quel systeme d`informations statistiques pour un pays a ressources

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QUEL SYSTEME D'INFORMATIONS
STATISTIQUES POUR UN PAYS A RESSOURCES
LIMITEES ?
par Septime MARTIN1
Le recours à l'information statistique comme moyen de connaissance statistique de la
situation socio-économique et comme moyen d'analyse prévisionnelle et décisionnelle est un
phénomène récent en Afrique.
De par son histoire, ses pratiques ancestrales et ses modèles traditionnels de
communication, l'Afrique, pendant de nombreuses années, a ignoré l'importance de l'outil statistique.
La tradition orale du continent n'y est pas neutre. L'héritage colonial également n'a laissé ni structures
ni capacités humaines à la dimension des besoins susceptibles de faire fonctionner de manière
efficace les services statistiques.
Le développement récent de nombreuses économies africaines, leur forte intégration
dans l'économie internationale, les fluctuations des cours des matières premières et leurs effets sur
les économies ont progressivement nécessité de nouveaux outils d'observation et de gestion.
Plusieurs efforts ont été faits au lendemain des indépendances par la coopération
bilatérale et multilatérale pour doter de nombreuses administrations africaines de systèmes
statistiques opérationnels.
Pour concrétiser ces objectifs, des écoles de statistiques ont été créées et soutenues
en moyens matériels. Des bourses d'études ont été également offertes à de nombreux étudiants en
statistique et une assistance directe a été fournie aux directions statistiques de nombreux pays
africains.
Si les actions de formation ont été un succès, il semble qu'il n'en est pas de même de
celles concernant les services statistiques africains.
Malgré l'assistance directe fournie à ces services statistiques, force est de constater
qu'ils remplissent encore aujourd'hui difficilement leurs objectifs. Plusieurs raisons sont souvent
évoquées.
Outre celles liées à l'insuffisance des moyens matériels, c'est à notre avis la faible
place réservée aux services statistiques dans les priorités des pays africains qui est la plus
déterminante.
1 Septime MARTIN est conseiller technique du Ministre des finances de Sao Tome e Principe. Les opinions exprimées
dans cet article le sont à titre personnel.
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Autres préoccupations récentes de nombreux services nationaux de statistique en
Afrique sont les demandes d'informations statistiques de plus en plus urgentes formulées par la
Banque Mondiale et le FMI dans le cadre des programmes d'ajustement structurel qu'ils négocient
avec ces pays.
Dans la suite, notre propos consistera essentiellement, compte tenu des contraintes
financières graves que connaissent les pays et compte tenu de la nécessité de répondre aux
demandes impératives d'informations statistiques des institutions de Bretton Woods, à apporter une
contribution au débat sur le socle minimum d'informations statistiques dans les pays en
développement.
Ainsi, sur la base de l'expérience vécue dans un pays insulaire à ressources limitées,
nous tenterons d'effectuer une réflexion sur la question suivante : quels systèmes d'informations
statistiques seraient souhaitables pour ces pays pauvres ?
I - BREF ETAT DES LIEUX DES APPAREILS STATISTIQUES NATIONAUX
Depuis quelques années, de nombreux appareils statistiques africains ne sont plus
en mesure de répondre aux demandes d'informations statistiques nécessaires à la mise en oeuvre
des politiques cohérentes de développement et particulièrement celles de plus en plus pressantes
émanant de la part des organismes internationaux.
En conséquence, ce sont les missions périodiques de la Banque Mondiale et du FMI
qui sont de plus en plus les facteurs déterminants dans l'organisation et la présentation des données
statistiques du pays. Il arrive même que ces missions se trouvent en concurrence avec les appareils
statistiques des pays en bâtissant leurs propres données, quitte à les discuter puis à les faire adopter
ensuite par les autorités nationales.
Actuellement, les PIB, en données provisoires comme en projections, calculés par les
missions du FMI constituent les seules données disponibles pour certains pays.
