120 Tangente Hors-série n°55. Les démonstrations Hors-série n°55. Les démonstrations Tangente
Les mathématiciens, logiciens
et philosophes de la n du
xixe siècle se sont attelés à la
formalisation rigoureuse des notions
mathématiques les plus élémentaires.
Qu’est-ce qu’une preuve mathéma-
tique ? Quelles sont les « règles de
déduction » autorisées ? Sur quels
axiomes doivent reposer les mathé-
matiques ? L’aboutissement de ces
recherches a été l’élaboration de la
théorie des ensembles de Zermelo–
Fraenkel, qui est aujourd’hui consi-
dérée comme la théorie sur laquelle se
fondent toutes les mathématiques.
Depuis le début des années 2000, une
concurrente au titre de « fondement
des mathématiques » pointe le bout de
son nez : c’est la théorie homotopique
des types, née de la rencontre entre la
théorie des types (voir l’article consa-
cré à la correspondance de Curry–
Howard), et une branche abstraite des
mathématiques appelée la théorie de
l’homotopie.
Dénir la notion d’égalité
Les logiciens qui s’intéressent aux
fondements des mathématiques se
rendent parfois compte que les no-
tions les plus intuitives ne sont pas
toujours les plus simples à dénir.
Un exemple bien connu est celui de
la preuve de 1 + 1 = 2, qui n’arrive
qu’en page 379 des célèbres Princi-
pia Mathematica de Russell et White-
head. Ce n’est pas tant la preuve de ce
résultat qui est difcile que la quantité
de dénitions nécessaires au préalable
pour pouvoir l’énoncer et le prouver
rigoureusement.
Ainsi, au cœur des nouvelles idées à
l’origine de la théorie homotopique
des types se trouve la notion même
d’égalité. Qu’est-ce que cela veut
dire, pour deux objets mathématiques,
d’être « égaux » ? La dénition la
plus courante nous vient de Leibniz,
au xviie siècle, pour qui deux objets
sont égaux si, et seulement si, ils ont
les mêmes propriétés. En langage plus
mathématique :
(x = y) + pour toute propriété P,
(P (x) + P (y)).
Gottfried Wilhelm Leibniz
(1646–1716).
La théorie des types de Martin-Löf, sur
laquelle repose la théorie homotopique
des types, adopte un point de vue dif-
férent sur la notion d’égalité. Du côté
de la théorie des types, les propositions
(au sens mathématique usuel) corres-
pondent à des types. Les habitants d’un
type correspondent à des preuves de la
proposition associée. Si A est un type
et x est un habitant de A, on note x : A
(que l’on prononce « x est de type A »
ou encore « x est une preuve de A »).
Dénir la notion d’égalité va donc re-
SAVOIRS
La théorie homotopique des types :
de nouveaux fondements des mathématiques ?
Depuis la n du xixe siècle, la théorie des ensembles sert
de fondement aux mathématiques actuelles. Au début du
xxie siècle, une théorie alternative se développe, peut-être
plus à même d’accéder directement et efcacement aux
mathématiques d’aujourd’hui.
Bertrand Russell
(1872–1970).
© Bertrand Russell Society
par L.T.D. Nguyen et J. Ledent
121
Tangente Hors-série n°55. Les démonstrations Hors-série n°55. Les démonstrations Tangente
recherches a été l’élaboration de la
théorie des ensembles de Zermelo–
Fraenkel, qui est aujourd’hui consi-
dérée comme la théorie sur laquelle se
fondent toutes les mathématiques.
Depuis le début des années 2000, une
concurrente au titre de « fondement
des mathématiques » pointe le bout de
son nez : c’est la théorie homotopique
des types, née de la rencontre entre la
théorie des types (voir l’article consa-
cré à la correspondance de Curry–
Howard), et une branche abstraite des
mathématiques appelée la théorie de
l’homotopie.
Dénir la notion d’égalité
Les logiciens qui s’intéressent aux
fondements des mathématiques se
rendent parfois compte que les no-
tions les plus intuitives ne sont pas
toujours les plus simples à dénir.
Un exemple bien connu est celui de
la preuve de 1 + 1 = 2, qui n’arrive
qu’en page 379 des célèbres Princi-
pia Mathematica de Russell et White-
head. Ce n’est pas tant la preuve de ce
résultat qui est difcile que la quantité
de dénitions nécessaires au préalable
pour pouvoir l’énoncer et le prouver
rigoureusement.
