TraitementSida 177 vol. 22, no2 février 2010 ISSN 11817194 Disponible sur le World Wide Web à l’adresse www.catie.ca/ts.nsf I EFFETS SECONDAIRES ET COMPLICATIONS Table des matières A. Une étude découvre des maladies cardiaques chez des jeunes séropositifs I EFFETS SECONDAIRES ET COMPLICATIONS A. Une étude découvre des maladies cardiaques chez des jeunes séropositifs 1 B. DAD : mise à jour sur l’analyse des risques de crise cardiaque 4 C. Risque élevé de maladies cardiaques lié au dysfonctionnement rénal 7 D. L’hépatite C, le VIH et les reins 9 E. Le ténofovir et les reins 9 La grande accessibilité de la multithérapie antirétrovirale a prolongé la survie d’un grand nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH), particulièrement celles vivant dans les pays à revenu élevé qui prennent leurs soins et leurs traitements au sérieux. Toutefois, les traitements ne guérissent pas l’infection au VIH et l’amélioration de la survie peut s’accompagner de plusieurs problèmes, notamment l’accélération du processus de vieillissement dans plusieurs organes et appareils du corps. De quelle manière la chronicité de l’infection au VIH pourrait-elle accélérer le processus de vieillissement? Les chercheurs n’ont pas encore de réponse à cette question, mais ils ont commencé à étudier sérieusement l’interaction entre le VIH et le vieillissement. Entre autres, ils soupçonnent le VIH de causer des dommages à l’organisme par le biais de l’activation immunitaire chronique. Peu de temps après ses premiers contacts avec le VIH, le système immunitaire s’active dans une tentative de maîtriser l’infection. Mais, malheureusement, le VIH est futé et réussit à éluder les systèmes de défense du corps; lorsque l’infection passe au stade chronique, une bataille à vie s’enclenche entre le système immunitaire et le virus. Cette lutte prolongée fait en sorte que les cellules du système immunitaire demeurent souvent dans un état activé. De plus, le cœur et les vaisseaux sanguins sont particulièrement vulnérables aux dommages causés par l’activation immunitaire. Les traitements anti-VIH réduisent spectaculairement les niveaux de VIH dans le sang. Une fois la produit par 555, rue Richmond Ouest, bureau 505 Toronto (Ontario) M5V 3B1 Canada téléphone : 416.203.7122 sans frais : 1.800.263.1638 télécopieur : 416.203.8284 site Web : www.catie.ca numéro d’organisme de bienfaisance : 13225 8740 RR page 2 — TraitementSida 177 — vol. 22 no2 suppression virale accomplie, le système immunitaire tente de freiner le processus d’activation, mais il n’y réussit pas intégralement. Le système immunitaire communique avec les autres organes et appareils du corps et peut en influencer le fonctionnement. Certaines cellules immunitaires vont jusqu’à se loger dans ces différents appareils et organes. Une fois installées, les cellules libèrent des messagers chimiques qui peuvent causer de l’inflammation dans les tissus, et cette inflammation risque de causer des ravages avec le temps. Des chercheurs de l’Université Harvard ont étudié l’impact du VIH sur les vaisseaux sanguins d’hommes séropositifs. Leurs résultats laissent croire que le VIH peut provoquer le rétrécissement des artères chez des hommes relativement jeunes et asymptomatiques, augmentant ainsi leurs risques de crise cardiaque. Détails de l’étude Les chercheurs ont recruté 110 hommes qu’ils ont répartis en deux groupes comme suit : • séropositifs – 78 hommes • séronégatifs – 32 hommes Les données recueillies auprès des hommes séronégatifs ont servi à des fins de comparaison seulement, et le présent rapport ne s’intéresse qu’aux hommes séropositifs. Tous les participants étaient asymptomatiques et n’avaient aucune maladie cardiovasculaire connue au moment du recrutement. Les participants ont consenti à des interviews, des examens physiques et des scans cardiaques. De plus, un cardiologue a effectué des angiographies coronaires — intervention permettant d’évaluer le débit sanguin dans les vaisseaux qui approvisionnent le cœur en sang oxygéné. Le profil moyen des participants séropositifs était le suivant : • • • • • • • âge – 47 ans 35 % de fumeurs 29 % souffraient d’hypertension 9 % souffraient de diabète durée de l’infection au VIH – 14 ans compte de CD4+ – 523 cellules 81 % avaient une charge virale sous le seuil des 50 copies • 95 % suivaient un traitement anti-VIH Chez les quatre hommes qui ne recevaient pas de médicaments anti-VIH, le compte de CD4+ et la charge virale étaient approximativement de 800 cellules et de 1 000 copies/mL, respectivement. Résultats—recherche de cardiopathies L’analyse des données recueillies lors des interviews, des examens physiques et des prises de sang révélaient que nombre de facteurs – âge, race, alimentation, poids – se comparaient dans les deux groupes. Les résultats des analyses de sang étaient plus ou moins semblables aussi en ce qui avait trait au cholestérol et à la glycémie. Compte tenu de ces résultats, on aurait tendance à conclure que le risque de crise cardiaque serait faible (environ 5 %) pour ces hommes au cours des 10 prochaines années. Résultats—scans (tomodensitométrie) Même si l’évaluation des marqueurs habituels des risques cardiovasculaires s’avérait rassurante, l’analyse des scans et des angiographies racontait une autre histoire. Les chercheurs ont découvert des dépôts collants (plaque) sur les parois artérielles de près de 60 % des hommes séropositifs. La plaque artérielle se compose de cholestérol, de déchets et parfois du calcium; elle peut aussi contenir des cellules immunitaires qui sont attirées par la plaque à cause de l’inflammation. Lorsque la plaque est abondante, elle risque de bloquer les artères et d’empêcher le sang et l’oxygène de parvenir au cœur, ce qui augmente le risque de crise cardiaque. Parfois, des morceaux de plaque peuvent se détacher et causer la formation de caillots qui bloquent le flux sanguin, causant crises cardiaques ou accidents vasculaires cérébraux (si le caillot se fraie un chemin jusqu’au cerveau). À titre de comparaison, mentionnons que seulement 34 % des hommes séronégatifs présentaient des signes de plaque dans leurs artères. Celle-là est une différence significative du point de vue statistique. Rétrécissement des artères Les chercheurs ont également observé un blocage important des artères coronaires – vaisseaux qui approvisionnent le cœur en oxygène et en nutriments – chez environ 7 % des hommes séropositifs. En effet, chez ces derniers, le flux sanguin en direction du cœur était réduit d’au moins 70 %. À cause de cette obstruction, le risque de crise cardiaque sur 10 ans est passé de 5 % à 12 % chez les hommes en question. Par contraste, chez les hommes séronégatifs présentant un rétrécissement important de leurs artères, le risque de crise cardiaque sur 10 ans était d’environ 4 % – une différence significative. TraitementSida 177 — vol. 22 no2 — page 3 À la clinique Concernant les cinq hommes séropositifs présentant un blocage important de leurs artères, les chercheurs ont avisé leur famille et recommandé une consultation en cardiologie. Voici ce qui s’est passé : • Un des hommes a subi une épreuve d’effort (test de stress) pour évaluer sa santé cardiaque; son résultat était normal et il se porte bien jusqu’à présent; • Un autre homme attend de faire son épreuve d’effort. Les trois autres hommes ont été évalués par des cardiologues. Après d’autres tests, les spécialistes ont confirmé un rétrécissement artériel grave. Un des hommes a subi un pontage coronarien et un autre s’est fait poser un stent (endoprothèse coronaire) pour empêcher l’artère de se fermer. Les médecins ont essayé de poser un stent au troisième, mais cela n’a pas réussi. Ils lui ont également prescrit des médicaments anticholestérol, mais le patient ne pouvait les tolérer. Deux ans plus tard, une évaluation a révélé que ses artères s’étaient rétrécies davantage, et il a subi un pontage coronarien. Tous les trois « se portent bien », selon l’équipe de recherche. Rétrécissement artériel Les chercheurs ont trouvé que les hommes séropositifs dont les artères contenaient de la plaque avaient également tendance à présenter les caractéristiques suivantes : • âge avancé • séropositif depuis longtemps • taux plus élevé de cholestérol total, de triglycérides et de cholestérol LDL (le mauvais) • faible rapport CD4 : CD8 • taux élevé d’un messager chimique appelé MCP-1 (monocyte chemoattractant protein-1) qu’utilise le système immunitaire Bien que nombre d’études par observation aient trouvé un lien entre l’exposition aux médicaments anti-VIH et un risque accru de maladie cardiovasculaire, ce ne fut pas le cas de cette étude menée à l’Université Harvard. Les chercheurs ont toutefois constaté que les hommes présentant un taux élevé d’anticorps contre le virus CMV (cytomégalovirus) étaient plus susceptibles de manifester des signes de cardiopathie. Danger : la plaque Tenant compte de plusieurs facteurs — âge, prise d’inhibiteurs de la protéase, taux de cholestérol, charge virale, compte de CD4+ — les chercheurs ont déterminé que plus la période de séropositivité durait, plus les artères de la personne touchée risquaient d’être tapissées de dépôts de plaques nombreux et épais. Avertissement au sujet du score de calcium La plaque contient parfois du calcium. Certaines études ont mis l’accent sur la recherche d’un lien éventuel entre la plaque contenant du calcium et le risque de maladie cardiovasculaire. Ces études attribuent un score de calcium aux participants pour indiquer la quantité de cet élément dans leurs artères. Des plaques peuvent toutefois être présentes en l’absence de dépôts de calcium détectables. Ainsi, l’équipe de l’Université Harvard souligne dans son rapport qu’ « une proportion significative de patients atteints d’athérosclérose coronarienne auraient été manqués si l’on avait utilisé le score de calcium comme seul moyen d’évaluer l’athérosclérose coronarienne ». Comprendre le lien Les résultats de cette étude laissent croire qu’il existe un lien entre l’infection au VIH et le rétrécissement des artères qui s’opère indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaires. Il semble que le lien en question soit lié à la durée de la séropositivité. Il semble donc que le VIH joue un rôle dans l’apparition de maladies cardiovasculaires, peut-être en déclenchant ou en intensifiant des réactions inflammatoires. Le système immunitaire Le fait qu’on ait trouvé un lien entre le rapport CD4/CD8 et la maladie cardiovasculaire porte à croire que le système immunitaire joue un rôle à cet égard. Un autre indice de ce rôle réside dans la découverte d’un taux élevé du messager chimique immunitaire MCP-1 chez les hommes présentant un risque élevé de maladie cardiovasculaire. Le MCP-1 attire un groupe de cellules immunitaires appelées monocytes. Les monocytes – et leur forme mature appelée macrophages – se trouvent partout dans le corps. Des études antérieures avaient permis de constater que le MCP-1 envoyait des signes qui attirait les monocytes vers les plaques artérielles. Il est possible que les monocytes intensifient l’inflammation à l’intérieur de la plaque. De plus, les cellules infectées par le VIH libèrent des protéines qui stimulent pour leur part la sécrétion du MCP-1. Mentionnons aussi que d’autres chercheurs ont relevé un lien entre le MCP-1 et un risque accru de page 4 — TraitementSida 177 — vol. 22 no2 maladie cardiovasculaire, tant chez des personnes séronégatives que séropositives. CMV Le cytomégalovirus, ou CMV, appartient à la famille des virus de l’herpès. Chez les personnes immunodéprimées ayant un compte de CD4+ faible, l’infection au CMV peut causer des ulcères et endommager la rétine, entraînant la cécité dans certains cas. Certains chercheurs soupçonnent l’infection au CMV de contribuer au risque de maladie cardiovasculaire et ont élaboré une théorie à cet égard. Les données utilisées pour cette théorie proviennent de recherches menées sur des souris, les études en question ayant montré que l’infection au CMV faisait augmenter la tension artérielle et semblait causer d’autres complications aussi. Des