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Nouveautés en
médecine 2015
Quoi de neuf en urologie ?
Pr PATRICE JICHLINSKI a
Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 95-6
Cet article apporte au médecin de premier recours quelques explications sur l’utilisation du PSA dans le dépistage du cancer de
la prostate et fait le point sur le traitement de quelques pathologies spécifiques telles que la lithiase urinaire, la vessie hyperactive et le cancer de la vessie.
Novelties in Urology in 2015
This paper brings to the general practitioner some clarifications
with regard to open questions – such as prostate cancer screening
– and points at some disease management in different fields – such
as urinary stones, overactive bladder and immunotherapy in bladder cancer.
Introduction
En 2015, l’urologie n’a pas connu de bouleversements majeurs
dans la prise en charge des maladies bénignes ou malignes du
système urinaire. Toutefois, la façon d’utiliser le PSA (antigène
prostatique spécifique) dans le dépistage du cancer de la prostate reste un sujet débattu et certaines mises au point dans
d’autres domaines sont susceptibles d’aider le médecin de
premier recours dans sa pratique quotidienne.
Dépistage « ciblé » du cancer de la prostate
à haut risque ?
Sans chercher à raviver la polémique entre partisans et opposants d’un dépistage précoce du cancer de la prostate, l’annonce à un patient qu’il est porteur d’un tel cancer n’est pas
facile ; surtout lorsqu’il demande au médecin de se prononcer
sur l’évolution à court et long termes de la maladie et si une
mesure de prévention aurait permis ou non de modifier le
cours de cette évolution.
Du fait de la forte prévalence du cancer de la prostate à partir
de l’âge de 50 ans, son dépistage par des biopsies systématiques dès que le PSA s’élève au-dessus de 3 ou 4 ng / ml induit
un risque de surdiagnostic et de surtraitement, en dépit de la
réduction démontrée du risque de mortalité par cancer à long
terme. L’idéal est donc tout à la fois d’éviter le surdiagnostic
et de déceler les cancers à haut risque évolutif. Deux études
méritent une attention particulière. Elles visent à établir la
valeur seuil du PSA sérique dans la stratification du risque de
développer un cancer métastatique, voire mortel, et à estimer
l’intervalle de temps entre deux mesures du marqueur permet­
tant d’éviter le risque de surdiagnostic.
a Professeur ordinaire et chef de service, Service d’urologie,
CHUV, 1011 Lausanne
[email protected]
Traitement urologique du calcul
de la voie urinaire
Par l’approche des techniques minimales invasives, le traitement des calculs de la voie urinaire s’est considérablement
modifié au cours du temps. L’urétéroscopie souple assistée
par lithotritie laser représente une méthode de choix dans de
nombreuses indications. La technique est opérateur dépendant, de même que la lithotritie extracorporelle dont les paramètres sont remis en question afin d’optimiser les résultats. Il
est important d’éviter de laisser des fragments résiduels, dont
la taille et la localisation ont clairement un impact sur le taux
de récidives. Le risque de survenue d’un événement clinique
(post-traitement) est clairement corrélé avec le nombre et la
taille des fragments et en présence de calculs > 4 mm, dans un
calice inférieur, 72 % des patients nécessiteront un traitement
invasif secondaire.4
Troubles mictionnels irritatifs
(vessie hyperactive non neurogène)
Les troubles mictionnels irritatifs sans lien avec une pathologie
neurologique sont une importante source de désagréments
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Une première étude épidémiologique1 a opposé le taux de décès par cancer de la prostate annoncés dans le registre national
des cancers en Suède à des mesures rétrospectives du PSA dans
une cohorte de 21 277 individus, 25 à 30 ans auparavant. Les
hommes, dont la valeur du PSA se situait dans le dixième des
valeurs les plus élevées : c’est-à-dire au delà de 1,6 entre 45 et
49 ans et au-delà de 2,4 entre 51 et 55 ans, contribuaient aux
44 % de décès par cancer de la prostate à long terme. L’étude a
montré que le dosage du PSA ne se justifie pas en l’absence de
risque à 40 ans et que chez les individus à faible risque de
­développer un cancer métastatique, trois mesures du PSA
sont suffisantes : entre 45 et 50 ans 51 et 55 ans et à 60 ans. La
deuxième étude 2 a stratifié le risque de déceler un cancer à
risque intermédiaire (score de Gleason 7) sur une période de
douze ans, selon les valeurs du PSA et l’intervalle de temps
entre les mesures dans une population d’individus ayant un
PSA inférieur à 3 ng / ml. Il a été possible d’établir qu’un intervalle de temps de 8 ans, 4 ans et 2 ans est possible en présence
respectivement d’une valeur du PSA < 1,0, entre 1 et 2 et > 2. A
terme, l’étude IMPACT (Identification of Men with a genetic
predisposition to ProstAte Cancer),3 dont les résultats préliminaires sont encourageants, devrait optimiser le groupe de patients à risque qui méritent un suivi du PSA en fonction de leur
profil génétique. Ceci et l’évolution des critères de prise en
charge par surveillance active permettront de réduire le ris­que
de surtraitement quand le patient aura atteint des valeurs seuils
de PSA, a priori indicatives d’une démarche diagnostique.
