Conduite à tenir devant un nodule thyroïdien La fin du nodule froid

LE CONCOURS-» FORMATIO
N
I ENDOI
ENDOCRINOLOGIE
Conduite
à
tenir
devant
un
nodule thyroïdien
La fin du nodule froid
Le risque carcinologique ne concerne
que les nodules supracentimétriques, découverts
à la palpation ou à l'échographie. La décision
d'explorer
plus avant, du ressort
du
médecin traitant,
dépend donc de la taille du nodule.
Georges WERYHA*, Lobna
TRABELSI*,
Jérôme
CHATELIN*,
Marc
KLEIN*,
Jean-Marc
BOIFIN**
*
Serv.
endocrinol,
CHU de Nancy
**
Département universitaire
méd
générale.
Faculté
de
médecine
de Nancy
L
es arbres décisionnels sur la prise en charge des
nodules thyroïdiens fleurissent dans la littérature
médicale. Malheureusement, ils envisagent tou-
jours les cas
d'école
pris en charge par les spécialistes
médicaux de la question. Le médecin généraliste est
pris en étau entre les conclusions lapidaires des exa-
mens complémentaires et
des
avis spécialisés, la médi-
calisation anarchique des connaissances des patients
nourris par
les
moteurs
de
recherche sur
l'Internet,
l'at-
mosphère malsaine de suspicion médico-légale liée à
la mauvaise gestion médiatique
de
l'accident
de
Tcher-
nobyl.
Les difficultés du médecin généraliste sont résumées
par quelques situations répétées au fil des lettres
et des
enseignements post-universitaires
:
«
le
médecin-conseil
mïnterdit défaire
des
scintigraphies
thyroïdiennes,
le
chirurgien
me
les
réclame
» ;
le radiologue décrit trois
nodules de 6,7 et
8
mm de grands axes
;
le cardiologue,
le
gastro-entérologue ou
le
gynécologue,
a
balayé
la thy-
roïde avec son échographe, il a découvert un nodule
de
2 cm de diamètre et a évoqué le risque de cancer
de
la
thyroïde
;
la patiente est affolée par une voussure cer-
vicale douloureuse qu'elle vient de découvrir
;
la cyto-
ponction d'un nodule centimétrique est proposée sys-
tématiquement
tous
les six mois.
Le caractère caricatural de ces situations arrachées au
quotidien reflète la distorsion de
l'évolution
de la cli-
nique, de l'épidémiologie, et de
l'imagerie
au cours des
20 dernières années. Le cancer différencié de la thy-
roïde reste une tumeur rare de
l'adulte
chez qui elle
représente
1 %
des cancers (incidence annuelle pour
100 000
habitants
:
1,7/105
chez
l'homme
;
5,9/10$
chez
la femme).
LE
PARADOXE HISTORIQUE
Jusqu'à
l'avènement
de
l'échographie
au cours des
années 1970, le diagnostic de nodule thyroïdien était
fait par la palpation cervicale. Ces nodules étaient
volumineux avec un diamètre égal ou supérieur à
3 cm. Le seul examen morphologique disponible était
la scintigraphie au technétium
99m. Le
nodule,
par
son
volume, ampute le parenchyme sain et crée le défaut
Tome 128-13
578 05-04-2006
L
E
CONCOURS-» FORMATION
ENDOCRINOLOGIE Nodule thyroïdien
de fixation du traceur radioactif qui caractérise le
nodule froid. Un volume élevé est associé à une plus
forte probabilité de cancer thyroïdien différencié. Le
concept de nodule froid est resté vivace mais, utilisé
pour
les
nodules centimétriqués, il
s'est
vidé de sa sub-
stance.
Au
commencement,
l'échographie
ne permettait
que
de
différencier les kystes des nodules pleins. L'évolution
rapide
de
la qualité
des
échographes
a
permis
de
décrire
des lésions nodulaires de plus en plus petites. Les
lésions de quelques millimètres n'ont aucune traduc-
tion clinique ou scintigraphique. Leur valeur pronos-
tique carcinologique est pratiquement
nulle.
En pra-
tique clinique, les nodules infracentimétriques ne
donnent pas lieu à une exploration spécifique et sont
limités à une surveillance périodique clinique et/ou
échographique.
Enfin,
les
tentatives de caractérisation
de
la nature his-
tologique des lésions thyroïdiennes par
l'échodoppler
et le
mode de
«
puissance
»
restent peu convaincantes.
Certaines publications font état de résultats brillants
mais totalement opérateur-dépendants.
Au
total,
V équation
«
nodule froid = risque
élevé
de
cancer thyroïdien » ne reste valable que pour les
nodules
de 3
cm de diamètre et plus, alors quelle
est
inapplicable
aux
lésions inférieures
ou
égales
à
1
cm
de diamètre.
