DOSSIER THÉMATIQUE Le diagnostic de la DVDA IRM et scanner cardiaque dans la DVDA Cardiac CT and MR in ARVD/C A. Azarine*, A. Redheuil*, E. Mousseaux* L a dysplasie (ou cardiopathie) ventriculaire droite arythmogène (DVDA) est une cardiomyopathie caractérisée par une infiltration fibroadipeuse du myocarde, affectant principalement le ventricule droit (VD), mais une atteinte du ventricule gauche (VG) peut aussi être observée dans les formes évoluées. Parmi les modalités d’imagerie actuelle, les nouvelles techniques d’imagerie en coupe offrent une visualisation très performante, en particulier du VD, sans zone “aveugle”. Si on obtient une très bonne résolution spatiale avec le scanner multidétecteur, l'examen de choix − non irradiant et associant à l’étude morphologique une étude fonctionnelle optimale et quantitative, en particulier du VD − reste l’IRM, en raison de sa très bonne résolution temporelle, toujours supérieure à celle du scanner. En effet, plutôt que la caractérisation tissulaire − qui peut également être tentée en recherchant des zones d’infiltration lipidique et d’atteinte fibrotique −, c’est la recherche de troubles de la cinétique segmentaire qui sera déterminante, une fois rapportée aux mesures quantitatives, pour éventuellement ajouter un critère mineur ou majeur aux autres critères diagnostiques de cette cardiopathie de diagnostic difficile. L'imagerie n’est pas à elle seule suffisante pour mettre en évidence la maladie, elle va apporter un des critères diagnostiques à considérer parmi un ensemble d’arguments redéfinis en 2010 par la Task Force (tableau I). Sa valeur prédictive négative (VPN), supposée très bonne par quelques études, reste à redéfinir. L’IRM cardiaque et plus récemment le scanner cardiaque sont les techniques d’imagerie en coupe utilisées pour le diagnostic de DVDA. IRM Conditionnement La puissance de l’aimant doit de préférence être supérieure ou égale à 1,5 tesla. On utilise une antenne spécifique pour l’exploration cardiaque afin d’avoir une résolution spatiale optimale (la paroi du VD normale ne mesure que 3 à 4 mm d’épaisseur). La fréquence des extrasystoles ventriculaires (ESV) fait obstacle à une bonne synchronisation à l’ECG aussi bien pour l’IRM que pour le scanner, car elle génère des artefacts cinétiques et empêche une Tableau I. Critères morphologiques de la Task Force (2010). Critère majeur si Dysfonction segmentaire du VD : – akinésie – ou dyskinésie – ou asynchronisme de contraction intraventriculaire droite tet 1 des critères suivants : o75%7%JöN-N2IPNNF PVöN-N2GFNNF oPV'&7%õ Critère mineur si Dysfonction segmentaire du VD : – akinésie – ou dyskinésie – ou asynchronisme de contraction intraventriculaire droite tet 1 des critères suivants : o75%7%JöËN-N2IPNNF PVöËN-N2GFNNF oPV'&7%Ëõ * Service de radiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. 75%7%JWPMVNFUÏMÏEJBTUPMJRVFJOEFYÏ'&7%GSBDUJPOEÏKFDUJPOEVWFOUSJDVMFESPJU 42 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 Points forts » L’étude fonctionnelle prime dans les nouveaux critères d’imagerie redéfinis en 2010. » Les critères concernant l’IRM ne tiennent compte que des mesures quantitatives et des troubles de la cinétique segmentaire du VD. » Selon ces critères, un volume VD et une FEVD normaux éliminent le diagnostic de DVDA en IRM. » Ces critères sont probablement très spécifiques, au risque de négliger les formes frustes à grand risque de mort subite. » L’IRM permet d’éliminer les diagnostics différentiels et d’apprécier l’extension biventriculaire de la maladie. » Le contrôle préalable des extrasystoles ventriculaires (ESV) avant la réalisation de l’examen est un élément clé pour la fiabilité de l’analyse des images, et en particulier de celle de la fonction segmentaire. bonne interprétation des séquences ciné fonctionnelles, qui sont pourtant cruciales pour le diagnostic. Les ESV peuvent ainsi induire des