NOTE ÉCONOMIQUE
Publication du Centre Confédéral d’Études Économiques et Sociales N° 69
Mars/Avril 2003
Délocalisation, externalisation,
sous-traitance :
Premiers éléments de réflexion
pour une démarche syndicale
de conquête d’un nouveau plein emploi
2
SOMMAIRE
A/ Le patronat intensifie le chantage et justifie ses
choix par un contexte économique dégradé ........................ p. 3
B/ Les délocalisations et les fermetures de sites ont de
lourdes conséquences néfastes pour les travailleurs .............. p. 6
C/ La plupart des délocalisations sont guidées par des
objectifs d’amélioration de la rentabilité des firmes ............. p. 7
D/ La responsabilité de l’Etat et des capitaux engagés
dans la grande distribution .......................................... p. 9
E/ La Communauté d’intérêts des travailleurs
et l‘objectif du plein emploi solidaire ............................... p. 10
F/ Nécessité d’agir en amont ............................................ p. 11
G/ Des mesures structurelles à prendre ............................... p. 13
H/ La stratégie de conquête de l’emploi,
des qualifications, des activités .................................... p. 14
I/ L’exigence de fonds régionaux pour l’emploi
et le développement ................................................. p. 16
J/ Accroître les pouvoirs des salariés et des citoyens ............... p. 17
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La délocalisation, la sous-traitance, l’externalisation, la fermeture des sites, les
travailleurs sont régulièrement confrontés à des vagues de restructurations depuis 25
ans. Phénomènes qui s’accélèrent depuis 18 mois, comme en atteste l’annonce de plans
sociaux touchant désormais tous les secteurs.
Ces phénomènes ont des conséquences graves pour les salariés et leur famille, pour les
bassins d’emploi et les territoires, pour les contribuables.
Les fermetures de sites sont en fait des coups mortels pour le potentiel productif du
pays, comme en atteste l’affaiblissement de la position de la France dans des secteurs
comme le textile, l’habillement ou l’électroménager. Or, ce problème concerne à présent
aussi l’ensemble des secteurs à haute technologie ou ceux des services à forte valeur
ajoutée.
Contrairement à ce que prétendent certains chefs d’entreprises et de responsables
politiques, l’abandon des activités productives sous prétexte de la concurrence
internationale et de la mondialisation, n’est pas une fatalité. Aucune activité productive
n’est condamnée. Toutes ont un avenir à condition que les politiques appropriées soient
mises en œuvre (politique industrielle, politique de financement, politique de formation,
politique de coopération,…) et que les salariés soient à même de peser sur le contenu des
gestions.
Deux types de problèmes sont posés :
- Le premier a trait aux logiques de gestion qui prévalent dans l’entreprise mais aussi
dans les politiques publiques ;
- Le second concerne notre capacité d’intervention sur chacun des cas concrets qui
nous sont posés.
Ce sont ces deux dimensions qu’il faut approfondir, afin de donner des arguments et des
leviers pour l’action des équipes militantes sur le terrain.
A/ Le patronat intensifie le chantage et justifie ses choix par un contexte
économique dégradé.
La multiplication des licenciements et des fermetures de sites a des raisons profondes
liées aux évolutions structurelles de notre économie et à la quête de rentabilité
financière. Ces processus sont accélérés lorsque la situation économique se grade,
comme c’est le cas depuis pratiquement deux ans
1
.
Le taux de croissance économique en France a été très faible en 2002 (moins de 1 %). La
prévision gouvernementale d’une croissance de 2,5 % en 2003 est jugée trop optimiste
1
Voir « Le patronat et les choix du gouvernement Raffarin », Note économique, 67, Centre
confédéral d’études économiques et sociales de la CGT, janvier 2003.
4
par la plupart des experts qui prévoient une croissance du même ordre que celle de
l’année dernière. Les inquiétudes quant à la guerre en Irak aggravent la situation ; d’où la
nécessité de combattre toute tentative guerrière.
La dégradation de la situation économique a des conséquences directes sur la situation
de l’emploi et du chômage. En 2002, lorsque l’on fait le compte des emplois nouveaux
créés et les emplois supprimés, on constate qu’au total, l’économie française a créé
seulement 50 000 emplois. A ce rythme, il faudra attendre 60 ans pour que les
personnes officiellement considérées comme chômeurs à la fin de cette année-là
trouvent enfin un emploi ! Les perspectives ne sont guère plus encourageantes pour
l’année 2003.
