UBU ROI - Le Grand T

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ALFRED JARRY
COMPAGNIE CHEEK BY JOWL
MISE EN SCÈNE DECLAN DONNELLAN
2014/15
© JOHAN PERSSON
UBU ROI
02 51 88 25 25 / leGrandT.fr
1
Licences spectacles 1-1075853 1-1075850 2-1075851 3-1075852
01 > 05 OCT - LE GRAND T
UBU ROI
LE GRAND T
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© JOHAN PERSSON
DURÉE : 1h50 sans entracte
SOMMAIRE
CONTACTS PÔLE PUBLIC ET MÉDIATION
Présentation
3
La pièce
4
Note d’intention
5
Entretien autour d’Ubu Roi
6
Declan Donnellan, metteur en scène
7
Alfred Jarry, auteur
8
Ubu Roi : extraits
9
La presse en parle...
PUBLIC : à partir de la 2nde
10
Manon Albert
[email protected]
02 28 24 28 08
Florence Danveau
[email protected]
02 28 24 28 16
LE GRAND T
84, rue du Général Buat
BP 30111
44001 NANTES Cedex 1
2
PRÉSENTATION
Ubu Roi
D’après Alfred Jarry
Mise en scène Declan Donnellan
Cheek by Jowl
Avec Xavier Boiffier, Camille Cayol, Vincent de Boüard, Christophe Grégoire, Cécile Leterme,
Sylvain Levitte
Scénographie Nick Ormerod
Collaborateur artistique Michelangelo Marchese
Associée chorégraphie et mouvement Jane Gibson
Lumières Pascal Noël
Compositeur Davy Sladek
Musiques complémentaires Paddy Cunneen
Vidéo Benoit Simon, Quentin Vigier
Costumes Angie Burns
Assistant mise en scène Bertrand Lesca
Coach voix Valérie Bezançon
Maître d’armes François Rostain
Direction de production Béatrice Catry (Théâtres et Compagnie) et Beth Byrne (Cheek by Jowl)
Production Cheek by Jowl
Coproduction Barbican à Londres, Les Gémeaux, scène nationale de Sceaux, Comédie de Béthune centre dramatique national Nord-Pas-de-Calais
© JOHAN PERSSON
LA PIÈCE
Ubu Roi est une pièce de théâtre d’Alfred Jarry appartenant
au cycle d’Ubu publiée le 25 avril 1896 dans Le Livre d’Art
(revue de Paul Fort) et représentée pour la première fois le
10 décembre 1896. Il s’agit de la première pièce du cycle
d’Ubu.
Poussé par l’ambition de sa femme, Ubu décide de tuer le roi
des Polonais, Vanceslas, pour s’emparer de son trône. Grâce
à la complicité du capitaine Bordure, la famille royal est massacrée. Seul rescapé, le jeune Bougrelas vengera ses aïeux.
Une fois installé sur le trône, Ubu règne sans aucun bon
sens. Pour accroître ses richesses, il extermine les nobles,
les magistrats et les financiers, avant de se charger de collecter lui-même les impôts.
N’ayant pas reçu la récompense promise, Bordure rejoint le
Tsar, qui déclare la guerre à l’usurpateur. Ubu part en campagne, après avoir confié la régence du royaume à la Mère
Ubu. Cette dernière est chassée du pouvoir par Bougrelas
qui s’est mis à la tête du peuple polonais. Elle rejoint son mari
qui lui-même vaincu par l’armée russe et se cache dans une
caverne. Poursuivis par Bougrelas, les deux époux s’enfuient
vers de nouvelles contrées..
Source : L’Express Culture (http://fiches.lexpress.fr/livre/
ubu-roi_410877)
EN IMAGES
Visionnez un extrait de la pièce en cliquant sur le lien suivant :
https://www.youtube.com/watch?v=uuf3k210k8Q
4
NOTE D’INTENTION
« Nous sommes une espèce qui préfère évoquer l’innocence de l’enfance plutôt que se souvenir de sa cruauté
potentielle. L’égoïsme et la violence de cette période considérée comme enfantine ? Des défauts à reléguer au passé
une fois que la « civilisation » que nous offre la maturité est
atteinte. Certains théoriciens ont même attribué l’absence
de souvenirs d’enfance à un désir de protection contre des
sentiments bouleversants, tellement négatifs que nous
avons honte de les avoir en nous.
un infantilisme menaçant, aussi vicieux qu’il est puéril. Ubu
exprime ainsi le potentiel de violence qui existe au fond de
nous tous.