pseudo-anomalies de contraction et simuler de faux positifs. Dans ce cas, il serait souhaitable de réexaminer le patient après contrôle de l’hyperexcitabilité ventriculaire. Dans les différentes études réalisées, on a constaté que les anomalies plus ou moins focales de la fonction segmentaire du VD ont été les signes les plus pertinents pour le diagnostic de DVDA. Figure 1. Segmentation du VD. ◆ Incidences (figure 1) On ajoutera aux incidences habituelles (4 cavités et petit axe) des incidences spécifiques pour l’étude du VD : ➤ grand axe VD : c’est la coupe “2 cavités VD”, l’équivalent de l’incidence oblique antérieure droite (OAD) en angiographie conventionnelle. On y voit les parois inférieures, l’apex, la paroi antérieure et la face antérieure de l’infundibulum pulmonaire ; ➤ voie d’éjection pulmonaire : on l'obtient en coupant parallèlement à la paroi antérieure du VD et en passant par la cheminée infundibulaire. Elle est dans le plan de l’incidence oblique antérieure gauche (OAG) réalisée en angiographie conventionnelle. IRM cardiaque Scanner cardiaque DVDA Fonction myocardique 3FIBVTTFNFOUUBSEJG myocardique Highlights (1) Paroi inférieure (2) Apex (3) Paroi libre moyenne (4) Paroi basale (5) Paroi infundibulaire Protocole d’acquisition (tableau II) ◆ Séquences Les séquences ciné sont réalisées au moyen de séquences “Steady State Free Precession” (SSFP). Mots-clés Analyse des images ◆ Analyse quantitative L’IRM est une technique de référence qui permet une mesure optimale des volumes ventriculaires gauche et droit rapportés à la surface corporelle, avec une évaluation de la fraction d’éjection. Selon les nouveaux critères 2010, l'absence de dilatation du VD et une fraction d’éjection ventriculaire droite (FEVD) normale supérieure à 45 % éliminent le diagnostic de DVDA en IRM. ◆ Analyse qualitative Les séquences ciné permettent d’étudier la fonction ventriculaire avec une résolution temporelle de l’ordre de 10 ms. On peut ainsi effectuer une étude assez précise de la cinétique segmentaire du VD, en recoupant autant que possible les informations » "37%$ OFX5' DSJUFSJBT SFEFGJOFE JO DPOTJEFS POMZGVODUJPOBMmOEJOHTBT37 quantitative » measurements and regional wall motion abnormalities. » According to these criterias, normal RV volume and ejection GSBDUJPOSVMFTPVU"37% » These criterias are probably WFSZTQFDJGJDCVUNBZNJTT EFCVU GPDBM GPSNT PG"37% XJUI)JHISJTLPGTVEEFOEFBUI » .3*GJOEJOHTFOBCMFBMTP UPSVMFPVUPUIFSEJGGFSFOUJBM diagnosis and help diagnose CJWFOUSJDVMBSFYUFOTJPOPGUIF disease. » Ventricular extrasystoles should be treated prior to the .3*FYBNUPBWPJEGVODUJPOBM BSUJGBDUT Keywords Cardiac magnetic resonance imaging Cardia CT ARVD .ZPDBSEJBMGVODUJPO Myocardial late gadolinium enhancement Tableau II. Exemple de protocole pour une étude du VD dans le cadre d’une recherche de DVDA. Séquences ciné en SSFP (Fiesta, True Fisp ou Balance FFE) 1 - Série de coupes 2 cavités VG et VD $PVQFQBTTBOUQBSMJOGVOEJCVMVNQVMNPOBJSF 3 - Série de coupes en incidence 4 cavités 4 - Coupes petit axe jointives couvrant de la base jusqu’à l’apex VG Séquences en “sang noir” pondéré T1, en inversion-récupération ± suppression du signal de la graisse 5 - Discutable depuis les nouveaux critères 2010 6 - Selon les équipes 4 à 6 coupes en axiales ou en petit axe Injection d’une double dose de gadolinium (0,2 mmol/L par kg) ²UVEFEVSFIBVTTFNFOUUBSEJG%FUPV%VUJMFQPVSMFTEJBHOPTUJDTEJGGÏSFOUJFMT %7%"EZTQMBTJFWFOUSJDVMBJSFESPJUFBSZUINPHÒOF7%øWFOUSJDVMFESPJU La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 | 43 DOSSIER THÉMATIQUE Le diagnostic de la DVDA IRM et scanner cardiaque dans la DVDA données par les différentes incidences complémentaires, quasi orthogonales, avant de valider un trouble de la cinétique segmentaire. Les troubles de la cinétique segmentaire recherchés selon les critères de la Task Force sont la dyskinésie, l’akinésie ou l’hypokinésie sévère