Economie

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Économie
Une composition de sciences économiques.
SUJET : Délocalisation, relocalisation : enjeux et perspectives.
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L’annonce récente de l’entreprise allemande Adidas de relocaliser ses ateliers de production
en Europe après leur départ pour l’Asie dans les années 1990 montre que le phénomène
de délocalisation n’est pas irréversible.
Au sens strict, une délocalisation désigne le transfert d’une unité de production à l’étranger
comme le fit l’entreprise Aubade en 2007 en transférant son site de la Trimouille dans le
Poitou vers la Tunisie. C’est ce que Jean Arthuis (rapport de 1993) appelle une
« délocalisation pure ». Dans un sens plus large, une délocalisation désigne toute
réorganisation d’une entreprise qui se traduit par une substitution d’une production
étrangère à une production française (Insee 2005, Aubert et Sillard, « Délocalisations et
réductions d’effectifs dans l’industrie française »). Il n’y a pas forcément fermeture d’une
unité de production, il peut s’agir d’une division internationale du processus de production
(Lassudrie – Duchêne). Enfin, dans un sens encore plus large, une délocalisation désigne
toute décision d’un producteur qui renonce à produire en France pour produire ou soustraiter à l’étranger (rapport de Jean Arthuis de 1993). Cette définition inclut aussi les
« non-localisations ». Au contraire, une relocalisation désigne le retour d’une production
précédemment délocalisée sur le sol français.
Les délocalisations auxquelles fait face l’économie française se traduisent principalement
par une désindustrialisation et une réduction du tissu productif du pays. Ces délocalisations
et cette désindustrialisation sont problématiques au vu du caractère essentiel de l’industrie
pour l’économie.
Toutefois, non seulement les effets négatifs de ces délocalisations sont à relativiser mais
la question des relocalisations montre que le phénomène de délocalisation n’est pas
irréversible. En réalité, plusieurs facteurs concourent à expliquer les stratégies de
localisation des entreprises. Si l’approche OLI (Dunning, 1988) offre un éclairage théorique,
elle est peu opérationnelle en termes de politique économique à mener. La question des
coûts de production, aussi bien du coût du travail que de la fiscalité, permet d’expliquer en
partie les stratégies de localisation des entreprises. D’autres facteurs doivent néanmoins
être pris en compte, notamment la question des compétences et la volonté d’accéder à des
consommateurs solvables.
Finalement, la lutte contre le phénomène de délocalisation et d’instauration d’un contexte
favorable aux relocalisations nécessitent des politiques diverses et adaptées : baisse des
coûts de production des entreprises, amélioration du niveau de qualification de la
population active, relance de la croissance dans la zone euro, etc…
Ainsi, s’interroger sur les enjeux et perspectives des délocalisations et relocalisations
revient à examiner leurs effets, leurs motifs et les moyens d’influer sur la localisation des
entreprises.
Si les délocalisations auxquelles fait face l’économie française sont problématiques au vu
du caractère essentiel de l’industrie, leurs effets négatifs sont à relativiser et la question
des relocalisations montre que le phénomène n’est pas irréversible (I). En réalité, plusieurs
facteurs concourent à expliquer les stratégies de localisation des entreprises ce qui explique
la nécessité de politiques diverses et adaptées (II).
Si les délocalisations auxquelles fait face l’économie française sont problématiques au vu
du caractère essentiel de l’industrie (A), leurs effets négatifs sont à relativiser et la question
des relocalisations montre que le phénomène n’est pas irréversible (B).
Les délocalisations auxquelles fait face l’économie française se traduisent principalement
par une désindustrialisation et sont problématiques au vu du caractère essentiel de
l’industrie.
Les délocalisations auxquelles fait face l’économie française se traduisent principalement
par une désindustrialisation et une réduction du tissu productif du pays.
Sur les trente dernières années, la France a perdu plus de deux millions d’emplois
industriels selon le rapport Gallois (novembre 2012). La part des emplois industriels dans
l’emploi total est ainsi passée de 18 à 12% entre 2000 et 2011. Selon L. Demmou
(Economie et statistiques 2010), entre 13 et 39% de ces destructions d’emplois
s’expliquent par la concurrence internationale et les délocalisations selon la méthodologie
employée. Les délocalisations se traduisent donc par une destruction du tissu productif du
pays notamment au profit des pays en développement. Ainsi, selon la CNUCED (2011), les
pays en développement ont reçu plus de la moitié des investissements directs à l’étranger
mondiaux en 2010.
