Dossier mt pédiatrie 2013 ; 16 (2) : 90-6 Prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Management of sleep disorders in children with neurodevelopmental disability Hélène De Leersnyder Hôpital Necker, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris, France <[email protected]> Résumé. Les troubles du sommeil surviennent chez plus de 75 % des enfants porteurs d’un handicap neuro-développemental. Ils retentissent sur le comportement diurne des enfants et perturbent durablement le sommeil des parents. La clinique du trouble du sommeil éliminera une cause organique (reflux gastro-œsophagien, épilepsie, etc.). Les troubles du sommeil à proprement parler se traduisent par un trouble du rythme circadien, des difficultés d’endormissement et/ou des réveils nocturnes. La prise en charge doit avant tout prendre en compte le contexte environnemental afin d’améliorer les habitudes et l’hygiène du sommeil et de renforcer les donneurs de temps (alternance lumière obscurité, alimentation, horaires du coucher et du lever, rythmes sociaux). La sévérité des troubles et leur retentissement sur le sommeil de toute la famille justifient souvent d’associer un traitement médicamenteux aux mesures comportementales. La mélatonine a transformé l’approche thérapeutique des troubles du sommeil de l’enfant handicapé. Elle peut être proposée sous forme de mélatonine à libération immédiate ou à libération prolongée. Elle a peu d’effets secondaires. Les autres traitements à visée sédative ont un effet plus transitoire et entraînent souvent une accoutumance. Mots clés : trouble du sommeil, handicap, rythme circadien, mélatonine Abstract. Sleep disorders occur in over 75% of children with neurodevelopmental disability. Such disturbances interfere with the child’s behaviour during the day and may disturb parents’ sleep for long periods. An organic cause (gastro-oesophagal reflux disease, epilepsy, etc) may be eliminated in specialised centres for sleep disorders. Sleep disorders per se result in circadian sleep disorder, difficulty in falling asleep, and/or waking up during the night. In order to improve habits and lifestyle associated with sleep, treatment should first take into account environmental factors (light-dark cycle, diet, bedtime and waking time, and social patterns). The severity of disorders and their impact on the whole family’s sleep often justifies a combined treatment approach using medication and behavioural measures. The use of melatonin has transformed the therapeutic treatment of sleep disorders in children with disabilities. Melatonin may be administered as fast or slow release and exhibits few side effects. Other sedative treatments have a more transient effect and often result in addiction. Key words: sleep disorders, disability, circadian rythm, melatonin L Tirés à part : H. De Leersnyder 90 Toutes les études sur le sommeil de l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental confirment la sévérité des troubles du sommeil [1, 2]. Les études chez des enfants ayant un trouble autistique montrent que 86 % d’entre eux ont des troubles du sommeil quotidiens avec un retentissement familial majeur [3]. Une étude récente réalisée par le réseau Lucioles [4], association ayant pour objectif d’améliorer l’accompagnement des personnes avec un handicap, a retenu 334 Pour citer cet article : De Leersnyder H. Prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental. mt pédiatrie 2013 ; 16(2) : 90-6 doi:10.1684/mtp.2013.0480 doi:10.1684/mtp.2013.0480 mtp es troubles du sommeil sont très fréquents chez l’enfant handicapé. Ils entraînent agitation et angoisse, retentissent sur le comportement diurne et gênent les apprentissages, ils perturbent durablement le sommeil des parents et peuvent rapidement mettre en jeu l’équilibre familial. Avant tout traitement, un interrogatoire précisera la nature et l’intensité des troubles ; il est utile d’avoir en tête un arbre décisionnel et de s’aider d’un agenda de sommeil afin d’adapter la prise en charge. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. questionnaires étudiant les répercussions des troubles du sommeil chez les patients. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des parents signalent des troubles du sommeil chez leur enfant, 44 % les considèrent comme importants, 53 % des enfants ont des troubles quotidiens. Soixante-quatorze pour cent des parents et 30 % des fratries se plaignent de répercussions importantes sur leur vie quotidienne. Les pathologies des enfants sont très variées mais les enfants ont, face au sommeil, plusieurs caractéristiques en commun : ils ont un parcours médical parfois éprouvant avec des consultations et des hospitalisations répétées, ils ont des difficultés à repérer et à accepter les contraintes sociétales indispensables pour organiser les donneurs de temps qui régulent le sommeil ; ils ont du mal à s’exprimer, parfois ne parlent pas et peuvent être soumis à des angoisses très archaïques dont on imagine qu’elles empêchent l’endormissement et les réveillent la nuit ; ils sont dépendants des adultes et les relations pèremère-enfant sont souvent fusionnelles, d’où la difficulté de s’endormir, le sommeil étant obligatoirement un moment de solitude. Les troubles du sommeil peuvent enfin être un des éléments diagnostiques dans certaines pathologies (syndrome de Smith Magenis, syndrome d’Angelman, autisme), et ils persistent après l’âge de 5 ans. La prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant handicapé est un problème de santé publique. Aspects cliniques du trouble du sommeil chez l’enfant handicapé La prise en charge clinique du trouble du sommeil chez l’enfant handicapé comprend plusieurs étapes qu’il est indispensable de connaître pour adapter la thérapeutique (arbre décisionnel : figure 1). Les causes organiques Il faut toujours, dans un premier temps, éliminer une cause organique comme par exemple les manifestations douloureuses, qui sont très souvent sousestimées. Il faut rechercher systématiquement un reflux Troubles du sommeil de l’enfant avec maladie neuro-développementale Contexte environnemental Symptomatologie Trouble circadien Cause médicale Trouble de l’endormissement RGO Cause ORL Apnées Douleurs Trouble de séparation Consultation ORL, gastro Polysomnographie Traitement médical Réveils nocturnes 1re partie nuit 2e partie nuit Terreurs nocturnes Parasomnies Organisation familiale Dépression maternelle Hospitalisations, deuils Relation fusionnelle Mise en place des rythmes Cauchemars Angoisses Examen clinique anormal Examen neuro anormal Crises convulsives Syndrome autistique Trouble neurologique Consultation dédiée au sommeil, longue, écouter, reprendre l’histoire ± Consultation psychologique EEG vidéo de 24 h Consultation neuro-psychologique Figure 1. Arbre décisionnel du trouble du sommeil de l’enfant avec une maladie neuro-développementale. mt pédiatrie, vol. 16, n◦ 2, avril-mai-juin 2013 91 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental 92 gastro-œsophagien s’accompagnant d’œsophagite [5], des douleurs posturales (enfant inconfortable du fait de sa position ou d’un lit inadapté à son âge), des douleurs dentaires, des céphalées. Il peut exister des causes respiratoires ou oto-rhino-laryngologiques : rhinite, asthme ou apnées du sommeil, difficiles à diagnostiquer, mais évoquées systématiquement dans la trisomie 21 [6], le syndrome de Prader Willi ou dans certaines maladies neuro-musculaires avec hypotonie et dans tous les cas où il existe des anomalies maxillo-faciales. Les manifestations épileptiques, très fréquentes dans ces pathologies, se traduisent par une symptomatologie inhabituelle dans le sommeil, mouvements anormaux, bruits de gorge, cris, agitation sans réveil ; un EEG doit être fait au moindre doute. Chaque pathologie peut avoir en propre des manifestations diurnes et nocturnes, que les parents ont appris à reconnaître. Les parasomnies Les terreurs nocturnes en première partie de nuit, le bruxisme, les rythmies sont fréquentes chez l’enfant handicapé. Elles seront expliquées aux parents et peuvent avoir une prise en charge spécifique : pose de gouttières mandibulaires dans le bruxisme, isolement du lit ou matelas posé par terre dans les rythmies du sommeil. Le contexte environnemental Le contexte environnemental doit être précisé soigneusement [7]. Il faut savoir comment l’enfant passe sa journée, dans quel centre (école avec une auxiliaire