124 Tangente Hors-série n°55. Les démonstrations Hors-série n°55. Les démonstrations Tangente
SAVOIRS La théorie homotopique…
de prouver que P(BASE) est vraie, et
que P est préservée par « transport » le
long de LOOP. Pour bien saisir ce prin-
cipe d’induction, il faudrait dénir pré-
cisément la notion de transport, issue
de la théorie de l’homotopie. L’idée in-
tuitive est qu’un type inductif est « li-
brement engendré » par ses construc-
teurs : les constructeurs dénissent de
nouveaux éléments du type. Dans le
cas du cercle, cela donne en particulier
que le chemin LOOP est distinct du
chemin trivial reBASE.
À quoi ressemble l’espace des chemins
sur le cercle ? Plus précisément, quels
sont les chemins allant de BASE vers
BASE, ou encore, quels sont les habi-
tants du type (BASE = BASE) ? On en
connaît déjà deux : le chemin trivial re-
BASE, et LOOP. Mais on peut en créer
de nouveaux !
D’une part, la propriété de transitivité
de l’égalité (si x = y et y = z, alors x = z)
correspond à la concaténation (la mise
bout-à-bout) de chemins. Si p : (x = y)
et q : (y = z), alors leur concaténation est
notée p • q : (x = z). Concaténer le che-
min trivial n’a aucun effet, mais on peut
par contre itérer le chemin LOOP an
de faire plusieurs tours du cercle. On
dénit ainsi LOOP2 = LOOP • LOOP,
LOOP3 = LOOP2 • LOOP, etc. Intui-
tivement, le chemin LOOPn est le che-
min faisant n tours du cercle.
D’autre part, la propriété de symétrie
de l’égalité (si x = y alors y = x) cor-
respond à l’inversion d’un chemin
(parcourir le chemin dans l’autre sens).
On peut également dénir l’inverse de
LOOP, noté LOOP−1, qui fait le tour du
cercle dans l’autre sens. En itérant ce
chemin, on dénit pour chaque entier n
le chemin LOOP−n, qui fait n tours du
cercle dans le sens inverse de LOOP.
Enn, LOOP • LOOP−1 = reBASE.
proposition de cette forme sans exhiber
de témoin : par exemple, on suppose
qu’il n’en existe pas, et on aboutit à
une contradiction.
La théorie homotopique des types
unie ces deux points de vue : le « il
existe » des mathématiques usuelles
correspond à un type de niveau −1,
qui contient comme seule information
le fait que la proposition soit vraie
ou fausse. Le « il existe » constructif
correspond quant à lui à un type de ni-
veau supérieur, qui peut alors contenir
comme information supplémentaire un
témoin d’existence.
D’autre part, la théorie homotopique
des types peut être vue comme un lan-
gage privilégié permettant d’exprimer
de manière simple les concepts de la
théorie de l’homotopie. Par exemple,
en théorie de l’homotopie, on dénit ha-
bituellement un chemin dans un espace
X comme une fonction continue allant
de l’intervalle [0, 1] dans X. Si l’on
voulait formaliser complètement cette
dénition, il faudrait d’abord dénir la
notion d’intervalle, qui s’appuie sur la
dénition des nombres réels, qui sont
eux-mêmes dénis à partir des nombres
rationnels, eux-mêmes dénis à partir
des entiers… Cela rend très difcile la
formalisation des théorèmes de la théo-
rie de l’homotopie dans des assistants
de preuve tels que Coq. Avec la théo-
rie homotopique des types, la notion de
chemin devient un des concepts les plus
fondamentaux : un chemin de x vers y,
c’est simplement une preuve de (x = y).
En développant cette idée, on aboutit à
un nouvel outil important : la notion de
type inductif supérieur, qui généralise
celle de type inductif. Cet outil per-
met de dénir un type non seulement
en précisant quels sont ses éléments,
mais aussi en précisant quels sont les
chemins (et les 2-chemins, etc.) sur ce
type. Cette idée très simple permet de
dénir tous les espaces topologiques
intéressants de manière intuitive, ce qui
facilite considérablement les preuves
formelles en théorie de l’homotopie !
Le type du cercle
On peut ainsi dénir le cercle comme
un type inductif supérieur. Ce que l’on
veut en fait dénir, c’est l’espace topo-
logique correspondant au cercle, ou en-
core un « cercle à déformation près ».
On ne s’intéressera pas, par exemple,
à caractériser le rayon de ce cercle.
Le type du cercle, noté C, est le type
inductif supérieur généré par les deux
constructeurs suivants :
• BASE : C,
• LOOP : (BASE = BASE).
Le premier constructeur permet de dire
qu’il existe un élément, nommé BASE,
qui est de type C (ou bien, « qui appar-
tient au cercle »). C’est un constructeur
« usuel » de type inductif, car il dénit
un élément du type cercle. Au contraire,
le second constructeur stipule qu’il
existe un chemin, nommé LOOP, allant
de BASE vers BASE, dans le type C.
C’est un constructeur dit d’ordre supé-
rieur : il ne dénit pas un élément de C,
mais un chemin dans C.
Comme tout type inductif, le cercle est
muni d’un principe d’induction, qui
nous permet de prouver des propriétés
le concernant. Selon ce principe, pour
prouver qu’un propriété P (x) est vraie
pour tout élément x du cercle, il suft