Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 8, octobre 2002 217
Mise au point
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Biologie de la pathologie
anxieuse
Les réponses neurobiologiques de peur
sont adaptatives et ont une valeur de
“survie” chez le sujet normal.
Cependant, elles peuvent parfois être
désadaptées par leur intensité ou par
leur durée lorsqu’elles sont activées de
manière chronique, entraînant dans ce
cas les réactions pathologiques au stress
observées dans les troubles anxieux.
Les modifications de l’activité caté-
cholaminergique ne sont pas
constantes dans l’anxiété, mais la
plupart des études retrouvent une
augmentation des concentrations plas-
matiques et urinaires de catéchola-
mines parfois proportionnelle à
l’intensité des symptômes, et ce aussi
bien chez les patients psychiatriques
que médicaux (2). Elles sont souvent
élevées à l’état de base dans le trouble
panique (TP), le trouble anxieux géné-
ralisé (TAG), les phobies sociales et
les troubles anxio-dépressifs mixtes,
encore appelés subsyndromiques (6).
Il a été montré, de plus, que les
concentrations urinaires de catéchola-
mines se normalisaient chez ces
patients lorsque leur anxiété diminuait
ou qu’ils recevaient un traitement
anxiolytique. Des résultats prélimi-
naires suggèrent notamment que, dans
le TP, une dysrégulation du système
noradrénergique puisse se produire
par le biais d’un dysfonctionnement
des récepteurs α-2 adrénergiques
présynaptiques au niveau central (2, 7, 8).
La réponse de l’axe HHCS semble
varier selon le type de trouble anxieux
et s’opposer à celle constatée dans les
états dépressifs. Les concentrations
plasmatiques d’ACTH sont normales
ou élevées chez des patients présen-
tant un TP. En revanche, une hyper-
sécrétion de CRH, avec émoussement
de la réponse ACTH au CRH, a été
constatée dans le PTSD (9). Le CRH
semble être particulièrement impliqué
dans les réactions physiologiques
associées aux émotions par son action
directe sur l’amygdale (10). Des
travaux étudient actuellement l’impact
d’antagonistes des récepteurs CRH
comme traitement potentiel des
troubles anxieux et dépressifs (1, 11).
Une diminution de la concentration de
5-HT plasmatique et de son métabolite
urinaire (5-HIAA) a été mise en
évidence chez les patients souffrant de
troubles anxieux. Ces dysrégulations
sérotoninergiques, observées dans la
phobie sociale (12) et dans le TAG
(13), pourraient expliquer en partie
l’efficacité des inhibiteurs de la recap-
ture de la sérotonine (IRS) dans ces
troubles. Des anomalies de la fonction
dopaminergique ont également été
suggérées, hypothèse renforcée par les
données nouvelles de la neuro-
imagerie (12). En effet, un stress aigu
augmente la libération de DA et de ses
métabolites dans plusieurs aires céré-
brales, particulièrement dans le cortex
préfrontal médian. Une forte concen-
tration d’acide homovanillique a été
retrouvée chez les paniqueurs présen-
tant un niveau élevé d’anxiété et des
attaques de panique fréquentes (1, 6).
Le système GABAergique, par le biais
d’une altération fonctionnelle des
récepteurs benzodiazépiniques, semble
également impliqué lors des TP où une
diminution de ces récepteurs centraux
a pu récemment être mise en évidence (1).
D’autres systèmes neuro-endocriniens
sont impliqués dans les troubles
anxieux, comme en témoigne l’éléva-
tion des concentrations plasmatiques
de GH ou de prolactine chez les
patients phobiques confrontés à un
stimulus anxiogène (6). Les variations
de la symptomatologie anxieuse
observées lors de la grossesse ou du
cycle menstruel illustrent aussi l’im-
plication de l’axe gonadotrope dans la
physiopathologie de l’anxiété (14).
Cependant, il faut mentionner l’exis-
tence de résultats variables selon les
études, ce qui oblige à considérer
d’autres paramètres dans l’analyse des
données, comme les différences inter-
personnelles, les phénomènes d’habi-
tuation et les sous-populations de
patients, en fonction de la nature des
différents troubles anxieux.
Modèles expérimentaux de
l’anxiété
De toutes les modifications biolo-
giques périphériques observées au
travers des études cliniques et expéri-
mentales, aucune n’a vraiment prouvé
sa spécificité dans la pathologie
anxieuse, et toutes sont soumises à
une grande variabilité interindivi-
duelle. De ce fait, des modèles phar-
macologiques d’anxiété ont été
étudiés, utilisant des substances anxio-
gènes et des conditions expérimen-
tales strictes, afin de stimuler de
manière relativement spécifique l’ac-
tivité d’un système donné et d’obtenir
non seulement des informations dyna-
miques sur la réactivité de celui-ci,
mais aussi d’identifier des populations
potentiellement à risque de développer
un trouble anxieux. Grâce à une
meilleure connaissance des circuits
neurobiologiques impliqués dans
l’anxiété, ces protocoles expérimen-
taux pourraient également permettre
l’étude et le développement de
nouvelles molécules anxiolytiques.
L’adrénaline a ainsi été utilisée, depuis
le début du siècle, dans le but de
mettre en évidence les rapports exis-
tant entre les aspects physiologiques et
subjectifs des émotions. Il a été
montré que son site principal d’action
était les récepteurs β-adrénergiques,
alors que la noradrénaline agirait
préférentiellement sur les récepteurs
α-adrénergiques. Le blocage des
récepteurs α2-adrénergiques dans le
locus cœruleus par la yohimbine
augmente l’activité noradrénergique
centrale et, de ce fait, a des propriétés
anxiogènes chez l’homme, notamment
chez les patients paniqueurs.
Chez ces derniers, l’injection de
lactate entraîne également des mani-
festations aiguës d’anxiété, non
retrouvées chez les sujets contrôles, ce
qui permettrait donc de repérer une
susceptibilité biologique particulière
chez certains sujets anxieux. Bien que
plusieurs modifications biologiques
aient été rapportées au cours de crises