études menées auprès de nombreuses personnes ont trouvé une association entre l’infection au CMV et la maladie cardiovasculaire. Il faut toutefois effectuer d’autres recherches chez des humains pour mieux comprendre dans quelle mesure le CMV peut être considéré comme un facteur de risque de maladie cardiovasculaire chez les PVVIH. À l’avenir Cette étude de l’Université Harvard a porté exclusivement sur des hommes. D’autres études seront nécessaires pour surveiller la santé cardiovasculaire des personnes séropositives, autant les femmes que les hommes, au fil du temps. Nombre de questions importantes doivent être posées, telles les suivantes : • Dans quelle mesure le VIH contribue-t-il à la progression de la maladie cardiovasculaire? • Quel est le meilleur traitement pour aider les personnes séropositives à cesser de fumer? • Des modifications alimentaires, telles que le régime DASH (dietary approaches to stop hypertension = approches alimentaires pour arrêter l’hypertension) peuvent avoir un impact spectaculaire sur les risques cardiovasculaires chez les personnes séronégatives. Le régime DASH est-il aussi sûr et efficace chez les personnes séropositives? • Quel rôle les médicaments (aspirine, statines) et les suppléments (huile de poisson) anti-inflammatoires jouent-ils en ce qui concerne l’infection au VIH et les risques cardiovasculaires? • Si le traitement anti-VIH commençait plus tôt, y aurait-il un impact sur la vitesse de progression de la maladie cardiovasculaire? RÉFÉRENCES : 1. Lohse N, Hansen AB, Gerstoft J, et al. Improved survival in HIV-infected persons: consequences and perspectives. Journal of Antimicrobial Chemotherapy. 2007 Sep;60(3):461-3. 2. Boasso A, Vaccari M, Fuchs D, et al. Combined effect of antiretroviral therapy and blockade of IDO in SIV-infected rhesus macaques. Journal of Immunology. 2009 Apr 1; 182(7):4313-20. 3. Boasso A, Hardy AW, Anderson SA, et al. HIV-induced type I interferon and tryptophan catabolism drive T cell dysfunction despite phenotypic activation. PLoS One. 2008 Aug 13;3(8):e2961. 4. Favre D, Mold J, Hunt P, et al. Tryptophan catabolism by indoleamine 2,3-dioxygenase alters the balance between Th17 and regulatory T cells in progressive HIV disease. In: Program and abstracts of the 17th Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, 16–19 February, 2010, San Francisco, U.S. Abstract LB94. 5. Lo J, Abbara S, Shturman L, Soni A, et al. Increased prevalence of subclinical coronary atherosclerosis detected by coronary computed tomography angiography in HIV-infected men. AIDS. 2010 Jan 16;24(2):243-53. B. DAD : mise à jour sur l’analyse des risques de crise cardiaque Certaines personnes vivant avec le VIH présentent davantage de facteurs de risque cardiovasculaires classiques, y compris les suivants : • tabagisme • taux de cholestérol anormal • consommation de drogues par injection : cocaïne, crystal meth et héroïne Il existe une grande base de données appelée DAD qui contient de l’information sur la santé de plus de 33 000 personnes séropositives vivant sur plusieurs continents. Les responsables de la DAD analysent régulièrement leurs données afin de relever des associations entre les médicaments utilisés et leurs effets secondaires. Dans son compte rendu le plus récent, l’équipe de la DAD met l’accent sur le lien entre la survenue de crises cardiaques et la prise de médicaments anti-VIH spécifiques. Comprendre le risque Avant de parler de la dernière analyse de l’étude DAD, ce sera utile de revoir la façon dont les chercheurs parlent du risque. D’ordinaire, quand on parle du risque, on fait allusion au risque global (ou absolu), ce qui veut dire la probabilité qu’un événement particulier (telle une crise cardiaque) surviendra au cours d’une TraitementSida 177 — vol. 22 no2 — page 5 période donnée. De façon générale, le risque global de crise cardiaque chez les PVVIH est plutôt faible. Dans l’ensemble, environ 2 % des 33 000 personnes inscrites à l’étude DAD ont eu une crise cardiaque; ainsi, on peut dire que la crise cardiaque est généralement un événement peu fréquent dans cette étude. Toutefois, le risque global de crise cardiaque de chaque personne est une chose différente; celuici peut être beaucoup plus élevé chez certaines PVVIH si d’autres facteurs de risque sont présents, tels que le tabagisme ou des antécédents familiaux de crise cardiaque. Lorsque les chercheurs s’intéressent à évaluer le risque de crise cardiaque associé à un médicament particulier, ils essaient de mesurer la variation en pourcentage (ou variation relative) du risque global qui se produit suite à la prise du médicament en question. On parle alors du risque relatif. Ce dernier nous indique dans quelle mesure une crise cardiaque est plus (ou moins) probable lorsque tel ou tel médicament est utilisé. Par exemple, si une étude permet de déterminer que le risque relatif de crise cardiaque a augmenté de 70 %, cela veut dire que le risque de crise cardiaque est 70 % plus élevé chez les personnes recevant le médicament. Autrement dit, le risque relatif permet de mesurer une fluctuation du risque et non le risque absolu. Afin de comprendre ce que le risque relatif déterminé par les chercheurs signifie pour vous, vous devez aussi tenir compte de votre risque global de crise cardiaque. Votre médecin peut vous aider à déterminer celui-ci. Si votre risque global est faible avant de prendre le médicament en question, une augmentation de 70 % de votre risque relatif sera sans doute moins significative que si elle se produisait chez une personne présentant un risque global élevé de crise cardiaque. Et n’oubliez pas qu’une augmentation de 70 % du risque relatif ne veut PAS dire qu’il y ait 70 % de chances que vous subissiez une crise cardiaque. Retournons maintenant à l’étude DAD. Détails de l’étude L’équipe DAD a analysé des données recueillies auprès de 33 308 personnes séropositives, puis a réparti celles-ci en deux groupes : • 580 personnes ayant eu une crise cardiaque confirmée ou soupçonnée • 32 728 personnes n’ayant pas eu de crise