il existe une forte pression de sélection sur l’ensemble des
gènes de l’ERV. En effet, l’accumulation de mutations
délétères, en particulier dans le gène env, empêche la
prolifération par réinfection de ces éléments.
Il existe plusieurs cas décrits d’ERV capables de s’amplifier
par infection. Chez la souris, notamment, plusieurs éléments
fonctionnels ont été isolés et caractérisés, appartenant aux
familles MLV et MMTV endogènes [17], IAPE [18] et
GLN [19]. En règle générale, parmi l’ensemble des copies
d’une famille d’ERV, seules quelques copies ont la capacité
de s’amplifier par infection, les autres ayant été inactivées
au cours des générations. Par exemple, pour chacune des
familles IAPE et GLN de souris, seule une copie fonction-
nelle a été identifiée (sur les 250 copies IAPE et les 80
copies GLN respectivement présentes dans le génome de
la souris). Ces deux familles correspondent probablement
à des familles d’ERV en voie d’extinction.
Chez l’homme, aucun HERV (human endogenous retrovirus)
n’a pour l’instant été identifié comme étant capable de
produire des particules virales infectieuses. La famille ayant
montré des traces d’activité la plus récente est la famille
HERV-K(HML-2). En effet, même si cette famille a colonisé
le génome des primates il y a plus de 30 millions d’années,
certaines copies HERV-K(HML-2) ne sont retrouvées que
dans une fraction de la population humaine, indiquant qu’il
existait des copies HERV-K(HML-2) fonctionnelles après la
spéciation de l’homme [20, 21]. L’analyse du rapport entre
mutations non synonymes et synonymes (dN/dS) des copies
HERV-K(HML-2) du génome humain a de plus permis de
préciser le mode d’amplification de cette famille d’éléments
[22]. Si ces éléments se sont amplifiés de façon intracellu-
laire, le rapport dN/dS du gène env serait approximativement
de 1, car il n’y aurait pas eu de pression de sélection sur ce
gène non essentiel dans ce type de cycle de multiplication
[22]. De façon similaire, une amplification de ces éléments
par complémentation en trans, en utilisant la machinerie
protéique d’une autre famille d’éléments mobiles, n’aurait
pas entraîné de pression de sélection sur les gènes gag ou
pol. Le rapport dN/dS des gènes de différentes copies
HERV-K(HML-2) s’est avéré être nettement inférieur à 1
et, dans certains cas, proche du rapport dN/dS obtenu pour
des rétrovirus « classiques », révélant ainsi une pression de
sélection dite « purifiante » sur l’ensemble des gènes,
y compris le gène env [22]. Ces données sont en faveur
d’une prolifération de ces éléments par réinfection de la
lignée germinale. Ce type de résultats a été retrouvé pour
huit autres familles d’ERV chez l’homme.
« Intracellularisation » des ERV
Parallèlement à ce mode d’amplification par réinfection, les
ERV peuvent s’amplifier dans le génome de l’hôte en
réalisant un cycle strictement intracellulaire aussi appelé
rétrotransposition (figure 3). Contrairement à l’amplifica-
tion par réinfection, la rétrotransposition ne nécessite pas
la présence d’un gène env fonctionnel. Ce mécanisme
d’amplification a été détecté à faible fréquence pour des
éléments MLV également capables de se propager par
infection [23]. L’étude du rapport dN/dS des gènes de
différents HERV a permis d’identifier que certains
éléments, appartenant à la famille HERV-K(HML-3), ont
utilisé ce mode d’amplification pour coloniser le génome
humain [24]. Chez la souris, deux familles d’ERV se sont
efficacement amplifiées par rétrotransposition [25, 26].
Ces éléments, les IAP (pour intracisternal A-type particles)
et les MusD (pour Mus musculus type D ERV), sont
responsables de la plupart des cas de mutations spontanées
associées à des ERV identifiés chez la souris [16]. L’expres-
sion des éléments IAP et MusD est associée à la production
de particules virales restant strictement intracellulaires,
induisant l’intégration de nouveaux provirus dans le
noyau de la cellule productrice. Si cette cellule appartient
à la lignée germinale, ce processus permet de coloniser effi-
cacement le génome de l’hôte en favorisant la transmission
à la descendance des nouveaux provirus intégrés. Les
éléments IAP et MusD ont la particularité de ne pas
posséder de gène env. Des analyses phylogénétiques basées
sur le gène pol de ces éléments ont cependant permis
de confirmer leur origine rétrovirale [27, 28]. Ils sont en
particulier bien distincts des rétrotransposons à LTR
comme les éléments copia, Ty1 ou Ty3, des éléments
également intracellulaires, dépourvus de gène env, mais
ayant une origine évolutive distincte. Ces éléments MusD
et IAP dérivent de rétrovirus ancestraux ayant subi des
modifications au cours de l’évolution aboutissant à leur
transformation en éléments strictement intracellulaires.
Les étapes clés de ces modifications ont été récemment
identifiées. Les éléments MusD sont capables de produire
des particules virales s’assemblant dans le cytoplasme mais
qui, contrairement aux particules rétrovirales classiques, ne
sont pas adressées à la membrane plasmique et ne bour-
geonnent pas à l’extérieur des cellules. Ces éléments, en
effet, ne possèdent pas de signal d’adressage à la membrane
plasmique au début de la protéine Gag. Ce signal, retrouvé
classiquement chez les rétrovirus, consiste en un site
d’ancrage d’un acide myristique suivi par un ensemble de
résidus basiques. L’acide myristique est une longue chaîne
carbonée conférant un pôle hydrophobe à la protéine Gag et
permettant son interaction avec la membrane plasmique.
Les résidus basiques, chargés positivement, interagissent
avec les phospholipides de la membrane plasmique chargés
négativement et stabilisent l’association de Gag avec la
membrane. Il est important de noter que les rétrovirus
de la famille des spumavirus ne possèdent pas de signaux
de myristylation au niveau de leurs protéines Gag.
revue
Virologie, Vol. 14, n
o
2, mars-avril 2010 145
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