoires et bloquent l’effet toxique des radicaux libres, mais leur utilisation clinique
s’avère décevante et n’apporte pas de bénéfice en terme de mortalité ni de morbidité [10].
 Les inhibiteurs du complément : le pexelizumab et le TP10, qui inhibent la chaîne du
complément au niveau de C5a, atténuent la morbi-mortalité après chirurgie cardiaque dans des
groupes sélectionnés de patients, sans pour l’instant faire preuve d’effets cliniques significatifs
[12].
Aspects anesthésiques
L’anesthésiste peut influencer la réaction inflammatoire de plusieurs manières [4].
 Ventilation : la baisse du volume courant à 4-8 mL/kg au lieu de 10-12 mL/kg et la diminution
de la FiO2 à 0.6 limitent les lésions mécaniques et cellulaires, et abaissent les taux de
cytokines libérées par les poumons.
 Stabilité hémodynamique : l’hypoperfusion tissulaire (hypotension et bas débit) active la
libération de cytokines et d’endotoxines, en particulier dans le tube digestif.
 Préconditionnement : les halogénés ont la propriété de diminuer l’impact des lésions
ischémiques sur la cellule myocardique, au moins momentanément (voir Chapitre 5
Préconditionnement) [9]. Le préconditionnement à distance par courtes périodes d’ischémie
musculaire d’un membre a un effet protecteur sur le myocarde et sur la survie clinique [14].
Thérapie anti-inflammatoire
Stéroïdes (méthylprédnisolone 500 mg ou dexaméthasone 1 mg/kg à l’induction): ils atténuent la
réaction inflammatoire systémique et les marqueurs associés. Ils diminuent l’incidence de FA,
nausée – vomissement, instabilité hémodynamique, insuffisance respiratoire, infections, séjour en
soins intensifs. Ils ne modifient pas la mortalité. Par contre, ils n’augmentent ni le risque infectieux
ni le risque hémorragique.
Toute une série de substances a été investiguée à cause de leur potentiel anti-inflammatoire.
Cependant, même si elles tendent à abaisser les marqueurs inflammatoires, aucune n’a démontré
d’impact significatif sur la morbi-mortalité globale après chirurgie cardiaque.
En anesthésie, la ventilation protectrice à bas volume courant et le maintien d’une pression artérielle
et d’un débit satisfaisants, y compris pendant la CEC, favorisent les résultats cliniques
postopératoires, en partie par le biais d’une réduction du SIRS. L’utilisation d’halogénés
(préconditionnement) diminue les lésions myocardiques lors de revascularisation coronarienne.
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Aspects techniques de la CEC
A part les interventions à cœur battant, il existe divers moyens techniques de réduire le syndrome
inflammatoire et les modifications de la coagulation déclenchés par la CEC, mais aucun ne permet de
les supprimer. La portée clinique de ces améliorations reste en général modeste [6,15].
 Absence de CEC ; opérer à cœur battant (OPCAB) atténue mais ne supprime pas la libération
des marqueurs inflammatoires (C3a, C5a, TNF-alpha, IL-6, IL-8), car le cœur ischémique est
une source importante de cytokines. Comme les effets de la CEC dépendent largement de
l'équilibre entre la libération des médiateurs pro-inflammatoires et celle des médiateurs antiinflammatoires (IL-10) [5], certaines populations pourraient bénéficier particulièrement de la
chirurgie à coeur battant car elles affichent une réaction pro-inflammatoire dominante, telles
les personnes âgées ou celles qui souffrent de dysfonction ventriculaire gauche [12]. Dans les
groupes à risque faible, les taux de complications liés au SIRS sont identiques entre les
opérations avec ou sans CEC [8,9].
 Restriction des aspirations ; le sang récupéré contient de l'air, des débris celulaires et des
activateurs de la coagulation (TNF, thrombine, plasmine) ou de l’inflammation (interleukines,
C3a, C5a). Les aspirations sont la source principale d’embolie, d'hémolyse, de thrombopénie,
de coagulopathie et de stimulation du SIRS [13]. Les perturbations du système coagulatoire
sont nettement diminuées lorsqu’on ne recycle pas le sang aspiré ou lorsqu’on le filtre dans un
système CellSaver™, mais ces manoeuvres éliminent malheureusement les plaquettes, les
protéines et les facteurs de coagulation [14].