Ouvrage de génie ou travail de potache, produit d’un finde-siècle qui avait soif de nouvelles formes, Ubu fait preuve
d’une simplicité inouïe en nous renvoyant à nos instincts
les plus primitifs. »
Declan Donnellan, metteur en scène, 2013
Qu’en est-il alors de nos sentiments moins civilisés ? La
civilisation nous demande bien souvent de ne pas en tenir
compte, de les nier. Nous souhaitons tous être civilisés,
mais cela à un prix – et ce prix parfois c’est la déraison.
© JOHAN PERSSON
Mère et Père Ubu, excessifs, antisociaux, d’un dynamisme
foudroyant mais sans autre but que l’accumulation du pouvoir, nous effraient peut-être autant qu’ils nous font rire.
Nous rappellent-ils l’égoïsme et la violence de notre propre
enfance? Voilà ce que cette pièce met en scène avant tout,
ENTRETIEN AUTOUR D’UBU ROI
Pourquoi choisir de mettre en scène Ubu Roi ?
Ubu Roi est notre deuxième création avec notre troupe
française : de même qu’Andromaque, c’est une œuvre qui
correspond parfaitement aux talents de ces comédiens.
Voilà un aspect du choix. D’autre part, comme Andromaque
(et toute grande pièce, d’ailleurs), Ubu roi nous offre un
champ d’exploration très ouvert, qui nous permet d’apporter
des modifications à notre travail au fur et à mesure de nos
découvertes.
Nous vivons avec les pièces que nous montons pour
de longues périodes dans le cadre d’une tournée, d’où
notre souhait de travailler avec une œuvre qui représente
un challenge, qui garde en elle cette vitalité que nous
désirons récréer ; c’est un travail continu. D’autant plus
qu’il existe davantage de similarités qu’on ne croirait entre
Racine, bastion de la tragédie du Grand siècle, et Ubu,
gamin précoce de l’avant-garde. Les deux pièces traitent,
en quelque sorte, de ce qui se passe quand nous nous
obstinons à poursuivre des choses que nous voulons, mais
qui nous sont refusées.
Les deux pièces s’intéressent à ce problème de la civilisation,
à notre conception de ce qui constitue le comportement
« civilisé », et à notre façon d’agir par rapport à cette
structure. Nous voulons tous être civilisés – nous voulons
que nos leaders le soient. Mais qu’en est-il des sentiments
qui ne rentrent pas dans cette case ? La civilisation exige
souvent que ces sentiments soient ignorés, voire niés. Or,
il y a un prix à payer pour la civilisation, et ce prix, parfois,
c’est la folie.
Jarry situe sa pièce « en Pologne, c’est-à-dire nulle part ».
Où allez-vous situer votre Ubu ? Y aura-t-il des références
à des situations politiques particulières, historiques ou
actuelles ?
Toute grande pièce peut avoir des références
politiques, contemporaines, d’une manière ou d’une autre !
Ou, du moins, est-il possible de les lire dans cette optique.
Mais avant toute chose, ce qui est primordial pour nous,
lorsque nous entamons une nouvelle pièce, c’est de nous
assurer que le travail soit bien vivant. Voilà ce que nous
recherchons dans un premier temps, que ce soit avec
Jarry, Racine, Shakespeare ou Tchekhov. Tout notre travail
se crée dans la salle de répétition, avec les comédiens, et
notre tâche est simplement de retrouver les expériences
fondamentales qui existent au cœur d’une pièce, de leur
donner vie. Pour l’instant notre intention n’est pas de
satiriser ou d’évoquer une époque ou une situation politique
ou historique précise. Nous ne pouvons savoir à quoi ce
« nulle part » ressemblera ; nous le saurons uniquement
quand nous l’aurons atteint.
Vous dites d’Ubu qu’il fait preuve d’un « infantilisme
» menaçant, vicieux et puéril ». Vous parlez aussi du
potentiel de violence que révèle ce personnage. Qui est
Ubu ?
Effectivement à travers leurs actions, Ma et Père Ubu
évoquent un potentiel de violence qui existe au fond de
nous tous : une violence qui provient de cette partie de
nous-mêmes qui nous pousse, en tant qu’êtres humains,
(et cela constamment) à la poursuite du pouvoir, parfois le
pouvoir absolu. Nous avons tendance à traiter l’égoïsme
de Ma et Père Ubu, le plaisir que leur donne la brutalité
(la violence et le meurtre ne sont qu’un jeu pour eux)
comme des choses puériles, qui n’ont aucun lien avec
la vie adulte, c’est à dire civilisée. Mais que nous y
faisions face ou non, ces désirs existent en nous et
continuent d’exister en nous. C’est un des points forts de
la pièce de nous remettre en contact avec notre propre
bassesse, et ainsi d’éclaircir ce que nous pensons pouvoir
contrôler, nier ou refouler.