de vie scolaire (AVS), Cliss, institut médico-éducatif (IME), hôpital de jour), évaluer les activités supplémentaires (orthophonie, psychomotricité, etc.) qui surchargent son emploi du temps. Inversement, il faut penser à questionner sur les siestes et les moments d’inactivité : la prise en charge dans certains centres n’est pas toujours optimale et l’enfant peut avoir de longues périodes d’inactivité susceptibles d’entraîner dépression et hypersomnie diurne. Constamment se pose le problème des transports du domicile au centre où l’enfant est pris en charge, transports qui peuvent atteindre, pour certains enfants, 2 heures quotidiennes : les enfants vont dormir au cours de ces déplacements, ce qui désorganise leur sommeil nocturne. À la maison, on recherchera comment l’enfant passe la soirée, où il dort, si ce temps est organisé suivant les besoins réels de sommeil de l’enfant en fonction de son âge, de ses activités et de la saison. On précisera dans quelle chambre et dans quel lit il dort, s’il est seul ou avec un de ses frères ou sœurs, s’il mange durant la nuit et s’il est propre. En effet, des conseils simples pourront améliorer le sommeil de l’enfant : prévoir un matelas confortable, maintenir l’obscurité dans la chambre ou une veilleuse qui remplace la lumière que l’enfant pourrait allumer la nuit (modifiant ainsi la sécrétion de mélatonine), penser au confort de l’enfant avec un pyjama ou des couvertures adaptées (l’enfant avec un trouble neurologique bouge peu ou peut avoir une hypothermie nocturne), éviter les bruits (couper le son de la télévision dans la chambre, son au minimum si l’enfant joue la nuit avec des jouets sonores). Le problème de l’alimentation en fin de journée est important, un repas trop consistant peut gêner le sommeil mais à l’inverse l’enfant peut se réveiller car il a faim, ou se lever la nuit pour manger dans une compulsion alimentaire non maîtrisée. Les traitements (notamment les anti-épileptiques), la prise d’excitants, doivent être pris en compte, car ils peuvent influencer le sommeil, la posologie devra parfois être adaptée. Il est indispensable de déterminer l’économie familiale autour des troubles de l’enfant : certains parents peuvent penser que les problèmes de sommeil sont inhérents à la pathologie de l’enfant ou sont négligeables en regard des autres troubles de l’enfant (troubles du langage, agitation). Ils peuvent aussi trouver un bénéfice à ce que l’enfant se couche tôt ou dorme dans la journée. Or les besoins de sommeil dépendent de l’âge de l’enfant qu’il soit ou non handicapé. Un enfant de 11 ans ne dort pas 12 heures de suite comme un petit de 4 ans. La prise en charge du trouble du sommeil de l’enfant handicapé ne peut se faire sans prendre en compte et en charge le sommeil de ses parents. Ils ont souvent une dette de sommeil considérable, un sommeil morcelé, ils sont épuisés, ce qui entraîne une fatigue diurne bien sûr, mais aussi de l’anxiété, un sentiment de dévalorisation, et bien souvent une dépression. Les parents n’ont plus de vie sociale, ils s’isolent et les difficultés de couple qu’ils peuvent rencontrer aggravent cette symptomatologie. Or ces graves difficultés retentissent à leur tour sur le sommeil de l’enfant qui est particulièrement sensible à l’humeur de ses parents. Bien souvent, un des parents dort dans la chambre de l’enfant et n’osera pas en parler si on ne lui pose pas clairement la question, avec compréhension et empathie. Une prise en charge médicamenteuse ou en psychothérapie pourra être proposée si nécessaire. Il ne faut pas non plus oublier les conséquences du trouble du sommeil sur la fratrie et se soucier de la qualité du sommeil des frères et sœurs. Analyse du trouble du sommeil L’expression des troubles du sommeil est spécifique à chaque enfant, mais on peut classer schématiquement ceux-ci dans 3 catégories différentes : trouble du rythme circadien de l’organisation veille sommeil, trouble de l’endormissement, réveils nocturnes [8-10]. La mise en place d’un agenda de sommeil qui précise les heures exactes de coucher et de lever, la durée et l’horaire des siestes et des éveils nocturnes est souvent indispensable avant de proposer une thérapeutique (figure 2). mt