Cas clinique Cas clinique Surprise, surprise ! Surprise, surprise ! J.M. Kuhn* M adame J.B., âgée de 68 ans, a pour antécédent essentiel une hypertension artérielle d’intensité modérée, diagnostiquée dix ans plus tôt. Elle est traitée quotidiennement par une association de MonoTildiem® 300 mg (diltiazem) et d’Aldactone® 50 mg (spironolactone). Depuis quelques mois, elle se plaint d’une asthénie qui se majore dans la journée et qui est d’intensité progressivement croissante. Un ptosis bilatéral s’y associe de façon intermittente. Madame J.B. n’a ni trouble oculomoteur, ni déficit moteur ou sensitif. Sa marche est normale. Le score myasthénique est à 75 pour une norme inférieure à 39. Elle pèse 68 kg pour 1,59 m. Sa pression artérielle est à 110/70 mmHg sous traitement antihypertenseur et le rythme cardiaque est régulier, à 70 pulsations par minute. La biologie standard, incluant NFS, paramètres biologiques d’inflammation, ionogramme sanguin et fonction rénale, ne révèle aucune anomalie. Les taux plasmatiques des enzymes musculaires sont normaux, la TSH est à 1,8 mUI/l (N : 0,1-4,5) et la recherche d’anticorps antithyroïdiens est négative. A contrario, la recherche de la présence d’anticorps dirigés contre le récepteur de l’acétylcholine s’avère positive. La symptomatologie récente ressentie par la patiente s’explique donc par une myasthénie sous-tendue par la présence d’anticorps antirécepteurs de l’acétylcholine. La démarche étiologique est fort logiquement complétée par un examen tomodensitométrique thoracique à la recherche d’un thymome. Les images de la loge thymique n’objectivent aucune anomalie. En revanche, cet examen révèle la présence d’un nodule thyroïdien localisé au pôle inférieur gauche de la glande. Un traitement par Mytélase® (ambénonium chlorure) [2 cp/j] est initié et permet d’obtenir une amélioration rapide de la symptomatologie. Parallèlement, la découverte de ce nodule thyroïdien fait réaliser un bilan complémentaire destiné à dicter l’attitude pratique spécifiquement thyroïdienne. L’examen cervical retrouve effectivement un nodule tissulaire situé au pôle inférieur gauche thyroïdien et dont le grand axe échographique est de 32 mm. Il n’y a pas d’adénopathie satellite ni de signe de compression locale. La patiente est en euthyroïdie clinique, ce que laisse supposer la normalité du taux de TSH précédemment mesuré. Le taux de calcitonine plasmatique est inférieur à 5 ng/l. La cytoponction du nodule retrouve 10 à 20 groupes d’éléments vésiculaires thyroïdiens, en amas, au sein desquels les noyaux paraissent tassés. Ils sont cependant de taille normale et monomorphes. L’on note la présence de quelques oncocytes et de mottes de colloïde dense. La conclusion du cytologiste est que ces éléments comportent quelques anomalies cellulaires sans caractère pathognomonique et qu’un contrôle cytologique, voire histologique, est souhaitable en cas de doute clinique. Ces particularités cytologiques et les dimensions du nodule font opter pour son exérèse. Une lobo-isthmectomie gauche est réalisée. L’examen extemporané retrouve un aspect suggérant un thymome. Les conclusions anatomopathologiques définitives confirment le thymome AB, enlevé en totalité et sans effraction capsulaire. Après l’intervention, la symptomatologie rattachable à la myasthénie a disparu au même titre que les anticorps responsables. L’ébauche embryologique du thymus se développe à partir de la zone ventrale de la troisième poche pharyngienne. S’ensuit une descente progressive vers le médiastin supérieur. Dans de rares occasions, la migration de l’ébauche thymique est incomplète. Les thymus ectopiques sont le plus souvent retrouvés au niveau thyroïdien. Si la majorité de ces rares anomalies s’expriment chez l’enfant sous la forme d’une masse cervicale, quelques cas ont été rapportés chez l’adulte. Ce tissu thymique de localisation anormale peut être le siège de thymome, de carcinome thymique ou de lymphome, au même titre que le tissu eutopique. C’est le cas chez Madame J.B. Au demeurant, reste à considérer le résultat de la cytologie préopératoire. Sur son trajet, l’aiguille fine a dû recueillir conjointement des cellules thyroïdiennes périthymiques normales et le tissu pathologique. La présence de lymphocytes dans une thyroïde est normale et il est aisément compréhensible qu’une simple cytologie permette d’autant moins le diagnostic de thymome intrathyroïdien que cette entité est exceptionnelle et que au passage, ce geste recueille des cellules vésiculaires thyroïdiennes normales. Au moins, cet examen aura incité, comme la taille du nodule, à en réaliser l’exérèse. Références * Service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, CHU de Rouen. 178 1. Tovi F, Mares AJ. Am J Surg 1978;136:631. 2. Wu SL, Gupta D, Connelly J. Arch Pathol Lab Med 2001;125:842. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 6, novembre-décembre 2006