et enfin le retard de contraction, ce dernier étant difficile à définir. ◆ Segmentation du VD Pour une analyse systématique, il est très important de segmenter le VD afin de pouvoir ainsi confronter les observations (figure 2). ◆ Caractérisation tissulaire Recherche d’une infiltration graisseuse Les séquences en sang noir spin-écho cherchent un hypersignal T1 visualisé dans la paroi myocardique, témoignant d’une infiltration graisseuse. Ces mêmes coupes pourraient être effectuées avec une suppression élective du signal de la graisse afin de confirmer la présence d’un hypersignal dû à une composante graisseuse. La résolution spatiale en IRM est encore faible, de l’ordre du millimètre pour une paroi ventriculaire droite qui mesure environ 3 mm. Dans un contexte de DVDA, la recherche de l’infiltration graisseuse myocardique est plus facile à visualiser et retrouve tout son intérêt si elle se situe sur le septum interventriculaire en médiomural ou dans le myocarde du VG, témoignant ainsi d’une atteinte VG (facteur pronostique). Pour un souci de confrontation à l’étude fonctionnelle, nous effectuons les mêmes coupes que sur les séquences ciné. Selon les équipes ces mesures se feront par contourage endocardique du VD sur des coupes consécutives en petit axe, ou en coupes axiales strictes, voir en incidence 4 cavités, ces 2 dernières incidences permettant une Figure 2. Coupes petit axe en séquence SSFP, en diastole (A) et en systole (B), montrant un bombement (bulging) diastolique de la paroi libre moyenne du VD (flèche noire) qui est akinétique. On note, sur la paroi inférieure du VD une dyskinésie franche en systole (tête de flèche). * SSFP : Steady State Free Precession. 44 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 meilleure localisation de l’anneau tricuspide, mais une moins bonne visualisation de l’infundibulum pulmonaire. L’infiltration graisseuse au scanner se présente sous forme d’hypodensité spontanée au sein du myocarde (voire le chapitre sur le scanner). La présence de graisse intramyocardique isolée en IRM ou en scanner n’est pas spécifique de la DVDA et les critères de la Task Force n’en tiennent pas compte en imagerie. Recherche de fibrose L’étude du rehaussement tardif du myocarde 10 mn après l'injection d’une double dose de chélate de gadolinium (0,2 mmol/kg) permet de rechercher des zones qui peuvent témoigner d’une fibrose myocardique. Cette donnée est toutefois inconstante. Elle permet surtout d’identifier une atteinte du VG ou des diagnostics différentiels tels que cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) ou dilatées (CMD) avec foyer focal de fibrose, séquelle de myocardite (pouvant être associée à la DVDA), infarctus, sarcoïdose, etc. ◆ Hypertrophie des trabéculations du VD La stagnation du produit de contraste entre les trabéculations, qui donne le fameux aspect en pile d’assiettes, est un argument anciennement très utilisé en angiographie. D'analyse difficile en IRM, il est moins utilisé, hors des critères de la Task Force. Scanner cardiaque multidétecteur On utilisera un scanner multidétecteur de 64 détecteurs ou plus avec injection de produit de contraste iodé. On dispose de tout le volume cardiaque en 3D avec une très bonne résolution spatiale de l’ordre de 0,6 à 0,5 mm. Les nouvelles évolutions et l’acquisition prospective des images couplées à l’ECG permettent une irradiation minimale et acceptable de l’ordre de 1 à 2 mSv, si on souhaite étudier un volume en 3D à un temps donné du cycle cardiaque. Le scanner reste performant pour rechercher une infiltration lipidique du myocarde. Celle-ci sera toutefois à rapprocher d’un trouble cinétique en regard, constaté en IRM ou en scanner ; en effet l’infiltration n’est pas spécifique si elle est isolée. Le scanner reste très irradiant si on souhaite réaliser une acquisition multiphasique de bonne qualité du volume cardiaque, pour une analyse