De même que Tchekhov est l’auteur de nouvelles qui sont devenues les modèles du genre,
il a composé des “petes” pièces qui, étudiées par tous les élèves des conservatoires et
écoles de théâtre, sont parmi les plus grandes du répertoire mondial. Il les a écrites pour la
plupart en 1888 et 1889, soit entre la première et la deuxième version d’, au moment
où il s’interrogeait avec le plus d’acuité sur le théâtre. Exemples de nesse et de légèreté,
ces courtes pièces sont souvent des transposions de nouvelles d’une densité parculière,
comme dans le cas de (1884), “étude dramaque” qui est un véritable chef-
d’œuvre.
Cee courte pièce rée des pièces en un acte de Tchekhov est écrite à parr d’une de ses
nouvelles .
Tchekhov l’a qualiée « d’étude dramaque » c’est-à-dire de pièce courte non comique. Il
mène ici une expérience d’écriture libre à parr d’une idée.
C’est sa deuxième pièce, écrite à 24 ans, six années après.
Découverte sur le tard car interdite par la censure en 1884, elle n’a jamais été jouée de son
vivant.
Dans une auberge au bord d’une route déserte, des personnages de tous horizons et de toutes
condions sociales se retrouvent à l’abri pendant une nuit d’orage. Cee pièce est en toile
de fond une peinture sociale de cee immense Russie rurale et croyante de la n du XIXème
siècle. Un drame personnel et passionnel va se dévoiler à tous dans cet espace où public et
privé se confondent.
(…) Dans tout ce qu’a écrit Tchekhov, vous ne trouverez pas un seul héros. Pas de héros. Tout
Tchekhov est là. Il nous montre la vie telle qu’elle est. Il nous parle de ces hommes, de ces
femmes que nous voyons partout et toujours...
Dans l’immense Russie, il a su voir et comprendre tous ceux qui ne représentent rien
d’extraordinaire, qui ne sont pas des héros, mais qui forment la Russie. Il allait dans les coins
les plus perdus de la Russie et il regardait comment vivent là-bas les êtres humains, ce qu’ils
font, ce qu’ils pensent. Et il nous raconte tout cela.
Que de forces, que d’amour, que de larmes et de sourances il a trouvé dans ces endroits
inconnus ! Mais cee force et cet amour ne font pas de grandes acons, ne forment pas des
héros — non, tout reste là-bas, dans cee pete ville perdue, tout vit ignoré de tous, enseveli
sous la neige, étoué par la vie. Mais cela n’en existe pas moins.
Et ces êtres qui sourent, et qui aspirent, et qui auraient pu devenir grands, accomplir des
acons héroïques, ces êtres ne sont-ils pas dignes aussi de notre aenon ?
Ce sont ces êtres-là que Tchekhov a choisis pour nous les montrer, pour nous dire que ces
inconnus de la grande vie qu’il a profondément aimés sont dignes d’être vus de plus près,
que c’est peut-être, précisément, dans leurs âmes que nous trouverons la «vraie» beauté, le
«véritable amour».
in Silex n°16, réédion, Le théâtre des Idées,
Gallimard, 1996, p. 2
En cherchant une pièce qui pourrait avoir un lien avec
j’ai relu .
Cee pièce chorale de 55mn où toute l’acon se déroule
en une soirée dans un lieu unique, m’avait interpellé
depuis longtemps.
On y voit une communauté d’hommes et de femmes de
condions très pauvres réfugiés dans une auberge au
milieu de nulle part, où ils passent la nuit sur des bancs
pour les plus chanceux ou à même le sol. Ils ont des
histoires personnelles très diverses mais ils sont réunis
par un violent orage au dehors.
Seuls quelques personnages interviennent du dehors,
sinon toute l’acon est un huis-clos pendant lequel le
drame inme de Sémione Serguéïévitch Bortsov va
éclater aux yeux de tous.
Bortsov, ancien grand propriétaire ruiné est
un homme brisé.
Il fait pare des « clients » de passage de
cee auberge. Tout le sépare de cee
communauté, il est même présenté
comme un marginal : il n’a pas du
tout le même statut social, il est ivre
et en manque d’alcool, il est porteur
d’un drame personnel terrible. Il va
traverser l’humiliaon en mendiant
pour de l’alcool. Lorsque son histoire
malheureuse sera révélée à tous, il
semble toucher le fond, pour enn se
faire accepter par cee communauté
humaine qui nit par fraterniser avec lui et
même s’idener à lui.
Les coups de théâtres sont nombreux au cours de ce
« temps arrêté », de ces personnages autour du
thème de la reconnaissance et du dévoilement cher à
Tchekhov qui se plaît à mere en scène trois rencontres
improbables dans cee pièce dont la puissance graduelle
ne cesse de progresser jusqu’à l’éclatement nal.
Pédagogiquement, nous permet
d’explorer un sens du collecf très fort puisque l’acon
est chorale et à la fois de jouer des personnages très
marqués, entraînant les acteurs entre composion et
vérité dans une situaon unique mais en constante
évoluon.
Anton Pavlovitch Tchekhov (en russe: Антон
Павлович Чехов) est un écrivain russe.
Il étudie la médecine à l’université de Moscou et
commence à exercer à parr de 1884. Se sentant
responsable de sa famille venue s’installer à Moscou
après la faillite du père, il cherche à augmenter
ses revenus en publiant des nouvelles dans divers
journaux. Le succès arrive assez vite, mais il ressent
les premiers eets de la tuberculose, qui le contraint
à de nombreux déplacements pour trouver un
climat qui lui convienne mieux que celui de Moscou.
En 1878, Tchekhov rédige pour la première fois une
pièce de théâtre, laquelle doit avoir pour tre
et est dédiée à Maria Iermolova, une actrice
renommée qu’il admire. Mais cee pièce ne
rencontre aucun écho favorable à Moscou .
Dans les années 1890, Tchekhov se
consacre à la dramaturgie.
En 1887, il assiste à la créaon de sa
première grande pièce, Entre
1888 et 1889, il écrit plusieurs petes
pièces en un acte ainsi que
qui, une fois remaniée en
1896 sous le nom d’ ,
devient et demeure encore aujourd’hui
une de ses pièces les plus connues.
Bien que refusant l’engagement polique,
il est extrêmement sensible à la misère
d’autrui. Il ouvre des dispensaires, soigne
gratuitement les plus pauvres, et favorise la créaon
de bibliothèques.
En 1890, malgré la maladie, il fait un séjour d’un an
au bagne de Sakhaline pour témoigner des condions
d’existence des bagnards ( , 1891).
Trois ans avant sa mort, il se marie avec Olga Knipper,
une actrice du Théâtre d’art de Stanislavski. Il meurt en
Allemagne, lors d’une cure dans un sanatorium, à l’âge
de 44 ans.
Dans l’oeuvre de Tchekhov, les personnages sont
terriblement humains, égarés entre leurs regrets et
leurs espoirs. Les nouvelles d’abord (près de 650),
le théâtre ensuite ( , ), font de
Tchekhov, de son vivant, une gloire naonale russe, à
l’égal de Dostoïevski et de Tolstoï.