Ainsi, au cœur des nouvelles idées à
l’origine de la théorie homotopique
des types se trouve la notion même
d’égalité. Qu’est-ce que cela veut
dire, pour deux objets mathématiques,
d’être « égaux » ? La dénition la
plus courante nous vient de Leibniz,
au xviie siècle, pour qui deux objets
sont égaux si, et seulement si, ils ont
les mêmes propriétés. En langage plus
mathématique :
(x = y) + pour toute propriété P,
(P (x) + P (y)).
Gottfried Wilhelm Leibniz
(1646–1716).
La théorie des types de Martin-Löf, sur
laquelle repose la théorie homotopique
des types, adopte un point de vue dif-
férent sur la notion d’égalité. Du côté
de la théorie des types, les propositions
(au sens mathématique usuel) corres-
pondent à des types. Les habitants d’un
type correspondent à des preuves de la
proposition associée. Si A est un type
et x est un habitant de A, on note x : A
(que l’on prononce « x est de type A »
ou encore « x est une preuve de A »).
Dénir la notion d’égalité va donc re-
venir à dénir, pour tous objets x et y,
un nouveau type, que l’on note (x = y).
Les habitants de ce type seront des
preuves d’égalité entre x et y.
Dans la théorie des types, on dispose
d’un cadre général permettant de dé-
nir de nouveaux types : les types induc-
tifs. Pour comprendre de quoi il s’agit,
regardons un exemple de type inductif
qui nous est familier : les nombres en-
tiers naturels. En théorie des types, on
dénit le type des entiers de la manière
suivante :
zéro (noté 0) est un entier ;
• si n est un entier, alors son successeur
(noté n + 1) est un entier.
On a déni le type des entiers en don-
nant la « forme » de ses habitants. On dit
que « zéro » et « successeur » sont les
deux constructeurs du type des entiers.
les types inductifs interviennent,
c’est qu’avec une telle dénition, on
obtient automatiquement un principe de
raisonnement associé, le raisonnement
par induction. Dans le cas des entiers,
ce principe avance que pour prouver
qu’une proposition P (n) est vraie pour
tout entier n, il suft de prouver qu’elle
est vraie pour 0, et qu’elle se propage
par passage au successeur.
Revenons à l’égalité : comme pour les
entiers, on va dénir le type (x = y) en
donnant la forme des habitants de ce
type. Le type égalité n’a en fait qu’un
constructeur, qui correspond à la ré-
exivité, la propriété d’être égal à soi-
même. On le note : rex : (x = x).
Cela signie que pour un x donné, rex
est une preuve de (x = x). Le principe
d’induction associé est pour le moins
étrange : il afrme que « pour prouver
qu’une proposition P(x, y, p) portant
sur des preuves d’égalité p : (x = y) est
vraie pour tout p, il suft de prouver
que P (x, x, rex) est vraie ».
NOUVELLES FORMES
La théorie homotopique des types :
de nouveaux fondements des mathématiques ?
Depuis la n du xixe siècle, la théorie des ensembles sert
de fondement aux mathématiques actuelles. Au début du
xxie siècle, une théorie alternative se développe, peut-être
plus à même d’accéder directement et efcacement aux
mathématiques d’aujourd’hui.
Alfred North
Whitehead
(1861–1947).
122 Tangente Hors-série n°55. Les démonstrations
Hors-série n°55. Les démonstrations Tangente
Ceci ne ressemble pas vraiment à ce
que les mathématiciens ont l’habitu-
de de faire ! Et pourtant, ce principe
s’avère en fait très puissant : il permet
de prouver toutes les propriétés habi-
tuelles de l’égalité, y compris le prin-
cipe de Leibniz.
Depuis l’apparition de la théorie des
types de Martin-Löf dans les années
1970, les logiciens ont essayé de com-
prendre ce type égalité et son étrange
principe d’induction. Une question
notamment est restée ouverte pendant
plus de vingt ans : peut-on montrer
l’unicité des preuves d’égalité, c’est-à-
dire le fait que la seule preuve d’éga-
lité possible est re x ? Cette propriété
semble naturelle, on peut par exemple
aisément prouver que « tout entier est
soit 0, soit le successeur d’un autre
entier ». Mais, mystérieusement, per-
sonne n’arrivait à prouver de propriété
similaire à propos des preuves d’égali-
té. C’est nalement en 1994 que Mar-
tin Hofmann et Thomas Streicher ont
répondu à la question par la négative :
on ne peut prouver ni qu’elle est vraie,
ni qu’elle est fausse !