Ces délocalisations et cette désindustrialisation sont problématiques à plusieurs points de
vue. Le premier effet néfaste des délocalisations réside dans les destructions d’emplois
qu’elles entrainent. Cahuc et Zylberberg (Le chômage, fatalité ou nécessité ?, 2004)
montrent ainsi que les emplois détruits dans le secteur du textile dans les pays développés
dans les années 1990 ont été recréés dans ce même secteur dans les pays en
développement (PED). Par ailleurs, la menace des délocalisations entraine une concurrence
fiscale dont les effets sont néfastes : insuffisance de l’offre de biens publics (Zodrow et
Mieszkowski, 1986), taxation excessive du travail et de la consommation (Bucovetsky et
Wilson, 1991), etc. De plus, la désindustrialisation entrainée par les délocalisations est elle
aussi problématique au vu du caractère essentiel de l’industrie. Cette dernière est en effet
essentielle pour les gains de productivité et le pouvoir d’achat (Lettre Trésor, février 2014,
« L’industrie, quels défis pour l’économie française ? ») alors que les salaires sont moins
importants dans les services (Artus et Pastré, 2009, Sorties de crise) tout comme les gains
de productivité (« maladie des coûts » de Baumol). Elle est également essentielle pour ses
effets d’entrainement (0,7 € de consommation intermédiaire pour 1 € de production contre
0,4 € pour les services selon la DATAR, février 2004, « France, puissance industrielle ») et
pour la recherche et le développement (85% des dépenses de recherche et de
développement privées proviennent de l’industrie selon le rapport Beffa de 2005 « Pour
une nouvelle politique industrielle »). Les délocalisations et la désindustrialisation qu’elles
entrainent sont donc problématiques pour l’économie française ce qui amène Artus et
Virard (La France sans ses usines, 2010) à critiquer le modèle bipolaire laissant l’industrie
aux PED et les services à haute valeur ajoutée aux pays développés.
Si les délocalisations semblent donc avoir des effets négatifs pour les pays développés dont
la France, ceux-ci sont à relativiser d’autant que la question des relocalisations montre que
le phénomène n’est pas irréversible.
Non seulement les effets négatifs des délocalisations sont à relativiser mais la question des
relocalisations montre de plus que le phénomène n’est pas irréversible.
Les effets négatifs des délocalisations doivent être relativisés : non seulement les
destructions d’emplois dues aux délocalisations sont limitées mais ces délocalisations
peuvent même être porteuses d’avantages en soi, notamment en termes de pouvoir
d’achat.
Selon l’étude de l’INSEE de 2005 (Aubert et Sillard) « Délocalisations et réductions
d’effectifs dans l’industrie française », les suppressions annuelles brutes d’emploi dues aux
délocalisations sont de l’ordre de 3% seulement. Une étude de l’INSEE de 2007 (Barlet et
al) confirme totalement les ordres de grandeur. Par ailleurs, les délocalisations permettent
d’améliorer la compétitivité de l’entreprise et donc l’emploi sur les sites de production
restés dans le pays d’origine. Le rapport Brunel (Assemblée Nationale, 2006) donne ainsi
l’exemple du secteur du diamand en Anvers où des milliers d’emplois ont été détruits dans
la taille mais où plus encore ont été créés dans le commerce, le marketing, etc... Les
délocalisations permettent également d’améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs
(le libre-échange est un jeu à somme positive comme l’ont montré Adam Smith puis
Ricardo) à travers la baisse du prix des importations et à terme d’augmenter les
exportations vers les pays concernés grâce à leur enrichissement.
De plus, la concurrence fiscale induite par la menace des délocalisations peut être favorable
selon Tiebout (article de 1956) en éliminant les collectivités non efficaces et en étant
conforme à la diversité des préférences en matière d’offre de biens publics. Les effets
négatifs des délocalisations doivent donc être relativisés.