pédiatrie, vol. 16, n◦ 2, avril-mai-juin 2013 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Figure 2. Agenda de sommeil : enfant porteur d’un syndrome d’Angelman, âgé de 8 ans. Noter l’irrégularité de l’heure du coucher, les réveils nocturnes répétés, les siestes dans la journée. Le trouble du rythme circadien Certains enfants sont en décalage de phase par rapport au rythme de 24 heures jour/nuit, le prototype en est le syndrome de Smith-Magenis. Le syndrome de SmithMagenis est intéressant car il permet un certain nombre de modélisations, et a conduit à un traitement qui a considérablement amélioré le sommeil de ces enfants [11]. C’est l’observation clinique d’une avance de phase de leurs heures d’endormissement et surtout de réveil qui a permis la mise en évidence d’une inversion du rythme circadien de la mélatonine, avec un pic de sécrétion à midi, alors que la mélatonine est normalement secrétée entre 20 heures et 8 heures du matin. On a pu corréler cette extrême avance de phase de la sécrétion de mélatonine avec les troubles du comportement : ces enfants sont en permanence en « jet lag » et compensent leur malaise par de l’hyperactivité. L’utilisation de bêtabloquants le matin, qui bloquent la sécrétion de mélatonine et la prescription de mélatonine le soir, a permis de restaurer la courbe normale de disponibilité de la mélatonine et d’améliorer le sommeil de ces enfants. Cette observation a conduit à utiliser plus largement la mélatonine chez l’enfant handicapé. L’utilisation de bêtabloquants n’est toutefois justifiée que dans ce syndrome pour corriger une anomalie biologique. En dehors de ce syndrome, l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental est souvent en avance de phase : il se couche trop tôt et donc se réveille trop tôt. Au contraire, l’enfant ayant un trouble envahissant du développement est plutôt en retard de phase : les endormissements et les réveils sont très tardifs. L’agenda de sommeil met très clairement en évidence ces décalages de phase. En visualisant le trouble, les parents seront plus à même de réfléchir à des aménagements pour le corriger. Plus généralement, l’organisation circadienne du rythme veille sommeil doit tenir compte des besoins de l’enfant en fonction de son âge réel, de ses activités diurnes, des siestes dans la journée, voire de facteurs de somnolence diurne excessive comme un syndrome narcoleptique ou une dépression qui est en général méconnue ou sous-évaluée. Les troubles de l’endormissement Ils renvoient souvent à un trouble de la séparation. À côté des difficultés de l’enfant pour se séparer de ses parents au moment du coucher, il faut aussi prendre en compte les angoisses liées aux changements (dans les centres, dans la vie familiale, etc.). Il peut persister chez eux une crainte des hospitalisations répétées. Il faudra mt pédiatrie, vol. 16, n◦ 2, avril-mai-juin 2013 93 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental 94 donc toujours leur parler et leur expliquer toutes les situations nouvelles qu’ils rencontrent, sans jamais minimiser l’impact sur leur anxiété et donc leur sommeil. D’autre part, ces enfants sont très dépendants des adultes, peu autonomes et ont donc des difficultés pour se séparer. Ce lien fusionnel peut être réciproque, les parents fatigués prolongent aussi le moment du coucher. Il est parfois nécessaire d’aborder l’angoisse de mort qui peut survenir au moment du coucher, surtout si l’enfant a une maladie grave, s’il a souvent été hospitalisé, si le pronostic vital est en jeu. La nuit est source d’angoisse tant pour les parents que pour les enfants ayant une pathologie neurologique, surtout s’ils font des crises d’épilepsie nocturne. Aider les parents à poser des mots, même graves, soulage toujours le symptôme et la culpabilité inhérents à ces pensées dérangeantes. Dès le plus jeune âge, on doit déterminer l’heure idéale du coucher et du lever en fonction des besoins en sommeil de l’enfant, éviter le contact physique qui peut induire une habitude (et rendre plus difficile les réendormissements après les éveils nocturnes) et des altérations dans la relation avec l’enfant, mais plutôt aménager la chambre et instaurer avec lui un rituel bref du coucher, éviter