Le point de vue de l’avocat : Maître Frédérique CLAUDOT, assistant dans le service de médecine légale et droit de la santé de la Faculté de Médecine de Nancy ; Avocat au Barreau de Nancy. L’information du patient est une obligation légale, c’est une obligation déontologique. C’est aussi un mal nécessaire car l’exercice n’est pas facile. En dehors des cas d’urgences, ou des cas où le patient refuse expressément l’information, trop informer, c’est effrayer inutilement le malade, ne pas assez l’informer c’est ne pas lui permettre d’exercer pleinement son choix, c’est ne pas respecter son autonomie et, par suite, c’est « vicier » son consentement. En droit, on a souvent tendance à penser que le patient est un être Raisonnable, capable, en toutes circonstances, de prendre ses décisions. S’il est un être doué de raison, le patient n’en est pas moins malade, et qui dit maladie dit souvent subjectivité, angoisse, sidération … dit personne qui n’entend pas ou qui ne comprend pas ce que le médecin lui dit. Les psychologues de la santé ont bien montré par de nombreux travaux que les limites de l’information se situent dans la personne même du patient. Selon l’article 35 CDM, le médecin doit, tout au long de la maladie, tenir compte de la personnalité du patient dans ses explications et veiller à leur compréhension. Il peut, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes qu’il apprécie en conscience, tenir le malade dans l’ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination. S’il évalue mal les limites, le cardiologue peut effectivement engager sa responsabilité. Parfois, il peut être inquiété pour retard de diagnostic mais souvent, l’évocation d’un manquement au devoir d’information est un pis aller à l’impossibilité de démontrer une faute technique. Par suite, l’évocation d’un défaut d’information dans une procédure de responsabilité doit être remise à sa juste place. La condamnation n’interviendra que si, et seulement si, elle a occasionné un préjudice (matérialisé par une perte de chance réelle) pour le patient. Concernant la preuve, il faut rappeler aux cardiologues que le temps où les malades faisaient aveuglement confiance à leur médecin est révolu et que, selon la loi, le médecin doit prouver qu’il a correctement informé son patient. Même si un formulaire n’a pas de valeur juridique, il ne faut pas le rejeter en bloc. C’est un moyen de preuve qui viendra s’ajouter aux « faisceau de preuves » contenues dans le dossier médical (par exemple, quand le médecin, ne dit pas tout, il faut écrire dans le dossier médical pourquoi il ne dit pas tout). Certes, on ne peut pas se contenter d’un formulaire. Il doit y avoir une information orale. La loi, comme le CDM invite à donner une information adaptée au patient c’està-dire à son stade d’acceptation de la maladie, à son niveau de compréhension, à son « éducation » (on n’informera pas un confrère de la même façon qu’on informera son avocat ou son boulanger)…Le code de la santé publique invite à informer sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles et non plus sur les risques exceptionnels. La reine des preuves reste l’écrit (du formulaire et du dossier). Il ne viendrait à l’esprit de personne de remettre en cause la signature qu’il a apposée en bas de sa déclaration d’impôt ou d’un acte notarié. Faire signer un document, c’est aussi faire prendre conscience au patient qu’il s’engage. Les patients ont voulu un rééquilibrage de la relation médecin/malade. Ils ont voulu des droits… ils les ont … ! En conclusion, comme on fait de la prévention contre les maladies cardiovasculaires, on doit faire de la prévention médico-légale. Il faut donc que le médecin prenne des précautions en matière de preuve de l’information et les meilleures preuves de l’information sont les preuves écrites.