Aussi, les données sur les statistiques monétaires et financières de certains pays
sont souvent difficiles à mettre à jour localement. Là aussi, ce sont des missions ponctuelles
extérieures ou celles du FMI qui permettent d'avoir quelque peu des données cohérentes avec
l'ensemble des indicateurs macroéconomiques des pays.
Quelles sont les principales raisons de cette défaillance des appareils statistiques
africains?
Plusieurs facteurs peuvent être cités. On distingue ceux qui sont de nature endogène
aux structures des Directions Statistiques, ceux qui relèvent des hautes autorités des pays, puis ceux
qui sont imputables aux bailleurs de fonds extérieurs.
Les services nationaux centraux de la statistique, dans certains pays et
particulièrement les plus pauvres d'entre eux, n'ont pas su se renouveler et surtout mettre en place
des structures fonctionnelles efficientes. La passivité observable face aux initiatives extérieures a été
un handicap de taille dans la capacité du personnel de ces services à s'approprier les réformes et
restructurations qui leur ont été proposées.
Quelques tentatives de réorganisation ont certes été esquissées au niveau local. Les
faibles motivations plus que les faibles qualifications du personnel, situation observable dans de
nombreux services statistiques en Afrique, ont renforcé l'oisiveté et la faible productivité du personnel.
L'amélioration des conditions matérielles du personnel a souvent été évoquée comme un préalable à
toute redynamisation des services.
Quoique justifiées, ces revendications considérées comme un préalable ont
malheureusement constitué un blocage à des restructurations profondes qui auraient été source de
productivité.
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La responsabilité des autorités du pays dans le passé a été de n'avoir pas
accordé dans les faits la place et l'autorité nécessaire indispensables à ces services statistiques pour
atteindre leurs objectifs.
Les budgets consacrés aux activités statistiques dans la plupart de ces pays ont
connu une évolution en termes réels négatifs aboutissant à une démotivation grave du personnel qui,
dans certains cas, est de haut niveau de qualification.
La faible priorité accordée à la statistique et à la valorisation du métier de statisticien
a nui aux pays concernés car elle a abouti à l'inexistence d'un système national efficient de la
statistique.
Les bailleurs de fonds, dans un souci de doter les pays d'appareils statistiques
fiables, ont apporté plusieurs appuis aux services nationaux centraux de la statistique dans le cadre
de projets, d'assistance technique directe ou de bourses de formation.
Globalement, le bilan en terme de services fournis par rapport au coût est
relativement faible. En effet, les nombreux projets financés par ces donateurs bilatéraux ou
multilatéraux n'ont pas permis à ces services de répondre correctement à leurs missions.
Une analyse critique de ces projets montre d'une part qu'une grande partie des fonds
est destinée aux missions d'experts qui sont chères, d'autre part que les actions poursuivies à travers
ces projets manquent de cohérence globale et donc deviennent inefficaces.
Dans certains cas, ce sont les ambitions démesurées des projets et donc l'incapacité
des nationaux à maîtriser leur exécution et leur suivi qui justifient leurs échecs.
A titre d'exemple, doit-on proposer à une Direction Statistique disposant de moyens
réduits en matériels, en ressources humaines et moyens financiers, la production d'une gamme
complète de données statistiques, quoique utile à la prise efficiente des décisions ?
Ne peut-on identifier les informations indispensables et essentielles susceptibles
d'être produites compte tenu de la situation particulière des pays?
Il s'agira alors d'organiser, de manière périodique et avec une fréquence moindre,
certaines collectes ou enquêtes pour la production des autres données, grâce éventuellement au
concours des bailleurs de fonds.
Les donateurs bilatéraux et multilatéraux, en optant pour des projets trop ambitieux,
ont couru le risque, une fois leur financement arrêté, de voir leurs projets s'arrêter. Par expérience, on
a noté dès la fin des projets et donc de l'arrêt du financement extérieur que les services centraux de
la statistique ne sont plus arrivés à fournir de façon satisfaisante les informations statistiques relevant
de leur compétence.