de le bercer, apprécier le temps passé au lit par rapport aux besoins de sommeil. L’enfant a d’autant plus besoin de donneurs de temps réguliers (repas, alternance lumière obscurité, heure du lever, activités sociales) que lui-même ne sait pas les gérer seul. Les réveils nocturnes Ils dépendent souvent de l’endormissement : si l’enfant s’endort très difficilement avec des rituels interminables, un besoin de contact physique prolongé et en manifestant une angoisse importante, au cours de la nuit, lors des périodes de réveil entre deux cycles de sommeil, il recherchera à nouveau les mêmes conditions pour se rendormir et se rendormira avec la même difficulté qu’il avait eue initialement. Les cycles se répètent toutes les 60 à 90 minutes, les réveils peuvent donc se répéter aussi fréquemment. Il faudra alors améliorer les conditions de l’endormissement pour diminuer les réveils nocturnes et aider l’enfant à s’auto-apaiser. Si les réveils nocturnes sont isolés, il faut faire la part des cauchemars et des terreurs nocturnes (terreurs nocturnes en début de nuit, cauchemars en fin de nuit) et prendre en compte la difficulté des parents à se rendormir, le déroulement de leurs propres cycles de sommeil ayant été interrompu de façon inopportune (en sommeil lent profond par exemple, rendant impossible le réendormissement avant d’avoir rattrapé le « train du sommeil »). Toutefois, l’enfant peut avoir des angoisses très archaïques pendant la nuit et il est utile de préciser avec les parents le comportement de l’enfant : paraît-il très angoissé ou se réveille-t-il calmement en reprenant des activités certes parfois bruyantes mais sans agitation particulière ? A-t-il des conduites inappropriées (cris, compulsions alimentaires, jeux d’eau, manipulation des selles. . .) justifiant la présence d’un adulte à son côté ? Il n’y a pas de réponse simple : soit on intervient très rapidement et brièvement pour permettre à l’enfant de se rendormir en enchaînant les cycles de sommeil, soit on crée les conditions pour que l’enfant puisse se rendormir seul, sans intervention de ses parents (aménagement de la chambre, veilleuse, jeux silencieux). On gardera aussi à l’esprit que parfois, l’enfant passe trop de temps dans son lit par rapport aux besoins de sommeil rapportés à son âge réel et qu’il peut sauter un cycle de sommeil en pleine nuit. Traitement des troubles du sommeil Le traitement médicamenteux ne peut s’envisager qu’après une consultation dédiée aux troubles du sommeil, afin de déterminer de quel type de trouble il s’agit et d’évaluer son retentissement sur la vie familiale. Dans un premier temps un agenda de sommeil apportera des renseignements précis sur le sommeil de l’enfant. Un entretien avec les parents permettra de réfléchir ensemble à l’organisation des jours et des nuits, de la chambre, des circonstances du coucher et de donner conseils, souvent simples. Les techniques de relaxation, d’apaisement, l’instauration d’un rituel bref aideront à apaiser l’importante charge d’anxiété qui entoure le sommeil. Il faut rappeler aux parents l’importance des mots échangés qui donnent un sens à la journée écoulée, à la pathologie de l’enfant, aux changements familiaux ou des rythmes de vie. L’intonation, le rythme des phrases, informent parfaitement l’enfant sur le ressenti parental et c’est là que la fermeté, qui n’est jamais une privation d’amour, trouve toute sa place. Il s’agit en effet que l’enfant intègre les règles sociétales du respect de l’autre (ses parents, sa fratrie) qu’il soit handicapé ou non. Les parents ont souvent essayé des traitements simples, homéopathie, phytothérapie, ostéopathie, qui peuvent aider quelques jours ou en cas de difficultés transitoires mais sont peu efficaces en cas de troubles sévères. Or un traitement doit être proposé pour améliorer le sommeil de l’enfant handicapé. En effet, le trouble du sommeil des enfants et des parents entraîne une réelle souffrance familiale et qui refuserait de soulager la douleur, l’anxiété, l’épuisement de l’enfant et de sa famille ? Parmi les traitements médicamenteux, la niaprazine (Nopron® ), l’alimémazine (Théralène® ), sont moins utilisés du fait du risque d’effets secondaires et d’accoutumance, en