42 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011
DOSSIER THÉMATIQUE
Le diagnostic de la DVDA
Tableau I. Critères morphologiques de la Task Force (2010).
Critère majeur si
Dysfonction segmentaire du VD :
– akinésie
– ou dyskinésie
– ou asynchronisme de contraction intraventriculaire droite
tet 1 des critères suivants :
o75%7%JöN-N2IPNNFPVöN-N2GFNNF
oPV'&7%õ
Critère mineur si
Dysfonction segmentaire du VD :
– akinésie
– ou dyskinésie
– ou asynchronisme de contraction intraventriculaire droite
tet 1 des critères suivants :
o75%7%JöËN-N2IPNNFPVöËN-N2GFNNF
oPV'&7%Ëõ
75%7%JWPMVNFUÏMÏEJBTUPMJRVFJOEFYÏ'&7%GSBDUJPOEÏKFDUJPOEVWFOUSJDVMFESPJU
IRM et scanner cardiaque
dans la DVDA
Cardiac CT and MR in ARVD/C
A. Azarine*, A. Redheuil*, E. Mousseaux*
* Service de radiologie, hôpital euro-
péen Georges-Pompidou, Paris.
L
a dysplasie (ou cardiopathie) ventriculaire droite
arythmogène (DVDA) est une cardiomyopathie
caractérisée par une infiltration fibroadipeuse du
myocarde, affectant principalement le ventricule droit
(VD), mais une atteinte du ventricule gauche (VG)
peut aussi être observée dans les formes évoluées.
Parmi les modalités d’imagerie actuelle, les nouvelles
techniques d’imagerie en coupe offrent une visualisa-
tion très performante, en particulier du VD, sans zone
“aveugle”. Si on obtient une très bonne résolution
spatiale avec le scanner multidétecteur, l'examen de
choix − non irradiant et associant à l’étude morpho-
logique une étude fonctionnelle optimale et quanti-
tative, en particulier du VD − reste l’IRM, en raison
de sa très bonne résolution temporelle, toujours
supérieure à celle du scanner. En effet, plutôt que
la caractérisation tissulaire − qui peut également
être tentée en recherchant des zones d’infiltration
lipidique et d’atteinte fibrotique −, c’est la recherche
de troubles de la cinétique segmentaire qui sera
déterminante, une fois rapportée aux mesures quan-
titatives, pour éventuellement ajouter un critère
mineur ou majeur aux autres critères diagnostiques
de cette cardiopathie de diagnostic difficile.
L'imagerie n’est pas à elle seule suffisante pour
mettre en évidence la maladie, elle va apporter
un des critères diagnostiques à considérer parmi
un ensemble d’arguments redéfinis en 2010 par la
Task Force (tableau I). Sa valeur prédictive négative
(VPN), supposée très bonne par quelques études,
reste à redéfinir.
L’IRM cardiaque et plus récemment le scanner
cardiaque sont les techniques d’imagerie en coupe
utilisées pour le diagnostic de DVDA.
IRM
Conditionnement
La puissance de l’aimant doit de préférence être
supérieure ou égale à 1,5 tesla. On utilise une
antenne spécifique pour l’exploration cardiaque afin
d’avoir une résolution spatiale optimale (la paroi du
VD normale ne mesure que 3 à 4 mm d’épaisseur).
La fréquence des extrasystoles ventriculaires (ESV)
fait obstacle à une bonne synchronisation à l’ECG
aussi bien pour l’IRM que pour le scanner, car elle
génère des artefacts cinétiques et empêche une
La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 | 43
Points forts
Tableau II. Exemple de protocole pour une étude du VD dans le cadre d’une recherche de DVDA.
Séquences ciné en SSFP (Fiesta, True Fisp ou Balance FFE)
1 - Série de coupes 2 cavités VG et VD
$PVQFQBTTBOUQBSMJOGVOEJCVMVNQVMNPOBJSF
3 - Série de coupes en incidence 4 cavités
4 - Coupes petit axe jointives couvrant de la base jusqu’à l’apex VG
Séquences en “sang noir” pondéré T1, en inversion-récupération ± suppression du signal de la graisse
5 - Discutable depuis les nouveaux critères 2010
6 - Selon les équipes 4 à 6 coupes en axiales ou en petit axe
Injection d’une double dose de gadolinium (0,2 mmol/L par kg)
²UVEFEVSFIBVTTFNFOUUBSEJG%FUPV%VUJMFQPVSMFTEJBHOPTUJDTEJGGÏSFOUJFMT
%7%"EZTQMBTJFWFOUSJDVMBJSFESPJUFBSZUINPHÒOF7%øWFOUSJDVMFESPJU
Figure 1. Segmentation du VD.