En réalité, le problème n'est pas seulement un problème financier mais également
celui du transfert effectif des compétences au sein des projets. Si on a souvent sous-estimé les
charges récurrentes découlant des équipements et moyens logistiques fournis dans le cadre des
projets, de nombreux problèmes sont également apparus du fait de l'échec d'une communication
réussie entre experts internationaux et cadres nationaux. Le transfert des connaissances en
conséquence n'a donc pu se faire de façon satisfaisante.
Une révision complète de l'approche de l'aide aux services nationaux de la statistique devra donc être
effectuée. Il est essentiel d'identifier un socle minimum d'informations statistiques nécessaires
à produire, de restructurer les services statistiques pour leur permettre de fournir de manière
continue ces informations et de mettre en place une réelle politique de formation et de
recyclage de leurs agents.
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II - COMMENT LES DIRECTIONS STATISTIQUES PEUVENT-ELLES
ASSURER LEURS MISSIONS DANS UN CONTEXTE DE PENURIE DE
RESSOURCES ?
La réorganisation des services nationaux centraux de la statistique de nombreux
pays africains ne peut se faire aujourd'hui en dehors du contexte d'ajustement structurel dans lequel
ils se trouvent. En effet, la production de l'information statistique ne peut être une fin en soi, mais doit
répondre à des besoins précis.
Il s'agit prioritairement de répondre aux besoins des utilisateurs potentiels identifiés et
ceci dans des délais raisonnables. A ceci vient s'ajouter une mission supplémentaire et spécifique en
Afrique, celle du développement d'une culture statistique auprès des administrations publiques et
privées afin qu'elles soient sensibilisées à l'usage d'informations statistiques et qu'elles puissent en
faire la demande en fonction de leurs besoins.
II.1. Les informations statistiques prioritaires à produire
Afin de permettre la prise de décision la plus efficiente ou celle limitant au minimum
les risques, deux principaux types d'information sont essentiels pour ces pays. Il s'agit d'une part des
données nécessaires à l'analyse conjoncturelle et d'autre part de celles relatives aux tendances
lourdes de l'économie nationale indispensables à des exercices de planification économique.
2.1.1. Les données nécessaires à l'analyse conjoncturelle doivent être
sélectionnées en fonction de la fréquence de leur demande par les utilisateurs nationaux et
internationaux.
A ce titre, plusieurs types d'informations sont demandées par les institutions de
Bretton Woods et doivent constituer une première base d'informations indispensables à satisfaire
avec la régularité souhaitée.
Cette base d'informations statistiques doit être complétée par d'autres types
d'informations nécessaires au niveau national pour une politique conjoncturelle dynamique. En effet,
l'analyse des aspects sociaux de l'ajustement structurel et la définition de politiques alternatives à ses
effets pervers supposent la disponibilité d'informations statistiques qui font aujourd'hui défaut aux
autorités du pays. Elles sont pourtant essentielles, voire constituent un préalable à toute initiative
dans le cadre de la dimension sociale de l'ajustement (D.S.A.).
a) Les informations statistiques de type monétaire, financier ou "réel" régulièrement
sollicitées par les institutions de Bretton Woods et les utilisateurs nationaux se résument comme suit:
- les informations sur les finances publiques à savoir les recettes courantes et
dépenses courantes de l'état avec leurs différentes rubriques et leurs évolutions,
et plus particulièrement le Tableau d'Opérations Financières de l'Etat (T.O.F.E.) ;
- les informations sur le programme annuel d'investissement public, sa
composition et la structure de son financement, le budget annuel
d'investissement public et ses composantes du point de vue financier ;
- les informations sur les statistiques monétaires et financières, à savoir le solde
de la position liquide du gouvernement auprès de la Banque Centrale, les crédits
à l'économie et les comptes d'actif et de passif de la Banque Centrale ;
- les informations sur l'évolution des prix internes et, particulièrement, ce qui
concerne l'indice des prix à la consommation (avec le détail des prix des
principaux groupes de produits et de services) et la variation des prix et tarifs
administrés (produits pétroliers, électricité et eau, etc.) ;
- les informations sur le secteur externe de l'économie, à savoir toutes les
rubriques regroupées au sein de la balance des paiements du pays. Il s'agit
principalement :
. du volume et de la valeur des principales exportations mensuelles, en
particulier les cultures de rente, les minerais ou les produits manufacturés ;
. du volume et de la valeur des principales importations ;
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. des paiements mensuels du service courant de la dette externe (détaillant
les intérêts et le principal par créancier) ;
. des paiements mensuels des arriérés de la dette externe par créancier ;
. des déboursements mensuels d'emprunts externes ou de dons par source
créditrice ;
- les données sur le taux de change officiel de la monnaie nationale et son
évolution avec le marché libre et parallèle ;
- les données estimatives sur le PIB et son évolution :
. les productions de biens et services ventilées par branche et
secteur ;
. la répartition par emplois de celles-ci.