Par ailleurs, la question des relocalisations montre que le phénomène de délocalisation
n’est pas irréversible Suzanne Berger (Made in Monde, 2006) montre ainsi qu’un mètre de
tissu peut coûter deux fois plus cher à produire en Inde qu’en Italie malgré la différence
du coût du travail notamment en raison du coût généré par le contrôle de la qualité, par
les gaspillages, etc. Elle affirme ainsi que le secteur du textile a un avenir en Europe et
qu’aucun emploi dans ce secteur n’a été détruit en Italie depuis 1995. Il existe ainsi des
exemples de relocalisation sur le sol français. C’est notamment le cas de l’entreprise
Geneviève Lethu. Le phénomène de délocalisation n’est donc pas irréversible.
Les effets des délocalisations sont donc ambigus. Selon le rapport du CAE de 2010
(Fontagné et Toubal) intitulé « Investissement direct à l’étranger et performance des
entreprises », les entreprises qui s’externalisent voient leur chiffre d’affaires et leur emploi
augmenter. Néanmoins, dans un complément au rapport, Anne Epaulard souligne que ces
résultats optimistes ont été obtenus avant 2010 et que l’orientation nouvelle des IDE vers
les PED oblige à nuancer les conséquences positives des délocalisations. Finalement, il
convient d’analyser les motifs des stratégies de localisation des entreprises pour
déterminer les politiques à mener.
En réalité, plusieurs facteurs concourent à expliquer les stratégies de localisation des
entreprises (A) ce qui explique que la lutte contre le phénomène de délocalisation et
l’instauration d’un contexte favorable aux relocalisations nécessitent des politiques
diverses et adaptées (B).
Plusieurs facteurs concourent à expliquer les stratégies de localisation des entreprises.
Si l’approche Ownership-Localisation-Internationalisation (OLI) offre un éclairage
théorique, elle est peu opérationnelle en termes de politique à mener. Développée par
Dunning (1988), cette théorie fait de la décision de délocalisation une combinaison de trois
éléments interdépendants. Le premier élément, « l’ownership » désigne la détention d’un
actif (innovation, marque déposée, etc.) pouvant être potentiellement exploitée à l’échelle
internationale. La « localisation » désigne l’intérêt à exploiter cet actif à l’échelle de
plusieurs pays. Enfin, « l’internationalisation » désigne l’intérêt à produire soi-même à
l’étranger plutôt que de sous-traiter (question du contrôle de la qualité, du respect de la
propriété intellectuelle, etc…). Cette théorie est néanmoins peu opérationnelle en termes
de politique économique.
La question des coûts de production, aussi bien du coût du travail que de la fiscalité, permet
d’expliquer en partie les stratégies de localisation des entreprises. Ainsi, selon Bouba-Olga
(Les nouvelles géographiques du capitalisme, 2006), la « dictature des coûts » explique en
partie ces stratégies. S’agissant du coût du travail, les coûts salariaux unitaires (CSU) sont
encore inférieurs de 50% en Chine par rapport à la France (CAE 2010, Artus et al.,
« L’émergence de la Chine »). En effet, si les salaires augmentent vite (jusqu’à 20% par
an sur les zones cotières), la productivité augmente très vite aussi. Au-delà du coût du
travail, la question de la fiscalité revêt également une importance d’où une « concurrence
fiscale prédatrice » entre les pays (CAE 2005, Saint-Etienne et Le Cacheux, « Croissance
équitable et concurrence fiscale »). Ainsi, en Union Européenne, le taux d’impôt sur les
sociétés a diminué de 8 points en moyenne sur les quinze dernières années. Il s’élève ainsi
à 12,5% en Irlande qui pratiquait également jusqu’il y a peu le système du « double Irish »
permettant aux entreprises localisées en Irlande de payer leurs impôts dans un paradis
fiscal. Le Luxembourg pratique quant à lui un système de « rescrit fiscal » permettant à
une entreprise de négocier au préalable son statut fiscal.
Néanmoins, la concurrence se fait en réalité entre couples offre de biens publics/fiscalité
(Bénassy – Quéré) ce qui offre aux grands pays une rente de cinq ponts de fiscalité selon
le rapport du CAE de 2005. Les délocalisations pour des questions de coûts s’apparentent
à ce que Markusen (1995) qualifie d’IDE vertical : produire à l’étranger pour réimporter.
Cette décision implique un arbitrage entre coûts de production et coûts de transport et de
transaction favorable aux premiers.