Énergie et dynamisme ; scatologie, blagues potaches…
Envisagez-vous Ubu Roi comme une comédie ou comme
une tragédie ?
Comme beaucoup de grandes pièces, Ubu Roi
contient un peu des deux ! Et on risque par moments
d’imposer trop de limites en se reposant sur les
genres
;
Shakespeare,
notamment,
mélangeait
souvent les deux. Je pense que Ma et Père Ubu nous
effraient, dans l’ensemble, mais nous rions pour nous sentir
en sécurité. [...]
Propos recueillis par Catherine Robert
La Terrasse, octobre 2012
DECLAN DONNELLAN, METTEUR EN SCÈNE
Declan Donnellan est né en Angleterre de parents irlandais
en 1953. Il grandit à Londres et suit des études de lettres
et de droit au Queen’s College de Cambridge. Il est inscrit au barreau en 1978, puis forme avec Nick Ormerod la
compagnie Cheek by Jowl en 1981.
Dans ce cadre, il a mis en scène plus de 50 spectacles qui
ont été représentés sur les scènes du monde entier. En
1989, il est nommé metteur en scène associé au Royal
National Theatre de Londres. Il y dirige Fuenteovenjuna de
Felix Lope de Vega, Sweeney Todd de Stephen Sondheim,
Le Mandat de Nikolaï Erdman et les deux parties d’Angels
in America de Tony Kushner. Pour la Royal Shakespeare
Company, il met en scène L’École de la médisance, Le Roi
Lear et Les Grandes Espérances. Il monte également Le
Cid au Festival d’Avignon, Falstaff à Salzbourg, le ballet Roméo et Juliette au Bolchoï de Moscou et Le Conte d’hiver
au Théâtre Maly de Saint-Pétersbourg.
En 2000, il rassemble une troupe de comédiens à Moscou
sous l’égide du festival Tchekhov. Cette troupe a interprété
La Tempête. Il est l’auteur d’une pièce, Lady Betty, qui a
été montée par Cheek by Jowl en 1989. Il a par ailleurs
notamment traduit On ne badine pas avec l’amour d’Alfred
de Musset et Antigone de Sophocle.
Declan Donnellan a reçu de nombreuses distinctions à
Londres, Moscou, Paris ou New York, dont trois Laurence
Olivier Awards (en 1987, 1990 et 1995). En 1992, il est
nommé docteur honoris causa par l’université de Warwick
et est fait Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, en
2004 en France. D’abord publié en russe (2001), son livre
L’Acteur et la Cible est ensuite paru en anglais, en français,
en espagnol et en italien. La deuxième édition anglaise est
sortie en 2005. Il est président du Chekhov International
Theatre Festival (Moscou).
Il réalise avec Nick Ormerod son premier film, Bel-Ami
d’après la nouvelle de Maupassant, avec notamment Robert Pattinson, Christina Ricci, Kristin Scott- Thomas, Uma
Thurman (2012).
DR
Boris Goudounov, La Nuits des rois, Les Trois Soeurs et
7
ALFRED JARRY, AUTEUR
Poète, dramaturge et romancier français, Alfred Jarry est
né le 8 septembre 1873 à Laval (Mayenne). Il fait des
études brillantes au lycée de Rennes puis en khâgne au
Lycée Henri-IV. Ce serait un de ses professeurs, M. Herbert, le « Père Heb », qui lui aurait inspiré Ubu.
Le Mercure de France publie en 1894 ses Minutes de
sable mémorial, un recueil de vers et de prose d’inspiration symboliste, puis en 1895 César-Antéchrist où apparaît pour la première fois le Père Ubu, qui lui apportera la
gloire. Pourtant la représentation d’Ubu Roi en 1896 fait
scandale dans la presse. Il publiera en 1898, Ubu cocu ou
l’Archéoptéryx, en 1900 Ubu enchaîné, en 1906 Ubu sur
la butte. Jarry écrit aussi de nombreux textes critiques dans
lesquels il précise ses intentions.