outre, les troubles du sommeil échappent assez rapidement au traitement. Les antihistaminiques et en particulier l’hydroxizyne (Atarax® ) sont souvent très utiles pour apaiser l’enfant et mt pédiatrie, vol. 16, n◦ 2, avril-mai-juin 2013 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. aider son endormissement, surtout chez l’enfant jeune ou lorsque le trouble du sommeil vient de s’installer. C’est le premier traitement qui peut être proposé, mais souvent après quelques jours ou semaines, les troubles du sommeil réapparaissent. Les neuroleptiques (Nozinan® , Dipiperon® , ® Risperdal , etc.) facilitent le sommeil, ont une durée d’action prolongée, mais ils ne sont prescrits que si l’enfant présente également des troubles du comportement, ils agissent donc surtout sur l’activité diurne. Ils peuvent avoir des effets secondaires et leur action sur le sommeil est souvent transitoire. Les anxiolytiques et les antidépresseurs n’ont pas d’AMM chez l’enfant et seront prescrits, au cas par cas, par les pédopsychiatres qui ont l’habitude de ces traitements. Ils sont parfois indispensables pour les réveils nocturnes très angoissés. Traitement par la mélatonine chez l’enfant porteur de handicap La mélatonine est une hormone sécrétée par la glande pinéale sous le contrôle de l’horloge interne située dans les noyaux supra-chiasmatiques de l’hypothalamus [12]. L’alternance lumière-obscurité régule ce système, la sécrétion de mélatonine étant inhibée par la lumière. Actuellement, il n’est pas possible de doser la mélatonine en pratique courante, mais on sait que les taux de sécrétion physiologiques de mélatonine sont variables selon les individus : il existe des petits et des gros sécréteurs de mélatonine, ce qui peut expliquer qu’un apport exogène soit plus ou moins efficace selon les personnes. Les potentialités thérapeutiques de la mélatonine sont réelles. De nombreuses études montrent son efficacité dans les troubles du sommeil de l’enfant porteur de handicap [13-16]. Deux types de traitement peuvent être proposés : la mélatonine simple et la mélatonine à libération prolongée (Circadin® ). Le choix du traitement repose sur l’analyse clinique des troubles du sommeil comme nous l’avons vu précédemment. La mélatonine à libération immédiate C’est une substance naturelle, très facile à synthétiser. La mélatonine se présente sous forme d’une préparation magistrale, c’est-à-dire qu’elle est uniquement délivrée sur ordonnance. En France, on peut maintenant se la procurer dans toutes les pharmacies. Elle est conditionnée sous forme de gélules. C’est le médecin prescripteur qui décide de la dose. Pour le pharmacien qui la délivre, elle est inscrite sur la liste II, qui est une liste des médicaments délivrés sur prescription médicale qui justifient d’une surveillance. La prescription de mélatonine à libération immédiate est indiquée en cas de trouble de l’endormissement. La dose est de 0,5 à 4 mg en fonction de l’âge et du poids du sujet, sachant qu’il vaut mieux commencer par de faibles doses et rester en contact avec la famille pour ajuster si besoin la posologie après une quinzaine de jours, ce qui permet de maintenir un contrat thérapeutique et d’apporter un soutien psychologique aux familles. Des études actuellement en cours semblent montrer que de faibles doses sont aussi efficaces, sinon plus que des doses fortes, du fait de leur action de régulateur circadien [17]. A faibles dose, la mélatonine a un effet sédatif, elle diminue la latence d’endormissement, tandis qu’à fortes doses, la mélatonine a un effet hypnotique plus inconstant et modifie, au bout de quelques jours, l’architecture du sommeil. La mélatonine étant une préparation magistrale, vendue sur ordonnance, il faut mentionner sur l’ordonnance : « prescription à but thérapeutique, en l’absence de spécialité équivalente disponible ». En fonction des caisses de sécurité sociale et des mutuelles, le médicament peut alors être remboursé. Si l’enfant ne peut pas avaler les gélules, cellesci peuvent être ouvertes et le médicament donné dans une cuillère de compote ou de yaourt. La mélatonine est donnée 20 à 30 minutes avant l’heure souhaitée du coucher, en dehors du repas. Le traitement doit