É D I T O R I A L Maladie d’Alzheimer : diagnostic plus précoce et prise en charge plus efficace par Serge Gauthier, M. D., FRCPC Dans ce numéro, nous abordons toute une série de questions qui préoccupent ceux et celles qui prennent soin de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (MA) : le diagnostic plus précoce de la MA, une meilleure compréhension de son évolution naturelle et de sa progression, la prise en charge des comportements perturbateurs et les lignes directrices sur l’éthique et les soins. Parmi les symptômes de démence comportementaux et psychologiques, la perte des inhibitions ainsi que l’irritabilité ou la labilité de l’humeur sont des symptômes inquiétants, tant pour les patients que pour les aidants. En pensant aux patients qui ne réagissent pas de façon satisfaisante à la stimulation cholinergique, le Dr Robert van Reekum commente les bienfaits thérapeutiques des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) (page 4). Nous pourrions ajouter aussi le trazodone à la liste des médicaments en mesure de produire des effets favorables sur les comportements impulsifs observés dans la MA et la démence frontotemporale, sujet qui sera discuté à la Conférence sur la démence frontotemporale et la maladie de Pick, laquelle aura lieu à London, en Ontario, du 13 au 15 septembre 2002 ([email protected]). À l’annonce du diagnostic de la MA, le patient et les aidants apprécieront de recevoir aussi de l’information sur l’évolution naturelle de cette maladie. Le Dr André Tanguay nous propose sur ce point un tableau très utile (page 10), fondé sur l’expérience du Dr Barry Reisberg et de ses collaborateurs au cours de nombreuses années d’observation de ces patients. Nous soulignons que la courbe de l’évolution des symptômes aux stades de MA légère et modérée (stades FAST 4 et 5) « se déplace vers la droite » dans le traitement de longue durée par les inhibiteurs de la cholinestérase. Aujourd’hui, ces stades pourraient durer plus de trois ans. Nous ignorons toutefois si, par rapport à la durée totale de la maladie, celle des stades de MA grave ou en phase terminale restera la même ou sera plus courte. Dans ce tableau, le trouble cognitif léger (TCL) « amnésique » correspond au stade précoce de la MA légère, où les symptômes cognitifs ne s’accompagnent pas encore d’une perte de l’autonomie fonctionnelle. Le concept de TCL, discuté par le Dr Howard Chertkow (page 15), a été élaboré parce qu’il a été démontré que de nombreuses personnes âgées de plus de 65 ans présentent des troubles cognitifs sans souffrir de démence. Les grandes questions sont maintenant de savoir lesquelles parmi ces personnes verront leur état évoluer vers la démence et ce que nous pouvons faire pour leur venir en aide. Les observations faites auprès de tels groupes permettent de croire que le TCL entraîne un risque significatif de progression vers la MA – d’où le nombre d’essais cliniques en cours et de recherches sur les médicaments à visée préventive. D’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre l’évolution naturelle du TCL « dysthymique » (personnes présentant des troubles de mémoire et des caractéristiques de troubles anxieux ou dépressifs) et du TCL vasculaire (personnes présentant des troubles de mémoire et des antécédents ou des facteurs de risque d’accident vasculaire cérébral). Nous voyons que le concept de TCL est un outil important pour détecter la démence au stade précoce et pour commencer le traitement dès que possible. Les cliniciens sont déjà plus sensibilisés aux plaintes des patients touchant les troubles de mémoire ainsi qu’aux changements subtils des fonctions cognitives supérieures nécessaires dans certaines activités (utiliser le téléphone ou les transports publics, gérer l’argent et prendre des médicaments), surtout si ces altérations sont corroborées par un membre de la famille ou par un ami. Le traitement sera fondé sur les résultats des essais en cours, dont les conclusions seront présentées au symposium Montréal/Springfield en avril 2004. Enfin, les points saillants du congrès national de la Société Alzheimer du Canada en 2002 (page 22) illustrent les progrès accomplis dans le domaine de la MA des points de vue de la personne, des politiques, de l’éthique et de la problématique globale de la MA. Mentionnons les efforts de Frances Lankin pour adapter le système juridique aux besoins des personnes vulnérables, efforts qui suscitent l’admiration, car sa croisade personnelle pour venir en aide à sa mère a rendu service à plusieurs. Des démarches sont également en cours pour faciliter l’admission des personnes souffrant de démence dans des essais cliniques en ayant recours à la procuration ou aux directives préalables. Serge Gauthier Centre McGill d’études sur le vieillissement Montréal (Québec) La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Juin 2002 • 3