D’autres facteurs doivent néanmoins être pris en compte pour expliquer les stratégies de
localisation des entreprises notamment la question des compétences et la volonté
d’accéder à des consommateurs solvables. Bouba-Olga (2006) met ainsi en avant la
« dictature des compétences » pour expliquer une partie de ces stratégies. Outre le niveau
de qualification de la population active, la question des effets d’agglomération (Krugman)
est centrale et explique la constitution de « clusters » (Porter) ou pôles de compétitivité.
Un effet d’agglomération peut se définir comme une économie d’échelles externe qui
s’explique par la concentration des compétences sur un lieu. De tels pôles de compétitivité
existent à Schenzen en Chine (où est installée l’entreprise Apple), à Bangalore en Inde
(pour les services informatiques) ou encore sur une bande étroite allant de Varsovie à
Bucarest pour la production d’automobiles (ce que le rapport Brunel de 2006 appelle le
« détroit de l’Est »). Enfin, les entreprises cherchent également à accéder à des
consommateurs solvables (étude du Cepii de 2007 de Mayer, Méjean et Nefussi) comme
le montre une étude du Comité national des conseillers au commerce extérieur de la France
de 2010 : 90% des entreprises interrogées souhaitent accéder à des marchés en pleine
croissance, seules 10% affirment se délocaliser pour réimporter. Ces délocalisations
s’apparentent à ce que Markusen (1995) qualifie d’IDE horizontaux.
Face à cette multiplicité des facteurs concourant à expliquer les stratégies de localisation
des entreprises (Mayer et Mucchielli, 1999), plusieurs politiques économiques doivent être
menées pour répondre au phénomène de délocalisation et faciliter les relocalisations.
La lutte contre le phénomène de délocalisation et l’instauration d’un contexte favorable
aux relocalisations nécessite des politiques diverses et adaptées.
La lutte contre le phénomène de délocalisation implique de diminuer les coûts de
production des entreprises et d’améliorer le niveau de qualification de la population active.
S’agissant de la baisse des coûts de production des entreprises, plusieurs mesures ont déjà
été prises par le gouvernement tant pour diminuer le coût du travail que la fiscalité pesant
sur les entreprises. Ces mesures sont rassemblées dans le pacte de stabilité et de
responsabilité dont le coût total est de 41 milliards d’euros. Il comprend tout d’abord le
crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi (CICE) d’un montant de 6% de la
masse salariale pour les salariés rémunérés jusqu’à 2,5 SMIC. Le coût total du CICE est de
20 Mds €. Le Pacte comprend également 1 Mds € de baisse des cotisations sociales
notamment par le biais de l’abaissement du taux de cotisations familiales à 3,45% (contre
5,25% auparavant) pour les salariés rémunérés jusqu’à 1,6 SMIC. Il comprend enfin des
baisses d’impôts pour 10 Mds € dont toutes ne sont pas entrées en vigueur : il prévoit ainsi
la suppression totale de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) d’ici
2017 après avoir relevé son seuil d’entrée (de 760 000 € à 3,25 M € de chiffre d’affaires)
dès 2015 et l’abaissement du taux d’impôt sur les sociétés dès 2017. Si ces mesures vont
dans le bon sens, il conviendrait de cibler le CICE sur les entreprises soumises à la
concurrence internationale et d’inscrire la baisse de l’impôt sur les sociétés dès 2017 dans
un document contraignant liant les mains du gouvernement. Par ailleurs, au-delà des coûts
de production des entreprises, il conviendrait d’améliorer le niveau de qualification de la
population active ce qui implique de réformer le système éducatif français, particulièrement
inégalitaire et source d’exclusion (Maurin, La nouvelle question scolaire ; Cahuc, Carcillo,
Galland, Zylberberg, La machine à trier). Enfin, une des faiblesses majeures dans
l’émergence de pôles de compétitivité en France est la faible mobilité des travailleurs.
Le rapport du CAE de 2010 (Lemoine et Wasmer) « La mobilité des salariés » fait plusieurs
propositions en vue d’accroitre cette mobilité et notamment la mise en place d’un bail
simplifié, la baisse des aides à pierre et l’instauration d’une aide financière à la mobilité en
cas de reprise d’emploi moins bien rémunéré. De plus, ces pôles ne doivent pas être créés
ex nihilo mais correspondre à une réalité tout comme les formations proposées doivent
correspondre à des besoins réels des entreprises. De telles mesures contribueraient à lutter
contre le phénomène de délocalisation.