cardiaque Résultats—profil des victimes de crise cardiaque Les personnes qui avaient eu une crise cardiaque étaient plus susceptibles de présenter les caractéristiques suivantes : • sexe masculin • âge – 50 ans ou plus • antécédents personnels ou familiaux de maladie cardiovasculaire • diabète • hypertension • taux de lipides anormaux • risque élevé de maladie cardiovasculaire Risque de crise cardiaque—inhibiteurs de la protéase L’équipe de chercheurs a trouvé que le risque relatif de crise cardiaque augmentait chaque année que les médicaments suivants étaient utilisés : • indinavir (Crixivan) – augmentation annuelle de 12 % du risque relatif de crise cardiaque • lopinavir-ritonavir (Kaletra) – augmentation annuelle de 13 % du risque relatif de crise cardiaque L’indinavir et le lopinavir-ritonavir appartiennent à la famille de médicaments anti-VIH appelés inhibiteurs de la protéase. Jusqu’à présent, aucun autre inhibiteur de la protéase n’a été associé à un risque relatif accru de crise cardiaque dans le cadre de l’étude DAD. Risque de crise cardiaque—analogues nucléosidiques L’abacavir (Ziagen and dans Kivexa et Trizivir) et le ddI (Videx EC) appartiennent à la famille des analogues nucléosidiques. Au cours de chaque année que l’abacavir était utilisé, le risque relatif de crise cardiaque aurait augmenté de 7 % selon l’équipe DAD. Ce risque est relativement faible et a été qualifié de « marginal » par les experts. Il reste toutefois que le risque relatif de crise cardiaque a augmenté de à 70 % chez les personnes qui prenaient de l’abacavir ou qui en avaient pris au cours des six derniers mois. Chez les personnes qui avaient récemment pris du ddI, le risque relatif de crise cardiaque a augmenté de 41 %. Pourquoi faut-il être prudence? L’étude DAD est ce qu’on appelle une étude par observation ou encore une étude de cohorte. Ce genre d’études est utile pour relever des associations entre différents phénomènes — en page 6 — TraitementSida 177 — vol. 22 no2 l’occurrence, le lien éventuel entre un médicament particulier et la survenue d’une crise cardiaque. Toutefois, les études par observation ne permettent pas de prouver les liens de cause à effet. Autrement dit, on ne peut pas se fier à une étude comme la DAD pour prouver qu’un médicament particulier est susceptible de causer une crise cardiaque. De plus, la possibilité d’interprétations biaisées des données est un problème qui compromet les études par observation et qui rend difficile la formulation de conclusions solides. Il reste que les études par observation sont utiles pour découvrir des associations qui pourront être explorées en profondeur lors d’études ultérieures conçues de manière plus rigoureuse, tel un essai clinique randomisé. Comme vous le verrez plus tard dans ce numéro de TraitementSida, les problèmes rénaux augmentent le risque de crise cardiaque. Pourtant l’équipe DAD n’a décrit que quelques cas d’insuffisance rénale et son impact sur la santé cardiovasculaire. La question de l’impact de l’insuffisance rénale sur la santé cardiovasculaire dans l’étude DAD doit être explorée davantage. Consommation de drogues La prise de stimulants comme la cocaïne, le crystal meth et l’ecstasy exerce un stress énorme sur le cœur et les vaisseaux sanguins, augmentant ainsi le risque de crise cardiaque. De plus, les personnes qui s’injectent de la drogue sont sujettes à des infections bactériennes qui nuisent au cœur. Les responsables d’une autre grande base de données, soit la Base de données hospitalières française (BDHF), ont trouvé que les personnes sous abacavir qui s’injectaient de la drogue couraient un risque accru de crise cardiaque. L’équipe DAD a besoin d’évaluer les habitudes de consommation de drogues des personnes figurant dans sa base de données afin de déterminer s’il y a un lien entre drogues et crises cardiaques. De plus, cette équipe de chercheurs avait constaté une augmentation de 90 % le risque relatif de crise cardiaque chez les personnes recevant de l’abacavir. Dans son analyse plus récente, le risque relatif a baissé jusqu’à 70 %, mais il demeure élevé. L’analyse des données de la DAD pourrait évoluer encore au cours des prochaines années. Coup de pouce aux lecteurs Les revues biomédicales publient souvent des éditoriaux ou commentaires pour aider les lecteurs à mieux comprendre des études de recherche complexes. En guise d’annexe au dernier compte rendu de l’équipe DAD, le Journal of Infectious Diseases a publié un éditorial décrivant les limitations des études par observation. Nous incluons ci-dessous quelques points saillants du texte en question : « On pourrait facilement être induit en erreur par des associations apparentes. » Consciente des limitations de son étude, l’équipe DAD a effectué des analyses de sensibilité afin de dénicher des préjugés cachés qui auraient pu influencer l’interprétation des données. L’éditorial du Journal of Infectious Diseases a toutefois ceci à dire à propos des analyses de sensibilité : « De telles analyses risquent d’induire ou d’atténuer des associations entre le traitement et les résultats. » Il est important de souligner deux points concernant l’association qu’a trouvée l’équipe DAD entre l’abacavir et le risque de crise cardiaque : (1) Même s’il s’est écoulé deux ans depuis le premier rapport de l’équipe DAD, celle-ci n’a toujours pas fourni de preuves concluantes démontrant de quelle façon l’abacavir aurait augmenté le risque de crise cardiaque; (2) Dans le cadre de l’étude DAD, la proportion de personnes ayant subi une crise cardiaque est très faible, soit 2 % environ. Résultats changeants L’équipe DAD avait rapporté antérieurement que l’exposition à n’importe quel inhibiteur de la protéase (IP) était associée à une augmentation de 16 % du risque relatif de crise cardiaque durant chaque année que l’IP était utilisé. Cependant, maintenant que l’équipe a tenu compte de l’impact des analogues nucléosidiques, elle affirme que seul deux inhibiteurs de la protéase —indinavir et lopinavir-ritonavir — sont associés à ce problème. Que