S’agissant du chômage, il recommence à augmenter. En 2002, plus de 105 000 personnes
supplémentaires se sont trouvées au chômage. Rien qu’en décembre 2002, 40 000
personnes ont été licenciés pour des motifs différents et 130 000 personnes se sont
inscrites à l’ANPE pour cause de fin de CDD ou fin de mission d’intérim.
Dans ce contexte, trois évolutions risquent d’accélérer les délocalisations, les
externalisations et la sous-traitance.
1°) Les délocalisations et externalisations concernent désormais pratiquement
l’ensemble des secteurs d’activité.
Le schéma « classique » des délocalisations et de la sous-traitance en œuvre au cours
des années 70 et 80 correspondait aux industries dites de main d’œuvre, comme le
textile, l’habillement et le petit électroménager. Aujourd’hui, ces phénomènes
s’observent dans l’ensemble des secteurs d’activité, dans l’industrie comme dans les
services, dans les secteurs dits à faible valeur ajoutée comme dans ceux dits à forte
valeur ajoutée : automobile, aéronautique, informatique, etc.
Cette réalité nous invite à travailler davantage et de réfléchir ensemble pour élaborer
un projet alternatif et une riposte syndicale à partir des enjeux qui concernent
l’ensemble des salariés et pas uniquement ceux d’un nombre limité de secteurs d’activité.
2°) L’élargissement de l’Union européenne aux dix nouveaux pays dès 2004 est en
train de poser de sérieux problèmes.
Cet élargissement, qu’il ne s’agit pas de remettre en cause, est porteur de risques, voire
de dangers importants si des réponses appropriées ne sont pas élaborées. Parmi ces
risques, il faut mentionner celui relatif aux délocalisations et/ou à la sous-traitance. Ce
risque est d’autant plus réel que la main d’œuvre est relativement qualifiée mais bon
marché dans ces pays.
Selon les statistiques du Bureau international du travail (BIT), le coût du travail dans
l’industrie manufacturière des pays candidats équivaut, en moyenne, à 10 % du coût du
travail dans l’industrie manufacturière en Allemagne qui enregistre le coût le plus élevé
de l’Union européenne. Le danger est grand d’une intensification de la mise en
5
concurrence des travailleurs et des systèmes sociaux dans l’espace européen. Les
salariés des pays membres, ceux des Quinze et ceux des pays candidats, en seraient des
perdants au profit notamment des firmes multinationales.
Coût salarial dans l’industrie manufacturière
des pays de l’Est candidats à l’adhésion
(en dollars des Etats-Unis)
Allemagne 32
République tchèque 3,4
Estonie 2,38
Hongrie 3,38
Lettonie 2,01
Lituanie 1,63
Pologne 3,22
Slovaquie 2,76
Source : Bureau International du Travail (BIT), « note préparatoire
pour la rencontre informelle des ministres des affaires sociales
des pays candidats à l’adhésion », juin 2002.
G. Sarkozy, Vice-président du MEDEF et président de l’Union des industries de textiles,
a déjà affiché la couleur. Il se dit « fier d’être un patron qui délocalise ». « La perte
d’emploi, la déstabilisation industrielle, c’est normal, c’est l’évolution », dit-il. Favorable
à une « ouverture des marchés avec toutes ses conséquences », il estime que les
retombées sociales des délocalisations sont « un problème qui doit être traité au niveau
de l’Etat »
2
.
Différente dans l’affichage est la décision de Peugeot - Citroën d’implanter une usine en
Slovaquie. Il s’agit d’un investissement de 700 millions d’euros. La direction déclare qu’il
s’agit d’accompagner le développement des marchés est-européens. Mais on peut
s’interroger sur la tentation de jouer sur les bas coûts de main d’œuvre de la région,
« un rapport de un à quatre par rapport au salaire ouvrier en France »
3
. Précisons que
nous ne sommes pas opposés aux investissements à l’étranger ; nous les jugeons à partir
du critère de l’emploi et du développement économique et social de la France et des
« pays d’accueil ». Dans le cas de Citroën, incontestablement, il est de devoir du
mouvement syndical de défendre les intérêts des travailleurs et d’établir des relations
de coopération avec les syndicats des sites qui seront créés en Slovaquie, comme dans
d’autres pays.
2
La Croix, 29 novembre 2002.
3
Les Echos, 16 janvier 2003.
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