Œuvres. Paris : Laffont, 2004. 1367 p. (Bouquins)
Œuvres complètes. Paris : Gallimard, 1988. (Bibliothèque de
la Pléiade)
Peintures, gravures et dessins d’Alfred Jarry / Collège de
pataphysique ; préface et commentaire des œuvres par
Michel Arrivé. Paris : Cercle français du livre ; Collège de
pataphysique, 1968. 125 p.
Saint-Brieuc des choux : poésies et comédies tirées d’Ontogénie. Paris : Mercure de France, 1964. 40 p.
Siloques, superloques, soliloques et interloques de pataphysique / édition présentée par Patrick Besnier. Bégles : le
Castor astral, 1992. 93 p. (Les inattendus ; 18)
Il invente la Pataphysique qu’il définit comme « la science
des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement
aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur
virtualité. » Son œuvre annonce le surréalisme.
Le Surmâle [précédé de] Le Sur-mal ou Comment le roman
vient au poète : roman moderne / par Christian Prigent. Paris
: P.O.L., 1993. 150 p. (La collection)
Alfred Jarry meurt à 34 ans en 1907 à Paris.
Tout Ubu. Paris : Librairie générale française, 1985. 536 p.
(Le livre de poche ; 838)
ŒUVRES D’ALFRED JARRY
Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien [suivi
de] L’Amour absolu / édition établie, présentée et annotée
par Noël Arnaud et Henri Bordillon. Paris : Gallimard, 1980.
247 p. (Poésie ; 143)
Les Jours et les Nuits : roman d’un déserteur. Paris : Gallimard, 1981. 213 p. (L’imaginaire ; 82)
Le manoir enchanté : et quatre autres œuvres inédites /
présentées par Noël Arnaud. Paris : La Table ronde, 1974.
247 p.
Messaline : roman de l’ancienne Rome [suivi de] Madrigal /
préface et notes de Thieri Foulc. Paris : Losfeld, 1977. 207 p.
(Merdre)
Ubu cocu : cinq actes. Genève : Éditions des Trois collines,
1944. 95 p.
Ubu enchaîné [suivi de] Ubu sur la butte, des paralipomènes
et d’essais sur le théâtre / préface de Jean Saltas. Paris :
Fasquelle, 1938. 185 p.
Ubu intime : pièce en un acte : et divers autres inédits autour
d’Ubu / présentés et annotés par Henri Bordillon. Romillé :
Folle avoine, 1985. 203 p. (Quarto)
Ubu Roi ou les Polonais. Ubu enchaîné et les Paralipomènes
d’Ubu / préface de J. Hugues Sainmont. Paris : le Club français du livre, 1950. 293 p. (le Club français du livre ; théâtre ;
6)
Ubu Roi [suivi de] Ubu enchaîné / préface de Claude Bonnefoy. Paris : Livre du club du libraire, 1965. 240 p. (Livre du
club du libraire ; 192)
Les Minutes de sable mémorial : César-Antéchrist / édition
présentée et annotée par Philippe Audoin. Paris : Gallimard,
1977. 249 p. (Poésie ; 119)
8
UBU ROI : EXTRAITS
Acte 1 - Scène 1
Père Ubu. - Merdre !
Père Ubu. - Ah ! Je cède à la tentation. Bougre de merdre, merdre
de bougre, si jamais je le rencontre au coin d’un bois, il passera
un mauvais quart d’heure.
Mère Ubu. - Oh ! Voilà du joli, Père Ubu, vous estes un fort grand
voyou.
Père Ubu. - Que ne vous assom’ je, Mère Ubu !
Mère Ubu. - Ce n’est pas moi, Père Ubu, c’est un autre qu’il fau-
Acte 3 - Scène 2
(…)
drait assassiner.
Mère Ubu. - Tu es trop féroce Père Ubu
Père Ubu. - De par ma chandelle verte, je ne comprends pas.
Père Ubu. – Eh ! Je m’enrichis. Je vais me faire lire MA liste de
Mère Ubu. - Comment, Père Ubu, vous estes content de votre
MES biens. Greffier, lisez MA liste de MES biens.
sort ?
Le Greffier. – Comté de Sandomir.
Père Ubu. - De par ma chandelle verte, merdre, madame, certes
Père Ubu. – Commence par les principautés, stupide bougre !
oui, je suis content. On le serait à moins : capitaine de dragons,
Le Greffier. – Principauté de Podolie, grand-duché de Posen,
officier de confiance du roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle
duché de Courlande, comté de Sandomir, comté de Vitepsk, pala-
Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon, que voulez-vous de
tinat de Polock, margraviat de Thorn.
mieux ?