L'évolution des pratiques cliniques dans
l'exploration
des nodules thyroïdiens a été étudiée par Leenhardt et
al.
entre
1980 et
2000 :
l'utilisation
de
l'échographie
est
passée de
3
à 84,8
°/o,
la cytoponction, de 4,5 à
22 3
%,
tandis que la scintigraphie a diminué de 89,4 à
49,6 %.
En outre, le nombre de patients opérés est resté
constant (24 %) alors que le nombre de cancers dia-
gnostiqués a augmenté, passant de 12,5 à
37 %.
Cette
augmentation est due à une amélioration des procé-
dures diagnostiques et non à une augmentation
majeure de
l'incidence
du cancer différencié
de
la thy-
roïde (Leenhardt, 2004).
LA DUALITÉ DU NODULE THYROÏDIEN
Le
nodule thyroïdien plein est une lésion élémentaire
grossièrement sphérique de nature tissulaire. Le plus
souvent,
il
s'agit
d'une
lésion dystrophique.
Sa
taille est
comprise entre quelques millimètres et plusieurs cen-
timètres de diamètre. La juxtaposition de nombreux
nodules est responsable
d'une
dystrophie du corps thy-
roïde appelée goitre hétéro-multinodulaire (GHMN).
Celui-ci
a
habituellement une cause auto-immune. La
dystrophie
s'accompagne
de
l'apparition
de plages
kystiques ou nécrotiques et de macrocalcifications. Le
risque
de
dégénérescence néoplasique
est
extrêmement
faible.
Plus rarement, le nodule thyroïdien est un adénome
bénin. Cette lésion est prénéoplasique
;
elle est associée
à la
présence
d'un cancer thyroïdien différencié
dans
4 %
des cas en
moyenne.
Négligeable pour
les
nodules infra-
centimétriques, la proportion augmente avec le dia-
mètre du nodule.
Le nodule thyroïdien isolé peut être associé au cancer
thyroïdien différencié ou, plus rarement, au cancer
médullaire.
Le
cancer médul-
laire est une tumeur endo-
crine qui sécrète de la calcito-
nine.
Il
entre dans le cadre des
néoplasies endocrines mul-
tiples de type IL Les experts
français proposent le dosage
systématique
de
la calcitonine
devant un nodule thyroïdien
isolé de taille suffisante. Le
cancer différencié de la thy-
roïde, papillaire ou vésicu-
laire,
est caractérisé par une
évolution lente et de bon pro-
nostic. Le traitement d'un
nodule thyroïdien isolé n'est
donc jamais une urgence médicale. Le vrai risque est
représenté par la multiplication des thyroïdectomies
injustifiées.
Au
total,
l'ablation
d'un nodule thyroïdien
isolé
n'est pas
une urgence chirurgicale.
QUELLES EXPLORATIONS POUR ÉLIMINER
UN CANCER?
Analyse des marqueurs du risque
La découverte d'un nodule thyroïdien isolé ne soulève
qu'une seule question chez
le
patient et chez son méde-
cin
: «
S'agit-il
d'une
lésion cancéreuse
? ».
Toutes les
études épidémiologiques
s'accordent
pour évaluer ce
risque autour
de 4 %
des nodules thyroïdiens
isolés.
Les
solutions thérapeutiques
se
limitent
à
l'exérèse
chirur-
gicale ou à la surveillance. Les facteurs du risque car-
cinologique forment un ensemble de marqueurs
à
très
forte prédictivité négative. Cette prédictivité négative
définit
la
sous-population de patients dont
le
risque car-
cinologique est très faible. Le groupe de patients res-
tants,
limité en nombre, peut se voir proposer le geste
chirurgical
avec
une meilleure rentabilité diagnostique.
Les
marqueurs du risque sont résumés dans le
tableau.
Ils sont regroupés en trois catégories
:
les paramètres
morphologiques où dominent la taille et l'évolutivité,
les caractères échographiques et la cytoponction. Il
n'existe
pas
de score
de
risque validé
actuellement L'in-
dication
de
surveillance simple dépend
de
l'impression
globalement favorable. L'indication opératoire sera faite
Tome
12813
579 05-04-2006
LE CONCOURS-» FORMATION
ENDOCRINOLOGIE Nodule thyroïdien
TABLEAU
LES MARQUEURS
DU
RISQUE NÉOPLASIQUE ASSOCIÉ
Marqueurs du risque carcinologique
Antécédent d'irradiation cervicale pendant
l'enfance
.. Patient
de
sexe masculin (surtout après;7O.ans)
Présence d'adénopathies cervicales
Nodule
> 3 cm .
..•'...