Les conséquences de cette révélation
sont à la base de la théorie homoto-
pique des types, mais les logiciens
n’ont pas remarqué tout de suite son
importance. Ce n’est qu’en 2009 que
le lauréat de la médaille Fields Vladi-
mir Voevodsky (d’une part) et Steve
Awodey avec son étudiant Michael
Warren (d’autre part) ont proposé une
conception des types égalité pour la-
quelle l’unicité des preuves d’égalité
est naturellement… fausse. Cette nou-
velle interprétation étend la correspon-
dance de Curry–Howard : un type est
vu comme un espace topologique, et
une preuve d’égalité p : (x = y) entre
deux éléments de ce type correspond
à un chemin de x vers y dans l’espace
topologique correspondant. Des liens
se créent entre la théorie des types et
la théorie de l’homotopie (voir en en-
cadré). Les types égalité n’ont plus la
structure triviale imposée par l’unicité
des preuves d’égalité, mais sont main-
tenant munis d’une structure complexe
d’espace de chemins.
L’interprétation homotopique
Les liens entre théorie des types et
théorie de l’homotopie ont ouvert la
voie à une multitude de nouvelles idées
dans les deux domaines. En théorie
des types, la nouvelle interprétation
« homotopique » des types égalité a
mené Voevodsky à formuler l’axiome
d’univalence, qui permet de justi er
de manière élégante certains principes
fondamentaux des mathématiques. Par
exemple, il permet de prouver l’exten-
sionnalité fonctionnelle, qui exprime
que deux fonctions sont égales lors-
qu’elles prennent les mêmes valeurs
partout. Mieux, il permet aussi de justi-
er formellement une pratique que les
mathématiciens quali aient jusque-là
d’« abus de langage » : le fait que deux
structures isomorphes sont égales.
Une autre idée nouvelle est le fait de
classi er les types en fonction de la
complexité de leur égalité, c’est-à-dire
de l’espace des chemins sur ce type.
Les plus simples sont les types de ni-
veau −1, dans lesquels tous les élé-
ments sont reliés par un chemin. Les
types de niveau 0 sont ceux où tous les
chemins sont reliés par des 2-chemins.
De manière similaire, on peut dé nir
les types de niveau 1, 2, 3… jusqu’aux
types de niveau ∞ !
En bas de cette hiérarchie, on retrouve
en fait des objets mathématiques bien
connus : les types de niveau −1 se com-
portent comme les propositions mathé-
SAVOIRS La théorie homotopique…
Topologie, homotopie et chemins
La théorie de l’homotopie est un sous-domaine
de la topologie algébrique, qui est elle-même une
branche abstraite des mathématiques proche de la
géométrie. La topologie a pour objet d’étude les es-
paces topologiques, que l’on peut voir comme des
« formes géométriques à déformation près ». Ainsi,
une tasse et un beignet représentent en fait le même
espace topologique : on peut déformer la tasse de
manière continue, jusqu’à obtenir le beignet. Le
trou au milieu du beignet correspondra à l’anse de
la tasse.
© Marcelo Coelho (MIT) et Jamie Zigelbaum
Sur un espace topologique, on peut dé nir la notion
de chemins, c’est-à-dire les façons dont on peut re-
lier de manière continue deux points d’un espace.
Mieux, on peut ensuite se demander si deux che-
mins peuvent être déformés l’un en l’autre, toujours
de manière continue. Lorsque c’est le cas, on dit
qu’on a un 2-chemin (aussi appelé une homotopie),
qui relie deux chemins entre eux. Et ainsi de suite :
on peut construire des 3-chemins (qui relient des
2-chemins entre eux), des 4-chemins… La théorie
de l’homotopie est l’étude de la structure de ces che-
mins d’ordre supérieur.
Steve Awodey au Congrès
de logique, méthodologie
et philosophie des sciences
(Nancy, 2011).
© É. Thomas
123
Tangente Hors-série n°55. Les démonstrations Hors-série n°55. Les démonstrations Tangente
Ceci ne ressemble pas vraiment à ce
que les mathématiciens ont l’habitu-
de de faire ! Et pourtant, ce principe
s’avère en fait très puissant : il permet
de prouver toutes les propriétés habi-
tuelles de l’égalité, y compris le prin-
cipe de Leibniz.