Néanmoins, la relocalisation d’entreprises sur le territoire restera un phénomène marginal
si les perspectives de croissance de la zone euro demeurent faibles. Il convient donc de
relancer la croissance en zone euro par des politiques budgétaires adaptées.
En effet, le quantitative casing mis en place par la banque centrale européenne sera sans
doute insuffisant pour lutter contre la déflation et relancer la croissance (faiblesse des
effets richesses, faiblesse de la titrisation de créances d’entreprises, etc.) tout comme le
plan d’investissement en Europe dit plan Juncker (321 Mds € si l’effet levier est de 15 mais
il pourrait être deux fois inférieur selon Natixis). Seules des politiques budgétaires adaptées
permettraient de relancer la croissance en zone euro et attirer les entreprises en quête de
marchés en pleine croissance. Or cela semble compromis au regard des injonctions
maintenues à l’austérité budgétaire ce qui jette un doute sur les capacités de l’Europe à
susciter des relocalisations d’entreprise.
Enfin, en attendant une égalisation des CSU avec les PED (théorème Stolper-Samuelson)
et une utilisation moins marquée des avantages comparatifs, le développement des
services à la personne apparait nécessaire pour créer des emplois en France d’autant qu’ils
ne sont pas délocalisables à l’inverse d’autres services comme la comptabilité voir la
médecine (Mankin, 2004).
Finalement, trois stratégies semblent s’offrir aux pouvoirs publics face aux enjeux posés
par les délocalisations et les relocalisations selon Suzanne Berger (2006, Made in Monde) :
la stratégie du poisson rouge (libérale) qui consiste à laisser faire mais n’est pas forcément
optimale en termes de résultats ; la stratégie du pingouin qui consiste à reproduire ce qui
se passe ailleurs et la stratégie de « benchmarking » qui consiste à analyser les avantages
de l’économie (notamment grâce au concept des avantages comparatifs révélés (ACR)
développé par Balassa et repris par le Cepii) et à les valoriser.
Toutefois, sans croissance, les perspectives de relocalisation en France resteront
marginales.
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Au mois de juillet 2015, le Parlement Européen devra se prononcer sur l’avancement des
négociations entre la Commission Européenne et le ministère du commerce américain,
dans le cadre du Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement
(Transatlentic Tracle and Investment Partnership – TTIP en anglais). Le TTIP est un vaste
accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union Européenne prévoyant la
suppression d’un grand nombre de barrières non-tarifaires (réglementaires) entravant les
échanges économiques entre les deux ensembles. Ce projet de partenariat connaît de
nombreuses oppositions au sein des sociétés civiles américaines et européennes et l’une
d’entre elles provient de la crainte de voir des pans entiers de l’activité économique des
Etats concernés se délocaliser de l’autre côté de l’Atlantique, du fait d’un concurrence
accrue, tant dans les secteurs agricoles, industriels et tertiaires.
Cette crainte dévoile les enjeux fondamentaux que fait peser l’intensification du
phénomène de mondialisation sur la localisation des activités économiques. Pour un certain
nombre de pays, dont la France, l’insertion dans la mondialisation depuis 30 ans, s’est
accompagnée de nombreuses délocalisations des activités économiques, notamment
industrielles, vers des pays où les coûts de production sont moins élevés. Ces
délocalisations, définies comme un phénomène de déplacement des entreprises, des
agents économiques et des activités économiques d’un pays vers un autre, ont des
conséquences importantes en termes de croissance, d’emploi et de finances publiques. A
tel point que la relocalisation des activités économiques – phénomène inverse – au sein
des pays développés, est devenu l’un des axes majeurs des politiques économiques de ces
pays.
Dans ce cadre, dans quelle mesure les politiques économiques peuvent-elles lutter contre
les délocalisations des activités économiques et favoriser la relocalisation de ces activités ?
Le phénomène de délocalisation des activités économiques, source de pertes d’emploi et
de croissance, est largement causé par le développement du commerce international et
pénalise la France du fait de ses coûts de production et de son taux élevé d’imposition (I).
Si les théories de la croissance endogène insistent sur l’importance de certaines dépenses
publiques nécessaires à la relocalisation des activités économiques, l’accroissement de la
compétitivité de la France, préalable nécessaire à ces relocalisations devra passer tant par
des dépenses publiques ciblées que par l’abaissement des coûts de production (II).
