Matinale de l`Economie : réduire la dépense publique sans freiner la

publicité
Matinale de l'Economie : réduire la dépense publique sans
freiner la croissance
Réduire la dépense publique sans freiner la croissance, tel était le thème abordé lors de la matinale
de l'économie, organisée par la Fondation pour l'université de Lyon, le 15 mai dernier.
Animée par Jean Marc Vittori, éditorialiste aux Echos, elle réunissait :
Patrick Artus, Directeur de la Recherche et des Etudes de Natixis,
Henri Guaino, député des Yvelines,
Selma Mahfouz, Commissaire générale adjointe à la stratégie et à la prospective,
Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de Force ouvrière,
Valérie Rabault, Rapporteure générale du budget de l'Assemblée Nationale.
Claude Bartolone, Président de l'Assemblée Nationale, ouvre le débat en rappelant que l'objectif est
aujourd'hui de "conserver le modèle social de la France". Dès lors, les interrogations doivent porter sur les
méthodes pour y parvenir : "trouver un compromis entre croissance et dépenses, entre sauvetage du
modèle social et désendettement, c'est le défi du gouvernement actuel".
En guise d'introduction, Jean-Marc Vittori rappelle que pour rééquilibrer les finances publiques, deux
principaux leviers d'action se présentent : la fiscalité (augmenter les impôts pour accroitre les recettes
fiscales), et les dépenses publiques : "les réduire est souhaitable même si dans certains pays, cette
conduite a eu des effets négatifs, en Grèce notamment".
L'effet de la réduction des dépenses publiques sur la croissance reste à démontrer
En 2013, les dépenses publiques représentent en France 57 % du PIB contre 49 % du PIB en moyenne
dans l'Union européenne, rappelle Selma Mafhouz.
http://www.lafinancepourtous.com/Actualites/Matinale-de-l-Economie-reduire-la-depense-publique-sans-freiner-la-croissance
Or, il s'agit avant tout de comprendre d'où viennent ces écarts. Pour Salma Mafhouz, ils sont d'abord liés
aux différents modèles sociaux mis en place en Europe. Certains pays, comme la France, se donnent
pour objectif de "socialiser davantage la dépense" pour répondre à des préférences collectives. Par
exemple, la volonté de disposer d'un système éducatif public et gratuit. D'autre part, ces écarts
peuvent s'expliquer par les différences objectives de situation entre les pays européens (population, mode
de vie, etc.).
Enfin, l'efficacité des dépenses publiques permet également de justifier ces écarts. Pour un même niveau
de dépenses, certains pays sont plus efficaces que d'autres. Sur ce point, Salma Mafhouz considère qu'il
faut d'abord définir la dépense et identifier clairement ses objectifs : "En France, les dépenses de santé
sont élevées. Or, si on les compare à d'autres pays européens, on s'aperçoit que le système n'est pas si
performant, on peut donc penser que des gains d'efficacité sont encore possibles et qu'il existe d'autres
moyens d'action que la dépense publique".
Une fois ces facteurs présentés, Salma Mafhouz s'interroge sur l'effet de la réduction des dépenses
publiques sur la croissance :"au sein de l'OCDE, entre 1990 et 2007, 17 pays ont réduit leurs dépenses
publiques d'au moins 3 points de PIB sur trois ans". Dans certains Etats, ces mesures ont eu un impact
positif sur la croissance mais dans d'autres, elles ont eu des effets nuls voire négatifs. Plusieurs facteurs
peuvent atténuer l'effet de la réduction des dépenses publiques sur la croissance tels que l'évolution des
taux d'intérêt, l'anticipation des agents, la nature des dépenses ou encore la crédibilité des mesures
politiques et des réformes structurelles.
La réduction des dépenses publiques ne doit pas être un objectif en soi...
Pour Patrick Artus, le niveau de la dépense publique ne doit pas être un objectif en soi :"les deux objectifs
que nous devons avoir en tête c'est la baisse de la dette et l'efficacité de la dépense publique".
En ce qui concerne la dette, certains considèrent qu'au-delà d'un certain niveau d'endettement
public (90 % du PIB), la croissance d'un pays est menacée (étude de Rogoff et Reinhart conduite en
2009 : Growth in a time of debt). Même si certains de leurs calculs ont été remis en cause, cette relation
est, selon Patrick Artus, aujourd'hui avérée. Face à un objectif de croissance, la première contrainte est
donc celle de l'endettement.
http://www.lafinancepourtous.com/Actualites/Matinale-de-l-Economie-reduire-la-depense-publique-sans-freiner-la-croissance
S'agissant de l'efficacité des dépenses publiques, il faut s'interroger sur l'écart entre un niveau d'efficacité
des dépenses publiques optimal, c'est à dire le niveau de dépenses publiques pour lequel la qualité des
services est optimale, et le niveau d'efficacité réel : "en France, il semble que le niveau des dépenses
publiques soit 10 % plus élevé que celui qui devrait permettre d'obtenir la même qualité de services".