 Restriction de la taille des circuits ; la miniaturisation des circuits et la suppression du
réservoir de cardiotomie minimisent le contact du sang avec des surfaces étrangères et
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



suppriment le contact avec l’air, ce qui freine la libération des activateurs de la coagulation et
des déclencheurs inflammatoires [2].
Biocompatibilité des circuits ; les circuits préhéparinés et les circuits imprégnés de polymères
comme le poly-2-méthoxy-éthyl-acrylate freinent la cascade du complément et l'activation
leucocytaire, réduisent l'adhésivité plaquettaire et l'adsorption des facteurs de coagulation [4].
Même s’ils atténuent les complications pulmonaires, rénales et neurologiques, leur impact
clinique est peu important [7].
Hémofiltration ; elle réduit l’excédent liquidien propre à la CEC et évacue les déclencheurs
inflammatoires hydrosolubles. Elle réduit l’œdème interstitiel postopératoire, les besoins
transfusionnels, le syndrome inflammatoire systémique et l’insuffisance multi-organique
[3,10].
Filtres leucocytaires ; la réduction du taux de leucocytes est bénéfique surtout pour les
échanges gazeux, puisque les poumons sont le principal lieu de séquestration leucocytaire
pendant la CEC. Malheureusement, ces filtres ne préviennent pas l’insuffisance respiratoire
postopératoire [1].
Normothermie ; le maintien de la température ≥ 34°C évite les altérations de la coagulation et
la flambée inflammatoire déclenchées par le réchauffement, mais la température idéale pour la
CEC n’a pas encore pu être définie [11].
Ces améliorations ont probablement un impact sur les complications postopératoires dans les cas à
haut risque ou les interventions complexes, mais ont peu d'influence pour les interventions standards
chez des patients à risque faible. Vu l'augmentation de prix qu’elles impliquent, ces nouvelles
technologies ne présentent pas pour l'instant un rapport coût / bénéfice favorable à leur utilisation de
routine.
Modifications techniques de la CEC
Les possibilités sont nombreuses, mais elles ont d’impact clinique modéré :
- Restriction du contact avec les surfaces étrangères (minicircuits)
- Matériaux biocompatibles
- Restriction du contact avec l’air (limitation des aspirations, absence de réservoir veineux)
- Hémofiltration
- Normothermie
- Opération sans CEC
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Conclusions
Au cours de ces dernières années, une forme d’hématologie pratique s’est installée en salle d’opération
et a élargi le champ d’activité de l’anesthésie. La possibilité d’effectuer sur place des tests de
coagulation (ROTEM™, par exemple) et d’activité plaquettaire (Multiplate™, VerifyNow™, PFA100™, entre autres) a ouvert la voie à une gestion plus rationnelle de l’hémostase et des facteurs de
coagulation, orientée sur les besoins spécifiques du patient (goal-directed therapy). D’autre part,
l’arrivée sur le marché clinique de nouveaux agents anticoagulants et antiplaquettaires a modifié la
prise en charge périopératoire des patients. Enfin, l’idée d’une gestion globale de la masse sanguine du
malade (Patient blood management) a progressivement intégré la préparation préopératoire du malade,
la transfusion sanguine et plaquettaire, l’administration de dérivés plasmatiques et de facteurs de
coagulation, ainsi que l’évaluation directe des performances coagulatoires en un tout fonctionnel qui
réclame de l’anesthésiste de bonnes notions d’hématologie. De plus, l’anesthésiste qui s’investit en
chirurgie cardiaque doit être capable de maîtriser les problèmes d’anticoagulation soulevés par l’usage
de la circulation extracorporelle.
Les développements futurs de cette situation vont certainement conduire à une gestion plus cohérente
de l’hémostase et à une utilisation plus restrictive des produits sanguins. Ainsi se développent des
algorithmes pour la prise en charge des opérés sous agents inhibant la coagulation et pour la gestion
des différents produits procoagulants, en gardant à l’esprit que le but n’est pas une normalisation du
status, mais un état d’équilibre optimal entre le risque hémorragique et le risque thrombotique. Or ce
point d’équilibre peut se placer à un endroit variable du spectre en fonction des risques propres au
patient et à la situation chirurgicale.