La France connaît depuis 30 ans de nombreuses délocalisations d’activités économiques
vers des pays ayant des coûts de production et des taux d’imposition plus faibles (A). Ce
phénomène est très largement dû au développement du commerce international dans le
cadre de la mondialisation (B).
La France connaît depuis 30 ans de nombreuses délocalisations, notamment dans le
secteur industriel. Les fermetures des usines Continental ou des hauts-fourneaux à
Florange sont des exemples médiatiques de ce phénomène. Au-delà de ces exemples, c’est
la baisse continue de la part de l’industrie dans le PIB de la France qui représente cette
tendance. Ces délocalisations se font vers des pays d’Europe de l’Est, du Sud, d’Asie de
l’Est et d’Afrique du Nord. Aussi, les deux principaux constructeurs automobiles français,
Renault et PSA réduisent progressivement le nombre de leurs usines en France
(notamment avec l’exemple récent de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois) pour
ouvrir des usines au Maroc, en Espagne ou en Roumanie (Renault) ou encore en Slovaquie
(PSA).
Les raisons de ces délocalisations tiennent notamment au coût de production élevé que
connaît la France, par rapport à ces pays. Ces coûts de production tiennent notamment au
niveau des salaires, et en particulier du salaire minimum, assez élevé en France. Il
représente ainsi 60% du salaire médian en France, contre 50% au Royaume-Uni et 40%
aux Etats-Unis pour le salaire minimum fédéral.
Le coût de production élevé, et notamment au sein de celui-ci, le coût du travail important
que connaît la France est également dû aux fortes cotisations sociales qui pèsent sur les
salariés et les entreprises, afin de financer la protection sociale. Par ailleurs, le taux d’impôt
sur les sociétés (IS) est l’un des plus élevés des pays de l’OCDE, avec 33,3%.
En délocalisant leur production, les entreprises échappent à ce coût de production élevé et
à ce fort taux d’imposition.
Ces délocalisations ont une conséquence notable : l’important déficit commercial français.
Le déficit commercial, que l’on calcule en soustrayant le montant des importations au
montant des exportations, est de 50 milliards d’euros en 2015 et montre bien la fuite d’un
certain nombre d’activités économiques de production vers l’étranger.
Les délocalisations des activités économiques s’inscrivent dans le phénomène plus global
de mondialisation qui touche la quasi-totalité des pays du monde depuis une trentaine
d’années. Il réside en un accroissement important des échanges économiques
internationaux et est permis par l’abaissement des coûts de transport et par la réduction
des barrières tarifaires et douanières qui entravaient le commerce international. Il permet
le déplacement beaucoup plus facile des activités économiques d’un pays à l’autre voire
d’un continent à l’autre. L’extension du commerce international favorisant ces
délocalisations a été facilitée par le développement des accords de libre-échange
multilatéraux (sou l’égide de l’Organisation Mondiale du Commerce –OMC) comme
bilatéraux (comme par exemple le TTIP mais aussi le CETA entre l’Union Européenne et le
Canada).
Les grandes et moyennes entreprises qui se sont internationalisées avec l’extension du
commerce international mettent en concurrence les différents pays du monde, profitant
des divergences de politiques fiscales entre pays. Cette concurrence fiscale pénalise les
pays qui – comme la France – ont des taux d’imposition élevés pour financer des dépenses
publiques importantes. Ainsi le taux d’IS important que connaît la France (33,3%) est à
comparer avec les taux beaucoup plus faibles de l’Irlande (10%) et du Royaume-Uni
(23%).
Par ailleurs, le développement du commerce international, consécutif de la mondialisation
incite les pays prenant part à ce commerce international à se spécialiser dans leurs
avantages comparatifs. C’est la théorie qu’a exposé David Ricardo en 1817. Selon lui, les
pays participant au commerce international ont intérêt à se spécialiser dans les secteurs
économiques pour lesquels ils sont les plus productifs et à délaisser les autres secteurs de
l’économie. La théorie des avantages comparatifs permet d’expliquer les délocalisations au
sein des secteurs les moins productifs de chaque économie nationale. Mais elle postule
cependant que ces pertes de parts de marché dans les secteurs peu productifs doivent être
compensées par des gains de parts de marché dans les secteurs les plus productifs d’une
économie. La théorie ricardienne ne permet donc pas d’expliquer en totalité les
50 milliards d’€ de déficit commercial de la France.