fonctionnelle optimale (figure 3). DOSSIER THÉMATIQUE Rapport Éléments diagnostiques Il faudra rédiger le rapport en mentionnant s’il existait un critère mineur ou majeur. D’après les nouveaux critères morphologiques redéfinis en 2010, qui se veulent plus spécifiques pour éviter le surdiagnostic de la DVDA, on remarquera que si les mesures quantitatives étaient normales (VTVD indexé inférieur à 110 mL/m² et FEVD supérieure à 45 %), on pourrait arrêter presque l’analyse et on n’aurait aucun critère positif à amener en IRM. Si on gagne ainsi en spécificité, on diminue la sensibilité et la VPN ; on passe probablement à côté de formes frustes ou mineures plus exposées à la mort subite. Il serait donc intéressant de signaler un doute diagnostique selon l’expérience du lecteur, pour continuer les explorations ou la surveillance de ces patients, la DVDA étant une maladie évolutive. Figure 3. Scanner cardiaque - Hypodensité spontanée démontrant une infiltration graisseuse du SIV (A) ; étude des fonctions globale et régionale VD et VG (B), étude des artères coronaires (C) ; infiltration fibrotique objectivée par un rehaussement tardif médiomural du SIV 5 mn après l’injection d’un produit de contraste iodé (D ). Éléments pronostiques Les infiltrations graisseuse ou fibrotique du SIV et du myocarde du VG sont plus pertinentes en tant que facteurs pronostiques signant une atteinte biventriculaire. De même, les mesures quantitatives, marqueurs de l’insuffisance cardiaque, sont aussi des éléments pronostiques. Tableau III. Histoire familiale et anatomopathologie. Les critères de caractérisation tissulaire ne sont que le fait de l’histologie d’après les critères 2010 de la Task Force. Critères majeurs Histoire familiale t$%7%"BWÏSÏFTFMPOMFTDSJUÒSFTEFMB5BTL'PSDFDIF[VO apparenté de premier degré t$%7%"DPOmSNÏFQBSVOFIJTUPMPHJFMPSTEVOFBVUPQTJF ou d’une chirurgie chez un apparenté de premier degré t.VUBUJPOQBUIPHÏOJRVFEÏDPVWFSUFDIF[VOQBUJFOUFODPVST d’exploration (mutation associée ou probablement associée ËVOF$%7%" Histologie Sur ≥ 1 échantillon prélevé sur la paroi libre VD (sur une pièce de biopsie myocardique) $BSEJPNZPDZUFTSÏTJEVFMTQBSBOBMZTFNPSQIPNÏUSJRVF PVTJFTUJNBUJPO - Associé à un remplacement tissulaire par de la fibrose - Associé ou pas à un remplacement graisseux Critères mineurs Histoire familiale t)JTUPJSFEF$%7%"DIF[VOBQQBSFOUÏEFQSFNJFSEFHSÏTBOTQPVvoir déterminer si les critères de la Task Force sont atteints ou pas t.PSUTVCJUFTVTQFDUFEF$%7%"DIF[VOBQQBSFOUÏEFQSFNJFS EFHSÏBOT t$%7%"BWÏSÏFTFMPOMIJTUPMPHJFPVTFMPOMFTDSJUÒSFTEFMB5BTL Force chez un apparenté de second degré Histologie Sur ≥ 1 échantillon prélevé sur la paroi libre VD (sur une pièce de biopsie myocardique) $BSEJPNZPDZUFTSÏTJEVFMTFOUSFFUQBSBOBMZTFNPSQIPNÏUSJRVF PVFUTJFTUJNBUJPO - Associé à un remplacement tissulaire par de la fibrose - Associé ou pas à un remplacement graisseux Diagnostic différentiel L’IRM reste un examen de choix pour rechercher d’autres diagnostics differentiels de la DVDA. Ainsi, dans un contexte de dilatation VD, on recherchera une communication interauriculaire de type sinus venosus de diagnostic parfois difficile en échocardiographie transthoracique. On recherchera par l’angiographie RM des retours veineux pulmonaires anormaux. On évaluera un shunt gauche-droit en faisant des mesures de vitesse permettant d’établir un rapport de débit pulmonaire sur le débit systémique (QP/QS). Dans un contexte de trouble de rythme, notamment avec l’aide du rehaussement tardif après injection de gadolinium, l’IRM permet de rechercher d’autres pathologies arythmogènes plus fréquentes que la DVDA, comme les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) ou dilatées (CMD) avec foyer focal de fibrose, séquelles de myocardite (pouvant être associée à la DVDA), séquelles d’infarctus méconnus, sarcoïdose, etc. ■ La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 | 45