Pour l’heure, l’introduction dans la pratique de nouveaux anticoagulants est souvent perturbante pour
l’anesthésiste, qui peut avoir quelque difficulté à se retrouver dans les délais à respecter pour
l’interruption préopératoire du traitement, notamment en cas d’ALR rachidienne. Les Tableaux 8.11 et
8.12 tentent de répondre à ce problème en offrant un résumé des données pharmacocinétiques et des
recommandations proposées pour l’interruption préopératoire des anticoagulants et des
antiplaquettaires.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Tableau 8.11
Pharmacocinétique des anticoagulants et des antiplaquettaires
Héparine non-fractionnée
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux
Dabigatran
Rivaroxaban
Apixaban
Edoxaban
Acénocoumarol
Warfarine
Phénprocoumone
Bivalirudine
Argatroban
Aspirine
Clopidogrel
Prasugrel
Ticagrelor
Tirofiban
Eptifibatide
Abciximab
Mécanisme
Pic*
Inhibit indirect thrombine & Xa
Inhibit indirect Xa & thrombine
Inhibit indirect Xa & thrombine
Inhibiteur indirect facteur Xa
Inhibiteur direct thrombine
Inhibiteur direct facteur Xa
Inhibiteur direct facteur Xa
Inhibiteur direct facteur Xa
Inhibit fact vit K-dépendants
Inhibit fact vit K-dépendants
Inhibit fact vit K-dépendants
Inhibiteur direct thrombine
Inhibiteur direct thrombine
Bloc irréversible récept COX1
Bloc irréversible récept ADP
Bloc irréversible récept ADP
Bloc réversible récept ADP
Bloc révers récept GP IIb/IIIa
Bloc révers récept GP IIb/IIIa
Bloc irrévers récept GP IIb/IIIa
5 min
3-5 h
3-5 h
1.7 h
1-2 h
2-4 h
3-4 h
1-2 h
4 jours
4 jours
7 jours
10 min
15 min
<1h
3-8 h
1h
2h
30 min
20 min
10 min
tβ1/2
1-2.5 ha
4-5 h
4-5 h
16 h
9-15 h
6-12 h
12 h
10-14 h
11h
40 h
140 h
30 min
1h
1.5 h
8h
4h
10 h
2h
2.5 h
30 min
Elimination**
Monitorage***
Hépatique, SRE
Rénale
Rénale
Rénale
Rénale
Foie (2/3), reins (1/3)
Foie (3/4), reins (1/4)
Foie (1/2), reins (1/2)
Hépatique
Hépatique
Hépatique
Plasma, reins (1/4)
Hépatique
Rénale
Plasma, reins
Rénale
Foie (2/3), reins (1/3)
Rénale
Rénale
Rénale
aPTT, ACT
anti-Xa, (TT)
anti-Xa, (TT)
anti-Xa
anti-IIa,dTT (aPTT)b
anti-Xa, (TP)
anti-Xa, (TP)
anti-Xa, (TP)
TP, INR
TP, INR
TP, INR
aPTT, (TP)
(aPTT), (ACT)
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
Test agrégabilité
* Délai entre l'administration et le pic d'activité/concentration.
** La proportion de substance éliminée par les reins varie dans les publications selon qu'elle est calculée à partir de la dose
totale ingérée ou de la dose réellement absorbée (dépendant de la biodisponibilité); dans le deuxième cas, la proportion
éliminée par les reins est plus grande.
*** Les tests entre parenthèse sont modifiés mais n'ont pas de valeur quantitative pour doser l'effet de la substance.
a : Demi-vie variable selon la dose.
b : Des tests particuliers comme la mesure de l’inhibition directe de la thrombine (Hemoclot™) ou le temps de coagulation à
l’écarine (ECT) permettent un dosage du dabigatran.