Cependant, les théories de la croissance endogène remettent en cause l’idée que des taux
d’imposition importants sont nécessairement en contradiction avec l’objectif de
relocalisation des activités économiques, dans la mesure où ces prélèvements obligatoires
permettent de financer des dépenses publiques favorables à ces relocalisations (A). Les
politiques économiques visant la relocalisation des activités économiques doivent pouvoir
combiner des baisses d’imposition ciblées et des hausses de dépenses publiques favorables
à l’activité économique (B).
Les théories de la croissance endogène ont, pour certaines, réévalué le rôle de certaines
dépenses publiques dans la relocalisation des activités économiques. Ainsi, pour Barro et
Sala-i-Martin (1995), l’investissement public dans les infrastructures (notamment de
transport) et dans le capital humain (la recherche et l’éducation) permet de combattre la
loi des rendements décroissants et permet aux entreprises d’avoir des rendements
croissants sur leurs productions.
Dans ce cadre, les dépenses publiques incitent les entreprises à s’installer dans les pays
ou les régions fournissant des travailleurs qualifiés et des infrastructures de qualité, ainsi
que des services publics développés. C’est pourquoi le secteur des technologies de
l’information et de la communication aux Etats-Unis est fortement concentré sur la Silicon
Valley, dans le nord de la Californie, où les dépenses publiques et privées d’éducation sont
particulièrement élevées et l’offre de travail est très qualifiée du fait de la présence
d’universités parmi les meilleures du monde (Stanford, une université privée et Berkeley
une université publique), attirant les agents et les activités économiques.
C’est également la raison pour laquelle la France a choisi de réorganiser ses universités
publiques au sein de Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) et a choisi
de créer le Crédit Impôt Recherche (CIR), un crédit d’impôt très important sur les dépenses
de Recherche et Développement (B&D) des entreprises.
La concentration des activités économiques sur un territoire peut également améliorer
l’activité de ce territoire et y accélérer la relocalisation des activités économiques. En effet,
cette concentration des activités amène des externalités de réseaux analysées par Romer
(1986), selon lequel, dans ce cadre, le bénéfice social excède le bénéfice privé. Ainsi, si les
rendements d’une nouvelle entreprise qui s’installe dans une zone où les activités
économiques sont concentrées, peuvent être décroissants, ceux de l’ensemble des
entreprises seront constants, voire croissants, car l’installation d’une nouvelle entreprise
bénéficie à toutes les entreprises de la zone économique. Cette nouvelle entreprise, en
bénéficiant d’un marché du travail dynamique déjà existant, d’infrastructures de qualité et
de services supports présents sur le territoire, contribue elle-même au développement de
ce marché du travail, de ces infrastructures et de ces services supports. C’est ce qui
explique la localisation de nombreux producteurs d’un même secteur au sein d’un même
endroit, afin de bénéficier de ces externalités de réseau. Ainsi en est-il du quartier
d’Hollywood à Los Angeles aux Etats-Unis qui concentre les plus gros producteurs de
cinéma mondiaux, les studios de réalisation, les réalisateurs, les acteurs. C’est dans ce
même but que le gouvernement français de Jean-Pierre Raffarin a créé, en 2003 les pôles
de compétitivité qui ont pour but la relocalisation des activités économiques au sein d’un
même endroit en concentrant les entreprises, les universités et grandes écoles, les
laboratoires de recherche, les investisseurs, les services juridiques, de ressources
humaines et financiers. Le plus célèbre de ces pôles de compétitivité est le plateau de
Saclay situé au sud de Paris.
Par ailleurs, les théories de l’investissement social mettant en avant que l’investissement
dans la protection sociale permet également de favoriser l’attractivité d’un pays ou d’un
territoire et la relocalisation des activités économiques, en améliorant la santé des offreurs
de travail et en favorisant la participation des individus au marché du travail et le taux
d’activité en général (par le financement des crèches, notamment).