Taille évolutive
v ÇalcjtQnïne pj^matique,é|eyée
Échodoppler
:
nodule tissulaire, hypoéchogène, hypervascularisé
^Cytpponctipiïdouteuse
...
Cancérophobie
du
patient
Schéma Conduite à tenir devant un nodule
thyroïdien isolé
/.
'•'•
Nodule thyroïdien isolé
\
-•
'
".
(clinique
ou
échographie)
•-'*''
- < 1 cm ""'_ ..,' * > 1 cm
Taille
Surveillancebasse
-rCU
normale
ou
élevée
I" Ton i
T4
Scintigraphie
Bilan
d'hyperthyroïdie
faibles Facteurs élevés
de risque
maligne
ou
chirurgie
négative
_ x .
douteuse
- Cytoponction
-
Surveillance
'"
Chirurgie
devant l'existence
d'un
facteur
de
risque nettement
altéré
ou de la
combinaison
de
plusieurs facteurs
de
risque simplement suspects.
L'échographie et l'échodoppler de
la
thyroïde
Léchographie
de
la glande thyroïde
:
elle permet de
connaître
la
taille,
la
morphologie
et la
structure
des
deux lobes thyroïdiens. L'opérateur décrit les nodules
présents dans le parenchyme thyroïdien et
les
caracté-
rise
par
leurs dimensions, leur échogénicité,
la
pré-
sence de plages liquidiennes
et
de calcifications. L'ex-
ploration d'un goitre hétéro-multinodulaire nécessite
une cartographie des nodules décrits pour en permettre
une comparaison ultérieure. L'échographie recherche
systématiquement la présence d'adénopathies sur les
axes jugulo-carotidiens.
L échodoppler étudie
la
vascularisation des nodules.
Sa valeur pronostique est
à
l'étude.
La cytoponction à l'aiguille fine
La cytoponction
est un
examen simple qui porte sur
une goutte
de
sérosité obtenue
en
«
râpant
»
la
partie
charnue du nodule avec une aiguille 27
G
non montée.
La goutte de liquide est étalée sur une lame de verre et
desséchée à
l'air
libre.
La coloration est réalisée au labo-
ratoire de cytologie.
Le repérage du nodule se fait par la palpation ou à
l'aide
du repérage échographique. La cytoponction échoguidée
est intéressante pour identifier les nodules difficilement
palpables (nodules enchâssés dans le parenchyme, pos-
térieurs ou plongeants). En revanche, en cas de nodules
aisément palpables,
le
repérage échographique est inutile.
La manœuvre peut être répétée sur
2
ou
3
nodules pré-
dominants. Au-delà, la tolérance clinique est mauvaise,
et la pertinence des ponctions répétées est douteuse.
L interprétation
de la
cytoponction doit être confiée
à un cytopathologiste entraîné. Les caractéristiques
d'une
cytoponction interprétable et les critères
d'inter-
prétation ont été définis par l'Anaes. Ce sont
:
l'aspect
macroscopique ;
la
qualité
et la
richesse des prépara-
tions
;
la composition du fond des étalements (présence
de colloïde, de cellules inflammatoires mono- ou poly-
nucléées, de macrophages)
;
la texture et l'architecture
des placards cellulaires (vésicules entières, petites
ou
grandes, placards cellulaires lâches
ou
compacts,
à
contours flous ou anguleux)
;
l'aspect individuel des élé-
ments cellulaires,
à
savoir la régularité de taille, forme,
disposition,
la
texture
et
l'affinité tinctoriale des cyto-
plasmes, des noyaux et de leurs composants (chroma-
tine,
nucléoles), la présence de grains cytoplasmiques,
d'inclusions ou de fissures nucléaires
;
une conclusion
claire et synthétique portant sur la validité de l'examen
et le caractère bénin, malni
ou
suspect du nodule.
En pratique, t interprétation
de la
cytoponction thy-
roïdienne permet d'aboutir
à
quatre conclusions
types
:
cytoponction bénigne jugée sur un nombre suffi-
sant d'amas de thyréocytes ; cytoponction maligne ou
à
forte suspicion de malignité, devant des caractéristiques
cytologiques de cancer thyroïdien papillaire
ou,
plus rare-
ment, devant une nappe de cellules en
«
grains d'avoine
»
caractéristique du cancer anaplasique
;
cytoponction dou-
teuse devant
des
caractères cytologiques atypiques
;
cyto-
ponction ininterprétable devant
des
amas
de
thyréocytes
insuffisants ou un étalement hémorragique.
À l'heure du choix
La conduite
à
tenir pratique est résumée dans
le
tableau
et dans
le
schéma.