Depuis l’apparition de la théorie des
types de Martin-Löf dans les années
1970, les logiciens ont essayé de com-
prendre ce type égalité et son étrange
principe d’induction. Une question
notamment est restée ouverte pendant
plus de vingt ans : peut-on montrer
l’unicité des preuves d’égalité, c’est-à-
dire le fait que la seule preuve d’éga-
lité possible est rex ? Cette propriété
semble naturelle, on peut par exemple
aisément prouver que « tout entier est
soit 0, soit le successeur d’un autre
entier ». Mais, mystérieusement, per-
sonne n’arrivait à prouver de propriété
similaire à propos des preuves d’égali-
té. C’est nalement en 1994 que Mar-
tin Hofmann et Thomas Streicher ont
répondu à la question par la négative :
on ne peut prouver ni qu’elle est vraie,
ni qu’elle est fausse !
Les conséquences de cette révélation
sont à la base de la théorie homoto-
pique des types, mais les logiciens
n’ont pas remarqué tout de suite son
importance. Ce n’est qu’en 2009 que
le lauréat de la médaille Fields Vladi-
mir Voevodsky (d’une part) et Steve
Awodey avec son étudiant Michael
Warren (d’autre part) ont proposé une
conception des types égalité pour la-
quelle l’unicité des preuves d’égalité
est naturellement… fausse. Cette nou-
velle interprétation étend la correspon-
dance de Curry–Howard : un type est
vu comme un espace topologique, et
une preuve d’égalité p : (x = y) entre
deux éléments de ce type correspond
à un chemin de x vers y dans l’espace
topologique correspondant. Des liens
se créent entre la théorie des types et
la théorie de l’homotopie (voir en en-
cadré). Les types égalité n’ont plus la
structure triviale imposée par l’unicité
des preuves d’égalité, mais sont main-
tenant munis d’une structure complexe
d’espace de chemins.
L’interprétation homotopique
Les liens entre théorie des types et
théorie de l’homotopie ont ouvert la
voie à une multitude de nouvelles idées
dans les deux domaines. En théorie
des types, la nouvelle interprétation
« homotopique » des types égalité a
mené Voevodsky à formuler l’axiome
d’univalence, qui permet de justier
de manière élégante certains principes
fondamentaux des mathématiques. Par
exemple, il permet de prouver l’exten-
sionnalité fonctionnelle, qui exprime
que deux fonctions sont égales lors-
qu’elles prennent les mêmes valeurs
partout. Mieux, il permet aussi de justi-
er formellement une pratique que les
mathématiciens qualiaient jusque-là
d’« abus de langage » : le fait que deux
structures isomorphes sont égales.
Une autre idée nouvelle est le fait de
classier les types en fonction de la
complexité de leur égalité, c’est-à-dire
de l’espace des chemins sur ce type.
Les plus simples sont les types de ni-
veau −1, dans lesquels tous les élé-
ments sont reliés par un chemin. Les
types de niveau 0 sont ceux où tous les
chemins sont reliés par des 2-chemins.
De manière similaire, on peut dénir
les types de niveau 1, 2, 3… jusqu’aux
types de niveau ∞ !
En bas de cette hiérarchie, on retrouve
en fait des objets mathématiques bien
connus : les types de niveau −1 se com-
portent comme les propositions mathé-
matiques, et ceux de niveau 0 se com-
portent comme des ensembles (c’est
par exemple au niveau 0 que se trouve
le type des entiers). Au-delà, les types
de niveau n correspondent en fait à des
n-groupoïdes, une structure abstraite
issue de la théorie des catégories.
Cette construction permet de résoudre
certaines des difcultés de la théorie
des types, parfois jugée « trop éloi-
gnée » des mathématiques usuelles.
Par exemple, en théorie des types, de
par sa nature constructive, une preuve
de « il existe x tel que P (x) » contient
forcément un témoin d’existence,
c’est-à-dire un objet précis x qui véri-
e la propriété P. En mathématiques
usuelles, on veut pouvoir prouver une
NOUVELLES FORMES
Vladimir
Voevodsky
à l’Institut
Henri-Poincaré
(avril 2014).
© É. Thomas
124 Tangente Hors-série n°55. Les démonstrations Hors-série n°55. Les démonstrations Tangente
SAVOIRS La théorie homotopique…
de prouver que P(BASE) est vraie, et
que P est préservée par « transport » le
long de LOOP. Pour bien saisir ce prin-
cipe d’induction, il faudrait dénir pré-
cisément la notion de transport, issue
de la théorie de l’homotopie. L’idée in-
tuitive est qu’un type inductif est « li-
brement engendré » par ses construc-
teurs : les constructeurs dénissent de
nouveaux éléments du type. Dans le
cas du cercle, cela donne en particulier
que le chemin LOOP est distinct du
chemin trivial reBASE.