b) Les informations de type social, indispensables à l'analyse des impacts négatifs de
l'ajustement structurel concernent par exemple les résultats d'enquêtes sur le niveau et l'évolution
des dépenses de consommation des ménages ruraux et urbains pauvres, et l'évolution des sansemplois dans les secteurs urbains et ruraux.
2.1.2. Les données nécessaires à l'analyse structurelle sont des données
reflétant les structures lourdes de la société nationale. Elles concernent à la fois des données
sociales (démographie, éducation, emploi, santé, etc.) et des données économiques (structures de la
production, composition et évolution de la structure de la consommation comme de l'épargne par
groupe social, évolution technologique, mutation des échanges internationaux et financiers).
Autres types d'informations structurelles importantes à produire sont les sensibilités
de variables économiques par rapport aux prix et aux revenus notamment. On peut citer les
élasticités des variables comme la consommation, l'investissement ou l'épargne par rapport au prix
ou au taux d'intérêt. Ces ratios sont essentiels dans la conception de mesures de politique
économique.
A ces informations, on peut rajouter les tableaux de cohérence globale comme les
tableaux entrées sorties (T.E.S.), les tableaux économiques d'ensemble (T.E.E.) et les tableaux
d'opérations financières (T.O.F.).
La question clé qui se pose est donc de savoir, dans cet ensemble d'informations
statistiques, lesquelles peuvent constituer le socle minimum incontournable nécessaire et susceptible
d'être produit sous la responsabilité directe ou indirecte des services nationaux centraux de la
statistique.
La réponse à une telle question passe par une réflexion sur les systèmes
statistiques viables pour les pays compte tenu de leurs besoins prioritaires et surtout de leurs
moyens. Une réflexion sur ces systèmes statistiques viables aura pour objectif de déterminer les
informations statistiques prioritaires et déterminantes susceptibles d'être produites ou collectées de
manière régulière étant donné les moyens humains et matériels limités.
Elle devra également analyser et proposer une structure efficiente de collecte de
l'information, réviser la nomenclature existante en optant pour une classification des activités
économiques adaptées aux réalités des pays mais normalisée à celle en vigueur dans le Système de
Comptabilité Nationale des Nations-Unies.(S.C.N.)
II.2. La stratégie de production des informations statistiques prioritaires dans un
environnement de pénurie de ressources
La politique économique requiert comme nous l'avons montré ci-dessus des données
statistiques à la fois de type conjoncturel comme de type structurel. Chacun de ces types
d'informations présente ses caractéristiques propres en termes de finalité comme de collecte. Ce
sont celles-ci, en fonction de leurs implications financières et de leur caractère incontournable pour la
politique économique, principalement le suivi des programmes d'ajustement structurel, qui guideront
leur sélection dans le système national d'informations statistiques.
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2.2.1. La structure de l'information statistique prioritaire et ses incidences sur
son coût de production:
La liste précédente des statistiques conjoncturelles et structurelles indispensables à
l'analyse et à la politique économique peut être ventilée en informations faisant l'objet de traitements
sous la responsabilité directe des services centraux de la statistique et informations collectées par
eux mais ayant préalablement fait l'objet de traitements par d'autres sources statistiques.