L'étape initiale de
la
prise en charge
Tome 128-13
580 05-04-2006
LE CONCOURS^ FORMATION
ENDOCRINOLOGIE Nodule thyroïdien
commence au moment
de
la découverte d'un nodule thy-
roïdien. La décision de déclencher
les
explorations com-
plémentaires est
le
plus souvent dévolue au médecin trai-
tant La clinique,
l'échographie
cervicale et le dosage de
la TSH permettent de proposer
:
d'explorer
une hyper-
thyroïdie lorsque la TSH est basse
;
de limiter la prise en
charge à une surveillance épisodique pour des nodules
infracentimétriques
;
de ponctionner un nodule kystique
isolé
;
de demander un avis spécialisé avec la réalisation
d'une
cytoponction ou d'un geste chirurgical devant un
nodule présentant
des
facteurs de risque carcinologique.
Les choix diagnostiques et thérapeutiques doivent être
guidés par un schéma simple dans lequel a disparu la
notion de nodule froid ainsi que celle de chirurgie sys-
tématique.
411624
AUTEURS
G.
WERYHA*,
L.
TRABELSF,
L
CHATELIN*,
M.
KLEIN",
J.M.
BOJVIN**
*Serv.
endocrinol,
CHU de Nancy,
**Département
universitaire
méd. gén.
Faculté
de
médecine
de Nancy
RÉFÉRENCES
/.
Rtférentiels
ONCOLOR,
CAT devant un nodule
thyroïdien.
http://www.
oncolor.
org/referentiels/endocrino/nod_thyr_bilan. htm
2.
ANAES.
Recommandations pour la pratique
:
la
prise
en
charge
diagnostique
du nodule
thyroïdien,
http://www.has-
santeJr/anaes/Publications. n$f/wEdition/SY_ASSI-5 7JEBR
3.
GuevaraN,
CastilloL,
SantiniJ.
Diagnostic
d'un nodule
thyroïdien.
Ann
Otolaryngol Chir
Ceruicofac 2004,121:350-9.
4.
LeenhardtL,
BernierMO,
Boin-Pineau
MH, et
al Advances
in
diagnostic practices affect
thyroid
cancer incidence
in
France.
EurJ
Endocrinol
2004,150:133-9.
La prévalence élevée des nodules thyroïdiens
augmente avec
l'âge
moyen de la population et
avec l'amélioration
des
techniques d'imagerie.
Les dépenses de santé liées à la prise en charge
des lésions nodulaires de plus en plus petites
créent un vrai problème de santé publique.
La
décision
thérapeutique repose sur plusieurs
caractéristiques cliniques : un diamètre supé-
rieur ou égal à 1 cm ; une augmentation de
volume progressive ;
une
cytoponction
suspecte
;
l'existence d'autres facteurs
de
risque associés.
La scintigraphie thyroïdienne n'a pas de
place dans l'exploration d'un nodule thyroïdien
avec une TSH plasmatique normale ou élevée.
Summary
The prevalence of thyroid
nodules has been increasing with
the mean âge of the population
and with the improvement of
imaging.
The cost/effectiveness
ratio of surgery increases
dramatically when treating
smaller nodules.
The therapeutic décision is
based on several clinical
criteria : a diameter of at least
one centimeter ; progressive
increase in size; abnormal
results of fine needle aspiration
biopsy ; and other associated
risk factors.
The technetium 99m thyroid
scan has no rôle to play in the
investigation of thyroid nodules
with normal or elevated TSH.
^--*•»?•» r*$ =«•-«.*.-
":^fexM;S:^>
*
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lecture; connectez-vous sur le site : 33docpro.com
Conduite
à
tenir devant
un
nodule thyroïdien
isolé
La priseen charge d'un nodule infracentimétrique se limite
à une surveillance épisodique.
Oui
ONon
Devant un nodule isolé de taille suffisante, le dosage de
la calcitonine doit être systématique.
G
Oui
G Non
. *
L'ablation
d'un nodule thyroïdien isolé
n'est
pas une urgence.
Oui
aNon
La dénutrition
de
la
personne âgée
Chez une personne âgée de plus de 70 ans,-une perte de
p'dicis',
/
de 5% en trois mois est significative
d'une
dénutrition à corriger,- " '
Oui
UNon . : ;./
La dénutrition peut mener à une défaillance viscérale.
Oui
QNon
*.".'•*
Le bilan biologique doit comporter au moins
un
dosage-
"; /
d'albumine, dont la'valeur seuil est de
35
g/L.
^
Oui
QNon
.!
Dépression
de
la
personne âgée
> ; ;,
Un traitement d'entretien de la dépression de la pérsofine-'âg'ée par
"::
la paroxétine peut-il prévenir les rechutes dépressives^?
-
-
/•'-
>
;* \
Oui
QNon
; : \ V\
Tome 12843
581 05-04-2006
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