(1) Paroi inférieure
(2) Apex
(3) Paroi libre moyenne
(4) Paroi basale
(5) Paroi infundibulaire
bonne interprétation des séquences ciné fonction-
nelles, qui sont pourtant cruciales pour le diagnostic.
Les ESV peuvent ainsi induire des pseudo-anomalies
de contraction et simuler de faux positifs. Dans ce
cas, il serait souhaitable de réexaminer le patient
après contrôle de l’hyperexcitabilité ventriculaire.
Protocole d’acquisition (tableau II)
Dans les différentes études réalisées, on a constaté
que les anomalies plus ou moins focales de la fonc-
tion segmentaire du VD ont été les signes les plus
pertinents pour le diagnostic de DVDA.
Séquences
Les séquences ciné sont réalisées au moyen de
séquences “Steady State Free Precession” (SSFP).
Incidences (figure 1)
On ajoutera aux incidences habituelles (4 cavités
et petit axe) des incidences spécifiques pour l’étude
du VD :
grand axe VD : c’est la coupe “2 cavités VD”,
l’équivalent de l’incidence oblique antérieure
droite (OAD) en angiographie conventionnelle.
On y voit les parois inférieures, l’apex, la paroi
antérieure et la face antérieure de l’infundibulum
pulmonaire ;
voie d’éjection pulmonaire : on l'obtient en
coupant parallèlement à la paroi antérieure du VD
et en passant par la cheminée infundibulaire. Elle est
dans le plan de l’incidence oblique antérieure gauche
(OAG) réalisée en angiographie conventionnelle.
Analyse des images
Analyse quantitative
L’IRM est une technique de référence qui permet
une mesure optimale des volumes ventriculaires
gauche et droit rapportés à la surface corporelle,
avec une évaluation de la fraction d’éjection. Selon
les nouveaux critères 2010, l'absence de dilatation
du VD et une fraction d’éjection ventriculaire droite
(FEVD) normale supérieure à 45 % éliminent le
diagnostic de DVDA en IRM.
Analyse qualitative
Les séquences ciné permettent d’étudier la fonc-
tion ventriculaire avec une résolution temporelle de
l’ordre de 10 ms. On peut ainsi effectuer une étude
assez précise de la cinétique segmentaire du VD,
en recoupant autant que possible les informations
»L’étude fonctionnelle prime dans les nouveaux critères d’imagerie redéfinis en 2010.
»
Les critères concernant l’IRM ne tiennent compte que des mesures quantitatives et des troubles
de la cinétique segmentaire du VD.
»Selon ces critères, un volume VD et une FEVD normaux éliminent le diagnostic de DVDA en IRM.
»
Ces critères sont probablement très spécifiques, au risque de négliger les formes frustes à grand risque
de mort subite.
»
L’IRM permet d’éliminer les diagnostics différentiels et d’apprécier l’extension biventriculaire de la maladie.
»
Le contrôle préalable des extrasystoles ventriculaires (ESV) avant la réalisation de l’examen est un
élément clé pour la fiabilité de l’analyse des images, et en particulier de celle de la fonction segmentaire.
Mots-clés
IRM cardiaque
Scanner cardiaque
DVDA
Fonction myocardique
3FIBVTTFNFOUUBSEJG
myocardique
Highlights
»
"37%$OFX5'DSJUFSJBT
SFEFGJOFEJODPOTJEFS
POMZGVODUJPOBMmOEJOHTBT37
quantitative
»
measurements and regional
wall motion abnormalities.
»
According to these criterias,
normal RV volume and ejection
GSBDUJPOSVMFTPVU"37%
»
These criterias are probably
WFSZTQFDJGJDCVUNBZNJTT
EFCVUGPDBMGPSNTPG"37%
XJUI)JHISJTLPGTVEEFOEFBUI
»
.3*GJOEJOHTFOBCMFBMTP
UPSVMFPVUPUIFSEJGGFSFOUJBM
diagnosis and help diagnose
CJWFOUSJDVMBSFYUFOTJPOPGUIF
disease.
»
Ventricular extrasystoles
should be treated prior to the
.3*FYBNUPBWPJEGVODUJPOBM
BSUJGBDUT
Keywords
Cardiac magnetic resonance
imaging
Cardia CT
ARVD
.ZPDBSEJBMGVODUJPO
Myocardial late gadolinium
enhancement
44 | La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011
DOSSIER THÉMATIQUE
Le diagnostic de la DVDA IRM et scanner cardiaque dans la DVDA
données par les différentes incidences complé-
mentaires, quasi orthogonales, avant de valider un
trouble de la cinétique segmentaire.