Les politiques économiques visant la relocalisation des activités économiques ne doivent
pas miser uniquement sur la baisse massive des coûts de production – ce qui amènerait la
réduction des dépenses publiques – ou sur la hausse des dépenses publiques – ce qui
conduirait à augmenter les taux d’imposition, et donc les coûts de production. En réalité,
comme le notent Barro et Sala-i-Martin (1995), un arbitrage est nécessairement à réaliser
entre imposition et dépenses publiques, afin de trouver un point d’équilibre au niveau
duquel, une hausse des dépenses publiques verra son effet positif entièrement compensé
par la hausse du taux d’imposition. Par ailleurs, il convient de cibler fortement les politiques
économiques, tant au regard de la baisse des coûts de production qu’au regard de la hausse
des finances publiques.
Les baisses du coût du travail doivent ainsi être ciblées sur les bas salaires afin d’accroître
la compétitivité-prix de la France et de favoriser la relocalisation des activités industrielles
ou, du moins, de limiter le processus de délocalisation qui les touche. C’est la raison pour
laquelle les gouvernements français mènent depuis les années 1990 des allègements de
cotisations sociales patronales au niveau des bas salaires. Les allégements de charge
« Fillon » concernent les salariés rémunérés jusqu’à 1,6 SMIC.
Plus récemment, le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) de 2012 concerne les
salariés payés jusqu’à 2,3 SMIC et le Pacte de Responsabilité (2014), les salariés payés
jusqu’à 1,8 SMIC. Pour accompagner la mise en place du Pacte de Responsabilité, le
gouvernement a prévu d’ici à la fin du quinquennat de baisser le taux d’IS qui devrait
passer de 33,3% à 28%, rapprochant ainsi la France de la moyenne des pays de l’OCDE.
Les dépenses publiques considérées doivent elles aussi être fortement ciblées sur les
dépenses les plus incitatives à la relocalisation des activités économiques. Il convient ainsi
d’investir une part plus importante dans l’éduction et la recherche. Cet effort devant être
partagé au niveau européen afin d’atteindre une part de dépenses d’éducation et de
recherche dans le PIB qui atteigne le niveau des Etats-Unis.
Par ailleurs il convient d’augmenter les dépenses de recherche et développement au niveau
prévu par la Stratégie Europe 2020, soit 3% du PIB.
La stabilité et la pérennité sur longue période de dispositifs tels que le CIR accroît la
visibilité des entrepreneurs et favorise donc la relocalisation des activités économiques,
comme conseillé par le rapport Gallois de 2012. Dans ce cadre, il convient également de
faciliter le recours des PME aux fonds de capital-développement pour qu’elles puissent
développer leurs activités et s’agrandir.
La théorie ricardienne invite à dépenser peu d’argent public pour sauver les secteurs en
déclin (métallurgie, sidérurgie) pour concentrer les financements publics sur les secteurs
où la France a des avantages comparatifs, comme l’aéronautique, la pharmacie ou
l’agriculture.
Enfin, afin de limiter les délocalisations entre les différents pays composant l’Union
Européenne, une possibilité, pour un certain nombre des Etats qui la composent, serait
d’aller vers une coopération approfondie, une convergence, puis une harmonisation fiscale,
notamment en matière d’IS afin de limiter le possibilité pour les entreprises de jouer sur
les différents taux d’imposition au sein de l’Union, dans le choix de l’installation des leurs
activités économiques.
Les politiques économiques ont ainsi un rôle important à jouer pour limiter les
délocalisations qui touchent nombre de pays développés et favoriser la relocalisation des
activités économiques. La lutte contre les délocalisations doit être un objectif majeur de
politique économique car ce phénomène, s’il est dû à l’accroissement du commerce
international, entraîne une désindustrialisation, une dégradation du déficit commercial et
des pertes importantes en termes d’emplois et de croissance. Si ces délocalisations se font
très majoritairement vers des pays dont les coûts de production (salaires, cotisations
sociales, IS) sont plus faibles, la seule baisse de ces coûts de production n’est pas suffisante
pour freiner les délocalisations. Les théories de la croissance endogène invitent en effet à
investir dans le capital humain et dans les infrastructures favorisant la relocalisation des
activités. Il importe dans tous les cas de bien veiller au ciblage des dispositifs, tant sur les
offreurs de travail concernés, mais aussi sur des secteurs d’activité et des zones
économiques particulières, afin de limiter le coût de ces politiques économiques pour les
finances publiques.
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