Mère Ubu. - Comment ! Après avoir été roi d’Aragon vous vous
contentez de mener aux revues une cinquantaine d’estafiers
Père Ubu. – Et puis après ?
Le Greffier. – C’est tout.
armés de coupe-choux, quand vous pourriez faire succéder sur
Père Ubu. – Comment c’est tout ! Oh bien alors, en avant les
votre fiole la couronne de Pologne à celle d’Aragon?
Nobles, et comme je ne finirai pas de m’enrichir, je vais faire exé-
Père Ubu. - Ah ! Mère Ubu, je ne comprends rien de ce que tu dis.
Mère Ubu. - Tu es si bête !
Père Ubu. - De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ; et même en admettant qu’il meure, n’a-t-il pas
cuter tous les Nobles, et ainsi j’aurai tous les biens vacants. Allez,
passez les Nobles dans la trappe.
On empile les Nobles dans la trappe.
Dépêchez-vous, plus vite, je veux faire des lois maintenant.
des légions d’enfants ?
Plusieurs. – On va voir ça.
Mère Ubu. - Qui t’empêche de massacrer toute la famille et de te
Père Ubu. - Je vais d’abord réformer la justice, après quoi nous
mettre à leur place ?
procéderons aux finances.
Père Ubu. – Ah ! Mère Ubu, vous me faites injure et vous aller
Plusieurs magistrats.- Nous nous opposons à tout changement.
passer tout à l’heure par la casserole.
Mère Ubu. - Eh! Pauvre malheureux, si je passais par la casserole,
qui te raccommoderait tes fonds de culotte ?
Père Ubu. - Eh vraiment! Et puis après ? N’ai-je pas un cul comme
les autres ?
Mère Ubu. - À ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône.
Tu pourrais augmenter indéfiniment tes richesses, manger fort
Père Ubu.- Merdre. D’abord, les magistrats ne seront plus payés.
Magistrats.- Et de quoi vivrons-nous ? Nous sommes pauvres.
Père Ubu.- Vous aurez les amendes que vous prononcerez et les
biens des condamnés à mort.
Un magistrat.- Horreur.
Deuxième.- Infamie.
souvent de l’andouille et rouler carrosse par les rues.
Troisième.- Scandale.
Père Ubu. - Si j’étais roi, je me ferais construire une grande cape-
Quatrième.- Indignité.
line comme celle que j’avais en Aragon et que gredins d’Espagnols m’ont impudemment volée.
Mère Ubu. - Tu pourrais aussi te procurer un parapluie et un grand
caban qui te tomberait sur les talons.
Tous.- Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles.
Père Ubu.- A la trappe les magistrats !
(…)
9
LA PRESSE EN PARLE...
T él éram a / Merc redi 13 févri er 2013
10
© JOHAN PERSSON
L e F i garo / L u n di 18 févri er 2013
L es Éc h os / L u n di 18 févri er 2013
12
L es In roc ku pti bl es / Merc redi 20 févri er 2013
13
Le Monde / Vendredi 22 février 2013
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Les Trois Coups / Mardi 26 février 2013
« Ubu roi », d’Alfred Jarry (critique de Léna Martinelli), Les Gémeaux à Sceaux
Donnellan pointe notre animalité cachée
Declan Donnellan s’empare du mythe d’« Ubu roi », pièce d’Alfred Jarry, gamin précoce de l’avant-garde. Plus d’un
siècle après sa création, le grand metteur en scène anglais réactive cette farce dérangeante à souhait, où le sexe,
la pourriture et le mensonge mènent la danse. Merdre alors !
Ubu roi, avec Christophe Grégoire et Camille Cayol Les Trois Coups © Johan Persson
Caricature des puissants, la pièce raconte l’accession au pouvoir du Père Ubu poussé par sa femme au meurtre
de Venceslas. Pour dénoncer la corruption et la bêtise humaine, Alfred Jarry n’hésite pas à dépasser les bornes
de la bienséance. Vicieux, puérils, grossiers, Ubu et Mère Ubu se comportent comme des « sales gosses » prêts à
tout pour accéder au trône et profiter de ses privilèges. La violence et le meurtre ne sont qu’un jeu pour eux, et ils
s’amusent comme des petits fous à faire couler le sang.