faire? Conscients des forces et faiblesses de l’étude DAD, les comités de médecins et de chercheurs qui contribuent aux lignes directrices thérapeutiques de l’Union européenne et des États-Unis ont offert les conseils suivants au sujet de l’abacavir et de la crise cardiaque : « La prudence est de rigueur lorsque l’abacavir est utilisé par des personnes présentant des risques élevés de maladie cardiovasculaire. » TraitementSida 177 — vol. 22 no2 — page 7 Puisque l’infection au VIH est associée au vieillissement accéléré du système cardiovasculaire, il faut porter plus d’attention à la réduction ou, idéalement, à l’élimination des facteurs de risque de crise cardiaque modifiables (cigarette, embonpoint, hypertension, etc.). Pour en savoir plus sur le maintien d’une bonne santé cardiaque, lisez le feuillet d’information de CATIE à l’adresse suivante : www.catie.ca/feuillets.nsf/all/EBB121CC08E13 4B785257680006E396C?OpenDocument RÉFÉRENCES : 1. Lo J, Abbara S, Shturman L, Soni A, et al. Increased prevalence of subclinical coronary atherosclerosis detected by coronary computed tomography angiography in HIV-infected men. AIDS. 2010 Jan 16;24(2):243-53. 2. Worm SW, Sabin C, Weber R, et al. Risk of myocardial infarction in patients with HIV infection exposed to specific individual antiretroviral drugs from the 3 major drug classes: the data collection on adverse events of anti-HIV drugs (D:A:D) study. Journal of Infectious Diseases. 2010 Feb 1; 201(3):318-30. 3. D:A:D Study Group, Sabin CA, Worm SW, et al. Use of nucleoside reverse transcriptase inhibitors and risk of myocardial infarction in HIV-infected patients enrolled in the D:A:D study: a multi-cohort collaboration. Lancet. 2008 Apr 26;371(9622):1417-26. 4. DAD Study Group, Friis-Møller N, Reiss P, et al. Class of antiretroviral drugs and the risk of myocardial infarction. New England Journal of Medicine. 2007 Apr 26;356(17):1723-35. 5. Aberg JA, Ribaudo H. Cardiac risk: not so simple. Journal of Infectious Diseases. 2010 Feb 1;201(3):315-7. 6. Costagliola D. The current debate on abacavir; risks and relationship between HIV viremia and cardiovascular events. In: Program and abstracts of the 5th IAS Conference on HIV Pathogenesis, Treatment and Prevention, July 19–22, 2009, Cape Town, South Africa. Abstract MOAB201. 7. Sabin CA, Worm S, Phillips AN, et al. Abacavir and increased risk of myocardial infarction. Lancet. 2008 Sep 6; 372(9641):804-5. C. Risque élevé de maladies cardiaques lié au dysfonctionnement rénal Sachant que l’insuffisance rénale chronique est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire chez les personnes séronégatives, des chercheurs de la Veterans Administration (VA) des États-Unis ont décidé d’analyser leur base de données la plus importante contenant de l’information sur 17 000 personnes séropositives. Leurs résultats laissent croire que l’insuffisance rénale chronique augmente grandement le risque de crise cardiaque chez les personnes séropositives. Autre fait pertinent, les tests utilisés par la VA pour évaluer la santé rénale sont relativement simples et servent régulièrement à cette fin dans tous les pays à revenu élevé, ce qui veut dire que les résultats de la VA pourront être extrapolés afin de surveiller la santé rénale des PVVIH dans ces autres pays. Détails de l’étude La base de données de la VA contient des informations sur la santé de plus de 34 000 personnes séropositives, mais l’équipe de chercheurs a fondé son analyse sur 17 264 personnes au sujet desquelles elle disposait de données concernant leur santé cardiovasculaire et rénale. L’équipe a eu recours à deux évaluations de la santé rénale : • DFGe (débit de filtration glomérulaire estimé) • taux d’albumine, une protéine, dans l’urine (albuminurie) Aux fins de cette étude, les chercheurs ont classé le DFGe comme suit : • fonction rénale normale ou légèrement réduite – DFGe de 60 ou plus • fonction rénale modérément réduite – DFGe entre 30 et 59 • fonction rénale sévèrement réduite – DFGe de 29 ou plus Les chercheurs ont interrogé leur base de données afin de trouver les informations suivantes recueillies entre 1999 et 2008 : • hospitalisation pour une crise cardiaque, un AVC ou une maladie des artères périphériques • durée de la participation à l’étude avant la crise cardiaque Au total, 1 194 personnes avaient une fonction rénale réduite (DFGe de moins de 60). Leur profil moyen au début de l’étude était le suivant : • • • • • • • 2 % de femmes, 98 % d’hommes âge – 52 ans hypertension artérielle – 51 % diabète – 15 % taux de lipides anormaux – 25 % tabagisme – 17 % albuminurie – chez 21 % d’entre elles, le taux d’albumine était gravement élevé • co-infection par le virus de l’hépatite C (VHC) – 30 % page 8 — TraitementSida 177 — vol. 22 no2 • compte de cellules CD4+ – 267 cellules • 75 % prenaient des médicaments anti-VIH Résultats—DFGe Dans l’ensemble, les chercheurs ont trouvé que plus la santé rénale se détériorait, plus le risque de maladies cardiovasculaires graves augmentait. Compte tenu de nombreux facteurs — âge, facteurs de risque cardiovasculaires préexistants, compte de CD4+ et charge virale en VIH —, les chercheurs ont déterminé qu’un faible DFGe faisait augmenter le risque relatif de problèmes cardiovasculaires comme suit : • DFGe entre 45 et 59 – augmentation minimale de 200 % du risque relatif de crise cardiaque ou d’AVC • DFGe de moins de 30 – augmentation minimale de 300 % du risque relatif de crise cardiaque ou d’AVC Évaluant spécifiquement le DFGe et l’insuffisance cardiaque, les chercheurs ont trouvé les liens suivants : le DFGe et l’albuminurie pourront être utilisés dans le cadre d’autres études afin de réduire le risque de crise cardiaque chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique. L’étude de la VA pourrait également avoir des implications en ce qui a trait au moment où l’on choisit de commencer la multithérapie car, comme d’autres études l’ont déjà montré, le VIH peut causer des lésions rénales. Puisque l’insuffisance rénale chronique augmente le risque de crise