Test anti-Xa: spécifique à chaque anticoagulant, permet le dosage quantitatif. Test d'agrégabilité: test rapide (VerifyNow™,
Multiplate™, etc) ciblé selon le récepteur (COX-1, ADP ou GP IIb/IIIa).
tβ1/2: demi-vie sérique d'élimination. HBPM : héparine de bas poids moléculaire. SRE: système réticulo-endothélial.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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Tableau 8.12
Délais proposés pour l’interruption préopératoire des anticoagulants et des antiplaquettaires*
Héparine non-fractionnée
iv, scut
HBPM prophylactique
scut
HBPM thérapeutique
scut
Fondaparinux (Arixtra®)
scut
Dabigatran (Pradaxa®)
po
Rivaroxaban (Xarelto®)
10 mg/j po
Rivaroxaban (Xarelto®) 15-20 mg/j po
Apixaban (Eliquis®)
po
Edoxaban (Lixiana®, Savaysa®)
po
Acénocoumarol (Sintrom®)
po
Warfarine (Coumadine®)
po
Phénprocoumone (Marcoumar®) po
Bivalirudine (Angiox®)
iv
Argatroban (Argatroban Inj®)
iv
Aspirine
po
Clopidogrel (Plavix®)
po
Prasugrel (Efient®)
po
Ticagrelor (Brilique®, Brilinta®)
po
Tirofiban (Aggrasta®)
iv
Eptifibatide (Integrilin®)
iv
Abciximab (ReoPro®)
iv
Chirurgie
générale
4-6 h
12 h
24 h
48 h
48 h
24 h
48 h
48 h
48 h
4 jours
6 jours
10 jours
2-4 h
4h
3-5 jours
5 jours
7 jours
5 jours
6 heures
8 heures
72 heures
Situations à
risque**
6h
12 h
24 h
≥ 72 h
> 48 h
48 h
48-72 h
72 h
72 h
4 jours***
6 jours***
10 jours***
4h
4h
5 jours
5-7 jours
10 jours
5 jours
6-10 heures
12 heures
≥ 72 heures
Age > 75 ans
4-6 h
12 h
24 h
≥ 72 h
> 48 h
48 h
48 h
48 h
48 h
4 jours***
6 jours***
10 jours***
4h
4h
5 jours
5-7 jours
contre-indiqué
5 jours
6-10 heures
12 heures
72 heures
Clairance créat
< 50 mL/min
4-6 h
24 h
48 h
4-6 jours
3-5 jours
3-4 jours
3-5 jours
3-5 jours
3-5 jours
4 jours
6 jours
10 jours
6h
4h
5 jours
5 jours
7 jours
5 jours
12-24 heures
24 heures
72 heures
* Règle générale de sécurité déterminant la durée de l'interruption préopératoire (chirurgie élective): 3 demi-vies pour la
chirurgie générale et 5 demi-vies pour les situations à risque; doublement de la durée en cas d'insuffisance rénale pour les
substances à élimination rénale. Urgences: attendre si possible ≥ 1 demi-vie. Les durées mentionnées sont indicatives et
correspondent à un compromis entre la diminution du risque hémorragique et l'augmentation du risque thrombo-embolique
lors de l'interruption thérapeutique; pour les AVK, prévoir une substitution par HNF ou HBPM en cas de risque thromboembolique élevé. Tenir compte de la combinaison de situations augmentant l'effet pharmacologique.
** Situations à risque: chirurgie à haut risque hémorragique (voir ci-dessous), combinaison médicamenteuse augmentant le
risque hémorragique, ALR rachidienne dans la situation de status coagulatoire et rachidien normal.
ALR rachidienne: par sécurité, attendre 5 demi-vies; délais identiques pour la pose ou le retrait du cathéter péridural; reprise
du traitement anticoagulant > 6 heures après sa manipulation.
Chirurgie à haut risque hémorragique: opérations accompagnées de pertes sanguines massives et d'hémostase difficile,
opérations dans un espace clos (neurochirurgie intracrânienne et intrarachidienne, chirurgie chambre postérieure de l'œil).
*** Contrôle de l'adéquation du délai par la valeur du TP (> 75%) / INR (< 1.5).
Reprise postopératoire: J1 si risque hémorragique faible, J2-3 si risque hémorragique élevé.
Précis d’anesthésie cardiaque 2017, version 5 – 08 Coagulation et hémostase
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