Par ailleurs, un autre exercice intéressant pour estimer l'impact de la réduction des dépenses publiques sur
la croissance consiste à observer la situation des pays ayant effectué ce type de réformes dans le passé.
Depuis 1980, huit pays ont réussi à conjuguer croissance économique et réduction des dépenses
publiques: il s'agit du Canada, du Danemark, de l'Espagne, des Etats-Unis, de la Finlande, de
l'Italie, du Royaume-Uni et de la Suède. Tout en bénéficiant d'un environnement économique favorable,
ces pays se sont concentrés sur la baisse des dépenses publiques sans augmenter leurs prélèvements
obligatoires. Les ménages anticipant qu'ils paieront moins d'impôts ont augmenté leur consommation.
Conjugués à une politique monétaire expansive (baisse des taux d'intérêt) et à une dévaluation des taux de
change dans un environnement économique porteur, ces éléments ont permis d'augmenter les
exportations et de stimuler l'investissement.
Dans ce contexte, on peut considérer que la France dispose aujourd'hui de taux d'intérêt relativement bas
et d'une volonté de réduire les dépenses publiques tout en maintenant stable le niveau des prélèvements
obligatoires. Néanmoins, la politique monétaire étant laissée à la discrétion des autorités européennes, il
est difficile d'agir sur les taux de change :"l'euro est surévalué de trois points en moyenne, il va donc nous
manquer l'aspect change".
Enfin, dans toute politique de baisse des dépenses publiques,"on doit réfléchir à l'effet des modalités
techniques sur l'économie à court terme".
Par exemple, si on décide de réduire les dépenses de retraite, les ménages vont
baisser leur niveau de consommation pour augmenter leur épargne. Cependant, si on
décide d'augmenter l'âge de la retraite, on va dans ce cas assister à une baisse du
niveau d'épargne. Ces éléments ne sont pas sans conséquences sur l'économie.
... contrairement à la croissance
Pour Jean-Claude Mailly, la baisse des dépenses publiques peut avoir des effets négatifs sur les rentrées
fiscales. Selon lui, il faut avant tout redéfinir les objectifs de la dépense publique avant de s'interroger sur
son niveau :"la baisse de la dépense publique n'est pas un objectif en soi, tout comme celui du déficit
public".
Un avis partagé par Valérie Rabault :"la baisse des dépenses publiques doit être un moyen car l'objectif
final, c'est celui de la croissance". Elle rappelle notamment qu'il n'existe pas aujourd'hui de consensus sur
l'idée que la réduction de la dépense publique engendrerait automatiquement une relance de l'économie :"Il
faut inventer cette méthode car il n'existe pas de recette magique [...] la méthode du rabot n'est pas la
bonne car c'est anxiogène [...] c'est un point de rupture qu'il faut éviter dans la gestion des finances
publiques".
Pour Henri Guaino, "commencer un débat portant sur l'économie par la question des dépenses publiques
est une erreur" car il existe deux types de dépenses publiques, les dépenses courantes que la puissance
publique doit nécessairement prendre en charge, et les dépenses d'investissement qui à long terme
doivent pouvoir rapporter de l'argent à l'Etat. Etant donné que la plupart des dépenses sont aujourd'hui
http://www.lafinancepourtous.com/Actualites/Matinale-de-l-Economie-reduire-la-depense-publique-sans-freiner-la-croissance
contraintes,"on ne peut pas réduire le problème économique français aux dépenses publiques". S'agissant
des dépenses d'investissement, Henri Guaino rappelle qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, la
France était endettée à hauteur de 200 % de son PIB. Pourtant, paradoxalement, le choix politique s'est
porté sur une hausse des dépenses d'investissement pour relancer la croissance. Selon lui, il faut donc
éviter l'approche strictement comptable des dépenses publiques et reconsidérer leurs effets et leurs
objectifs dans le contexte économique actuel citant à cet égard Maurice Allais, économiste français, "dans
le calcul économique, seul l'avenir compte".
EN SAVOIR PLUS
Plan Valls : une baisse des dépenses publiques pour compenser de moindres recettes
Décryptages :
Comptes publics
Déficit public et dette publique
Croissance
http://www.lafinancepourtous.com/Actualites/Matinale-de-l-Economie-reduire-la-depense-publique-sans-freiner-la-croissance
Téléchargement