DAD : mise à jour sur l`analyse des risques de crise cardiaque

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DAD : mise à jour sur l'analyse des risques de crise cardiaque
Certaines personnes vivant avec le VIH présentent davantage de facteurs de risque cardiovasculaires classiques, y
compris les suivants :
tabagisme
taux de cholestérol anormal
consommation de drogues par injection : cocaïne, crystal meth et héroïne
Il existe une grande base de données appelée DAD qui contient de l’information sur la santé de plus de 33 000
personnes séropositives vivant sur plusieurs continents. Les responsables de la DAD analysent régulièrement leurs
données afin de relever des associations entre les médicaments utilisés et leurs effets secondaires.
Dans son compte rendu le plus récent, l'équipe de la DAD met l'accent sur le lien entre la survenue de crises
cardiaques et la prise de médicaments anti-VIH spécifiques.
Comprendre le risque
Avant de parler de la dernière analyse de l’étude DAD, ce sera utile de revoir la façon dont les chercheurs parlent du
risque.
D’ordinaire, quand on parle du risque, on fait allusion au risque global (ou absolu), ce qui veut dire la probabilité
qu’un événement particulier (telle une crise cardiaque) surviendra au cours d’une période donnée. De façon
générale, le risque global de crise cardiaque chez les PVVIH est plutôt faible. Dans l’ensemble, environ 2 % des 33
000 personnes inscrites à l’étude DAD ont eu une crise cardiaque; ainsi, on peut dire que la crise cardiaque est
généralement un événement peu fréquent dans cette étude. Toutefois, le risque global de crise cardiaque de chaque
personne est une chose différente; celui-ci peut être beaucoup plus élevé chez certaines PVVIH si d’autres facteurs
de risque sont présents, tels que le tabagisme ou des antécédents familiaux de crise cardiaque.
Lorsque les chercheurs s’intéressent à évaluer le risque de crise cardiaque associé à un médicament particulier, ils
essaient de mesurer la variation en pourcentage (ou variation relative) du risque global qui se produit suite à la prise
du médicament en question. On parle alors du risque relatif. Ce dernier nous indique dans quelle mesure une crise
cardiaque est plus (ou moins) probable lorsque tel ou tel médicament est utilisé. Par exemple, si une étude permet
de déterminer que le risque relatif de crise cardiaque a augmenté de 70 %, cela veut dire que le risque de crise
cardiaque est 70 % plus élevé chez les personnes recevant le médicament. Autrement dit, le risque relatif permet de
mesurer une fluctuation du risque et non le risque absolu.
Afin de comprendre ce que le risque relatif déterminé par les chercheurs signifie pour vous, vous devez aussi tenir
compte de votre risque global de crise cardiaque. Votre médecin peut vous aider à déterminer celui-ci. Si votre
risque global est faible avant de prendre le médicament en question, une augmentation de 70 % de votre risque
relatif sera sans doute moins significative que si elle se produisait chez une personne présentant un risque global
élevé de crise cardiaque. Et n’oubliez pas qu’une augmentation de 70 % du risque relatif ne veut PAS dire qu’il y ait
70 % de chances que vous subissiez une crise cardiaque.
Retournons maintenant à l’étude DAD.
Détails de l'étude
L'équipe DAD a analysé des données recueillies auprès de 33 308 personnes séropositives, puis a réparti celles-ci en
deux groupes :
580 personnes ayant eu une crise cardiaque confirmée ou soupçonnée
32 728 personnes n'ayant pas eu de crise cardiaque
Résultats—profil des victimes de crise cardiaque
Les personnes qui avaient eu une crise cardiaque étaient plus susceptibles de présenter les caractéristiques
suivantes :
sexe masculin
âge – 50 ans ou plus
antécédents personnels ou familiaux de maladie cardiovasculaire
diabète
hypertension
taux de lipides anormaux
risque élevé de maladie cardiovasculaire
Risque de crise cardiaque—inhibiteurs de la protéase
L'équipe de chercheurs a trouvé que le risque relatif de crise cardiaque augmentait chaque année que les
médicaments suivants étaient utilisés :
indinavir (Crixivan) – augmentation annuelle de 12 % du risque relatif de crise cardiaque
lopinavir-ritonavir (Kaletra) – augmentation annuelle de 13 % du risque relatif de crise cardiaque
L'indinavir et le lopinavir-ritonavir appartiennent à la famille de médicaments anti-VIH appelés inhibiteurs de la
protéase. Jusqu'à présent, aucun autre inhibiteur de la protéase n'a été associé à un risque relatif accru de crise
cardiaque dans le cadre de l'étude DAD.
Risque de crise cardiaque—analogues nucléosidiques
L'abacavir (Ziagen and dans Kivexa et Trizivir) et le ddI (Videx EC) appartiennent à la famille des analogues
nucléosidiques. Au cours de chaque année que l'abacavir était utilisé, le risque relatif de crise cardiaque aurait
augmenté de 7 % selon l'équipe DAD. Ce risque est relativement faible et a été qualifié de « marginal » par les
experts. Il reste toutefois que le risque relatif de crise cardiaque a augmenté de 70 % chez les personnes qui
prenaient de l'abacavir ou qui en avaient pris au cours des six derniers mois.
Chez les personnes qui avaient récemment pris du ddI, le risque relatif de crise cardiaque a augmenté de 41 %.
Pourquoi faut-il être prudence?