cardiaque, il pourrait être prudent d’amorcer la multithérapie pendant que le compte de CD4+ s’élève encore à plus de 350 cellules. Il faut cependant que cette question soit abordée dans le cadre d’une étude différente. La VA a mené une étude par observation. Un brin de prudence est donc indiqué lorsqu’on tente d’en interpréter les résultats. Il reste que le lien entre la maladie cardiovasculaire et l’insuffisance rénale chronique chez les personnes séronégatives est bien établi, alors la découverte d’une association semblable chez les PVVIH n’a rien de surprenant. • DFGe entre 45 et 59 – augmentation minimale de 200 % du risque relatif • DFGe de moins de 30 – augmentation minimale de 200 % du risque relatif Le très faible nombre de femmes inscrites à cette étude constitue une faiblesse importante de celleci. Il est donc possible que les résultats de cette étude ne s’appliquent pas aux femmes séropositives. Pour mieux comprendre le concept de risque relatif, veuillez consulter la section B du présent rapport. L’insuffisance rénale pourrait-elle influencer les résultats de la DAD? Protéine dans l’urine L’équipe de recherche a découvert les associations suivantes entre le taux d’albumine dans l’urine et le risque de crise cardiaque : • albuminurie : 30 mg/dL – augmentation de 76 % du risque relatif de crise cardiaque • albuminurie : 100 mg/dL – augmentation de plus de 300 % du risque relatif de crise cardiaque • albuminurie : plus de 300 mg/dL – augmentation de plus de 400 % du risque relatif L’équipe a également constaté que le fait de vérifier à la fois le DFGe et l’albuminurie a renforcé la valeur prédictive de chacune de ces épreuves. Les résultats de cette étude de la VA sont importants parce qu’ils donnent aux médecins des outils qui devraient les aider à déterminer plus facilement quelles PVVIH sont à risque en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires. De plus, Le Dr Paul Sax, spécialiste des maladies infectieuses à la Harvard Medical School de Boston, a écrit un éditorial en guise d’annexe aux résultats de l’étude de la VA. Dans son article, le Dr Sax laisse entendre que certains médecins ont peut-être prescrit de l’abacavir en lieu en place du ténofovir à leurs patients souffrant d’insuffisance rénale à cause du risque de lésions rénales associées au ténofovir. Puisque l’insuffisance rénale chronique augmente considérablement le risque de crise cardiaque, il est possible que la prise de l’abacavir par certaines de ces personnes ait été associée, à tort, à la survenue de crises cardiaques. Il est également possible qu’une erreur semblable ait été faite par les responsables de la DAD ou d’autres études ou encore dans des cas particuliers où l’abacavir a été prescrit en lieu et place du ténofovir à cause d’une insuffisance rénale préexistante. Les résultats obtenus par la VA sont intéressants et soulignent le besoin de surveiller et d’améliorer la santé rénale et cardiovasculaire des personnes vivant avec le VIH. TraitementSida 177 — vol. 22 no2 — page 9 RÉFÉRENCES : 1. Choi AI, Li Y, Deeks SG, Grunfeld C, et al. Association between kidney function and albuminuria with cardiovascular events in HIV-infected persons. Circulation. 2010; in press. 2. Sax P. Assessing risk for cardiovascular disease in patients with human immunodeficiency virus. Why it matters. Circulation. 2010; in press. 3. Sabin CA, Worm S, Phillips AN, et al. Abacavir and increased risk of myocardial infarction. Lancet. 2008 Sep 6; 372(9641):804-5. 4. Aberg JA, Ribaudo H. Cardiac risk: not so simple. Journal of Infectious Diseases. 2010 Feb 1;201(3):315-7. D. L’hépatite C, le VIH et les reins Une autre équipe de chercheurs de la Veterans Administration (VA) des États-Unis a effectué une analyse de ses données, cette fois en s’intéressant particulièrement à 23 155 personnes séropositives au sujet desquelles la VA avait recueilli des informations entre octobre 1997 et octobre 2004. Cette deuxième analyse avait pour but de relever des associations entre l’infection au virus de l’hépatite C (VHC), le VIH et les changements dans l’état des patients, notamment en ce qui avait trait à la santé rénale et à la survie. Résultats chercheurs ne sont pas certains pourquoi l’insuffisance rénale chronique augmente tellement le risque de mortalité. Une partie du casse-tête réside dans la découverte par l’équipe de recherche que seulement 25 % des décès dans cette étude étaient attribuables à l’insuffisance rénale chronique. L’infection au VHC pourrait quant à elle expliquer 25 pour cent des autres décès. Même si ce n’est pas mentionné dans le compte rendu de cette étude, les chercheurs soupçonnent que d’autres facteurs – consommation de drogues, complications de l’insuffisance hépatique (causées par le VHC) – étaient partiellement responsables du taux élevé de mortalité observé dans cette étude. Cette analyse faite par la VA devrait donner lieu à des initiatives visant l’amélioration des soins médicaux donnés aux personnes co-infectées, spécifiquement pour s’assurer que celles-ci reçoivent des antirétroviraux, ainsi qu’un traitement pour l’infection au VHC et d’autres complications comme la dépression, les maladies du cœur et l’insuffisance rénale. RÉFÉRENCE : 1. Fischer MJ, Wyatt CM, Gordon K, et al. Hepatitis C and the risk of kidney disease and mortality in veterans with HIV. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2010 Feb 1;53(2):222-6. L’équipe de recherche a découvert ce qui suit : • Environ 40% des PVVIH étaient co-infectées par le VHC; • L’insuffisance rénale était plus courante (14 %) chez les patients co-infectés que chez les personnes atteintes du VIH seulement; • Après un suivi moyen de huit ans, 37 % des participants étaient morts. Le taux de mortalité augmentait à mesure que la santé rénale se détériorait, et les personnes co-infectées étaient moins susceptibles de survivre. Tenant compte de plusieurs facteurs, les chercheurs ont découvert qu’un DFGe inférieur à 60 – indice de la dégradation des reins – était fortement lié à une augmentation du risque de décès. Quelques précisions : • DFGe entre 59 et 30 - augmentation de près de 61 % du risque de décès • DFGe entre 29 et 15 - augmentation de 300 % du risque de décès Vue d’ensemble Cette augmentation considérable du risque de décès chez les personnes co-infectées présentant des signes de détérioration rénale est frappante. Les E. Le ténofovir et les reins Le médicament anti-VIH ténofovir (Viread et dans Atripla et Truvada) est un élément efficace de nombreuses multithérapies anti-VIH. Le ténofovir est métabolisé par les reins. On connaît quelques cas rares où ce médicament a provoqué un dysfonctionnement rénal grave. Pour en savoir plus sur ce problème, des chercheurs d’un organisme de santé américain appelé Kaiser Permanente ont examiné une base de données contenant de l’information sur des personnes séropositives qui avaient commencé un traitement anti-VIH comportant ou non du ténofovir. Ils ont trouvé que la santé rénale de certains patients sous ténofovir avait amorcé un déclin détectable et considérable. Détails de l’étude Les chercheurs ont revu le contenu de bases de données de la Californie, du Maryland, de la Virginie et de Washington, DC. Tous les participants avaient commencé une multithérapie entre janvier 202 et janvier 2006. Au total, l’analyse effectuée par les chercheurs a porté sur page 10 — TraitementSida 177 — vol. 22 no2 964 personnes séropositives recevant du ténofovir et 683 autres qui ne prenaient pas ce médicament. Le ténofovir peut endommager une partie des reins appelée tubules rénaux. Les dommages ainsi causés peuvent provoquer un dysfonctionnement rénal proximal, ce qui peut réduire l’efficacité de la filtration du sang et entraîner la perte de nutriments essentiels et les problèmes suivants : • présence de protéine détectable dans l’urine (protéinurie) • présence de sucre dans l’urine (glucosurie) • taux anormalement faible du minéral phosphore dans le sang (hypophosphatémie) • présence de phosphore dans l’urine (phosphaturie) • présence d’acide dans le sang (acidose sérique) • taux anormalement faible de potassium dans le sang Les chercheurs ont vérifié le DFGe (débit de filtration glomérulaire estimé) des participants pour se faire une idée du niveau de fonctionnement des reins. Ensuite, ils ont réparti les participants dans les deux groupes suivants : • exposition au ténofovir – 964 personnes • ténofovir en réserve – 683 personnes Outre la prise (ou non) du ténofovir, les deux groupes se ressemblaient grosso modo et présentaient le profil moyen suivant : • • • • • 14 % de femmes, 86 % d’hommes âge – 30 ans compte de CD4+ – 205 cellules charge virale en VIH – 63 000 copies DFGe – 100 Résultats Une forte proportion de participants des deux groupes a bénéficié d’une suppression virale, comme suit : Après un an : • exposition au ténofovir – 94 % • ténofovir en réserve – 97 % Après deux ans : • exposition au ténofovir – 93 % • ténofovir en réserve – 96 % Ces différences entre les deux groupes sont significatives du point de vue statistique. Il importe toutefois de se rappeler que les combinaisons comportant du ténofovir avaient déjà fait preuve d’une puissante activité anti-VIH lors de plusieurs essais cliniques randomisés. Ce résultat est donc curieux et inattendu et devrait être interprété avec prudence. Fonction rénale La créatinine est un produit de déchet qui est évacué du sang par les reins. Lorsque ces derniers fonctionnent mal, le taux de créatinine sanguin peut augmenter. Dans cette étude, on observait plus fréquemment des augmentations modestes du taux de créatinine chez les patients sous ténofovir. On doit cependant souligner que les cas où le taux de créatinine a augmenté considérablement ne concernaient pas que les patients recevant ce médicament. En effet, les personnes chez qui le taux de créatinine a beaucoup augmenté avaient tendance à présenter les caractéristiques suivantes : • âge avancé • faible compte de CD4+ (moins de 50 cellules) L’incidence du dysfonctionnement tubulaire proximal était significativement plus élevée (8 %) chez les personnes recevant du ténofovir que chez les autres (4 %). De plus, ce problème est devenu plus fréquent au fil du temps, le risque de dysfonctionnement tubulaire proximal ayant augmenté comme suit chez les patients sous ténofovir : • semaine 26 – augmentation de 19 % du risque relatif; pas significatif du point de vue statistique • semaine 44 – augmentation de 19 % du risque relatif; pas significatif du point de vue statistique • semaine 52 – augmentation de 95 % du risque relatif; significatif du point de vue statistique • semaine 104 – augmentation de 500 % du risque relatif; significatif du point de vue statistique Vingt-et-un pour cent (21 %) des personnes sous ténofovir ont cessé de prendre celui-ci à cause du dysfonctionnement rénal proximal. Mise en perspective Les résultats de cette étude sont intéressants, mais il faut tenir compte d’un nombre de points avant de tirer des conclusions hâtives : • Il s’agit d’une étude de cohorte; comme telle, elle est utile pour détecter des associations, mais elle ne permet pas de prouver que le ténofovir a causé les problèmes rénaux détectés. (Rappelons que le risque de faire une TraitementSida 177 — vol. 22 no2 — page 11 interprétation biaisée des résultats est plus élevé avec les études de cohorte, donc il est difficile de formuler des conclusions définitives.) • Les associations découvertes dans le cadre d’une étude de cohorte, également appelée étude par observation, peuvent être explorées en profondeur lors d’essais cliniques ultérieurs conçus de manière plus rigoureuse, tel un essai clinique randomisé. Il reste que les données des essais cliniques laissent croire que le ténofovir est efficace et sans danger pour la plupart des personnes suivant une multithérapie. Il n’est pas clair pourquoi le ténofovir était associé à davantage de problèmes dans cette analyse, comparativement aux autres essais menés sur ce médicament. Il est possible que l’équipe Kaiser n’ait pas été capable de tenir compte de facteurs comme la prise d’autres médicaments susceptibles de nuire aux reins, tels que les suivants : • • • • plusieurs antibiotiques plusieurs antiviraux plusieurs antifongiques nombre d’analgésiques, y compris l’acétaminophène (Tylenol) et l’ibuprofène (Advil, Motrin) Pour consulter une liste plus exhaustive de médicaments susceptibles de nuire aux reins, lisez le feuillet d’information de CATIE sur le ténofovir à l’adresse suivante : http://www.catie.ca/facts.nsf/9a83231f2055bda 9852566b90004b064/a5552a3146cf5c8185256 c2f005a588a!OpenDocument RÉFÉRENCES : 1. Horberg M, Tang B, Towner W, et al. Impact of tenofovir on renal function in HIV-infected, antiretroviral-naive patients. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2010 Jan 1;53(1):62-9. 2. Sax PE, Tierney C, Collier AC, et al. Abacavir-lamivudine versus tenofovir-emtricitabine for initial HIV-1 therapy. New England Journal of Medicine. 2009 Dec 3;361(23):2230-40. page 12 — TraitementSida 177 — vol. 22 no2 Déni de responsabilité Que fait CATIE ? Toute décision concernant un traitement médical particulier devrait toujours se prendre en consultation avec un professionnel ou une professionnelle de la santé qualifié(e) qui a une expérience des maladies liées au VIH et des traitements en question. CATIE (le Réseau canadien d’info-traitements sida) s’est engagé à améliorer la santé et la qualité de vie des Canadiens qui vivent avec le VIH/sida. CATIE sert les personnes vivant avec le VIH/sida, de même que les organisations et les gens qui leur viennent en aide, en leur donnant accès à de l’information sur le traitement exacte, impartiale et récente. CATIE fournit de l’information par le biais d’un site Web complet, d’un service téléphonique bilingue sans frais, de publications électroniques et imprimées, d’une bibliothèque nationale de référence et d’ateliers tenus dans le cadre de conférences partout au Canada. CATIE (le Réseau canadien d’info-traitements sida ) fournit, de bonne foi, des ressources d’information aux personnes vivant avec le VIH/sida qui, en collaboration avec leurs prestataires de soins, désirent prendre en mains leurs soins de santé. Les renseignements produits ou diffusés par CATIE ne doivent toutefois pas être considérés comme des conseils médicaux. Nous ne recommandons ni appuyons aucun traitement en particulier et nous encourageons nos clients à consulter autant de ressources que possible. Nous encourageons vivement nos clients à consulter un professionnel ou une professionnelle de la santé qualifié(e) avant de prendre toute décision d’ordre médical ou d’utiliser un traitement, quel qu’il soit. Nous ne pouvons garantir l’exactitude ou l’intégralité des renseignements publiés ou diffusés par CATIE, ni de ceux auxquels CATIE permet l’accès. Toute personne mettant en application ces renseignements le fait à ses propres risques. Ni CATIE ni l’Agence de santé publique du Canada — ni leurs personnels, directeurs, agents ou bénévoles — n’assume aucune responsabilité des dommages susceptibles de résulter de l’usage de ces renseignements. Les opinions exprimées dans le présent document ou dans tout document publié ou diffusé par CATIE, ou auquel CATIE permet l’accès, sont celles des auteurs et ne reflètent pas les politiques ou les opinions de CATIE ou les vues de l’Agence de santé publique du Canada. La reproduction de ce document Ce document est protégé par le droit d’auteur. Il peut être réimprimé et distribué à des fins non commerciales sans permission, mais toute modification de son contenu doit être autorisée. Le message suivant doit apparaître sur toute réimpression de ce document : Ces renseignements ont été fournis par CATIE (le Réseau canadien d’info-traitements sida). Pour plus d’information, appelez CATIE au 1.800.263.1638. Auteur Révision Traduction Crédits Sean Hosein RonniLyn Pustil Alain Boutilier © CATIE, vol. 22, no2 février 2010 Les publications de CATIE TraitementSida—une publication scientifique vedette de CATIE traitant des récentes percées de la recherche et des traitements VIH/sida (8 numéros par an). Abonnez-vous à TraitementSida et recevez automatiquement un courriel vous avisant dès qu’un nouveau numéro est disponible en ligne. Pour vous abonnez cliquez www.catie.ca/mailing.nsf/Subscribef ou contactez CATIE à 1-800-263-1638 pour recevoir votre abonnement par la poste. Un guide pratique de la multithérapie antirétrovirale—Cet ouvrage présente les dernières connaissances en matière de traitement, ainsi qu’une description du virus et du système immunitaire, des stades de l’infection au VIH, des tests utilisés pour évaluer l’état de santé et des médicaments anti-VIH. Un guide pratique des effets secondaires des médicaments anti-VIH—Cet ouvrage fait le point sur les effets secondaires des traitements. En plus de décrire une gamme de problèmes allant de la perte de l’appétit aux troubles sexuels, le guide offre des conseils pour combattre et prévenir les effets secondaires. Également dans la série de guides pratiques : • Un guide pratique de la nutrition • Un guide pratique des thérapies complémentaires • Un guide pratique des plantes médicinales Vision positive—Santé holistique, informations et perspectives à l’intention des PVVIH/sida. Feuillets d’information et suppléments alimentaires Ces documents offrent un aperçu concis des affections, des symptômes, des médicaments, des effets secondaires, des thérapies complémentaires, des vitamines et des plantes médicinales, entres autres. pré*fix—Un guide sur la réduction des méfaits à l’intention des consommateurs de drogues séropositifs. Numéro de catalogue du Centre de distribution de CATIE ATI-60185F (also available in English, ATI-60185E) La production de cette revue a été rendue possible grâce à une contribution financière de l’Agence de santé publique du Canada. Communiquez avec nous par courrier électronique : [email protected] via le Web : www.catie.ca par téléphone : 416.203.7122 (sans frais)1.800.263.1638 par télécopieur : 416.203.8284 par la poste : 555, rue Richmond Ouest, bureau 505 Toronto (Ontario) M5V 3B1 Canada