À quoi ressemble l’espace des chemins
sur le cercle ? Plus précisément, quels
sont les chemins allant de BASE vers
BASE, ou encore, quels sont les habi-
tants du type (BASE = BASE) ? On en
connaît déjà deux : le chemin trivial re-
BASE, et LOOP. Mais on peut en créer
de nouveaux !
D’une part, la propriété de transitivité
de l’égalité (si x = y et y = z, alors x = z)
correspond à la concaténation (la mise
bout-à-bout) de chemins. Si p : (x = y)
et q : (y = z), alors leur concaténation est
notée pq : (x = z). Concaténer le che-
min trivial n’a aucun effet, mais on peut
par contre itérer le chemin LOOP an
de faire plusieurs tours du cercle. On
dénit ainsi LOOP2 = LOOP LOOP,
LOOP3 = LOOP2 LOOP, etc. Intui-
tivement, le chemin LOOPn est le che-
min faisant n tours du cercle.
D’autre part, la propriété de symétrie
de l’égalité (si x = y alors y = x) cor-
respond à l’inversion d’un chemin
(parcourir le chemin dans l’autre sens).
On peut également dénir l’inverse de
LOOP, noté LOOP−1, qui fait le tour du
cercle dans l’autre sens. En itérant ce
chemin, on dénit pour chaque entier n
le chemin LOOPn, qui fait n tours du
cercle dans le sens inverse de LOOP.
Enn, LOOP • LOOP−1 = reBASE.
proposition de cette forme sans exhiber
de témoin : par exemple, on suppose
qu’il n’en existe pas, et on aboutit à
une contradiction.
La théorie homotopique des types
unie ces deux points de vue : le « il
existe » des mathématiques usuelles
correspond à un type de niveau −1,
qui contient comme seule information
le fait que la proposition soit vraie
ou fausse. Le « il existe » constructif
correspond quant à lui à un type de ni-
veau supérieur, qui peut alors contenir
comme information supplémentaire un
témoin d’existence.
D’autre part, la théorie homotopique
des types peut être vue comme un lan-
gage privilégié permettant d’exprimer
de manière simple les concepts de la
théorie de l’homotopie. Par exemple,
en théorie de l’homotopie, on dénit ha-
bituellement un chemin dans un espace
X comme une fonction continue allant
de l’intervalle [0, 1] dans X. Si l’on
voulait formaliser complètement cette
dénition, il faudrait d’abord dénir la
notion d’intervalle, qui s’appuie sur la
dénition des nombres réels, qui sont
eux-mêmes dénis à partir des nombres
rationnels, eux-mêmes dénis à partir
des entiers… Cela rend très difcile la
formalisation des théorèmes de la théo-
rie de l’homotopie dans des assistants
de preuve tels que Coq. Avec la théo-
rie homotopique des types, la notion de
chemin devient un des concepts les plus
fondamentaux : un chemin de x vers y,
c’est simplement une preuve de (x = y).
En développant cette idée, on aboutit à
un nouvel outil important : la notion de
type inductif supérieur, qui généralise
celle de type inductif. Cet outil per-
met de dénir un type non seulement
en précisant quels sont ses éléments,
mais aussi en précisant quels sont les
chemins (et les 2-chemins, etc.) sur ce
type. Cette idée très simple permet de
dénir tous les espaces topologiques
intéressants de manière intuitive, ce qui
facilite considérablement les preuves
formelles en théorie de l’homotopie !
Le type du cercle
On peut ainsi dénir le cercle comme
un type inductif supérieur. Ce que l’on
veut en fait dénir, c’est l’espace topo-
logique correspondant au cercle, ou en-
core un « cercle à déformation près ».
On ne s’intéressera pas, par exemple,
à caractériser le rayon de ce cercle.
Le type du cercle, noté C, est le type
inductif supérieur généré par les deux
constructeurs suivants :
• BASE : C,
• LOOP : (BASE = BASE).
Le premier constructeur permet de dire
qu’il existe un élément, nommé BASE,
qui est de type C (ou bien, « qui appar-
tient au cercle »). C’est un constructeur
« usuel » de type inductif, car il dénit
un élément du type cercle. Au contraire,
le second constructeur stipule qu’il
existe un chemin, nommé LOOP, allant
de BASE vers BASE, dans le type C.
C’est un constructeur dit d’ordre supé-
rieur : il ne dénit pas un élément de C,
mais un chemin dans C.
Comme tout type inductif, le cercle est
muni d’un principe d’induction, qui
nous permet de prouver des propriétés
le concernant. Selon ce principe, pour
prouver qu’un propriété P (x) est vraie
pour tout élément x du cercle, il suft
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