Les troubles de la cinétique segmentaire recherchés
selon les critères de la Task Force sont la dyskinésie,
l’akinésie ou l’hypokinésie sévère et enfin le retard
de contraction, ce dernier étant difficile à définir.
Segmentation du VD
Pour une analyse systématique, il est très important
de segmenter le VD afin de pouvoir ainsi confronter
les observations (figure 2).
Caractérisation tissulaire
Recherche d’une infiltration graisseuse
Les séquences en sang noir spin-écho cherchent
un hypersignal T1 visualisé dans la paroi myocar-
dique, témoignant d’une infiltration graisseuse. Ces
mêmes coupes pourraient être effectuées avec une
suppression élective du signal de la graisse afin de
confirmer la présence d’un hypersignal dû à une
composante graisseuse.
La résolution spatiale en IRM est encore faible, de
l’ordre du millimètre pour une paroi ventriculaire
droite qui mesure environ 3 mm.
Dans un contexte de DVDA, la recherche de l’infiltra-
tion graisseuse myocardique est plus facile à visua-
liser et retrouve tout son intérêt si elle se situe sur le
septum interventriculaire en médiomural ou dans le
myocarde du VG, témoignant ainsi d’une atteinte VG
(facteur pronostique). Pour un souci de confron-
tation à l’étude fonctionnelle, nous effectuons les
mêmes coupes que sur les séquences ciné. Selon les
équipes ces mesures se feront par contourage endo-
cardique du VD sur des coupes consécutives en petit
axe, ou en coupes axiales strictes, voir en incidence
4 cavités, ces 2 dernières incidences permettant une
meilleure localisation de l’anneau tricuspide, mais
une moins bonne visualisation de l’infundibulum
pulmonaire.
L’infiltration graisseuse au scanner se présente
sous forme d’hypodensité spontanée au sein du
myocarde (voire le chapitre sur le scanner). La
présence de graisse intramyocardique isolée en IRM
ou en scanner nest pas spécifique de la DVDA et les
critères de la Task Force nen tiennent pas compte
en imagerie.
Recherche de fibrose
Létude du rehaussement tardif du myocarde 10 mn
après l'injection d’une double dose de chélate de
gadolinium (0,2 mmol/kg) permet de rechercher des
zones qui peuvent témoigner d’une fibrose myocar-
dique. Cette donnée est toutefois inconstante. Elle
permet surtout d’identifier une atteinte du VG ou
des diagnostics différentiels tels que cardiomyo-
pathies hypertrophiques (CMH) ou dilatées (CMD)
avec foyer focal de fibrose, séquelle de myocar-
dite (pouvant être associée à la DVDA), infarctus,
sarcoïdose, etc.
Hypertrophie des trabéculations du VD
La stagnation du produit de contraste entre les
trabéculations, qui donne le fameux aspect en pile
d’assiettes, est un argument anciennement très
utilisé en angiographie. D'analyse difficile en IRM,
il est moins utilisé, hors des critères de la Task Force.
Scanner cardiaque
multidétecteur
On utilisera un scanner multidétecteur de 64 détec-
teurs ou plus avec injection de produit de contraste
iodé.
On dispose de tout le volume cardiaque en 3D avec
une très bonne résolution spatiale de l’ordre de 0,6
à 0,5 mm. Les nouvelles évolutions et l’acquisition
prospective des images couplées à l’ECG permettent
une irradiation minimale et acceptable de l’ordre
de 1 à 2 mSv, si on souhaite étudier un volume en
3D à un temps donné du cycle cardiaque.
Le scanner reste performant pour rechercher une
infiltration lipidique du myocarde. Celle-ci sera toute-
fois à rapprocher d’un trouble cinétique en regard,
constaté en IRM ou en scanner ; en effet l’infiltration
n’est pas spécifique si elle est isolée. Le scanner reste
très irradiant si on souhaite réaliser une acquisition
multiphasique de bonne qualité du volume cardiaque,
pour une analyse fonctionnelle optimale (figure 3).
Figure 2. Coupes petit axe en séquence SSFP, en dias-
tole (A) et en systole (B), montrant un bombement
(bulging) diastolique de la paroi libre moyenne du
VD (flèche noire) qui est akinétique. On note, sur
la paroi inférieure du VD une dyskinésie franche en
systole (tête de flèche).
* SSFP : Steady State Free Precession.
La Lettre du Cardiologue ̐ n° 450 - décembre 2011 | 45
DOSSIER THÉMATIQUE
Figure 3. Scanner cardiaque - Hypodensité spontanée
démontrant une infiltration graisseuse du SIV (A) ;
étude des fonctions globale et régionale VD et VG (B),
étude des artères coronaires (C) ; infiltration fibrotique
objectivée par un rehaussement tardif médiomural du
SIV 5 mn après l’injection d’un produit de contraste
iodé (D ).