s’accompagner de conseils pour une réorganisation du sommeil, afin d’aider au rétablissement d’un rythme nycthéméral satisfaisant en renforçant également les autres donneurs de temps. L’achat sur Internet est déconseillé car l’origine du produit n’est pas spécifié, le dosage n’est jamais certain, le conditionnement n’est pas précisé. Le traitement peut être proposé initialement pour 3 mois pour son action régulatrice des rythmes circadiens. Il peut être poursuivi longtemps si les troubles du sommeil reprennent à l’arrêt du traitement. La mélatonine à libération prolongée En cas de réveil nocturne sans trouble de l’endormissement, la mélatonine à libération prolongée (Circadin® ) peut être proposée [18, 19]. On peut noter que la HAS ne reconnaît que Circadin® comme mélatonine utilisable pour traiter l’insomnie. Devant l’importance des troubles du sommeil chez l’enfant handicapé, les très nombreuses publications internationales sur le sujet, l’absence d’effet secondaire de la mélatonine, la Haute Autorité de santé, l’Afssaps et le ministère de la Santé ont autorisé cette prescription dans certaines maladies génétiques dont la liste est encore très restrictive ; syndrome de Smith Magenis, syndrome d’Angelman, syndrome de Rett, maladie de Bourneville. Un décret, paru au journal officiel, autorise cette prescription, permet le remboursement et la vente en pharmacie d’officine. C’est une réelle avancée dans la reconnaissance de ces pathologies du sommeil dans le handicap qui sont un problème de santé publique tant pour les enfants mt pédiatrie, vol. 16, n◦ 2, avril-mai-juin 2013 95 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Prise en charge des troubles du sommeil de l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental concernés que pour leurs familles épuisées. Le traitement est proposé à la dose de 2 à 6 mg (1 à 3 comprimés). L’effet retard dépend du conditionnement du produit, les comprimés ne peuvent donc être ni coupés, ni écrasés, ni dilués. Le traitement peut être poursuivi plusieurs mois. 4. Rouzade C, des Portes V, Lacau JM, Franco P. Troubles du sommeil et handicap. Réseau lucioles 2012 www. réseau – lucioles.org. Effets secondaires du traitement par la mélatonine Une revue de la littérature [20], reprenant 12 études d’essais thérapeutiques avec la mélatonine pour des troubles du sommeil secondaires dans le cadre de pathologies neurologiques, regroupant 439 patients, a relevé très peu d’effets secondaires. Céphalées, fatigue, nausées, prurit ont été rapportés. Chez certains enfants avec un trouble neuro-développemental, et notamment s’il existe une anomalie du rythme circadien, le traitement a été poursuivi plusieurs années sans effet délétère. Si l’on ne peut nier une certaine accoutumance, lorsque le traitement est poursuivi chez l’enfant porteur d’un handicap neuro-développemental, la posologie reste stable au cours des années. 6. Senthilvel E, Krishna J. Body position and obstructive sleep apnea in children with Down syndrome. J Clin Sleep Med 2011 ; 7 : 158-62. 7. Jan JE, Owens JA, Weiss MD, et al. Sleep hygiene for children with neurodevelopmental disabilities. 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Leur prise en charge demande une analyse soigneuse de la symptomatologie afin, d’une part, d’envisager des mesures environnementales adaptées, d’autre part, d’ajuster le traitement en fonction des symptômes. La mélatonine, qui a peu d’effets secondaires, peut être utilisée pour resynchroniser l’horloge biologique des patients. Références 13. Jan JE, Wasdell MB. Melatonin-an orphan drug. Dev Med Child Neurol 2008 ; 50 : 558. 14. Gitto EA, Aversa S, Reiter RJ, Barberi I, Pellegrino S. Update on the use of melatonin in pediatrics. J Pineal Res 2011 ; 50 : 21-8. 15. Gringras P, Gamble C, Jones AP, et al. Melatonin for sleep problems in children with neurodevelopmental disorders : randomised double masked placebo controlled trial. BMJ 2012 ; 5 : 345. 16. Guénolé F, Godbout R, Nicolas A, Franco P, Claustrat B, Baleyte JM. Melatonin for disordered sleep in individuals with autism spectrum disorders : systematic review and discussion. Sleep Med Rev 2011 ; 15 : 379-87. 17. 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