HENRY DESMAREST, LORRAIN PAR AMOUR
déplacements et devenaient vite familiers du monarque et de la cour. Ainsi
Desmarest
a-t-il
pu bénéficier depuis l'enfance des faveurs de Louis XIV.
Lorsqu'il perdit sa jolie voix d'enfant, Desmarest quitta le corps des pages
au cours du premier semestre 1678. Il y avait reçu l'enseignement des
maîtres de la chapelle royale, les abbés Pierre Robert et Henry Du Mont,
propagateurs du motet à double chœur, et non celui de Lulli, comme on l'a
écrit trop souvent. Mais il subit l'influence du surintendant qui dirigeait à
certaines occasions les pages venus renforcer les effectifs de la chambre.
Lulli remarqua le jeune musicien qui devint dès 1680 ordinaire de la
musique du Roy.
Gravitant dans le milieu de la cour, Desmarest guettait les occasions qui
lui permettraient d'obtenir un poste digne de son talent. Il profita de la
naissance du duc de Bourgogne en août 1682 pour composer "Idylle" en
l'honneur du petit-fils de Louis XIV. Lorsque le monarque décida de rempla-
cer Robert et Du Mont, un concours fut ouvert en 1683 pour les postes de
sous-maîtres de la Chapelle royale, auquel se présentèrent 35 candidats, dont
Desmarest. Admis au premier éliminatoire, ce dernier se vit préférer ses
concurrents Minoret, Collasse, Delalande et Coupillet qui occupèrent par
quartier les places qu'il convoitait. Il décida alors de se rendre en Italie pour
apprendre le goût italien. Mais le roi, sur les conseils de Lulli, lui refusa ce
voyage. Cette attitude de Louis XIV réconforta Desmarest qui pensa que si on
le maintenait en place, c'était pour lui donner une charge importante.
Durant une période d'attente, notre compositeur, tout en continuant
d'écrire des œuvres religieuses, affronta le genre de l'opéra pour lequel il
était particulièrement doué. A cette époque, Lulli avait le monopole de la
tragédie lyrique et n'admettait aucune concurrence dans ce domaine. Il fit
pourtant une exception pour Desmarest, car celui-ci était protégé par la
Dauphine, son élève, et le surintendant, prudent, ne s'opposa pas à une
princesse qui était appelée à devenir un jour sa souveraine. On sait qu'il
n'en fut rien, mais Lulli ne pouvait le deviner. Il mourut d'ailleurs le
22 mars 1687. C'est alors que les compositeurs, surpris, tristes sans doute
mais surtout soulagés commencèrent à produire des œuvres lyriques.
Desmarest qui avait de l'avance n'en profita pas, car à ce moment, sa vie
amoureuse l'accapara davantage. En effet, en 1689 il épousa
Elisabeth
Desprez, sœur d'un musicien de la chapelle royale, qui lui donna une fille,
Elisabeth-Madeleine l'année suivante.
Puis un petit scandale éclata à la cour. On se souvient que Nicolas
Coupillet fut nommé sous-maître de la chapelle royale pour un quartier, en
1683,
poste pour lequel Desmarest avait concouru. Il avait eu ce bénéfice
grâce à la protection de Bossuet. En effet, musicien médiocre, cet abbé
n'avait absolument pas les qualités requises pour occuper une telle place.
Aussi profita-t-il de la situation précaire de Desmarest pour lui proposer un
marché. "Il se trouva, conte Lecerf de La Viéville, ami de Desmarest, très
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