Pourtant, le spectacle commence par un long préambule bien loin de la Pologne et des guerres de clans. Dans
un décor actuel, un couple B.C.B.G. termine de dresser la table, car ils attendent des convives. Mais y auraitil un changement de programme au théâtre de Sceaux ? Que nenni ! Il s’agit bien d’Ubu roi… Donc, dans cet
appartement feutré, le fiston, un adolescent du genre « tête à claques » ne lâche pas sa caméra, filme en direct,
s’attarde sur les détails qui font tache : la viande crue, écœurante, les draps froissés du lit avec un poil qui traîne,
des traces douteuses dans les toilettes… Voyant ses parents minauder, il les imagine soudain soumis à des
pulsions et devient le maître du jeu.
On comprend alors rapidement où veut en venir Declan Donnellan : pointer notre animalité cachée, celle que nous
tentons bien de dominer depuis toujours et qui ressurgit à la moindre occasion. Problématique universelle que la
transposition de la pièce dans notre quotidien réactive fort à propos.
Contrastes
En effet, la mise en scène effectue d’incessants allers-retours entre la société bien lisse d’aujourd’hui, dans
laquelle se déroule ce repas très « smart », et celle des temps anciens, où des barbares s’entre-tuent. Le décor
beige immaculé se transforme alors en champ de foire où le feu d’artifice verbal de Jarry prend tout son sens.
Entre les amuse-gueules et l’entrée, le couple machiavélique s’accapare la couronne. Vite fait, bien fait. Ensuite,
vient le temps des réformes : les trois ordres défilent, mais militaires, magistrats et financiers sont aussitôt
enfermés dans la cuisine, où, passés à la Moulinette, les personnages ressurgissent par l’autre porte, de nouveau
prêts à en découdre. Avant le gigot – et donc la bataille sanglante –, le ketchup gicle. Entre la poire et le fromage,
15
Au gré des changements de lumière et des univers sonores, les comédiens caméléons basculent donc d’un monde
à l’autre avec une facilité déconcertante. Du salon tout droit sorti d’Habitat, on plonge dans un univers surréaliste
proche de l’absurdité des Monty Python. Mais dans quelle dimension sommes-nous donc ici ?
Cauchemar ou fantasme, c’est comme si cet adolescent en crise exorcisait ses propres démons en imaginant ses
parents transformés en monstres, de grands enfants qui auraient tout oublié du monde civilisé. Ce démiurge mène
le bal – ou plutôt le théâtre des opérations – comme ce jeune révolté qu’était Alfred Jarry, lequel a signé là, d’une
plume trempée dans le vitriol, une des plus grandes pièces anarchistes.
Farce truculente
Lors de sa création en 1896, la scatologie et les blagues potaches étaient des ingrédients inhabituels au théâtre.
En outre, l’auteur ambitionnait de faire exploser le cadre traditionnel. Normal que cela ait créé un scandale à
l’époque : « Merdre ! ». Sitôt le premier mot lâché, la salle avait sifflé, hué, protesté. Aujourd’hui, difficile de la
monter, cette pièce, avec tous ses excès et son humour bien gras, d’autant qu’elle a perdu de sa force subversive.
Mais Declan Donnellan a su relever le défi, orchestrant avec maestria ce jeu de contrastes, jonglant entre noirceur
et grotesque, tablant sur l’inventivité, celle de grands enfants qui jouent à « faire comme si ». Comme au théâtre.
Mais c’est loin d’être régressif. Cette pièce dans la pièce qui permet en permanence un double jeu est une idée
vraiment pertinente pour éclaircir ce que nous pensons contrôler, nier ou refouler. Jarry n’a-t-il pas vécu à l’époque
de l’avènement de la psychanalyse ? Du coup, le metteur en scène met le paquet pour révéler le formidable
potentiel de violence qui nous pousse à la quête du pouvoir. Il joue des conventions, projette ses comédiens dans
une nouvelle dimension, emmène les spectateurs dans l’envers du décor, recycle brosse à chiottes et robot mixeur
en armes désopilantes, abat-jour en couronne de pacotille. Bref, fait preuve d’une hauteur de vue pour mieux
révéler nos bas instincts.
Ce fameux metteur en scène anglais, régulièrement programmé en France, notamment aux Gémeaux qui
coproduit ce spectacle, travaille avec des comédiens français pour la seconde fois. Ces derniers sont d’ailleurs
remarquables de bout en bout, d’une précision extrême et d’un engagement total. L’exceptionnel travail physique
est doublé d’une interprétation du texte au cordeau.
Ce théâtre vivant, débordant d’énergie, est revigorant en diable. Indéniablement, cet Ubu roi à la sauce Donnellan
est à dévorer sans modération.
Léna Martinelli
Les Trois Coups
www.lestroiscoups.com
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