Autre ventilation est la répartition de cette information statistique en celle nécessitant
des opérations d'enquête et celle n'en nécessitant pas.
a) La ventilation de l'information statistique par source productrice
- Les informations sous la responsabilité directe des services centraux de la
statistique
Elles peuvent être regroupées de la façon suivante :
. les statistiques démographiques et sociales de synthèse ;
. les statistiques de synthèse sur les opérations sur biens et services et leurs prix ;
. l'indice des prix à la consommation qui peut lui même se décomposer en
urbain/rural, européen/non européen ;
. les indicateurs conjoncturels.
- Les informations sous
la responsabilité d'autres sources statistiques
nationales
Elles peuvent être regroupées comme suit:
. les statistiques monétaires et financières (Banque Centrale et système bancaire
national) ;
. les statistiques des finances publiques (Directions chargées des finances
publiques, du trésor public et de la planification économique) ;
. les statistiques du commerce extérieur (Direction des douanes) ;
. les statistiques sur la dette extérieure publique, privée ainsi que sur l'aide
extérieure (Ministère de la coopération, Banque Centrale et Ministère de
l'économie et des finances) ;
. les statistiques de production de base de biens et services agricoles, industriels
et autres (Ministères techniques).
b) La ventilation de l'information statistique selon qu'elle nécessite ou non des
enquêtes :
- Les statistiques nécessitant des opérations d'enquêtes
. l'indice des prix à la consommation ;
. les indicateurs économiques conjoncturels. (principales productions nationales,
commerce extérieur et sous- emploi, etc.) ;
. les statistiques démographiques et sociales (population active, niveau d'emploi,
structure par âge de la population...) ;
. les statistiques sur l'évolution des opérations sur biens et services.
- Les statistiques ne nécessitant pas d'opérations d'enquêtes spéciales
. les statistiques monétaires et financières, la dette extérieure du pays avec son
déboursement et son remboursement ainsi que les arriérés de paiement qui sont
directement collectées auprès de la Banque Centrale ;
. les statistiques des finances publiques collectées auprès des Directions
chargées des finances de l'état et de la Direction de la planification économique ;
. les statistiques du commerce extérieur fournies par la Direction des douanes.
La classification qui vient ainsi d'être faite indique que la grande part des informations
statistiques exigées par les institutions de Bretton Woods ne relèvent pas de la responsabilité directe
des services nationaux centraux de la statistique.
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En effet, les statistiques monétaires et financières, les statistiques des finances
publiques comme les statistiques du commerce extérieur sont élaborées principalement par d'autres
sources statistiques.
Aussi, pour les statistiques de production de base (agricoles, industrielles et autres),
les services centraux de la statistique sont également dépendants de leurs sources de production
comme par exemple les Ministères de l'agriculture et de l'industrie.
Seuls, l'indice des prix à la consommation, les statistiques sur les comptes nationaux,
les indicateurs économiques et sociaux conjoncturels et les statistiques sur les tendances lourdes de
la société (démographie, structures productives...) relèvent généralement directement de leur
responsabilité.
Cela implique donc que la qualité de l'information statistique et son coût ne se limitent
pas aux appuis dont peuvent bénéficier les services centraux de la statistique, mais également
impliquent la réorganisation des autres sources extérieures dans la collecte et l'élaboration de leurs
informations statistiques de base.
On constate aussi aujourd'hui que pour les pays sous ajustement structurel,
l'information statistique prioritaire produite est celle utilisée principalement par les institutions de
Bretton Woods malgré sa périodicité peu satisfaisante.
C'est donc la demande externe qui devient, par le fait des préoccupations
conjoncturelles, l'élément dynamique de cette production statistique. Les services centraux de la
statistique n'ayant pas la responsabilité première dans cette production courent le risque de perdre
de plus en plus de leur influence.
Trois problèmes majeurs découlent de cette classification et se posent alors au
système d'information souhaitable dans les petits pays sous ajustement structurel :
- quelles sont les informations incontournables parmi celles relevant de leur
compétence directe que les services centraux de la statistique doivent produire
et à quelle fréquence ?
- comment garantir la production de celles-ci sous la contrainte de ressources
financières et humaines ?