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REVUE MÉDICALE SUISSE
pour le patient et parfois un casse-tête pour le médecin. La
vessie hyperactive non neurogène se définit comme une entité
clinique associant des urgences mictionnelles, associées à une
élévation des mictions diurnes et éventuellement nocturnes
en l’absence d’infection urinaire ou d’une pathologie évidente
comme une hypertrophie bénigne de la prostate, par exemple.
La nycturie est un symptôme particulièrement dérangeant qu’il
convient d’analyser, les troubles du sommeil consécutifs pouvant engendrer un état dépressif. On distingue la polyurie noc­
turne d’une nycturie liée à une réduction de la capacité vésicale. La première s’observe en présence de troubles du sommeil
(syndrome d’apnées du sommeil), de problèmes vasculaires
et cardiaques ou d’autres troubles métaboliques ; la seconde
correspond à l’hyperactivité vésicale diurne. Il est également
important d’écarter comme cause de la nycturie une polydipsie
diurne ou vespérale.
Au préalable, le médecin doit analyser les différents facteurs,
y compris les médicaments pouvant être à l’origine du syndrome mictionnel irritatif ; puis peser le pour et le contre de la
prescription d’un traitement médicamenteux en fonction de
l’induction de possibles effets secondaires parfois encore plus
invalidants.
Parmi les mesures thérapeutiques, il convient de rappeler les
simples mesures diététiques et de comportement susceptibles
de modifier significativement le cours des mictions. Elles
peuvent ensuite être associées aux traitements pharmacologiques (antimuscariniques ou bêta-adrénergiques). Les deux
principes thérapeutiques ont une efficacité similaire avec potentiellement des effets secondaires limités avec le dernier.
Toutefois, les médicaments doivent être administrés avec une
très grande prudence chez les patients fragilisés avec en particulier des troubles cognitifs ou une mobilité réduite. Il est
parfois préférable de simplement revenir à une thérapie comportementale.
L’échec est défini en principe après un essai thérapeutique
d’environ deux mois et d’une concordance des points de vue
entre le médecin et son patient. C’est à partir de ce moment
que se pose l’introduction d’un traitement de troisième intention, comme l’injection intradétrusorienne sous contrôle endoscopique de toxine botulinique.5
Points de contrôle immunitaire
en oncologie urologique (immune
checkpoints)
L’immunothérapie est en passe de bouleverser la prise en
charge de nombreux cancers, dont les cancers urologiques.
Les cancers induisent des réponses immunitaires adaptatives,
médiées par les lymphocytes T. Toutefois, ils parviennent à
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échapper au système immunitaire par une série de mécanismes,
dont, en particulier, le dérèglement des points de contrôle immunitaire (immune checkpoints) essentiels à la réponse immunitaire de ces cellules T. La modulation et l’inhibition de ces
points de contrôle immunitaire par des nouveaux médicaments ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Le cancer de la vessie est un modèle expérimental tout désigné
dans ce domaine pour les raisons suivantes : il est fortement
immunogène et l’immunothérapie topique par instillation intravésicale de BCG s’est montrée très efficace dans la prise en
charge des tumeurs urothéliales de la vessie non musculo-invasives au cours de ces 40 dernières années. A l’opposé, il n’y
a pas eu de percée majeure dans la prise en charge des cancers
musculo-invasifs, voire métastatiques depuis 30 ans. Les premiers résultats obtenus par l’utilisation de ces inhibiteurs des
points de contrôle immunitaire en association avec les protocoles de chimiothérapie laissent penser que ce domaine de recherche va considérablement s’amplifier dans un futur proche.6
Conflit d’intérêts : L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec
cet article.
Implications pratiques
L’allongement de l’intervalle de temps entre deux mesures du
PSA permet de réduire les risques de surdiagnostic et de surtraitement
Les calculs résiduels de plus de 4 mm nécessitent un suivi médical
et une prise en charge appropriée
Les thérapies comportementales sont utiles à la prise en charge
des patients âgés et fragilisés souffrant d’une vessie hyperactive
d’étiologie non neurogène
L’immunothérapie fait son entrée dans la prise en charge des
cancers invasifs et métastatiques de la vessie
1Vickers AJ, Ulmert D, Sjoberg DD, et
al. Strategy for detection of prostate
cancer based on relation between prostate specific antigen at age 40-55 and
long term risk of metastasis : Casecontrol study. BMJ 2013;346:1-11.
2 * Randazzo M, Josef B, Huber A, et
al. A « PSA Pyramid » for men with initial
prostate-specific antigen ≤ 3 ng / ml : A
plea for individualized prostate screening. Eur Urol 2015;68:591-7.
3Bancroft EK, Page EC, Castro E, et
al. Targeted prostate cancer screening
in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers :
Results from the initial screening round
of the impact study. Eur Urol 2014;66:
489-99.
4Hein S, Miernik A, Wilhelm K, et al.
Clinical significance of residual fragments
in 2015 : Impact, detection, and how to
avoid them. World J Urol 2015 ; epub
ahead of print.
5Gormley EA, Lightner DJ, Farady M,
Vasavada SP. Diagnosis and treatment
of overactive bladder (non-neurogenic)
in adults : AUA / SUFU Guideline Amendment. J Urol 2015;193:1572-80.
6 Kates M, Sopko NA, Matsui H, et al.
Immune checkpoints inhibitors : A new
frontier in bladder cancer. World J Urol
2015 ; epub ahead of print.
* à lire
**à lire absolument
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13 janvier 2016
07.01.16 07:29
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