L'étude DAD est ce qu'on appelle une étude par observation ou encore une étude de cohorte. Ce genre d'études est
utile pour relever des associations entre différents phénomènes — en l'occurrence, le lien éventuel entre un
médicament particulier et la survenue d'une crise cardiaque. Toutefois, les études par observation ne permettent pas
de prouver les liens de cause à effet. Autrement dit, on ne peut pas se fier à une étude comme la DAD pour prouver
qu'un médicament particulier est susceptible de causer une crise cardiaque.
De plus, la possibilité d'interprétations biaisées des données est un problème qui compromet les études par
observation et qui rend difficile la formulation de conclusions solides. Il reste que les études par observation sont
utiles pour découvrir des associations qui pourront être explorées en profondeur lors d'études ultérieures conçues
de manière plus rigoureuse, tel un essai clinique randomisé.
Comme vous le verrez plus tard dans ce numéro de TraitementSida , les problèmes rénaux augmentent le risque de
crise cardiaque. Pourtant l'équipe DAD n'a décrit que quelques cas d'insuffisance rénale et son impact sur la santé
cardiovasculaire. La question de l'impact de l'insuffisance rénale sur la santé cardiovasculaire dans l'étude DAD doit
être explorée davantage.
Consommation de drogues
La prise de stimulants comme la cocaïne, le crystal meth et l'ecstasy exerce un stress énorme sur le cœur et les
vaisseaux sanguins, augmentant ainsi le risque de crise cardiaque. De plus, les personnes qui s'injectent de la
drogue sont sujettes à des infections bactériennes qui nuisent au cœur. Les responsables d'une autre grande base
de données, soit la Base de données hospitalières française (BDHF), ont trouvé que les personnes sous abacavir qui
s'injectaient de la drogue couraient un risque accru de crise cardiaque.
L'équipe DAD a besoin d'évaluer les habitudes de consommation de drogues des personnes figurant dans sa base
de données afin de déterminer s'il y a un lien entre drogues et crises cardiaques.
Résultats changeants
L'équipe DAD avait rapporté antérieurement que l'exposition à n’importe quel inhibiteur de la protéase (IP) était
associée à une augmentation de 16 % du risque relatif de crise cardiaque durant chaque année que l’IP était utilisé.
Cependant, maintenant que l'équipe a tenu compte de l'impact des analogues nucléosidiques, elle affirme que seul
deux inhibiteurs de la protéase —indinavir et lopinavir-ritonavir — sont associés à ce problème.
De plus, cette équipe de chercheurs avait constaté une augmentation de 90 % le risque relatif de crise cardiaque
chez les personnes recevant de l'abacavir. Dans son analyse plus récente, le risque relatif a baissé jusqu'à 70 %,
mais il demeure élevé.
L'analyse des données de la DAD pourrait évoluer encore au cours des prochaines années.
Coup de pouce aux lecteurs
Les revues biomédicales publient souvent des éditoriaux ou commentaires pour aider les lecteurs à mieux
comprendre des études de recherche complexes. En guise d'annexe au dernier compte rendu de l'équipe DAD, le
Journal of Infectious Diseases a publié un éditorial décrivant les limitations des études par observation. Nous
incluons ci-dessous quelques points saillants du texte en question :
« On pourrait facilement être induit en erreur par des associations apparentes. »
Consciente des limitations de son étude, l'équipe DAD a effectué des analyses de sensibilité afin de dénicher des
préjugés cachés qui auraient pu influencer l'interprétation des données. L'éditorial du Journal of Infectious Diseases
a toutefois ceci à dire à propos des analyses de sensibilité :
« De telles analyses risquent d'induire ou d'atténuer des associations entre le traitement et les résultats. »
Il est important de souligner deux points concernant l'association qu'a trouvée l'équipe DAD entre l'abacavir et le
risque de crise cardiaque : (1) Même s’il s'est écoulé deux ans depuis le premier rapport de l'équipe DAD, celle-ci n'a
toujours pas fourni de preuves concluantes démontrant de quelle façon l'abacavir aurait augmenté le risque de crise
cardiaque; (2) Dans le cadre de l'étude DAD, la proportion de personnes ayant subi une crise cardiaque est très
faible, soit 2 % environ.
Que faire?
Conscients des forces et faiblesses de l'étude DAD, les comités de médecins et de chercheurs qui contribuent aux
lignes directrices thérapeutiques de l'Union européenne et des États-Unis ont offert les conseils suivants au sujet de
l'abacavir et de la crise cardiaque :
« La prudence est de rigueur lorsque l'abacavir est utilisé par des personnes présentant des risques élevés de
maladie cardiovasculaire. »
Puisque l'infection au VIH est associée au vieillissement accéléré du système cardiovasculaire, il faut porter plus
d'attention à la réduction ou, idéalement, à l'élimination des facteurs de risque de crise cardiaque modifiables
(cigarette, embonpoint, hypertension, etc.).
Pour en savoir plus sur le maintien d'une bonne santé cardiaque, lisez le feuillet d'information de CATIE à l'adresse
suivante :
http://www.catie.ca/fr/feuillets-info/autres-états-de-santé/le-vih-et-la-maladie-cardiovasculaire
RÉFÉRENCES :
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(D:A:D) study. Journal of Infectious Diseases . 2010 Feb 1;201(3):318-30.
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myocardial infarction in HIV-infected patients enrolled in the D:A:D study: a multi-cohort collaboration. Lancet . 2008
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,
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