- comment appuyer les autres sources statistiques pour qu'elles accroissent
l'efficacité de leurs services, afin qu'elles contribuent à réduire les coûts de
gestion de ces services centraux de la statistique ?
2.2.2. Les informations statistiques à produire par les services nationaux
centraux de la statistique:
De toutes celles relevant de leurs compétences, celles qui sont incontournables,
étant donné les engagements pris avec la Banque Mondiale et le FMI plus que pour des mesures de
politique économique autonome, sont :
- l'indice des prix à la consommation ;
- les statistiques de synthèse sur les opérations sur biens et services ;
- les indicateurs conjoncturels ;
- les indicateurs sociaux indispensables pour les programmes de dimension
sociale de l'ajustement (DSA).
L'indice des prix à la consommation dans sa version simple, est obtenu à partir
d'enquêtes périodiques effectuées par des équipes spécialisées des services centraux de la
statistique sur les principaux marchés et magasins du pays. S'il n'est pas fourni de manière
satisfaisante avec la régularité voulue, c'est soit pour des défaillances en compétences humaines et
en approche méthodologique, soit suite à un manque de ressources financières.
Afin de résoudre les problèmes relatifs à la publication d'un tel indice des prix à la
consommation fiable, les actions urgentes qui devront être prises sont:
- l'organisation périodique d'enquêtes légères tendant à actualiser les informations
tirées des précédentes enquêtes budget-consommation dans le but de réajuster
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le panier des produits de la ménagère et d'actualiser les pondérations de l'indice
;
- l'amélioration du traitement et du calcul de l'indice en renforçant et modernisant
les équipements comme les logiciels utilisés et en amont la saisie et la collecte
des données ;
- la formation du personnel sur les méthodologies de calcul de l'indice des prix et
l'utilisation des tableurs comme des systèmes de gestion de base de données
récents.
Les données de synthèse sur les opérations sur biens et services, en particulier
celles devant déboucher sur le calcul du PIB, sa ventilation par sources et emplois et l'élaboration à
terme des tableaux de synthèse comme le TES et le TOF, exigent une information de qualité des
comptes des entreprises du secteur moderne et éventuellement du secteur informel.
C'est dans ce domaine que de nombreux services centraux de la statistique ont
besoin du plus grand appui technique et financier. L'accélération de ce processus, avec la diffusion
dans les entreprises du système organisé ou non organisé du plan comptable OCAM, constitue un
préalable et permettra de disposer d'informations fiables et harmonisées pour le calcul des comptes
nationaux.
Une fois que les données sur les branches d'activité ou les secteurs institutionnels
seront suffisamment denses, il sera possible d'envisager l'élaboration des équilibres ressources
emplois avec la détermination des principaux agrégats dont le PIB, l'épargne, la consommation,
l'investissement, etc.
Les pays doivent renoncer temporairement à l'élaboration exhaustive de ces comptes
nationaux et s'en tenir à une approche légère d'estimation susceptible d'être revue et corrigée
ultérieurement.
Par approche légère, nous entendons une méthode simplifiée d'estimation du PIB
d'un pays à partir de "comptes légers" puis sa ventilation en ressources et emplois, qui serait un pas
important dans la disponibilité de données essentielles pour la politique économique.
L'élaboration des tableaux complets entrées sorties (TES), des tableaux d'opérations
financières (TOF) ou des comptes consolidés de la nation doivent être différés dans le temps et faire
l'objet d'estimations périodiques contribuant ainsi à une révision des données provisoires grâce à
l'appui de l'assistance extérieure. Evidemment, rien n'empêche d'effectuer immédiatement une
ébauche de construction de ces tableaux quand bien même il y aurait de nombreuses données
manquantes dans les différentes colonnes. Un tel exercice devrait ainsi faciliter le futur travail de
l'assistance technique chargée d'aider à leur confection.
Néanmoins, la priorité actuelle reste l'appui des services centraux dans la maîtrise de
la méthode simplifiée d'estimation du PIB et, dans une seconde étape, de sa ventilation par
ressources et emplois, la garantie en amont de la régularité de la collecte des informations
indispensables à cette fin et, enfin, l'assurance d'une bonne gestion des fichiers y afférents.
