
De plus, la concurrence fiscale induite par la menace des délocalisations peut être favorable
selon Tiebout (article de 1956) en éliminant les collectivités non efficaces et en étant
conforme à la diversité des préférences en matière d’offre de biens publics. Les effets
négatifs des délocalisations doivent donc être relativisés.
Par ailleurs, la question des relocalisations montre que le phénomène de délocalisation
n’est pas irréversible Suzanne Berger (Made in Monde, 2006) montre ainsi qu’un mètre de
tissu peut coûter deux fois plus cher à produire en Inde qu’en Italie malgré la différence
du coût du travail notamment en raison du coût généré par le contrôle de la qualité, par
les gaspillages, etc. Elle affirme ainsi que le secteur du textile a un avenir en Europe et
qu’aucun emploi dans ce secteur n’a été détruit en Italie depuis 1995. Il existe ainsi des
exemples de relocalisation sur le sol français. C’est notamment le cas de l’entreprise
Geneviève Lethu. Le phénomène de délocalisation n’est donc pas irréversible.
Les effets des délocalisations sont donc ambigus. Selon le rapport du CAE de 2010
(Fontagné et Toubal) intitulé « Investissement direct à l’étranger et performance des
entreprises », les entreprises qui s’externalisent voient leur chiffre d’affaires et leur emploi
augmenter. Néanmoins, dans un complément au rapport, Anne Epaulard souligne que ces
résultats optimistes ont été obtenus avant 2010 et que l’orientation nouvelle des IDE vers
les PED oblige à nuancer les conséquences positives des délocalisations. Finalement, il
convient d’analyser les motifs des stratégies de localisation des entreprises pour
déterminer les politiques à mener.
En réalité, plusieurs facteurs concourent à expliquer les stratégies de localisation des
entreprises (A) ce qui explique que la lutte contre le phénomène de délocalisation et
l’instauration d’un contexte favorable aux relocalisations nécessitent des politiques
diverses et adaptées (B).
Plusieurs facteurs concourent à expliquer les stratégies de localisation des entreprises.
Si l’approche Ownership-Localisation-Internationalisation (OLI) offre un éclairage
théorique, elle est peu opérationnelle en termes de politique à mener. Développée par
Dunning (1988), cette théorie fait de la décision de délocalisation une combinaison de trois
éléments interdépendants. Le premier élément, « l’ownership » désigne la détention d’un
actif (innovation, marque déposée, etc.) pouvant être potentiellement exploitée à l’échelle
internationale. La « localisation » désigne l’intérêt à exploiter cet actif à l’échelle de
plusieurs pays. Enfin, « l’internationalisation » désigne l’intérêt à produire soi-même à
l’étranger plutôt que de sous-traiter (question du contrôle de la qualité, du respect de la
propriété intellectuelle, etc…). Cette théorie est néanmoins peu opérationnelle en termes
de politique économique.
La question des coûts de production, aussi bien du coût du travail que de la fiscalité, permet
d’expliquer en partie les stratégies de localisation des entreprises. Ainsi, selon Bouba-Olga
(Les nouvelles géographiques du capitalisme, 2006), la « dictature des coûts » explique en
partie ces stratégies. S’agissant du coût du travail, les coûts salariaux unitaires (CSU) sont
encore inférieurs de 50% en Chine par rapport à la France (CAE 2010, Artus et al.,
« L’émergence de la Chine »). En effet, si les salaires augmentent vite (jusqu’à 20% par
an sur les zones cotières), la productivité augmente très vite aussi. Au-delà du coût du
travail, la question de la fiscalité revêt également une importance d’où une « concurrence
fiscale prédatrice » entre les pays (CAE 2005, Saint-Etienne et Le Cacheux, « Croissance
équitable et concurrence fiscale »). Ainsi, en Union Européenne, le taux d’impôt sur les
sociétés a diminué de 8 points en moyenne sur les quinze dernières années. Il s’élève ainsi
à 12,5% en Irlande qui pratiquait également jusqu’il y a peu le système du « double Irish »
permettant aux entreprises localisées en Irlande de payer leurs impôts dans un paradis
fiscal. Le Luxembourg pratique quant à lui un système de « rescrit fiscal » permettant à
une entreprise de négocier au préalable son statut fiscal.