Rapport
Éléments diagnostiques
Il faudra rédiger le rapport en mentionnant s’il
existait un critère mineur ou majeur. D’après
les nouveaux critères morphologiques redéfinis
en 2010, qui se veulent plus spécifiques pour éviter
le surdiagnostic de la DVDA, on remarquera que si
les mesures quantitatives étaient normales (VTVD
indexé inférieur à 110 mL/m² et FEVD supérieure
à 45 %), on pourrait arrêter presque l’analyse et on
n’aurait aucun critère positif à amener en IRM. Si
on gagne ainsi en spécificité, on diminue la sensi-
bilité et la VPN ; on passe probablement à côté
de formes frustes ou mineures plus exposées à la
mort subite. Il serait donc intéressant de signaler
un doute diagnostique selon l’expérience du lecteur,
pour continuer les explorations ou la surveillance de
ces patients, la DVDA étant une maladie évolutive.
Éléments pronostiques
Les infiltrations graisseuse ou fibrotique du SIV et du
myocarde du VG sont plus pertinentes en tant que
facteurs pronostiques signant une atteinte biven-
triculaire. De même, les mesures quantitatives,
marqueurs de l’insuffisance cardiaque, sont aussi
des éléments pronostiques.
Diagnostic différentiel
L’IRM reste un examen de choix pour rechercher
d’autres diagnostics differentiels de la DVDA. Ainsi,
dans un contexte de dilatation VD, on recherchera
une communication interauriculaire de type sinus
venosus de diagnostic parfois difficile en échocar-
diographie transthoracique. On recherchera par
l’angiographie RM des retours veineux pulmonaires
anormaux. On évaluera un shunt gauche-droit en
faisant des mesures de vitesse permettant d’établir
un rapport de débit pulmonaire sur le débit systé-
mique (QP/QS). Dans un contexte de trouble de
rythme, notamment avec l’aide du rehaussement
tardif après injection de gadolinium, l’IRM permet
de rechercher d’autres pathologies arythmogènes
plus fréquentes que la DVDA, comme les cardiomyo-
pathies hypertrophiques (CMH) ou dilatées (CMD)
avec foyer focal de fibrose, séquelles de myocar-
dite (pouvant être associée à la DVDA), séquelles
d’infarctus méconnus, sarcoïdose, etc.
Tableau III. Histoire familiale et anatomopathologie. Les critères de caractérisation tissulaire
ne sont que le fait de l’histologie d’après les critères 2010 de la Task Force.
Critères majeurs
Histoire familiale
t$%7%"BWÏSÏFTFMPOMFTDSJUÒSFTEFMB5BTL'PSDFDIF[VO
apparenté de premier degré
t$%7%"DPOmSNÏFQBSVOFIJTUPMPHJFMPSTEVOFBVUPQTJF
ou d’une chirurgie chez un apparenté de premier degré
t.VUBUJPOQBUIPHÏOJRVFEÏDPVWFSUFDIF[VOQBUJFOUFODPVST
d’exploration (mutation associée ou probablement associée
ËVOF$%7%"
Histologie
Sur ≥ 1 échantillon prélevé sur la paroi libre VD (sur une pièce
de biopsie myocardique)
$BSEJPNZPDZUFTSÏTJEVFMTQBSBOBMZTFNPSQIPNÏUSJRVF
PVTJFTUJNBUJPO
- Associé à un remplacement tissulaire par de la fibrose
- Associé ou pas à un remplacement graisseux
Critères mineurs
Histoire familiale
t)JTUPJSFEF$%7%"DIF[VOBQQBSFOUÏEFQSFNJFSEFHSÏTBOTQPV-
voir déterminer si les critères de la Task Force sont atteints ou pas
t.PSUTVCJUFTVTQFDUFEF$%7%"DIF[VOBQQBSFOUÏEFQSFNJFS
EFHSÏBOT
t$%7%"BWÏSÏFTFMPOMIJTUPMPHJFPVTFMPOMFTDSJUÒSFTEFMB5BTL
Force chez un apparenté de second degré
Histologie
Sur ≥ 1 échantillon prélevé sur la paroi libre VD (sur une pièce de
biopsie myocardique)
$BSEJPNZPDZUFTSÏTJEVFMTFOUSFFUQBSBOBMZTFNPSQIPNÏ-
USJRVFPVFUTJFTUJNBUJPO
- Associé à un remplacement tissulaire par de la fibrose
- Associé ou pas à un remplacement graisseux
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