Comme il existe au minimum un décalage d'environ trois ans entre les données
provisoires et les données définitives des comptes nationaux, les données sur le passé nécessaires à
l'analyse ex-post et à des analyses prévisionnelles doivent être complétées par des données
estimatives plus récentes indispensables pour la politique économique conjoncturelle.
Les indicateurs conjoncturels sont élaborés à partir d'enquêtes légères, de
projections et extrapolations faites à partir de données brutes obtenues dans le passé. Ils nécessitent
des statistiques ayant une fréquence de disponibilité plus grande que les données habituelles
fournies sur l'activité économique et sociale. Il s'agit, outre l'indice des prix à la consommation déjà
analysé, de données sur le commerce extérieur, la production et le niveau de l'emploi.
Dans la pratique, les indicateurs conjoncturels fournis par les services centraux de la
statistique des pays en développement à ressources limitées se résument à l'indice des prix à la
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consommation, aux données sur le commerce extérieur et aux données sur la production synthétique
de biens et services du pays.
Etant donné que les statistiques sur le commerce extérieur peuvent être garanties
grâce au logiciel diffusé dans le cadre de l'application Sydonia, il revient aux pays ne disposant pas
encore de ces structures d'en faire la demande d'implantation auprès des instances compétentes.
Aussi, par le biais d'Eurostat, il est possible d'accéder à un certain nombre d'outils ou logiciels
susceptibles d'améliorer les données sur le commerce extérieur (Eurotrace).
Il reste que la principale préoccupation des services centraux de la statistique en ce
qui concerne les indicateurs conjoncturels doit être la mise sur pied d'un système rapide de collecte
et de traitement des données essentielles sur la production de biens et services.
Un tel système dans son processus d'élaboration est forcément différent du système
simplifié d'élaboration des comptes nationaux mais est indispensable à l'analyse conjoncturelle. Les
données ainsi utilisées pour les besoins conjoncturels pourront être produites mensuellement ou
trimestriellement mais devront être considérées comme provisoires et faire l'objet d'enrichissements
ultérieurs jusqu'aux données définitives.
Les indicateurs sociaux indispensables aux programmes DSA sont souvent
élaborés sans liaison étroite avec les appareils nationaux chargés de la statistique, du fait de la non
disponibilité auprès de ces derniers des informations recherchées. Ces programmes sont créés sur
financement extérieur pour répondre à de tels besoins et devraient être davantage conçus au sein
des services centraux de la statistique ; ils contribueraient ainsi à renforcer leurs structures.
Outre les informations sociales courantes nécessitées par DSA, quelques unes qui
ne sont pas systématiquement disponibles mais qui sont pourtant indispensables à la définition de
politiques sont :
- le concept de pauvreté et sa mesure ;
- la structure de la pauvreté urbaine et rurale ;
- la structure de la consommation de biens et services au sein de ces groupes
vulnérables pauvres.
2.2.3. Les mesures d'accompagnement pouvant garantir la pérennité des
services prioritaires des services centraux de la statistique :
Comme analysé précédemment, les statistiques prioritaires qui sont sous la
responsabilité directe des services centraux de la statistique sont l'indice des prix à la consommation,
les valeurs estimées du PIB et sa ventilation par sources et emplois, les indicateurs conjoncturels et
enfin les indicateurs sociaux pour le programme DSA.
Les opérations indispensables en amont pour atteindre ces objectifs ont été
analysées et peuvent être résumées comme suit :
- formation des agents aux méthodes statistiques et logiciels de traitement de
données ;
- initiation aux techniques simplifiées d'élaboration des données provisoires du
PIB et sa ventilation par sources et emplois ;
- initiation aux techniques d'enquêtes légères et rapides pour l'élaboration des
indicateurs conjoncturels.
A ceci doit s'ajouter un appui logistique et financier susceptible de garantir la
réalisation des enquêtes périodiques et la maintenance des équipements au cas où les ressources
nationales s'avèreraient chroniquement insuffisantes.
Les actions de formation constituent donc une priorité dans ces services nationaux
de la statistique, à côté des moyens matériels et financiers nécessaires pour atteindre leurs missions.
Un tel constat contraste avec ce qui se passe dans beaucoup d'autres pays africains, où les
ressources humaines existent tandis que seuls les moyens matériels et financiers font souvent
défaut.
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2.2.4. L'appui indispensable aux services nationaux non centraux de la
statistique :
Les autres sources statistiques nationales sont nombreuses. La plupart d'entre elles
regroupent la Banque Centrale, les Directions chargées des finances publiques, la Direction des
douanes, la Direction de la planification économique et les Directions des principaux secteurs
productifs comme l'agriculture et l'industrie. Ces dernières, comme nous l'avons déjà dit sont
particulièrement essentielles pour le suivi des programmes conclus avec la Banque Mondiale et le
FMI.
Bien qu'étant considérées comme des sources statistiques indépendantes des
services centraux de la statistique, ces dernières dans leurs attributions ont le devoir de confier aux
services centraux la mission de collecter et de publier l'ensemble des informations statistiques
qu'elles produisent.
C'est pourquoi un appui à ces sources statistiques vise également le renforcement de
la capacité des services centraux de la statistique à répondre à leurs missions.
Les nombreux retards et la partialité des informations disponibles dans le domaine
des statistiques monétaires, financières et sur le suivi de la dette des pays, indiquent qu'une
réorganisation ou une modernisation des services de statistiques monétaires et financières au sein
des Banques Centrales sont plus qu'indispensables.
De même, le suivi de la dette publique et de ses flux de remboursement exige une
bonne fonctionnalité des structures au sein du Trésor Public, ainsi que la qualification de ses agents.
Quant aux Ministères techniques, responsables de l'information statistique sectorielle,
un appui dans la réorganisation de leurs services statistiques, en particulier en ce qui concerne les
enquêtes de collecte des données du secteur productif, paraît indispensable.
II.3. La stratégie d'élaboration des autres statistiques prioritaires
Par autres statistiques prioritaires, l'on devra entendre les statistiques qui ne font pas
l'objet d'une pression de la demande par les utilisateurs, et non sélectionnées précédemment, bien
qu'étant utiles pour la politique économique et la prise de décision cohérente.
Rentrent dans cette catégorie, les données relatives aux tendances lourdes de
l'économie et de la société comme les données sur la démographie, certains indicateurs de variables
comportementales, les tableaux de synthèse et de cohérence des agrégats macroéconomiques
comme le TES, le TOF ou encore les comptes consolidés de la nation. A ceci on peut rajouter les
statistiques globales sur l'éducation, la santé et l'emploi.
Au même titre que les recensements démographiques pour lesquels des ressources
extérieures sont mobilisées (par l'intermédiaire du FNUAP par exemple), la confection de comptes
nationaux globaux avec l'élaboration des tableaux de synthèse devra faire l'objet de financements et
d'appuis techniques de l'assistance extérieure. La périodicité de l'élaboration de ces données
dépendra de la situation de chaque pays.
Toutes ces actions périodiques qui pourraient être menées avec l'appui de
financements extérieurs et d'une assistance technique étrangère devraient être conçues
conjointement avec un plan réaliste de formation et de transfert de savoir-faire aux cadres nationaux.
La crise que traversent certains services centraux africains de la statistique est à la
fois une crise de crédibilité et une crise de moyens. Cela signifie qu'il ne suffira pas de fournir les
moyens organisationnels, humains et matériels à ces services pour garantir la réussite de leurs
missions. Le plus difficile sera d'obtenir leur crédibilité.
Elle passera par la qualité des informations produites, leur acceptation par les
utilisateurs privilégiés nationaux et étrangers, comme privés et publics. Ceci dépendra en grande
partie de la capacité des agents de ces services à asseoir leur autorité en la matière, mais aussi de la
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volonté politique des gouvernements à faire de ces services des organes privilégiés et autonomes de
collecte, traitement et diffusion de l'information statistique.
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